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■
1
HARVARD COLLEGE
LIBRARY
non THE BEQUEST OF
JAMES WALKER
(CUm of 1814)
Preaidenl of Harvard Collège
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3
IJILLIEHKKT DE LAVAHDl
ÉVÊQUE DU MANS, ARaitAÈQUE DK'
(10ri(i-tl33)
SA VIE. — SES LKTTRES
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PARIS
IJBRAIIUEA. PICARD ET FILS
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HILDEBERT DE LAVARDIN
ÉVÈQUE DU MANS, ARCHEVÊQUE DE TOURS
(1056-H33)
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HILDEBERT DE LAVARDIN
ÉVÊQUE DU MANS, ARCHEVÊQUE DE TOURS
(1056-H33)
SA VIE. — SES LETTRES
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ATTACHÉ AU DÉPAHTEMENT DBS MËDAir.LliS HT A-VriUTES
DB LA BmLIOTHBQIIE NATIONALE.
PARIS
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G. FLEURY ET A. DANGIN
94, PLACE DBS GROUAS
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A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE
Cette thèse a été présentée à VEcole des Chartes
en 1895^ mais nous l'avons depuis entièrement
refondue et enrichie d'éléments nouveaux , puisés
aux bibliothèques des départements et de l'étranger.
A ce propos^ nous remercions vivement^ pour la
complaisance extrême quHls ont mise à nous fournir
tous les documents susceptibles de nous venir en
aide: M. Gilson, du British Muséum; MM. Chava-
non. Dolbet, de Grandmaison, Ixiurain et Brindeau,
archivistes ; MM. les bibliothécaires d'Angers, de
Douai, de Grenoble, de Tours et de V école de
médecine de Montpellier; MM. les Conservateurs
des manuscrits des bibliothèques de Berlin, Berne,
Bruxelles et Vienne, de Cambridge, Munich et
Venise; M. Paul Lecacheu^t, membre de l'école fran-
^i
çaise de Rome. La Revue historique du Maine, qui
nous a offert Fhospitalitéy a droit de notre part à
une mention de reconnaissance et enfin nous n^ou-
blierons pas que c'est M. Auguste Molinier, pro-
fesseur à VÉcole des Chartes, qui nous a encouragé
à reprendre et à poursuivre ce travail ; puisse le
lecteur trouver à son tour que nous n^avons pas
perdu nos peines I
3i Décembre 1897.
HILDEBERT DE LAVARDIN
ÊVÊQUE DU MANS, ARCHEVÊQUE DE TOURS
{l{fô6-1133)
PREMIERE PARTIE
SA VIE
CHAPITRE PREMIER
SOURCES DE L'HISTOIRE ET BIBLIOGRAPHIE
Hildebert, cvêque du Mans, puis archevêque de Tours, b.
la fin du XI^ siècle et au commencement du XII", est un
prélat fameux dans l'histoire des lettres latines du Moyen-
Age, Pour écrire sa biographie avec les développements
qu'elle comporte, nous avons eu h consulter divers docu-
munls dont l'examen, très important au point de vue
critique, doit servir d'introduction ù notre récit.
SOURCES DIPLOMATIQUES
Nous parlerons d'abord des Sources diplomatiques. Un cer-
tain nombre de charles portent le nom d'Ilildebert, soit
— 2 —
qu'elles aient été concédées par lui, soit qu'il y figure comme
témoin. Mais ce n'était pas dans les dépôts du Mans et de
Tours , que nous avions chance d'en trouver beaucoup : les
archives départementales sont pauvres pour ces époques
éloignées.
DÉPARTEMENTS. — Au Maus, le fonds de l'évéché remonte
à 1324 seulement, celui du Chapitre à 1334, et les premières
Chartes originaleA de l'abbaye de la Couture (1), comme de
celle de Saint-Vincent, portent le sceau de Guy d*Etampes ,
le successeur d'Hildebert. Seuls, le fonds de l'église collégiale
de Saint-Pi erre-de-la-Cour et celui du prieuré des moines de
Saint-Aubin d'Angers à Avezé(Sarthe) offrent quelques actes
intéressants, recueillis par dom Piolin aux pièces justificati-
ves de son Histoire de Véglise du Mans (t. III).
A Tours, les registres de l'archevêché ont été brûlés
presque en totalité à la Révolution ; quelques liasses de
titres domaniaux, quelques documents relatifs à la juridic-
tion archiépiscopale, ont seuls échappé à la destruction et
permettent, tant bien que mal, d'apprécier la valeur des
possessions temporelles des archevêques de Tours (2); mais,
si vous voulez constituer un dossier sur l'administration
d'Hildebert, les éléments vous feront totalement défaut. —
Après l'archevêché, vient le Chapitre de l'église métropo-
litaine. Des documents nombreux et anciens nous donnent
une idée de la richesse et des prérogatives de ce Chapitre et
(i) Sanctus Petrus de Cultura. — L*abbaye de la Coutu re est aujour-
d'hui occupée par la préfecture et les services départementaux. Saint-
Vincent est devenu le séminaire. Ces deux monastères étaient situés
en dehors de la vieille ville, ainsi qu'un troisième, de l'autre côté de
la Sarthe, Notre-Oame-du-Pré, abbaye de religieuses dés le temps
d'Hildebert, qui a conservé son église et perdu ses bâtiments. Quant
à ceux de Saint-Pierre-de-la-Gour, on a mis à la place un lycée de
fllles, et le lycée de garçons a hérité du collège des Oratoricns (au
moyen âge, prieuré de Saint-Ouen, qui appartenait aux moines de
Saint-Aubin d'Angers).
(2) Voyez la Notice qui sert de préface au CcUcUogtie des archives
d'Indre-et' Loire, par M. de Grandmaison.
N
il en est de même de l'église collégiale de Soinl-Mai'Liii,
dont on a conservé les inventaires (analyses des pièces avec
citations), tandis que les oi-iginauic périssaient; mais
l'abbaye de FonLiine-les-Blanclies est la seule dont un par-
clieinio présente le nom d'Hildebert, archevêque (H27). —
L'évoque du Mans est plus heureux, même à ïoui-s : il est
mentionné h propos du prieuré fondé par les moines de
Marmoutier {Indre-el-Loire), à Villiers-Charle magne, dans
la Mayenne (1114), et de celui dépendant de Saint-Julien de
Tours à BeaumoiiI-la-Chartre (109C).
Nous espérions aussi rencontrer le seing d'Uildeberl dans
les archives de la Mayenne, de l'Orne et de hoir-el-Cher,
puisque le premier de ces départements, h l'exception des
environs de ChâLeau-Gontier, le second pour la Ferlé-Macé
et Domfront, le troisième pour Mouloire et Lavardin, dé-
pendaient du diocèse du Mans. Or seules les archives de
Loir-et-Cher nous ofTi-enl trois titres où est mentionné
Hildebert. Il donne sa garantie à la promesse faite par
I Gaimard, seigneur de Lavardin, qui avait été excommunié
par les moines, d'abandonner tous ses droits sur les vins
, et pressoirs du prieuré de Marmoutier à Lavardin ; — il
l met l'abbaye de Saint-Georges-du-lîois, pour punir les
' moines de leur indiscipline, sous la dépendance de Mar-
L moutieri — et enfin son nom sert ù dater approxiraalïve-
I menl l'acte par lequel Hugues, Ûls de Robert, et Eudes de
I Fréterai aftrancbissent une colliberte. Ces trois chartes,
I aujourd'hui éditées (1), avant de figurer au dépôt de Blois,
\ se trouvaient à Tours dans les archives de Marmoutier.
Des collections de chartes séparées, passons aux recueils
C de copies qui eu furent faits par les intéressés pour les
[' besoins de leur admiuisi ration et de leurs procès et qui
I constituent comme des originaux du second degré ; c'est ce
1 qu'on appelle les CaHulairen.
Un volume du plus haut intérêt pour nous est, à ce titre,
(t) Voy. plus liiiii : Cartiilaire l'U'gois Je Marifioutier.
— 4
le « Livre blanc » du Chapitre de Saint-Julien, église cathé-
drale du Mans, conservé à la bibliothèque de cette ville
sous le n« 259, et qui fut composé pour la plus grande part
au XIII® siècle avec les pièces antérieures. L'abbé Lottin,
qui en avait entrepris la publication, a donné les deux pre-
niières parties, les seules qui nous concernent, en 1869 (1).
Hoël, le prédécesseur d'Hildebert, notre évèque lui-même
et Guy d'Etampes y figurent à plusieurs reprises. — A la
bibliothèque du Mans aussi se trouve le cartulaire de l'abbaye
de la Couture. Dom Piolin en avait imprimé des extraits,
lorsqu'il fut publié intégralement par les Bénédictins de
Solesmes (2).
Quant aux monastères des pagus voisins, qui avaient des
possessions dans le diocèse, mentionnons le cartulaire des
moines de Marmoutier à Vivoin (Sarthe). Il contient (Bib.
du Mans, f^ 136) une reconnaissance de propriété par
l'évêque Hildebert, mais qui est datée de 1090, date certai-
nement fautive (3). Le cartulaire de Savigny (aux archives
de la Manche) relate le don fait aux moines par le seigneur
de Mayenne et confirmé par Hildebert. On y voit aussi que
l'évêque assistait en 1119 le roi Henri I«f d'Angleterre,
quand il prononça en faveur de cette abbaye.
Du cartulaire de l'archevêché de Tours, il existe aux
archives d'Indre-et-Loire une excellente copie ancienne ,
exécutée au XVIIIo siècle pour l'archevêché par dom de
Bétancourt ; c'est là qu'on peut le mieux étudier la nature
et l'importance des prérogatives d'un archevêque de Tours
(i) Charlularium imtiynis ecclesiœ Cenomannensis quod dicitur Liber
albits CapituU. Le Mans, 1869, îii-4o. — Voy. sur cet ouvrage resté
inachevé Ja Notice.... de M. Léopold Delisle [Bibliothèque de VKcole
des chartes, t. XXXI).
(2) Cart. des abb. de la Couture et de Solesmes. Le Mans, 1831, in-i^.
(3) Carta de confirmaiiona domus Sancli Albini ab IldebertOj Ceno-
mannensi episcopo. La date, ajoutée en marge, est d'une écriture mo-
derne. I/abbé Denis, qui a publié cette charte, h la page 119 de son
Cartulaire du prieuré de Sainl-Hxppohjle de Vivoin et de ses annexes
(Paris, lK9i), Ja croit des environs de 1125.
au moyen âge. Ce c;artul<iire a été publié dans los M^iioirei
de tfi Société archéologique de Touraine, tomes XXXVII
ol XXXVIII, 1893 et 1894, par M. Louis de Crandniaison. Il
s'intitule: Liber bonarnm gentium vel bonorum acluum. li
débute par une liste des archevêques depuis saint Gatieii,
liste dans laquelle Hildeberl n'est même pas nommé,
puisque de Gislebert, son prédécesseur, on passe à Hugues
sans transition ! Mais on trouve en entier la bulle du pape
Innocent, de juin 1)90, qui explique longuemeut les origi-
nes et les péripéties du différend entre les évèques ou
archevêques de Dol et les archevêques de Tours, dilTérend
auquel prit part Hildeliert. — I^ cartulaire de t'abbaye do
Comiery est h la biblitnhèque do Tours, mars il ne liut pas
mention d'Hildebert. — t^^lui de Nayers, abbaye située
vers le confluent de la Creuse et de la Vienne, a été édité
au tome XXII des Mémoires de la Société archéologique de
Touraine, d'après une copie manuscrite de la bibliothèque
de Poitiers, par l'abbé G, Chevalier, en 1872; il donne le
texte d'une cliarle citée par la Gallta chriatiaua h. l'article
Hildebertui.
Bibliothèque nationale. — Pour ce qui usi des autres
abbayes des diocèses du Mans et de Tours, les originaux,
chartes ou cartubiires, ont péri ; mais heureusement les
grands érudits du XVII' siècle et du XVIII" nous viennent
en aide. Ils connaissaient ces vastes recueils de titres qui
ont été détruits à la Révolution et en avaient fait des copies,
des extraits ou des mentions, qui, de Sainl-Germain-des-
Prés, ont passé & la Bibliothèque nationale et qui servent
puissamment i» reconstituer l'histoire.
Ainsi, nous n'avons plus l'original du « Cartulaire de
Saint-Vincent > pour les actes anciens ; mais une copie
exécutée ;ui XVII" sièile par les soins de Gaignières forme
la seconde partie du manuscrit 5444 du fonds latin de ta
Bibliothèque nationale, et M. Bilard s'est servi de cette copie,
— 6 —
en 1850, pour compléter celle, fort incomplète, qui existait
à la bibliothèque du Mans (1).
Mabille, à force de recherches dans les collections de la
Bibliothèque nationale, à réussi à reconstituer l'ordre et le
sujet des chartes de la « Pancarte noire » de Saint-Martin
de Tours ; mais Hildebert n'y est pas mis en cause.
Marmoutier avait plusieurs cartulaires ou recueils de
titres de propriétés correspondant aux divçrses régions où
se trouvaient ses possessions. C'était, pour le diocèse du
Mans, le Chartularium Cenomannense, aujourd'hui disparu,
mais qui fut connu de Baluze et de dom Rousseau (2).
Grandes étaient aussi les richesses des monastères
angevins, comme Saint-Aubin (3) et Saint-Nicolas ; elles ont
servi, avec le Chartularium Cenomannense de Marmoutier,
les cartulaires des monastères tourangeaux de Beaulieu,
Preuilly, Turpenay etc., à alimenter la collection des Docu-
ments inédits pour V histoire de la Tour aine ^ de V Anjou et
du Maine, collection réunie au XVIII° siècle par les Béné-
dictins et notamment par dom Etienne Rousseau, dont
elle porte le nom. Elle fut acquise parla Bibliothèque royale,
en 1811, de dom Villevieille, et elle est reliée en 39 volumes
cotés 1 - 30, avec un volume supplémentaire qui porte le
n® 31 (4). Les actes concernant spécialement la Touraine
(i) MM. l'abbé R. Charles et S. Menjot d'Elbenne ont entrepris la pu-
blication (le ce cartulaire dont ils ont donné un premier volume.
{Cariulalre de Vahbaye de Saint- Vincent. T^Mans, 1886, in-i».)
(2) Le Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois et celui pour le
Vendôinoia ont été publiés d'après dos manuscrits de la Bibliothèque
nationale, mais Hildebert n'y figure pas. — Il n'est pas nommé davan-
tage, si ce n'est à l'appendice et pour les chartes empruntées au
Chartularium Cenomannense^ dans le Cartulaire blésois de Marmoutier
et le Cartulaire de la Trinité de Vendôme^ recueils factices par l'abbé
Métais. — Quant au Cartulaire tourangeau de dom Cbantelou, c'est
moins un répertoire des chartes qu'une étude biographique sur les
abbés de Marmoutier.
(IJ) Le cartulaire de Saint-Aubin n'a pas péri, mais il est la propriété
de M. (irille, ancien bibliothécaire.
(4) Voyez Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXJUI.
- 7 -
ont été analysés par Mabille (Bibl. nalionale. Catalogue
n''66)(l). Les lomes III et IV de la collection renferment
copie des chartes pour la période qui nous occupe : le l",
de 1075 à 1100 ; — le 2', de 1100 a 1139 (2).
L'HUtoire de Bretagne (3) n'a pas été seulement préparée,
mais écrite par le Bénédictin dom Lobineau et les • preuves »
que dom Morice y a jointes (Probata) contiennent plusieurs
chartes qui, tirées d'un ancien cartulaire de l'abbaye de
Redon, ne figurent pas dans le manuscrit de ce cartulaire
édité par M. Aurélien de Courson (4) ; or, comme Hildeberl,
en sa qualité de métropolitain, a été mêlé aux événements
de la Province, nous avons lii encore un groupe de docu-
ments qui n'est pas à dédaigner.
Tableau des Actes. — Telles sont les sources diploma-
tiques (5) que nous fournissent les collections des départe-
ments et celles de Paris, touchant l'histoire de notre héros.
Indépendamment de l'usage que nous pourrons faire, au coûts
de celte étude, de telle ou telle charte, nous allons énumérer
par ordre chronologique tous les actes dates qui font mention
d'Hildebert. Nous ne donnons pas seulement, comme dom
Beaugendre (6), les diplômes qu'il a concédés ; empruntant
(\) Société archéologique de Tùuraine, tome XtV.
f3) On distingue dans c«tte collection plusieurs écrilures. Des laïques
y ont contribué ; l'un d'eux, à propos du jugement prononcé sur
î'atTaire Salomon (n' lil07), trouve que le clerc criminel s'en tira È bien
bon compte, pur un simple serment, et il fait des rëtluxions amëres sur
l'indulgence de la juridiction du clergé à l'égard des siens.
(S) Analogue aux travaux érudits de la Bib. nat., l'flwt. de Mafmou-
lier parD, Marténe, que nous n'avons pu citer avec les simples recueils
de chartes, existe s Tours manuscrite. {Soc. de Touraine, t. XXV.
(4) Paris, 18G3 (Docaineata iaédita de Vliiiloire de France). — Ce
manuscrit appartient à M»' l'archevégue de Rennes.
(5)11 faut y joindre les Oftiiuairei, ou calendriers mortuaires, dont
M. Aug. Molinicr n drcssi- le catalogue dans l'étal actuel, (l^ris, 1)490.)
tR) llildeberti upera. Dans Migiie, Palml. tnl ,t.C.\.%Xl, Diplomala
(après les lettres), tieaugendrc ii'u d'ailleurs donne que six diplOmes ;
les sept autres ont été ajoutés par l'éditeur de sou travail dans la
collection Migne, le chanoine Bourassé.
— 8 —
le cadre beaucoup plus étendu de la Gallia christianUy nous
ne négligeons aucun des documents diplomatiques suscepti-
bles de nous renseigner sur les événements de sa vie et en
particulier sur ses voyages.
Comme archidiacre :
1 et 2. — Du Chapitre de Saint- Pierre-de-la-Gour, au Mans.
— Féviier 1096 (date établie par la présence d'Urbain II,
qui vint entre le 15 et le 26 pour prêcher la croisade ,
d'après les Régenta de Jaffé). Hildebert signe l'acte
par lequel un nommé Normand Riboule rend aux
chanoines la prévôté que ses ancêtres avaient usurpée,
et une autre charte qui leur restitue l'église de Cormes.
(Imprimé dans D. Pioliriy 49 et 50. — Copie manuscrite du
XVIIl® siècle aux Archives de la Sarihe^ G. 479.)
3. — Du Mans. — 1096. Il confirme aux moines de
Saint- Vincent la possession de l'église de Saint-Pierre-du-
Lorouer (1). (D. Martène, Ampl. Coll. I, 562. — Cartulaire
de Saint-Vincent : imp. n« 283, ms. p. 120.)
4. — Du Mans. — 25 juillet 1096, l'évêque Hoël étant au
lit de mort. Il est témoin de l'arrangement conclu sur le
cens dû au Chapitre, pour la terre de Vauboan, par les
moines du prieuré de Beaumont-la-Chartre, dépendant de
Saint-Julien de Tours. (Liber albus^ 190. — Archives d'Indre-
et-Loire, H. 479.)
Comme èvêque du Mans :
5. — Il signe « Cenomannensis episcopus » au con-
cile de Saintes. — Mars 1097. On sait donc par là ,
malgré les assertions contraires, qu'Hildebert était déjà
(I) De fxtboratorio. — Oratonum, dans rin(îre-ct-fx)ire, adonné, par
déi'ivatiun de la forme altérée I^oratorium, Le Louroux et, par voie
directe, Auzouer, deux noms qui participent, l'un pour ses premières
syllabes, l'autre pour sa finale, de notre Le Lorouer.
i sacré évèque du Mans à cette date ; autrement, il
s'intitulerait « évoque élu ». On trouve le jour même de sa
I consécration au cartulaire de Saint-Vincent (i). C'est le jour
de Noël, et nous ajoutons : Noël 1096, date qui servira de
base & notre récit pour la chronologie toute entière. (Mansi,
Concil. t. XX et Mabilloii, Annales, t. V.)
(i et 7. — Du Mans. — 20 juin 1097. Il confirme aux
moines de Saint-Nicolas d'Angers leurs églises dans sou
diocèse. [CoUectioti D. Housaeau, 1011 et 1017 bis.)
8, — D'Angers, à la cour du comte Geoffroy. — 6 novem-
bre 1098. Il juge avec ses pairs d'une contestation entre les
abbés de Saint-Nicolas' et de Saint-Aubin au sujet de la forêt
des Echast (2). (Coll. D. H. 1022.)
0, — Du Mans. — La date porte xvii des kalendes de
[ janvier, l'an rie l'Incarnation 10:)8, indiction vi, l'an II de
I l'épiscQpat d'Hildebert. Le 17 des kalendes de janvier, c'esl
j lo 16 décembre. Que le millésime s'arrêtât à Noël ou k
Piques, l'année exprimée, le 16 décembre, concordait avec
lu nôtre. Je date par conséquent : « 16 décembre 1008. i La
I suconde année de l'épiscopat doit aller, nous présumons, du
i 25 décembre 1097 au 25 décembre 1098, ce qui est vérifié,
tjuont au chiffre de l'indiction, il concorde avec l'année 1098,
l dès qu'on fait partir du t" janvier 313 la première période
1 indietionnelle Çt). En un mot, cette charte, que n'a pas men-
I tionnée la Gallia, confirme ses hypothèses sur la date de
I consécration de l'évèque Hildebert ; elle est écrite en faveur
des moines de Saint-Aubin d'Angers, pour leur église de
' Saint-Ouen au Mans. (Deaugendre, I ; D. Piolin, 69 a. —
Ms. dans tSaluze, 120; Gaignières, fouds latin 17036.)
(I)« Oie i]ua idem lldaberlus a pr-edicto orchiepiscopo in sede
[ «ua poHihiH est, qui scîlicet Nutalis Uamiiii eral.... i> (N° 350 de l'im-
Iirimé -, page IW itii mniiiiscrit.)
d) Caliarum.
13) U formule M-31S/Î5 donne pour reste Ij. Ooiic MJH est la
l> année d'une période iiLdiclioiiuelle.
— 10 -
iO. — D'Angers, à la cour du comte Geoffroy. — 1099. Il
prononce avec ses pairs entre les moines de Saint-Aubin et
de Saint-Nicolas qui se disputaient le bois de Pruniers (1),
près d'Angers. {Coll, D. H. 1028.)
a, — Du Mans. — Novembre 1100. Fondation du prieuré
d'Avezé, dépendant de l'abbaye de Saint-Aubin. (D. Piolin,
63. — Original aux Archives de la SaHhe^ H. 290.)
12. — De la Flèche. — 1102. En faveur des moines du
prieuré de Malicorne contre Gaudin, seigneur de ce lieu.
(Imp. jD. Piolin, 69 b. — Ms. Collon D. H, 1216 et Gaignières,)
i3. — D'Angers, à la cour de Tévêque. — 1104. Hildebert
souscrit à un nouvel accord conclu» entre les moines de
Saint-Aubin et de Saint-Nicolas au sujet de la forêt des
Echast.
i4. — De Nantes, à la cour de Tévêque. — 1105. Souscrit
à un décret de l'évêque Benoit, instituant des chanoines
dans l'église Saint-Médard de Doulon. (D. Moricey Prob.
t. I, col. 509 et D, Martène, Thésaurus^ t. I, p. 316.)
15, — Du Mans. — 1106. Confirme les possessions des
moines de Saint- Vincent dans son diocèse. (Beaug, XI et
D. Martène, Ampl Coll. I, 606.)
i6, — De Tours, par-devant le pape Pascal II. — Mars
1107. Est témoin du jugement rendu contre les moines de
Noyers au sujet de l'église de Crouzilles. {Cartulaire de
Noyers^ n^ 357.)
i7. — Du concile de Troyes. — Mai 1107. Souscrit à un
diplôme rédigé en faveur des moines de Gluny. (D'après une
lettre de Pascal II à Hugues, abbé de Gluny, ap. Rer. GaUic.
script, t. XV, p. 38.)
i8. — Est au concile de Loudun. — 1109. (Labbe, Mansi,
Concil.) Approuve l'accord conclu entre Marmoutier et
les chanoines de Ghemillé au diocèse d'Angers. (Impé d'Ache-
(1) Dom Housseau écrit Prunières, qui traduit mieux le Prunarias
de la Galliay mais il n'y a pas de localité de ce nom au Dictionnaire
des postes pour notre région.
^
w^
- w -
ry, Spicil. t. I, Rar. Gallic. script, t. XV et Maratu (1), n" 4.
— Ms. Gmijiiièreu, t. I. 5441, II.)
iif. — D'Etival-en-Charnie. — 1109. Fondation de l'abbaye.
(Vîdimus de 1285 par Itaoul de Beaumoiit, impé par D.
Pioliti, 53 et ms. dans Gaifj'iières, t. I. 17097.)
20. — De Malicorne, — 1109. Va trouver Gandin de
MaJicorne avec l'abbé de Sainl-Vincentot lo pousse à renon-
cer aux droits qu'il revendiquait contre le prieuré de Saint-
Guingaloisde Marmoutier. (CarttUaîre de Saitit-Vincent.l
Si. — Du Mans. — 1109. Sanctionne le don d'une vigne
fait par le chanoine Kngelbaud à l'abbé de Suint-Vincent.
(Cartulaire de Saint-Vincent. j
9S. — Du Mans. — 1111. Confirme les possessions des
moines de Siiinl-Aubin dans son diocèse. (Liber albus, 110
et D. PioHn, 59. — Vidimus du 13 novembre 1582 aux
Archives de la Sarthe, H. 267.)
55. — Du Mans.— 1112. Fait rendre aux moines de
Saint-Aubin, trois églises par Raoul, vicomte du Lude.
(CoUon B. H. 1316.)
S4. — Du Mans. — 1112. Hildebert remet à l'abliaye de la
Couture, moyennant (inances, des églises qu'il avait recou-
vrées sur les laïques (2). {D. Pioiiii, 57 et CorlMiaire de la
Couture, 0° 33.)
35. — Du Chapitre de Marmoutier. — 1114 (3). Donne
aux moines l'église de Villiers-Charlemagne. (Beaug. XII et
Baluze, Miscellanea, t. III, p. 63. — Collo» D. H. l^fôl.)
56. — D'Angers, dans la cour de l'évéque. — 1116, Est
juge dans la cause du meurtrier Salomon. {CaU<"t D. il.
1367.)
(1) ALilHi Marutu. Girard, évèjue iC AnyoMième. Omis le BuUelin hulo-
rjtfu« du la Charente (18(>t).
(S) Parmi ces égltsesfl^re celle d'Jv«sia IWbise), qu'il ne faut pas
Gonrondre avec Avenrmim (Aveïé), cité plus haut,
(3) l.'iuventaiiv de MurmoiititT. oiix Arrhixies d'Indre-et-Loire, meii-
tionni! cet ucle avec lu date iïiusse Jb 1121.
I
— 12 -
27 et 28. — D'Angoulême(l). — 17 février 1117. Approuve
l'accord entre Tabbé de TEcluse et celui de Tulle au sujet
de Téglise Saint-Nicolas d*Aurioles. (Impé Baluze, Hiift.
Tutel, append. col. 441) et, dans le même concile, la con-
vention faite par l'abbé de Limoges et celui de Saint-Etienne-
des-Vaux. (Ms. f. 1. 10124.)
29, — De la Flèche. — 1117. Souscrit à une charte de
Foulques, comte d'Anjou et du Maine, par laquelle le prieuré
de la Fonlainc-Saint-Martin (Sarthe) est donné aux reli-
gieuses de l'abbaye de Saint-Sulpice de Rennes. {Gaignièresj
f. 1. 17048.)
30, — Du Chapitre de Notre-Danae d'Evron. — 1118.
Donne l'église de Louvigné (2), près Laval, à l'abbé de
Marmoutier. (Beaug, IL — Ms. Baluze, 120 ; Gaignières,
f. 1. 5441, L)
31, — Du concile d'Angoulôme. — 1118. Souscrit au
décret par lequel le lieu dit Tussonest adjugé au monastère
lie Fontevrault. (Impé Maratu, n« 23 et Clypeus nasc, ord,
Fonieb, t. L)
32, — D'Argentan. — 25 décembre 1119 (3). Assiste le roi
(1) M. Ilauréaii, dans la Galliaj dit que cette charte fut composée et
HiKHÔo à Tulle (ri<<e/ie>. Mais, dans le texte donné par Baluze, on lit:
« EngolismiD convenerunt ». — D'autre part, si labbé Maratu n'a pas
coiiunis la même erreur, il a eu tort de donner comme quantième le
il) avril (on lit XIII des kalondes de mars et non de mai). — Cela posé,
noua rapprocherions volontiers cette charte de notre n® 31, en suppo-
wuit que, l'année commençant à Pâques, février 1117 corresponde
À notre 1118, mais l'indiction X, mentionnée dans les n<» 27 et 28,
nous forco h les mettre à part (puisque l'année 1 117 peut seule con-
corder avec l'indiction \\ et nous inclinons à l'hypothèse de l'abbé,
qu'il y aura ou deux conciles d'Angouléme, en 1117 et 1118. Hildebert
aura donc fait doux fois le voyage; mais comme nous l'avons dispensé
d'aller A Tulle, le déplacement que nous lui imposons n'a rien
d'exagéré,
(2) Lupinicu^on. Louvigné (Mayenne), plutôt que Louvigny (Sarthe),
d'upn>8 Lo Paigo, !)ictwu»aire du Maine,
{s\) Lo (oxto \kmW : Antio quo rex Atiglorum dimicavit et d^'Vavit
rtgem Francorum, ^Bataille de nrenneville ou Brémule, 1119.) Dans
lo coriw de lacto, on lit : apud Argenteium (Argentan ?) et en suscrip-
tiou : aptid Bc^ocas (à Bayeux).
- 13 —
Henri !«' d'Angleterre, quand il prononce entre l'abbaye de
Saint-Etienne de Caen et celle de Savigny au sujet de l'au-
mône de Mortain. (/fô6ert-jDwperron (1) et GaWta, XI, Ins-
trum. — Ms. dans Cartulaire de Savigny.)
33 et 34. — Du Mans. — 1120. Approuve les dons du
seigneur de Mayenne et de Robert Pavon, clerc de l'église
du Mans, propriétaire de Notre-Dame de Mayenne, à Mar-
moutier. {BeauÇj III et VIII et D, Piolin j6i, — Ms. Baluze^
120.)
35. — Du Chapitre de Notre-Dame de Josaphat au diocèse
de Chartres. — 11 janvier 1121. Souscrit à une* charte de
l'évêque Geoffroy, (Gallia^ VIII, Instrum. — Ms. Collo" d^
Chesncy vol. IV, p. 189.)
36. — Du Mans. — 1125. Confirme leurs possessions aux
moines d'Évron. (Beaug. IV.)
Comme archevêque de Tours :
37. — De Tours. — 1126. Hildebert confirme aux moines
de Missy l'église de Sainte-Maure. (Ms. D. Etiennoty f. 1.
12739.)
38. — De Tours. — 7 août 1127. Il sanctionne la donation
faite par le sire de Ghâteau-Regnault aux religieux de
Fontaine-les-Blanches (Galliay XIV, Instrum. Transcription
par l'ofQcial, aux Archives d'Indre-et-Loirej H. 112.)
39 et 40. — De Redon, au monastère de Saint-Sauveur.
— 23 et 24 octobre 1126 ou 1127. « Réconciliation » de
l'église à la suite des violences qui y avaient été commi-
ses et donation faite par Olivier de Pontchâteau {D. Morice^
Prob. col. 553 et 555. Cartulaire publié par Aurélien de
Courson, n» 347 et Appendice, 70.)
4i. — D'Angers. — 1128. Assiste à la translation des
reliques de saint Aubin dans une châsse neuve. (Z). Morice^
Prob. t. I, col. 559.)
4^. — De Tours. — 1128. Donne aux chanoines de
(1) Deven. Hildeberti vita. Bayeux, 1855. Pièces justificatives.
— 14 —
Toussaints, à Angers, Téglise de Saint-Hilaire de Tours,
restituée par Simon Machaud, chevalier. (Collon D, H. 1498.)
43, — De Turpenay, en Touraine. - 1129. Fondation de
l'abbaye. (D'après un fragment du cartulaire, déchiffré dang
la Collon D, H. t. XV.)
44. — De Sens. — 1132. Souscrit avec Geoffroy, évoque
de Chartres, et Etienne, de Paris, à un diplôme concernant
quelques églises données à l'abbé de Bonneval. (GaUia^
XII, Instrum.)
45 et 46. — De Redon, au monastère de Saint-Sauveur. —
Février 1133. Consacre la chapelle de l'infirmerie à sainte
Marie-Madeleine, préside un concile ou synode d'évèques
et souscrit à une donation de Guégon de Blain. (jD. Morice,
Prob., t. I, col, b68y ^9 et blO ei Appendice au cartulaire
publié, n« 74.)
§ II.
SOURCES NARRATIVES
ŒUVHES D'HILDEBERT ET DE SES CORRESPONDANTS
Parmi les Sources narratives, celles qui émanent d'Hilde-
bert lui-même et de ceux qui furent en relation avec lui
doivent naturellement être consultées en première ligne.
Lettres. — Ses lettres nous fournissent quelques rensei-
gnements ; mais nous ne croyons pas devoir aborder dès à
présent l'examen critique des divers manuscrits qui les
renferment : pareille étude trouvera plus loin sa place (1).
Notons seulement, dans l'édition qu'a donnée dom Beau-
gendre {Uïgne, Patrol, lat,j t. CLXXI, Hildeberti opéra), les
(i) II» partie, chapitre I«'.
1
— i5 -
leUres II, 8 ; — II. 17 et 18 ; — III, 7 et 21, h consulter pour
l'histoire de l'évêque du .Vans.
Dans la lettre II, 8, Hildebcrt s'excuse auprès des légats
du Pape de ue pas s'èlre rendu au concile de Poitiers, et,
en expliquant ses empêchements, fait l'historique des
troubles causés par l'invasion de Guillaume le Roux, roi
d'Angleterre et duc de Normandie, dans le Maine ; — dans
les lettres II, 17 et 18, il raconte son arrestation et son em-
prisonnement à Nogent-le-Rotrou par le ministre du comte
du Perche, ennemi des Manceaux, et dans la lettre III, 7,
les péripéties de son voyage au retour de Rome ; — dans la
lettre lU, 2l,enfm, il est déjà archevêque, mais il envoie
par écrit son témoignage dans un procès û l'abbé de Saint-
Vincent du Mans, et, faisant un retour en arrière, il fixe des
dates qui nous serviront de points de repaire pour sa
biographie.
Voilà tout ce que nous avons pour l'histoire de son
épisoopat dans la correspondance d'Hildebert. Il faut y ajou-
ter deux leltres qni lui furent adressées par Yves de
Chartres (Migne, Palrol. lat.,t. CLXII, n" 74 et 277) et huit
par Geoffi-oy de Vendôme (t. CLVII, I. 111).
La lettre 277 fui écrite par Yves, évoque de Chartres,
h Hildebert, k la suite d'une dénonciation que le parti des
chanoines hostiles h son élection avait faite des désordres
qu'ils lui reprochaient et qui le rendaient indigne, disaient-
ils, des fonctions épiscopales. Yves de Chartres renvoya les
accusations h l'intéressé en l'invitant à réfléchir.
Certains auteurs, désireux d'épargner à l'illustre évêque
du Mans cette mortification, ont soutenu que la lettre était
apocryphe, les autres qu'elle n'était pas à l'adresse
d'Hildebert.
Juret, éditeur d'Yves de Chartres (I), prétend que la
lettre était destinée à un Aldebert, qui ne serait point le
(1) Dans Migne.
— 16 -^
même que notre personnage : « Aldeherto Cenomanneiisia
ecclesise elecio ». C'est en effet ce qu'on lit. Mais d'abord,
celui dont il s'agit a été archidiacre de l'église du Mans et
puis « évêque élu » au temps d'Yves de Chartres, et où le
placer dans l'ordre des faits, sinon dans le cadre de cette
biographie? Ensuite, nous avons des exemples de Aide-
hertus et autres formes, tenant lieu de celle qui a prévalu ;
telle est la suscription de la lettre III, 1, d'Hildebert dans
Beaugendre (1), ou encore sa souscription h un diplôme de
l'évêque de Nantes en 1105, mentionné le quatorzième de
notre série.
Il reste à soutenir, comme l'a fait Beaugendre (2), que la
lettre n'est point d'Yves de Chartres et qu'elle fut supposée.
Or, nous la lisons parmi les siennes dans les manuscrits
2485 et 2487 de la Bibliothèque nationale. A la vérité, dans
le 2485, elle est la dernière du recueil ; mais, dans l'autre
manuscrit, elle se lit entre deux lettres copiées de la môme
écriture et qui furent manifestement composées par Yves
de Chartres.
Quant aux lettres de Geoffroy, abbé de la Trinité de
Vendôme, à Hildebert, elles sont pleines de récriminations
au sujet des empiétements de la comtesse de Vendôme ou
d'Hamelin de Montoire sur les biens que possédait l'abbaye
dans le diocèse du Mans, ou bien elles concernent Tafliure
du moine Jean, habile architecte, qui avait obtenu la per-
mission de venir travailler à la cathédrale du Mans et qui
resta dans cette ville malgré les ordres répétés de son
supérieur ; d'autres enfin ont rapport à l'élection disputée
de Rainaud de Martigné, évêque d'Angers.
Les lettres où on trouve l'historique de la querelle
d'Hildebert, archevêque de Tours, avec la cour de France,
sous Louis le Gros, et des discordes intestines qui s'ensui-
virent dans le diocèse, se lisent dans Beaugendre, au
(i; Credidi me peccaturum.
(2) Uildebcrti tifa, par Beaugendre, dans Mign«3.
- 17 -
livre IL Mais il ne faut pa> se tier U loriin- d:iii> le<]uel
il les présente, et, quant aux manu>ont>, ils lï* liront ]<a>.
au poinî de vue clirMnolc*giqiir, un nit- illour gi«.«iijvniont.
Par bonheur, la suite îles lettres se iwnnstitue aisément
d'après leur contenu.
ï^ lettre II, 33, n'est adressée à personne en particulier ;
supplique et remontrance au nji, reproches aux évèques
qui se montrent indifférents. Plaintes sur le malheur des
temps, on y fait allusion à ce qui vient de se passer sans
donner aucun détail précis. La lettre IL «W, est plus nari'a-
tive, plus explicite: l'archevêque y rappcll»' que, un an
environ après son an-ivée à Tuurs, le rûi a disposé, sans le
consulter, des charges de doyen et d'archidiacre ; il racoiilr
ses vaines démarches fi la cour de France, la ounfiscalion
qui s'ensuivit, et il demande au légat ses hons offices, pour
le réconcilier avec Louis VI.
Prenons les lettres qu'il adressa au pape Ilunorius. La
lettre II, 38, est la première de celles où il lui parle de ses
démêlés avec la cour de France. « Quantis.... sanctilatem. »
Les rapports se détendirent sur ces entrefaites ; car, dans
la lettre II, 40, Hildehert s'excuse auprès du Pape de n'avoir
pjis terminé une affaire dont il l'avait chargé, par la nécessité
où il fut de répondre aux avances du roi qui Finvitait à la
cérémonie du couronnement de son fils Philippe à RtMUîs
(Pâques H29). Mais la réconciliation n'était pas entière; elle
le devint grâce à l'intervention du roi d'Angleterre, Henri I**",
qu'Hildebcrt remercie par la lettre II, M).
Les lettres II, 30, 37, 38, racontent h\ (pierelle ilu doyen
Raoul, celui-là même que choisit Hildebcrl par opposition
à la volonté royale, avec le chanoine Nicolas, \r guel-apt^ns
dont Nicolas fut victime de la part du IVère du doyiMi,
l'instruction judiciaire et la mort de Raoul. Seuleni»Mil, la
lettre 38 est antérieure à la lettre 37 ; la lettre 38 sciilr parle
de la seconde audience où intervint le légal Girard cl du
— 18 —
départ pour Rome de Raoul, qui fut assassiné en chemin.
Hildebert en fut tellement irrité, qu'il écrivit une lettre de
protestation contre Fabus des appels en cour de Rome, et
c'est le n« II, 41 ; dans le II, 47, il se plaint encore que le
Pape ait levé des excommunications prononcées par lui.
Les lettres II, 30, II, 31 et II, 35, concernent les rapports
du métropolitain, archevêque de Tours, avec la Bretagne,
tant à propos de la succesîion de l'archevêque Baudry au
siège de Dol que du concile convoqué à Nantes par le duc
Conan III. Quant au n® II, 44, c'est une lettre adressée à
Hildebert par saint Bernard* pour le prier de faire acte de
soumission au Pape reconnu par Tépisôopat français ,
Innocent II, et de se détacher d'Anaclet, proclamé anti-pape.
Sermons, i?oÉsiES, etc. — Parmi les sermons d'Hildebert,
un seul a une valeur historique : c'est celui d'après lequel
il aurait été présent au concile de Chartres, en 1124, et y
aurait joué un rôle. On trouve ce sermon dans le manuscrit
de la Bibliothèque nationale f. 1. 2487, ainsi que dans un
manuscrit de la Bibliothèque ambrosienne (à Milan) , et
dom Brial a édifié là-dessus une petite dissertation fort
intéressante qui a paru dans les Mémoires de V Académie
des inscriptions (1).
Les poésies d'Hildebert nous donnent l'écho de ses sen-
timents dans plusieurs occasions mémorables de sa vie ;
citons les deux pièces relatives à son voyage à Rome (De
Boma)^ le poème sur son exil en Angleterre {De Exsilio suo
liber) et la réponse à une jeune fille, restée malheureuse-
ment inconnue, qui lui avait envoyé des vers pour le con-
soler. (Ad Virginem quamdam versu peritissimam.)
Enfin, Hildebert a écrit un ouvrage historique, la « Vie de
saint Hugues » (2), abbé de Gluny, où il a occasion de
(l) Plus exactement : Mémoires de V Institut. CUisse d'histoire, t. IV,
Ami.
C2) Saint Hugues, né en 102i, sixième abbé de Quny (1049-1109), légat
^» m'\ I
— 19 —
relater quelques souvenirs personnels. On doute au pre-
mier abord qu'il en soit Fauteur incontesté, car il s'intitule
simplement: « Hildebertus , professione sacerdos, vita
peccator », et il y eut plus d'un Hildebert dans le clergé au
XII*^ siècle ; mais, quand il raconte qu'il vint à Gluny, en
qualité d'archidiacre, avec l'évéque Hoël, son prédécesseur
{antecesisor noster Hoellus), le doute n'est plus permis. Dom
L'Huillier, moine de l'abbaye de Solesmes, qui a écrit en
1888 la Vie de saint Hugues^ avec une science digne en
tout point des meilleurs ouvrages des Bénédictins de l'an-
cien régime, dom L'Huillier atïlrme dans son introduction
que notre prélat s'est contenté de mettre en plus beau lan-
gage le récit des moines Gilon et Ezelon, au risque d'en
effacer la précision et la valeur documentaire. Mais Hilde-
bert lui-même, dans sa préface, ne se porte garant que des
choses qu'il m vues de ses propres yeux, et les deux ou
trois passages très courts visés par cette déclaration sont
les seuls qui intéressent notre sujet.
§111
SOURCES NARRATIVES
CHRONIQUEURS
Les Gesta. — Si la correspondance d'Hildebert est bonne
surtout pour éclairer son histoire comme archevêque de
Tours, en revanche nous avons pour son épiscopat une
précieuse chronique. C'est le récit qu'a donné un clerc de
la cathédrale, dans les « Actes des évêques du Mans »,
recueil fait à l'imitation du Liber pontificalis (1).
de Grégoire VII, mit les ressources de TOrdre au service de ses idées
de réforme et de domination théocratique. On peut dire que (Uuny
atteignit à Tépoque de saint Hugues son apogée.
(1) Tours n*a point la pareille, et pourtant le plus ancien livre épisco-
— 20 -
Nous en possédons deux textes. L'un est le manuscrit de
la bibliothèque du Mans n<* 224, reproduit par Mabillon dans
ses Vrlera mialecta (p. 313); l'ouvrage y est intitulé Actus
po7itificum Cenomannis in ui*he degenlium ; chaque « Vie »
particulière a le titre de Gesta (1). L'autre texte est la copie
faite par André Du Ghesne au XYII» siècle (Bibliothèque
nationale. Baluze, XLV, p. 131) d'après un manuscrit au-
jourd'hui perdu. Cette copie se trouvait dans la bibliothèque
de Colbert et fut communiquée à Mabillon par Baluze ; mais,
pour les « Vies » qu'il possédait complètes (et c'est le cas
pour notre Hildebert), Mabillon ne s'en servit pas. M. JuUen
Uuvet, Il qui nous devons ces détails, avait soigneusement
comparé les deux exemplaires dans l'étude qu'il préparait
sur les Gesta AJdrlci (2) ; son travail a paru dans la* jBibZto-
thèqne de VÉcole des chartes, t. LIV, 1893.
Le manuscrit d'où' André Du Ghesne a tiré sa copie devait
être du XII" siècle, puisqu'il s'arrêtait au milieu de la vie
de Guy, le successeur d'Hildebert. Ses possesseurs avaient
ajouté de siècle en siècle , jusqu'au XVII^^ , le nom des
évoques qui étaient venus ensuite. — Le manuscrit du
Mans est du XIII® siècle, mais il semble qu'il en représen-
tait un du XII^, parce qu'il offre une lacune après l'évêque
Guillaume, le second successeur de Guy (1186). On l'aura
recopié vers le temps de la mort de Geoffroy de Loudun
(1255), dont la « Vie )> a été ajoutée. Nous supposons que
les Vies mêmes des deux successeurs de Guy n'étaient pas
pal fait ù rimitation des monographies des Papes qui nous soit par-
venu est le chapitre De Episcopis Turonicis de Grégoire de Tours. Mais
Tanivre n'a pas trouvé de continuateur.
(1) Réédité par Beaugendre et par Migne, PatroL lai. t. CLXXL C'est
h cette édition que nous renverrons le lecteur.
(2) Aldric, évéïjue du Mans au IX* siècle, auteur présumé ou inspi-
rateur des « Kausses Décrétnles » et de divers autres recueils de con-
trefaçon. Avant les travaux de MM. Simpson et Julien Havet, Topinion
dominante voulait que ces ouvrages eussent été fabriqués à Heims, au
temps d'Ebbon.
•21 —
dans le premier original. En effet les Actu» sont pr^cédi^s
d'un catalogue des rois de France et d'un catalogue des
évoques, écrits à la même époque que le reste du manuscrit
et coDliiiués par des additions de diverses mains. Or, la
partie de première main s'arrête, dans le catalogue des
rois, à l'avènement tle Louis VII (1 137) et, dans lo catalogue
des évèques, à la vacance qui suivit la mort do Guy (HÏS).
On peut doue se demander si nos deux manuscrits ne
seraient pas deux copies d'un même original, exécuté ou
achevé vere li37, lequel nous serait parvenu dans le ma-
nuscrit Du Chesne un peu Ironqué, et augmenté dans
l'autre posti^rieuremi'iit des vies di,> Hugues, Guillaume et
Geoffroy, de Louduii.
Telle est l'hypotlièsc de M. Julien Havet. Maintenant, à
combien d'écrivains dilTérentB devons-nous attribuer ces
biographies? Est-ce le même auteur ou des auteurs diffé-
rents, qui^onl composé les Vies de Hoél, Hildehert et Guy'?
ha première phrase de la Vie d'Hildebert, dans Mahillon et
dans le ms. 2'i4, est obscure ; mais, dans la copie de Du
Chesne, ^lle donne des renseignements. On y lit ; « Expletis
D proiit potui duorum epiaco}torum, domni videlicet Amatdi
» atque Homni lloelli, gestis, veiierabilia quoque Hildeberti,
■ HOU imparis meriti, aclu» descrihere dUposiii.... — Après
» avoir achevé comme j'ai pu les Vies de deux évéques,
» Amauld et Hoel, j'ai entrepris d'écrire également l'hisloire
> du vénérable Hildeberl, dont le mérite n'est pas moindre. »
Ainsi, c'est le même clerc qui a écrit les Vies d'Arnauld,
de Hoël et d'Hildebert. Il mentionne la mort d'Hildebert;
• on peut donc encore, dit M. Havel, lui attribuer avec
» vraisemblance la Vie de Guy, ou, tout au moins, la partie
■ de cette Vie commune aux deux manuscrits s. Disons les
Getta Guidnnia, sans restriction ; car, dans l'une comme
dans l'autre leçon, l'auteur annonce, dès le début, qu'il
racontera la mort du prélat (1). Sa composition s'arrètuil en
(1)«
.. Uesta et obiluin Guidonis CenomanaeDsis episctipi, qutbus-
— 22 —
1135 ; c'est dire qu'il vécut dans le second quart du XII®
siècle, en un temps où le souvenir des actes d'Hildebert au
Mans ne datait pas encore de bien loin. Aussi n'a-t-il pas
mis en tête de cette biographie, comme pour celle des deux
prédécesseurs, ce petit mot d'excuse : proiit potui^ « comme
j'ai pu ». Il était trop bien renseigné pour ne pas conter
hardiment.
Ce clerc écrivait en assez bon latin ; il ne dédaignait pas
de rythmer ses anathèmes à l'adresse des rois orgueilleux et
des hérétiques par du Virgile, témoin cette fin de vers (1) :
Hoc volvenda dies en attulit iiltro (2).
Passons au récit des faits que « les jours en se déroulant
amenèrent d'eux-mêmes ». Il ne constitue point une source
indépendante de la correspondance : l'auteur a consulté les
lettres d'Hildebert ; il en préfère le témoignage à ses souve-
nirs ou aux renseignements qu'on a pu lui donner, et il y
renvoie plusieurs fois ; mais on trouve dans les Gesta ce
qui manque dans la correspondance, un récit suivi et dé-
taillé, dont la chronologie est satisfaisante.
Si Baronius et les auteurs de VHùtoire littéraire y avaient
donné toute leur attention, ils se seraient épargné de vaines
conjectures on ce qui touche les voyages d'Hildebert à Rome
et en Italie. Baronius croit qu'il y alla en 1107 (3) et
dam ibi competentor insertis, quse suo tempore noscuntur accidisse,
strictim adnotare decrevimus. »
(1) Dans Migne, 9i D.
(2) Iris, déesse de l'are-eii-ciel, envoyée de l'Olympe par Junon au
roi des Rutuies, lui dit (Enéide, IX, 5 et suiv.) :
Turne, quod optauli divutn promittere nemo
Auderet, volvenda dies en attulit ultro.
jEneas, urbe et sociis et classe relxcta^
« Turnus, ce que pas un des dieux n'aurait osé promettre à tes
vœux, voini que les jours, eu se déroulant, l'ont amené d'eux-mêmes.
Kuée abandonne «i ville, ses compagnons, sa Hotte »
(3) Uaronius. Annales ecclesiastici. Année 1107.
dM
i'Bialoire littàra're a adopté cette opinion. Consultons les
Gesta. On y voit Hildebert partant pour Rome immédiate-
ment après la rentrée d'Hélie au Mans (HOO), et le récit ne
comporte pas entre ces deux faits un intervalle de sept
années. Ainsi le voyage s'accomplit dans les toutes pre-
mières années du XII^ siècle, et, si Hildebert en projeta un
autre, ce fut quinze ans plus tard.
Vers mi, dit notre clerc, parut dans le diocèse du Mans
l'hérésiarque Henri, au moment où l'évèque venait de se
mettre en route pour l'Italie. Il rebroussa chemin, semble-
t-il , pour prêter main-forte à ses chanoines contre le
terrible prêcheur. Ainsi fut entrepris et interrompu le
second voyage d'Hildebert à Rome. Quant au troisième,
celui du concile de Latran, la leltre III, 4, d'Hildebcrl nous
apprend qu'il devait s'y rendre, mais l'auteur des Gevla
n'en parle pas.
Ordebic Vital. — Avec Orderic Vital, qui vécut dans le
même temps (1), l'horizon politique s'élargit. On voit alors
que l'expédition de Guillaume le Roux dans le Maine a fait
partie d'un vaste plan de campagne dirigé contre la monar-
chie française, qu'il s'agissait d'attaquer à la fois, de face
par le Vexid, de flanc par le pays charlrain, et ainsi on
comprend mieux par contre-coup les revirements de la
pohtlque normande dans le pays qui nous occupe. De mômo,
quand le comte d'Anjou, une fois devenu comte du Maine,
entra en lutte avec le roi d'Angleterre, on voit qu'il était
l'allié de Lquis VI le Gros et soutenait Guillaume Cliton,
ÛIs de Robert Courtcheuse et prétendant au duché de
Normandie que détenait son oncle Henri I".
Orderic Vital raconte les choses d'un point de vue plus
élevé que n'est celui des petits intérêts d'une église locale.
(1) Né eiil075, niortenil4it, il élaii de vtiigtans plus jeune qu'llil-
debert et mourut dix ans après lui.
— 24 -
Aurait-il un véritable esprit de patriotisme normand? Non.
Il écrit de fort belles phrases sur le malheur de cet empire
que la gloire du Conquérant avait élevé si haut et que l'in-
dolence de Robert laissa momentanément s'abîmer dans
Tanarchie (1), mais ce sont les intérêts de l'Église dans la
province qui le passionnent. C'est pour les avoir laissés
péricliter qu'il en veut au duc malheureux et incapable ;
Guillaume le Roux, impie et débauché, est moins maltraité
parce qu'il est plus ferme, et Henri I^^*", le maître hypocrite,
ayant su administrer, a toutes les sympathies du chroni-
queur (2). Orderic veut la paix, nécessaire à la prospérité
des établissements religieux. Parce que les Manceaux ,
placés entre la domination normande et l'épée angevine,
faisaient la guerre tantôt pour l'une tantôt pour l'autre,
afin de mieux leur échapper, notre Normand natif d'Angle-
terre, « Angligena », traite assez durement ce petit peuple,
brave, dit-il, mais bien léger ! On le voit, ce n'est pas d'hier
que les Français ou les ancêtres des Français se sont vu
reprocher leur légèreté (3)
L' « Histoire ecclésiastique », (car tel est le titre porté par
(1) a Ecce quibiis <erurunis superba profligatur Normaimia, qua3
nimis oliin victa gloriabatur Aiiglia et, iiaturalibus regni filiis trucida-
lis sive fugatis, usur[)abat eoriim possessioncs et imperia Nunc,
sicut Habylon, de codem bibit Iribulationum calice, unde neqiiiter alios
solita est iiiebriare. » (VI II, 15.)
(2) Guillauino de Malmesbury, autre chroniqu^^ur contemporain, pro-
fesse la même sympathie pour Henri I*f Beau Clerc, Mais tel n'était
pas l'avis do Henri de lluntindon. D'après lui, Henri I*"* se posa en
défenseur de la morale tout en menant une vie dissolue, et il eut l'art
de faire aimer son administration à l'Eglise en la pressurant. Certes,
c'était un habile liomme
(3) « Nam quidam Ctniomannensium, qui quasi naturali semper
inipiietudine agitantur et mobilitate sua pacem turbant ipsique tur-
bantur (VII, 10.) Us troublent la paix du monde et se troublent
eux-m»*Mnes. » Cf. le chroniqueur angevin de Saint-Aubin :
<• More suo sibi fraudantibus et a se deficienlibus « (année 1(K^.)
L<; malheur ues Manceaux fut d'avoir leur histoire écrite par leurs
voisins et ennemis.
^
.•9
■ 25 -
lu chronique il'Orderic Vital,) constitue une source tout à
fait inilépeiidaiite des Gesta, comme des Lettres, et il n'y
a pas d'apparence ijue l'auteur ait reçu des renseignements
directs de l'église du Mans ; il interrogeait les pèlerins, les
chevaliers qui passaient par son couvent de Saint-Evroult
et il faisait profit de ce qu'il entendait. Malheureusement,
ses dates sont embrouillées, mais M. Léopuld Delisle, dans
l'excellente édition qu'il a donnée comme complément et
révision de celle de M. Aug. Leprévost pour la Société de
l'histoire de France (1) a réussi ;i tirer de 1' < Histoire
ecclésiastique * rt'Orderlc une chronologie qui se lit à la fin
du dernier volume et renvoie aux diverses pages du récil.
Orderic Vital est un écrivain agréable. Il compose volon-
tiers des harangues à la mode aniique, mais ces discours
sont appropriés au caractère du personnage fi qui il les
prôte. Il a feit l'éloge d'Hildebert.
Guillaume de Malmesbury (mort vers 1150) (2) a fait aussi
l'éloge d'Hildebert ; les autres chroniqueurs anglais, Uoberl
de Hunlindon (3), Florent de Worcester (i) et Siméon de
Durham (5), n'ont pas parlé de lui. mais ils mentionnent
l'expédition de Guillaume le Roux dans le Maine. Roliert de
Torigny, alibé du Mont-Saint- Michel, nous apporte un (ail
nouveau dans sa chronique (6), quand il dit que l'église de
Savigny, abbaye fondée vers 1105, fut dédiée le 1"'' juin
1134, et que l'évéque du Mans assistait à cette cérémonie.
Chroniques fmançaises. — Quittons les Etals du roi
d'»Vngleterre, duc de Normandie Les Gesta dominorum
(t) Sa noLice est au cinquième volume,
<S) De Gestii regum Atujlorum et De Gealis pontificiim Àjiyloiiim
X.p. Ber. Aagtie. acript.^ ttX».
(.l) autnriar'im libi-î octo.
(4) Chnmieon ex rhiimieia.
(5) D« Oett'is regum .-liitftnru»i, Muia, an lieu d'un ouvrage compose
comme celui <li' Guilluiiiiiu, c'est une diroiii[|ue pur umiées,
(G) Edition !.. Uelîsle. ISM.
- 26 —
Ambazeiimim ou c Gestes des seigneurs d'Amboise », édi-
tés par MM. Salmon et Marchegay avec les Chroniques des
comtes d'Anjou [Société de Vhistoire de France), nous ont
fourni quelques détails sur Lavardin, pays natal d'Hildebert.
Les « Chroniques des comtes d'Anjou » ou Gesta consulum
Andegavensium ne peuvent être consultées sans précaution.
M Mabille, dans sa préface à l'édition Salmon, a soigneuse-
ment distingué les diverses rédactions qui se superposèrent.
Ainsi, on lit que Foulques le Jeune prit la croix à Marmoutier
en 1129 et fut alors témoin d'un miracle par lequel Dieu
manifestait sa protection toute spéciale pour l'alliance des
comtes d'Anjou avec le clergé régulier de Touraine ; mais
cela est une addition du moine Jean (1), qui a voulu justifier
l'ingratitude des moines envers la maison de Blois, leur
bienfaitrice, spoliée du comté de Tours ; au contraire, Foul-
ques le Jeune prit la croix au Mans, et l'abbé Eudes, le plus
ancien rédacteur des Gesta consulunij était présent, comme
le témoigne une charte citée par dom Martène (2). En un
mot, ces chroniques ont besoin le plus souvent d'être
confirmées ; les chroniques des églises d'Anjou (édition
Salmon) sont plus véridiques.
Les chroniques de Touraine ont été écrites par des
moines : celle de Pierre fils de Béchin, qui remonte à Tan
1140 environ, par un chanoine de Saint-Martin de Tours ;
le Chronicon Turonense magnum et 1' « Histoire de Saint-
Julien de Tours », par un moine de cette abbaye. Moine
aussi (3) était l'auteur de la charmante Narratio de com-
mendatione Turonicx provincix ou « Eloge de la province
de Touraine ». Pour tous ces écrivains, le clergé séculier
est quantité négligeable : il ne fait pas partie apparemment,
comme les vignes et les monastères, de la parure de la
(1) Cette légende est empruntée à un compilateur de miracles, Gautier
de Compiègne.
(2) Histoire de Marmoutier ^ page 72.
(3) M. Salmon pense que ce fut Jean de Marmoutier. U aurait été
bien vieux à cette époque ! En tout cas, ce fut un moine.
- 27 —
Loire (1)1 Jean de Marmoutier, ou l'auteur quel qu'il soit de la
Narralio, donne seulement une liste très sèche des art;hevâ-
ques jusqu'à son temps (y), ît peine de quoi reprendre haleine
entre une peinture idyllique des prairies des bords du Cher
et l'éloge bien senti desTouraogelles. Fontaine-les-Blanches
est le seul monastère dont la chronique mentionne la parti-
cipation à son histoire de l'archevêque Hildebert, comme ii
est le seul, noua l'avons vu, dont les chartes le mettent en
cause.
Dans le domaine royal , la chronique de Saint-Pierre-
le-Vif de Sens, écrite par le moine Clarius (3) , signale
l'évèque du Mans au concile de Fleury en 1110 ; Suger,
auteur de la c Vie de Louis VI it, ne parait pas soupçonner
l'existence d'un conflit entre son maître et l'archevêque de
Toui-s ; mais a-t-il parlé davantage des difficultés de Louis
le Gros avec les autres prélats? Enfin la chronique de
Morigny (i) dit qu'Hildebert fut convoqué au concile
d'Etampes, en 1130, bien que nous n'ayons aucun docu-
ment établissant sa participation & cette assemblée (5).
(1) < Circumambiunt eam (LEfseriin, la Loire), sîtîB in eadeni, îiisuliB
quampluree, monasteriis. pralis, vineis.... ilelectaliiles. > (Narratio.J
&I H. l'abbé Ducbeane, s'inspirant d'un article de M. Léopold Delisle
duna YBUtoire littéraire (t. XXIX; sur tes Tastes épiscopaux de l'au-
clenne France, a composé en 1830 un travail intitulé ; Catalogue» épia-
eopaiix de l'aneienae Pfouincù lie Toura. Il y aignale deux listes seu-
lement qui vont jusqu'à l'époque d'Ilildebert : 1- celle de la Grande
Chronique, qui donne sur la durée de son épiscopat des dates inexac-
tea ;— ^ celle du Becfind recueil de Saint-Aubin d'Angers, qui lecite
mais n'a pas de clironologîe. — Il nous semble qu'on doit ajouter le
mtalogue du Liber bonaram genlium (Cartulaire de l'archevêché)
édité iwr M. de Graiidmuison en 18^, et qui, on l'a vu plus haut,
dépasse l'npoque d'Hildebert sans le mentionner.
&) tl avait Blé d'ubord moine de Fleury ou Saint- Benoit-su r-!.o ire
(XH* aiéclei Celle chronique est dans Duru, Bîb. hittar. de l' Yonne,
I. Il, (18G3).
|t) Hurigiiy, prés d'Elanipes. Ap. Fer. Galtic. tcript., l. Xtl.
(5) Oui fait l'éloge il'Hililebert du pôle des l'~runçais : l'ierre de Dlois
(llh du Mf siècle), Albèric de Trois-KonlaiLitï« I.X.1U* siédi') el lu chro-
nique d'Auxerre.
— 28 —
Tels sont les renseignements fournis par les chroniqueurs
de répoque.
§1V
BIBUOGRAPHIE MODERNE
Au XVI® siècle, Baronius, cardinal de l'Eglise romaine, a
mentionné plusieurs fois Hildebert dans ses Annales eccle-
siastici (i), notamment à l'année 1088, où il est fort mal-
traité à propos de la mort de Bérenger, l'hérésiarque repenti,
dont il avait composé Tépitaphe, trop élogieuse au gré des
orthodoxes plus papistes que le Saint Père lui-même. —
Bayle, au XVII® siècle, a également insisté sur les reproches
d'immoralité et d'insoumission à l'égard du Pape, mais
Tauteur du Dictionnaire critique le faisait dans un tout autre
esprit, avec l'ironie du scepticisme et même, semble-t-il,
une sorte de joie maligne.
La première Histoire des évêques du Mans a été écrite,
dans les temps modernes, par Antoine Le Corvaisier de
Courteilles, conseiller au siège présidial du Mans, lieute-
nant criminel du roi Louis XIV. C'est un classique de
l'histoire du Maine ; le style est bon et la valeur cri-
tique laisse bien loin derrière elle les récits légendaires
dont on se délectait jusqu'alors. L'ouvrage allait paraître,
quand on apprit que l'auteur reportait l'apostolat de
saint Julien dans le Maine du premier siècle de l'ère
chrétienne à la fin du troisième. Il sembla aux Man-
ceaux qu'on attaquait leurs traditions les plus chères en
diminuant l'antiquité de leur église, et un moine bénédictin
de Saint-Vincent, dom Jean Bondonnel, prit sa bonne plume
pour réfuter l'ouvrage avant même qu'il fût imprimé. Le
(1) Ouvrage revu et annoté par le P. Pagi au XVII» siècle.
- fjorvaisier, pour conjurer l'efTel du volume cpii se préparait,
SI" hrtta de rDclifier un grand nombre de dates et de petils
faits où iJ prêtait le flanc îi la (Tîtique, noLimmenl. pour
l'époque de la morl de l'évoque Hoël, et VHisloire des évé-
qitea du Mans parut, munie d'une : Défense anticipée de
celte Hintaire (1048). Bondonnet publia néanmoins son tra-
vail, en Ifôl. Il est intitulé : tes Viet des àvêquet du Mans,
restituées et corrigée», avec plttsieiirs bellns remarques sur
la chronologie. Le rude polémiste prend à partie son adver-
snire avec une ardeur furieuse dans les plus minces détails
et, bien qu'il ait quelquefois raison, déplatt par son âpre
té (1). — De son côl^, Jean Maan, chanoine de Tours au
XVII* siècle, a traité d'Hildeberl archevêque dans son Uialo-
ria eccleaiie metropoHtanx Turonensis. Les assertions de
ces divers auteurs, ainsi que la Cenomannia de dom
Oriant (2) et le récit parfois fantaisiste de dom Beaugendre
dans sa Vita Hildeberti, jointe b. l'édition des œuvres
(1708) (3), ont été soumis à la critique par les rédacteurs (4)
de VHiitoire tilliraire de ta France, en 1759 (tome XI), et,
prolîtant de ces observations, dom Piolin a écrit vers 1860
son Histoire de l'église du Wana (5).
Pour nous arrêter à celui qui occupait le siège épiscopal
en l'année 1100, !x Hildebert. disons que M. Hauréau, le
savant éminent que l'érudition vient de penlre, est l'Iiomme
de France qui s'est le plus occupé d'Hildeberl. D'abord,
c'est M. Hauréau qui a continué la Gallia christiana , cel
imposant monument de l'érudition bénédictine interrompu
par la Révolution ; il a écrit en entier le tome XIV concer-
(1} Voyez: Lu Sicolière, Le Cartiaitier de Courleilteè [VèSSi) ; — abbé
Denis, Dom Jehan Bortdonnet (IHHG).
(3) Hiâtoire ilii Maine restée inédite. A la Dib. nat., f. l. 111037.
{Sf Dans Migiie, Pairol, lai. I. CI.XXI. Avec la reproiJuction des GetUi
et lea notes de Loyauté.
14) C'étuent, ppur k tome XI: D. Maurice Poncet, D. Colomb, D.
Charles ClËtnencet, I). François Clément.
15) Le Hons, 183i-18fï), G vol, in-«".
- 30 -
nant la Province de Tours. Il a consacré à Hildebert des
articles dans son Histoire littéraire du Maine (1) et dans la
Nouvelle Biographie générale de Firmin-Didot. (1861).
Puis , il le rencontra souvent dans les manuscrits et il
eut occasion de lui retirer beaucoup d'ouvrages en prose
ou en vers qu'on lui attribuait sans raison, quelques-uns
au préjudice de sa renommée (2). On trouve le résultat de
ces recherches dans les Notices et extraits de quelques ma-
nuscrits de la Bibliothèque nationale (3). M. Hauréau a
repris la question pour les petits poèmes dans son livre
sur : Les Mélanges poétiques d^ Hildebert de Lavardin (4).
Ces ouvrages ne nous ont pas été d'une utilité immédiate,
puisque notre travail n'embrassait pas l'examen des œuvres
d'Hildebert, cette étude n'étant plus à faire ; sans doute il y
avait mieux à trouver dans ces écrits, que des indications
littérales : il fallait (mais y avons-nous réussi le moins du
monde I) il fallait imiter le ton humoristique qui y règne et
qui vivifie par l'esprit une matière souvent ingrate
M. Hauréau n'avait pas traité la partie historique ni ne
s'était beaucoup occupé des Lettres : sans quoi notre sujet
eût été épuisé.
Plus en conformité avec celui-ci, fut soutenue en 1855,
devant la Faculté des lettres de Caen, par Hébert-Duperron,
principal du collège de Bayeux (5), une thèse latine bien
présentée, mais courte et faite d'après les ouvrages de
(i) Le Mans, 1843-1852 et Paris, 1870-1876.
(2) Des sermons de Pierre le Mangeur (c'est-à-dire le dévorateur de
livres), de Geoffroy Babion ou le Babouin et de Pierre le Lombard ; le
Physinlogus de Thibaud ; le Mathematicus de Bernard Sylvcstris et la
Pasbio aanctm Ag^ietis de Pierre Riga (publiés en 1895, par M. Hau-
réau) ; le TractatuSy ouvrage théologique d'Hugues de Saint-Victor.
^3) Edition in-8«». Ëpars dans l'édition in-4*» des Notices publiée par
l'Académie.
(4) Paris, 1882.
^5) J)e ven. Hiideberti vita et 8cnptis thesim proponebat
Faniltati litterarum Cadofnensi V. Hébert^Dupen^on, Bajocenaia
gymnaaii rector. Bajocis, 1855, in-8».
MlMHrti
- 31
seconde main (i). — Vingt ans plus tard, la Société archéo-
logique du Vendômois, a publié dîna son bulteli», sous la
signature P. de Déservillers : Un Évèque au XI' siècle,
HilUebert de Lavardin et son temps (2). Mais c'est une
apologie de l'épiscopat au moyen âge plutôt qu'une biogra-
phie critique. En résumé, bien que notre sujet ne fût pas
pri^cisémenl nouveau, nous pensons qu'd y avait intérêt à
grouper et à critiquer des notions éparses, à les présenter
dans un nouveau récit, sous le jour oii la science moderne
veut que nous regardions l'histoire.
Pour la connaissance des faits généraux de l'époque et
l'appréciation du caractère des rois, reines ou premiers
ministres à qui eut affaire notre prélat, nous ne pouvions
mieux faire que de lire l'ouvrage de M. Luchaire sur le
règne de Louis VI le Gros (3) (H08-1137) et l'aHistoire
d'Angleterre » de Lingard (4), et, quant aux personn^es
marquants qui vécurent dans son milieu ou qui participè-
rent au môme mouvement politique, littéraire et intellectuel,
il importait de consulter :
Pour Yves de Chartres, mort en H15, l'abbé Foucault (5);
Pour Marbode, né en 1035, écoiatre à Angers, évèque de
Rennes à partir de 1096, mort en 1123, M. Léon Ernauit (fi) ;
Pour Baudry, né en 1046 à Meung-surLoire , abbé de
(1) Saar pour les documents empruntés à l'abbaye de Suvign;, et
que nous n'aurions pas eu l'idée de recherclier sans les indications de
H. Héberl'Duperran.
(2) La fln a paru dans le Bulletin de ta Société archéologique de Toit-
raine (tome III). Edité à Paria, 1876.
&)Lo\ti» Vt le Gros. Annalet de sa vie et de son règne (,PaT\s, ifBO],
table et analyse de documents précëdëfia d'une introduction métlio-
dique et narrative. Cf., du même: Hîsl. dei inat, nutnarcli, de la France
êoai let première Capétieui /"Paris, 1883).
{tj 1833-1831.
(5) Thèse de théologie, Chartres, tS83.
(0) Ouvrage posthume, publié t>Br son frère Emile Ernanll et f iMix
Robiou, professeurs. Rennes, 1M)0.
f
— :i2 —
Bourgueil au diocèse de Tours (1089-H07), archevêque
do Dol (1107-1130), rabbé H. Pasquier (1) ;
Pour Geoffroy de Vendôme, né à Angers, abbé de la
Trinité (1093-113-2), M. Luc Gompain (2) ;
Pour Girard, évéque d'Angoulême et légat, mort la môme
année 1132, Tabbé Maratu (3) ;
Pour saint Bernard, né en 1090, abbé de Clairvaux en
1115, Fabbé Vacandard (4).
Enfin, nous avons recouru, pour les antiquités du Maine,
aux ouvrages de M. Tabbé A. Voisin et de M. Hucher ; pour la
géographie, aux dictionnaires topographiques de la province
du Maine par Le Paige (5), de la Sarthe, par J.-R Pesche (6),
de la Mayenne, par Léon Mailre (7), dlndre-et-Loire, par
Carré de Busserolle (8) et à Tatlas de M. Longnon (9).
(1) Un poète chrétien à la fin du XI* siècle. Baudri Angers, 1878
(2) Bib. dii' VEcole des hautes études^ fasc. 86.
(3) Daas le Bulletin historique de la Charente, 1864.
(4) Paris, 1895, 2 vol. in-8«.
(5) 1777, 2 vol. in-So.
(6) 1842, 6 vol. in-8«.
(7) 1878, in-4«.
(8) Dans les Mémoires de la Société avchcolofjique de Touraine, 1878
1883, 5 vol.
(9) Atlas fiistonque de la France, 1885-1889.
CHAPITRE II
HILHEDEKT JUSQU'A LA MORT DU COMTE HÉI.IE
§ I (i).
Nous n'avons aucun document qui établisse, d'une Taçon i056-1070
directe et précise, la date de la naissance d'Hildebort (2),
On lit dans les Gesta (3) qu'il n'avait pas encore quarante
smË accompli^!, quand il fut élu h Tépiscopat : « Notidj^n
quadnigiiita anno» wtatis exceaaerat. > Ce chilTre de qua-
rante n'est peut-être qu'approximatif; car l'auteur l'emploie
pour expliquer que son héros ne laissait pas loin derrière
lui la période orageuse de la jeunesse, et il ajouter : < ni
fallor, — si je ne me trompe. » Néanmoins, c'est le seul
témoignage que nous ayons pour Tixer la date de la nais-
sance d'Hildebert, connaissant par d'autres celle de son
élection. Or, comme cet événement arriva en juillet 1096 (4),
i1>r'our oblenir r*Itinéraire > complet d'Hildebert, itsumt de com-
biner le présent récit, notes comprises, avec les seules données du
Tableau dea actes (au chap. I*')-
(2) L'ancienne forme mérovingienne Childebert s'était ailoucie en
Hildeberi, Ildebai-t, Mdebert, trois noms qui servaient indilTéreininent
ù désigner notre évoque, et le dernier terme de la simplillcatiun du
vocable est le nom propre Albert (qui était en usage dès le XI< siècle)
ou Aubert. — PuranaloRîe, nous avons adopté, pour désigner l'ùviiquo
d'Angers, la toriiie itai>ialii ou hainaud, qui est plus simplifiée que
Hâyrnatd et moins contracte que Benaud. Aldcbert ou Audibert,
Itaynal ou Itcynaud, ont d'ailleurs pu sutjsister comme noms de famille,
â coté des prénoms Albert et Henaud. — Enlln, quand nous rencon-
trons les (ormes Gittebert, OiUebert, nous les maintenons de préférence
à Gilbert.
13) Getta (dans Migne, J*a(i'ot. Int., I. CLXXI), col. 89, D.
(i) 11 Tut consacré à la Noël, mais élu en juillet. (Hoël était mourant
le 25. d'après ]a cliarte qui porte le n** 4 de notre Tab}eaa des acies.)
t
— 34 —
nous concluons qu'il dut venir au monde dans la seconde
moitié do Tan 1056 (1), h Lavardin près Montoire (2), dans
un fort joli site du Vendômois (3), mais au diocèse du
Mans (4).
Gomme il est connu dans Thistoiro sous le nom d'Hilde-
bert de Lavardin, on pourrait croire qu'il tira son origine de
la maison qui poi'tait ce nom et qui était une branche
cadette de celle d'Amboise (5). Ainsi le pensait La Croix du
Maine (0) ; mais les termes employés dans les Ge$ta (7)
pour désigner la parenté (rilildebcrt, « hic itaque ex Lavar-
zinensl casiro , mediocvibus quidem sed honestis exortus
parentibns » , ces tonnes paraissent s'appliquer à une
modeste condition, et c'est en s'appuyant sur ce texte que
divers auteurs, Ménage (8) et Du Boulay (9) par exemple,
(1) Jean Maan (Ilistoria ecclesiie meUopoUtaime Turonefi9i8) parle de
l()5i. L' Histoire littéraire (tome Xf) donne la date de 1035, sans autre
explication. Beaiij^endre, éditeur d'Hiklebert (avec récit de sa vie en
latin), et l'abbé Hourasst', (jui reproduisit l'édition dans Migne (Uilde^
berti opéra, t, CLXXI), disent formellement : 1057, et cela sous prétexte
(|u'il aurait été sacré en 1097. Mais il fut sacré en 1006, comme nous
Tavons dit. (Charte n<' 5 de notre Tableau des actes.)
(2) Montoire. Montem aureiurij le mont d'or.
(3) l^n tableau le n^présente au musée de Blois.
(i) Vendôme était an diocèse de Cliartres, F^avardin dans celui du
Mans. Aujourd'hui, tous deux sont compris dans le département de
Loir-et-Cher et le diocèse de lUois, créé par Colbcrt.
(5) Il ne faut pas confondre la seigneurie do Lavardinsiir-le-Loir
avec celle de Lavardin-le-VieuiV^ prés Mézières (Sarthc), qui api>ar-
tenait, peut-être dés le temps d llildebert, à la famille Uiboule. Quant
au Nouveau-Lavardin ou Lavanlin-Tusscj il ne portait au XI« siècle
que ce dernier nom, Tu(îeium. ( Voy. Notes sur les trois Lavardin de
l'ancien diocrse du Mans, par Alexandre de Salies. Mamers, 1879.)
(6) Bibliothèque française, article Jacques de Lavardin. La Croix du
Maine, érudit et p<)ly*.'raphe manccau, vivait dans la seconde moitié
du XVI* siècle.
(7) Gesta, W), B.
(8) Menatjiana, t. III, p. 170.
(9) Ibstoria universilatis Parisiensisy lib. I. Du Boulay (1010-1678)
était né à Saint-KIlier (Mayenne).
;î5 -
ont pu dire qu'flildobcrt n'avait pas du tout do naissance (1).
La véritt^ est entre les deux. En effet, une chiirlc, mise au
jour par Baluze dans ses « Mélanges » (2), nous apprend
que sun père était l'homme de confiance du soigneur Salo-
nion (3). < Un habitant du chAleim de Lavanlin, nommé
» Hildebert, intendant de la seigneuri'-. (4), offrit h Dieu un
» de ses fils (un frère de notre Hildebert) pour être consacre
» il la vie régulière, U Marraoutier (5), et enrôlé dans la
> sainte milice, afin <jue, dégagé de Ions les liens du monde
> qui enlacent ses parents, il put plus lacilemeiil prier pour
» leur salut. L'enfant, nommé Geoffroy, a été reyu pai' l'ablié
» dom Albert et par les autres frères, bien plus par amour
* de Dieu, pour son salut et par ainiliè pour son père, dont
> les mœurs pieuses sont bien connues, qu'en considération
» d'un avantiigo temporel. Cependunt, le dit Hildebert a
it donné à saint Martin (0), dans rassemblée des frères, une
» terre située dans la varenne (7) de Vondùrne, pouvant
|1) Encore mediocria et linm'sius unt-ils un sens un pou plus rcJûvù
que nos mots TruncAis correspond ni ils.
12) Baluze, Uwellanea, 1. 111, ji. Ut. (Kdit. Maiisi. — Ancien t. Vil, p.
20!t.) Tiré du Chartulariiim Ceitomanneiue.
(3) Les noms du l'Ancien Testament étaifiiit frétiuents pjirmi les
chrétiens au XI' siècle : lu haine contre les juifs nft les Ht [iroscrire
<ju'à partir ilii X11I*. On verra que le e^mte du MntMc, an tein|is
d'IIililcbei't, s'appelait Hêlie ou Êlîe eomnie le pniphèle, H cet llêlie
avait un frère nommé Uénoch.
(4) }a rébus agent, dit le texte. Du Caiigc diilinît Jffmir?^: > Sic
> dicunturqiii rébus ageudts prujsuiit eta procerilius lis pr^xiliciunlur, ■
(5) On sait que Marmiintler uvait à T^iviirdin un pricuri! Tonde en
1050. (Voy. notre Chapitre /•', p. :t.)
(fi) Marmoulier tMajiis moiiasleriani] et la collégiale de Saint-Martin
de Tours invoqnaiciit le même pitlron. Marmoutier avait été riiiidi' jinr
le Bicnlieureux en personne, et le sanctuaire de Tours possédait son
(7i f Les Varenne^ sont dos terres saLlonneuses, toujours* t<n vuk'iir.
( qui produisent du seigle, de l'orge, ries lé(;umcs. du mil, de la garnie
> pour les teinturiers et des caleUasscs ou gourdes, o ( Uirlionnaire au
Maine de Le l'aige.)
— :)0 —
» suffire au travail d'une charrue et qui paie à la Saint
» Marlin crété (1) deux sous de cens àSalomon de Lavardin;
» et, afin que cette donation soit confînnée et assurée «'i
» perpétuité, Salonion, de qui Hildebert tient la terre, et le
» comte Thibaut (2), de qui Salomon la tient à son tour, y
» consentirent volontiers. 11 ajouta un arpent de terre arable
» à Melche, du fiel* et avec rasscntinienl du dit Salomon. Le
» même Hildebert accorda encore aux frères de Marmoutier
y> douze deniers de cens, sur un arpent de terre appartenant
» à son frère Archembert, et qu'il paiera aux moines à la
» Saint Martin d\Hé do la même manière et dans les mêmes
» conditions que les hii versait le dit Archemberl. Her-
» sent (3), épouse d'Hildeberl, et ses fils, Hildebert, Salomon
» et Drogon, ont volontairement consenti toutes les clauses
» de la présente donation. Et ceux qui sont intervenus
» comme témoins, pour si besoin était, ont été inscrits ; ce
» sont Guarnier l'ainé, Frotger (4), llildrin, Gislebert et
» Rainaud. ^)
Hildebert était sans doute un enfant (juand il souscrivit
cette charte, mais ainsi le voulait Tusage (5) ; on voit encore
par là ([u'il était soit l'ainé, soit le puîné de la famille.
(l)La Saint Martin d'étù tombe lo 4 juillet, date de l'ordination et
de la translation de saint Martin, s^i fête proprement dite étant le H
novembre, anniversaire de sa mort. (Vov. Annuaire de la Sociêic de
Vftistoire de France : listes des saints publiées aux années 1857, 185S,
1860, d'après le Marli/rologe universel de Claude Cliastelain.)
(2) Thibaut III, comte de IHois, i)remier du nom comme comte de
Champa^rne.
(3) Ilersindis. Hersent est le calque fidèle de la troisième déclinaison
parisyllabique et existe encore aujourd'Inii connue nom de famille ;
Hersende ou Ilersiude supposeraient la forme Jlersinda.
(i) FrottjeriiiH, prolotyin? de Uo;x<^r.
(5) Dans les idées (bi moyr'u A^'o, ici plutùt ^vrmaniques que romai-
nes, lii fortune ]»atrim(»nialfî appartenait à la famille entière. Tous .ses
memi)resdevai<.M]t figurer sur les actes <le vente et les titres de pro-
priété; ils s'engageaient tous collectivement avec le pé»'e de famille.
Quand l'enfant était très jeune, il arrivait qu'on lui donnât une forte
'■ ■ ^ r I
dha^toà^HHHBtariii
■ ^7 -
Le sire de Lavanlin était générolpinent en guerre avec
ceux (ie Cliateaii-Bcnault el deVcmlôme; il soutenait les
prétentions de ses cousins d'Aniboise. Cette maison avait
profité de la rivnlilé des comtes d'Anjou et des comtes de
Blois pour se tailler une silualion, au détriment de ces der-
niers, sur les confins de la Touraine cl du Blatsois; mais
Sulpice d'Amhoiae, ti-op confiant dans ses propres forces,
ayant mécontenté son i)rolecIcur le comte d'Aîijou, fut
dépouillé par lui de sa cnpitnic el réduit à se réfugier à
Sainl-Martiii de Tours. C'est son cousin, Salomon de Lavar-
din, qui vint l'on tirer el qui lui permit de reprendre lu lutte.
Tels turent les événements qui se déroulèrent autour de
l'enfance de noire Hildchert (1).
On ignore absolument sous quel maître il étudia. Les |
traditions qui veulent qu'il se soit insliuit dans les lettres
profanes sous la direction de Bérenger et, dans les lettres
-sacrées, sous TaWié de Cluny Hugues, ne reposent sur
aucun fondement.
Dom Beaugendre ('i) voudrait qu'Hildebert eût porté
l'haliit monastique ii Cluny avant de devenir ai-chidiacre ;
mais son argumentation osl faible et toute de parti pris : il
s'en va recueillir ilans les lettres des expressions vagues et
sans portée ; il chei-chc des indices dans les sermons qui,
M, Hauréau l'a démontré, ne sont pas d'Hildebert ; il s'ai>-
puie encore sur la « Vie de suint Hugues 9(;J),.. Or justement,
l'auteur s'y intitule saeerdos, pi'étre, et ne fait la moindre
ullusion à ces prétendus vœux monastiques, ni dans la prc-
lapc sur ia joue ou dans le dos, ulli) qu'il se souvint et pât porinr
témoignage dans lu suite.
ll)Ce«lu ttoniiitoritiii Aiiiba:eiiaiii)H. p. 17(1. (.loîntaux Chroniques
d'Anjou, édit. ijulmon.)
(3) Ilitdtberti viia, Si, U et notes à diverses lettres. (Migne, t. Ct.Wt.)
(:OMig.ie, Patrol. )n(., t, Cl.tX, œl. A".7 ; flu/faii<(., 2!1 Aprll. el Bit..
Ctuniai: de Du Chcsnc. — Sur saint Hugues, voy. notre Chap. /".
p. lit, note 2.
ï
— 38 ~
faee, ni dans le récit de son entrevue avec l'abbé Hugues (1).
Dans la lettre (2) où il dit qu'il aspire quelquefois à la paix
du cloître et voudrait se reposer sous Thabit régulier d'une
vie si agitée, n'était-ce pas le moment d'indiquer par uno
phrase, une conjonction, un rien, qu'il retrouverait ainsi les
joies de sa jeunesse? Mais non, il n'a jamais été moine, il
n'a même jamais fait de séjour à Gluny, si je pèse bien les
expressions où il a l'air de dire qu'il y venait avec son évê-
que pour la première fois (3), et François de Rivo, le chro-
niqueur du XV^ siècle (1485) qui a donné lieu à cette fausse
tradition (4), paraît avoir confondu notre prélat avec un
moine de Gluny qui s'était rendu célèbre par ses visions au
XI« siècle (5).
Il y a plus de vraisemblance pour qu'Hildebert ait connu
lïérenger (6) et suivi quelque temps ses leçons. Telle était,
du moins, l'opinion d'un historien contemporain d'outre-
Manche, Ciuillaume de Malmesbury (7); mais l'auteur ne
(I) L'abl»ô Hutruos, quoi qu'en dise son biographe, obtMSsait pcul-èlre
moins à Tinspiration surnatun^lle (juVi la jwrspicacitc de son intclii-
pMice et à ses devoirs de politesse, (piand il prédisait au jeune archi-
diacre qu'il deviendrait évèque !
ri) I.ettre 111, 7(édit. Beauj;., dans Migne, t. CLXXl). Afaximum duco.
«3)11 dit à p'îu près ceci: «.Te connaissais déjà, ï.iar la voie de la
») renommée, les grandes vertus et le mérite de cet abbé ; mais je l'ai
)» trouvé plus saint encore et plus i^rand (jue je ne croyais. x> Vila «<^*'
Hnijonis, 111, 19.»
li) ïiihliotheca (^hiniacensis, col. lOil.
(ô) Haronius [Annalci ccrUsiastici, a. l(>2i, n® 2) appelle ce moine
« Heldeb«'rt )>. — Hondonnet (Tit» des évoques du }fant) insiste sur ce
fait, que la promotion à l'épiscopat d'un ancien moine était contraire
aux canons Quant à suppost'rciu'llildebert se retira dans un monastère
sur la lin de sa \'u\ ni les nécrologes ni aucune autorité ne le permet-
tent.
<<î) Rérenger dit de Tours, archidiacre et écolàtre d'Angers. Repre-
nant une doctrine de Scot Krigéne sur l'Eucharistie, il avait nié la
Présence Uéi'ile dans son enseignement. Condamné à plusieurs re-
prises par les conciles, il se rétracta, rétracta sa rétnictation et finit
par s«* souniftlre d»'s lèvres, sinon de coEur. Grégoire VII oitlunna
alors ile le laissiM* en rt>])os, et il mourut au milieu des moines dans
l'Ile de Saint-Côme, prés de sa ville natale, en 1088, à Tàge de 90 ans.
i7) De Gestis regum Anglorum, lib. III, p. 113. — Cette opinion a été
— :h* —
parait, en cela, s'autoriser que de l'épitaphe écrite par l'êvè-
que du Mans |»our Bérengei' (1 ), el , coiiime le lait remarquci'
flnemenl le rédacteur «le VHialoire littéraire (2), « si Hilde-
> bert avait été disciple d'un homme auquel il donne de si
» grandes louanges, aurait-il manqué de faire connaître par
» quelques traits qu'il avait eu l'avantage de l'avoir pour
«maître? C'est néanmoins sur quoi il garde un pruroud
> silence. > En réalité, on a vuulu réunir dans une même
école, celle d'Angers, les trois grands hommes de leltres de .
rette époque, Hildehert, Marbodc et Baudry de Bour-
gueil(3) ; mais ce <fui est certain pour les deux autres ne
l'est nullement pour llildeberl, qui n'a peul-étre jamais
quitté l'école cathédrale du Mans, une des plus célèbres de
l'époque (4),
reprise pur clom Itangeanl, Jaiis son llhtoire de l'uiùrenilé dAmjers
(publiée pour lu première fois par A. I.i;m;iriî|]iiiid, Aiikbl-s, 1K77j, Il dit
avoir lu dans une cliaric le nom it'lltlileticirl, « cliuiioinf d'Angers ■
{1, 18| ; mais sans doule il s'agissidt d'un liomoiiyme ili! ré»Ti|iic', qui
signe encore cumine |>rêt-ol on KKIT. {CuUei-.lion D. Ilmiisgaii. n" 1017.)
(1) L't'pitaplic de Itérenger par llildeliert t^sl dans (Iiiiilaume de
Malmcsbury, qui ujoulc: « Videua in liis vcrsibiisi|uo(i tandis CNCes-
• aerit modum episcopus, sed sic se osleiUiil et(M|uenliu, tnli t;*'Stii
> procedit an relis Icpos, eo modo
a Fiiitdit puipiireos diva facuit'Jia pores. »
Le morceau esi reproituil |iar BeaiiBundre (ftildeberii opéra, p. l'-t-iSj.
dont iJ.Haaréatxl Le* Mélaifiespoêtiquet d'ilililelierl, p. 24) a n-leu'
les fautes.
(2) Hitt. litlèraire, t. XI, p. 2>1.
(3f Geoffroy de Vendôme y étudia aussi ; !tIarLodo, après avoir élu
■•lève, y devint professeur. Voy. sur ces divers personnages les livres
cités à ta lin du Chap. 1".
(t) Elle avuit ùti: illll^ilrên |>ar di>s maîtres tetâ cpio Holjert le Gram-
mairien, et, au commencement ilu KII' siècle, le t lanpape niaiicean »
était devenu synonyme de politesse et de perfection, comme le tèmoigno
ce pasiuge de tiuillauino de Ualmesljury, relatif à Ituoul de Itoclicslei' :
• cui accedit geniulis soli, id est Ciïnomaiinici, acciiratns ol quasi
• dcpexus scrmo. > (Will. Halm., i)f C<»(t«poi;J(/". Aiigi., de flolfen-
sibus.)
— 40 —
1085-91-90 Qu'il y ait fait ou non ses études, il est hors de doute que
révéque Hoél, qui occupa le siège du Mans depuis le 21
avril 1085, le choisit pour diriger son école (1) et puis le
nomma archidiacre (2). Or, comme Hildebert nous raconte,
dans une lettre à Guilhiume abbé de Saint-Vincent (3), qu'il
le fut pendant cin(| années, nous somnies conduits à placer
sa promotion à rarchidiaconat en 1091 : il avait alors
IÎ5 ans. Peut-être était-il déjà écoUUrc (4) depuis quelque
temps.
L'arrivée d'Hildebert aux plus hautes fonctions ecclésias-
tiques coïncide avec la rentrée d'Hélie, seigneur de la
Flèche, dans la ville du Mans, c'est-à-dire dans le comté
qui appartenait à sa famille et que son cousin Hugues le
Mar(piis lui vendit à beaux deniers comptants en 1090 (5).
,lus(ju'à cette date, Hoël et tout son clergé avaient vécu dans
des angoisses perpétuelles, soi-disant gouvernés et défen-
dus par Robert Courteheuse, duc de Normandie, qui se
prétendait souverain du Maine, du chef de sa fiancée morte
avant le mariage, et ne savait pas garantir le pays des
incursions de Hugues ou du sire de la Flèche. A partir de
1090, le nouveau comte, Hélic, qui était im habile homme,
sut régir en paix son comté sous la suzeraineté de Robert,
l)uis de Guillaume le Roux son hère (G), tandis que Hoël se
reposait de ses alarmes et (jue le jeune archidiacre pro-
fessait dans l'école éi)iscopale.
(I) Geata, 8*), ï\.
{*i) Charles ili5 révèque nocl coiitresignéos par Hildebert, arcliidiucre.
(X"» 1-i de notre Tableau dus actes.)
Ci) Lettre, lll, 21 idaiis Migiie). P'irs et sanctu& devotionis.
[%) Kcolàtre, Scholarum magister.
(5) Gesla IfocUi et Orderic Vital, Historia ecclesiaslica, 111, 327-3il2
(de ledit. Leprévost). Hugues était marquis de Ligurie.
(G) Robert Courteheuse, c'est-à-din; aux courtes lK)ltes, ainsi sur-
nomiiiê parce({u'il avait de petites jambes, était iils aine de (iuillanme
le Conquérant ; il partit pour la cruisade après avoir engagé pour une
MI-
L'cvéqim Hoë) mourut en juillet 1096 (1). Deux candidats
étaienl cil présence : l'arohiiliacre Hildcbert et le doyen
Geoffroy (2). Le clerc qui a écrit dans les Gesla l'histoire de
notre prélat, dit que son héros fui élu par un commun con-
sentement du clergé cl du peuple (3) ; mais tout concourt à
établir que les choses ne se passèrent pas aussi simple-
ment: le même auteur, sans compter Orderic Vital (4),
l'avoue un peu plus loin dans son récit (5).
Le doyen GeofTroy était un homme de mérite et penona
(/raid auprès du tout-puissant duc de Noniiaiidio et roi
d'Angleterre, Guillaume le Roux, seigneur suzerain du
Maine ; il devait parvenir plus tard ii l'archevêché de Rouen,
en lUl. Fière de Judicaël, évéque de Saint-Malo, et lui-
même Rretf)» de naissance, il s'appuyait au Mans sur une
cabale puissante, qui fera à Hildcbert tout le temps do son
épiscopat une opposition sourde. De plus, le comte Hélie,
soit par crainte, soit iiu'il pressentit dans Hildebcrt un pré-
somme d'iirgciit son «lui^lic ite Norm^iiidte à son frère puîné Giiilliiumc
lu Itoii.x, roi d'Aiifflelerre.
(1) Galtia (d'uprés le a l.ivro bliitic > du Cliapitreot le ■ Nécrologcile
Suiiit-Vincetitt). IK Juillet 1096. — l/auteur de lu Vie île lloel (Getta)
<lit: 101)7; mais il altlrmc aussi que Itoi'l. consacK' eu avril lOST),
mourut dans la douzième ounée de s<in épiscojiat, ce qui place celle
mort entre avril 1096 et avnl -1097, soit eu juillet 1<K)6. Us cliurlcs
d'ilildebert confirment cette iiitei'prélatiDii. (Voy. notre Tahlaaii des
actes, 11" i et .". )
(3| TajilOt le iloycn siguuit avant l'arcliiiliacre et tantôt uprî-s lui.
Mai» il n'y avait iiu*un seul doyen, tandis que l'on comptait (lour li>
diocèse plusieurs urcliidi acres rt'gionanx, sur lesi|ui'ls, il est vrai,
l'arcliidiacre <lc la cutliédrale avait la préséaTicc.
<3) a-vtii, 89. 1).
(il Ui'di.-ric Vital, /fis/. coluainW., IV, il.
(Dj ' Quidam ex clericis, a priueipio proniotioiii pnesulis invidenles. ^
(GwM.SB, A.)
llKW
— 42 —
lat trop attache aux privilèges de son église, s'était prononcé
pour l'étranger. Il ne devait pas tarder à reconnaître son
erreur ; mais au moment de la mort de Hoël, le comte, le
roi et une grande partie des chanoines étaient hostiles à
Hildebert (1).
Ses partisans déi)loyèrent une audace et une activité sur-
prenantes. Tandis que GeofTroy, sûr du succès, faisait pré-
parer des tables pour célébrer son élévation, les partisans
d'Hildebert hâtèrent les opérations du scrutin: l'élection se
trouva enlevée. A cette nouvelle, le comte Hélie entra dans
une violente colère ; il se souvint que jadis il avait empri-
sonné Hoël, pour un motif, il est vrai, exclusivement poli-
tique ('2), et il parla de mettre la main sur le nouvel élu,
dont la consécration tut au moins différée.
C'est alors en effet que les partisans de Geoffroy, profitant
des obstacles que rencontrait Hildebert, voulurent s'opposer
à son intronisation. Ils écrivirent à Yves de Chartres,
comme au prélat de France le plus autorisé pour parler au
nom de la discipline ecclésiastique. On voit par la réponse
de révêque de Chartres (3), que ces mécontents n'avaient
pas épargné les insinuations perfides à l'adresse du concur-
rent victorieux. « J'ai appris, disait Yves à l'archidiacre, j'ai
» appris des choses de vous qui me causent de la peine et
(1) Orderic Vital. — Dom Pioliii {Histoire de Végliae du Mans, t. III)
s'abuse quand il représente cette élection comme le résultat d'un
mouvement populaire, hostile aux seigneurs et au Chapitre. Certes,
le comte Hélie et un certain nombre de chanoines s'y opposaient ;
ce n'est pas à <lire que tous les seij^neurs et tous les chanoines
y fussent contraires. Même Orderic Vital met d'une part Hélie, de
l'autre tout le cl(îrgé, et c'est sur le témoignage des Gesta que nous
partageons le clergé en deux camps. Ainsi, le peuple a joué un rôle,
mais non prépondérant.
(2) Gesla Iloelli. Dans Mabillon, Vetera analecta. p. 310, col. 1.
i3) Sur l'auth(Miticité présumée de cette lettie, voy. notre Chap. 7»^
p. \o'\(\. Elle est dans Migne, J'atrol UU.,i. CLXII, ep. 277.
— w -
» me font horreur ; si elles sont vraies (1), vous ne pourrez
» conduire votre peuple, mais vous serez pour lui un péril
» de plus. Quelques-uns des principaux de l'église du Mans,
> qui assurent vous connaître depuis lont^temps, témoignent
* que vous n'avez point mis de bornes h vos passions déré-
» giées ; à ce point que, étant déjji élevé é\ la dignité d'archi-
» diacre, vous osiez vous entourer d'une troupe de person-
» nés du sexe , dont vous avez eu je ne sais combien
» d'enfants..,. »
La conclusion était qu'un prêtre qui aurait donné un si
sauidaleux exemple, non-seulement ne devrait pas aspirer
aux fonctions sacrées de l'épiscopat, mats encore serait tenu
d'expier ses fautes à l'écart, dans la plus stricte pénitence.
Heureusement, Yves de Chartres ne se prononçait pas sur
la question de culpabilité ; il savait à quelles calomnies se
laissent entraîner les partisans d'un candidat évincé, et il
n'était pas obligé de les croire sur parole. Il ne voulait pas
nuii plus s'opposer, il la légère, à une élection déjà prononcée
et compromettre la dignité de l'Église de France, ptir la
menace d'un schisme inii)ai1'aitemenl justifié. Bref, il ren-
voyait, purement et simplement, la leltrc anonyme à l'accusé
et l'invitait à tïiire son examen de conscience.
Se tiouva-t-il coupable, et les grossières allégations
qu'Yves de Chartres reproduisait, sous toutes réserves,
renfermaient-elles une part de vérité ? Ce qu'on connaît des
poésies excessivement légères mises sur le compte d'Hilde-
bert, ne tendrait pas ii faiie pencher la balance du côté de la
vertu ('2). Mais interrogeons les témoins.
(1) « Qumti verasunl. > Yves uaflirine pas, mais il ue faut pas |iré-
IcnJre avec Gond on util, que son laiiguge implique la tLt';!atiuii. En lutin,
quand le Joute penche fortemeiit vers la uégutivo, l'iiiilicatif Tait place
au mode subjonctif: date ni vera tint.
|3) Voy. li. Ilaurùau, Mélanges poétii/ues dUildebeit . 11 est vrai
(l'ajouter, pour kc montrer tout ù fiiit impartial, que nous ne sonitues
plus bii mesure <ie mettre A puit ce qu'il composa avant ite devunir
arcliidiaure ou même d'entrer dans les ordres. Et puis, |iour jouer de
- 44 —
D'abord, son panégyriste, après avoir affirmé qu'il fut
élu en raison de sa science et de son honorabilité, « propter
scientiie et honeétaiis suie meritiim », apporte dans la suite
du récit queUfues restrictions qui donnent à réfléchir. Il
laisse entendre qu'Hildebert, sans avoir négligé absolument
jusque-là Tétude des Saintes Écritures, jugea néanmoins
(pie le moment était venu de leur donner le pas sur les
lettres profanes (1) ; il le montre s'iniposant les plus dures
l)éiiitcnces et faisant au pied des autels des mea culpa répé-
tés, conmie s'il avait, vraiment, de graves fautes à se repro-
cher, oc Et si qux fuerant piventiitis delicta, » C'est à ces
ternies que se borne l'allusion du chroniqueur, mais elle
est transparente ; car, si le chrétien le mieux en paix avec
sîi conscience a toujours le devoir de s'accuser par un aveu
implicite des faiblesses dcmt il a pu perdre la mémoire, la
déposition, venant d'autrui, a toute la valeur d'un docu-
ment (2), et nous savons que le clerc, favorable à notre
l)rélat, n'a i)as dfi outrepasser la vérité mais plutôt l'atténuer.
11 y a un autre témoignage, celui du « Nécrologe (3) de
lîi plume sur des sujets scabreux, doit-on nécessairement se signaler
par sou inconduite ? Celtfî preuve est donc bien faible.
(1) « Qui quamvis a pueritia sub litlerarum studiis sedulus institisset,
suniplo tainen episcoi)atu, Sanetarum Scripturarum leclionibQs pro-
jMiiisius incunibebat. » (Geata^ 89, li.)
{'!) « Cet écrivain, dit Yiihtoire littéraire, ne fait que j)rèter à llilde-
)» berl des seutiments tels (pie doit les avoir tout bon clirétien et tels
» que les ont eus les ].)lus grands saints, sans excepter ceux qui on^
)> mené la vie la plus innocente dans leur jeunesse (P. 200). » Mais le
dire ne rîi[4)orte pas les réflexions crUildebert : il parie en son propre
nom ! A la vérité, dom nondonnet aflirmc qu'on a dit la même cbose
de saint Domnohi et de saint IJertrand ; mais nous n'avons rien relevé
d'approclianl dans les <« Mesles » de ces deux prélats.
(iJj Conini de Bondnnnet d'une part, de Le Corvaisier et de dom
IJriant {Conomannia. Hibl. nat.. f. 1. 10037), qui croyaient à rexistencc
de l'enfant naturel, d'antre part, ce nécrologe est aujourd'hui perdu.
(.Mobnicr. l)bHminu*8.) « Je scay bien, dit le Corvaisier, que l'on me
» pourra objecter cpi'il n'y a gnéres d'apparence que l'église de sainct
» Pierre eûst ])arlé au désiivuntage de son bien-facteur et luy eusl
» voulu rei)roclier Testât de sa naissance ; mais je leur pourray repartir
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Saint-Pie rre-de-la-Cmir » (1) au Mans. On y lisait: « Le
» tpoisiùme des ides d'août (le 11) mourut Gcrvais, filn de.
» Vévéqiie HHdebeH, chanoine de l'Oglisc inére et airlii-
» prêtre, qui de sou vivant a fait présent d'une Bllde pour
» le service de cette église. » Itondunnel et les Bénédictins
auteurs de VHtatoire iiUéraire se sont donné une peine
énorme, pour établir que le Gervais dont il est question
était, non pas un fds naturel, mais un Tils au sens spirituel
du mot, un fils on religion ; comme Hildebert dans la lettre
il Roger de Salisbury (2), par exemple, appelle son futur
successeur Guy « notre frère et (ils », ou encore comme il
donne à la reine d'AngleleiTe le uuni de fille. Mais qui ne
sent la profonde dilTéronce qui réside entre les appellations
tendres qu'on se prodigue dans un billet, et une note toute
sèche comme celle que nous lisons dans le iidcrologe, une .
véritable déclaration d'état civile
VHistaire littéraire cite alors un second document otTiL'iel
pour corriger celui-lii; c'est une charte (:J) concédée p;ir
Hildel>ert en Hli à l'abbaye de Marmoulier et ofi si-
gnait après lui , entre autres témoins , un nommé Ger-
vais, qu'il qualifie de Nepote itieo. Mais d'abord, rien n'em-
pêche que ce neveu soil un personn^ige distinct du fils
naturel, tout en portant le même nom. Ou, si l'on pi'éfère,
n'oubhons pas que la fameuse réforme de Grégoire VII, vieille
de quarante ans it peine, et qui renouvelait pour les piiîtres
la prescription du céhbat sous les peines les plus sévères,
> iiiie tous les manuscrits, iloiil j'ay feuilleté une honue porlie, ne sont
• point esci-ils avec lant de circonspeclion, mai» racontent assez
I ineùnuemeiit et quelquefois trop t^ros^ièi-enient tes chost'S comme
■ elles sont arrivées, et eu iiarlcnt avec bouiicoiip de nnisvetè. ■ (llitt.
de» évi<iiiei du Mans. p. 3111.)
(I) La collégiale de Saiiit-Pierrc-iie-la-Cour, S. Petitis in ctiria, ser-
vait de chapelle aux comtes du Maine, dont le palais étiiil voisin (hôtel
de ville actuel).
(i) l^ettrc II, 12. Virtuti gratuloi:
(3) X> 35 de notre Tableau île» acte».
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aura pu imposer à notre prélat un mensong»? de convenance,
et nous serons bien près île soupçunner que ce Gervais,
qualifié par lui de neveu dans les diplùmes, était peut-être
tout bonnement son fils. Bref, les auteurs de VHistoire litté-
raire soutiennent i|ue Fi7i»fs, dans le nécrolf»ge, est l'équi-
valent de Sepos ; noii^ nous demandons pourquoi le Nepole
de la charte ne tiertOrait pas aussi bien la place de Filio : les
deux hypothèses se balancent...
Et que de jugements contradictoires ont été émis sur la
jeunesse de notre Hildebert î Après Yves de Chartres et les
Gesta^ Baronius, auleur des Annales ecclesiaslici, a exprimé
son opinion, au XVh* siècle. Très défavorable à Hildebert à
cause des louanges qu'il avait données à Bérenger, l'illustre
cardinal a conclu de sa complaisance pour un ancien héré-
tique à rinconduite de ses mœurs (1). Le Père Sirmond (2),
acceptant le fait, sinon rargumentalion, s'est résumé par
l'expression de viiœ solutioris , et Le Corvaisier a été
jusqu'à prêter à Yves des déniarches qu'il ne fit point.
Aussitôt Bondonnet l'en a rudement repris et, dans une
argumentation aussi abondante que pénible, s'est efforcé de
monlrer Hildebert innocent de tout. Maan l'a approuvé ;
Du Boiilay (3) ne s'est pas prononce, mais l'opinion do
Baronius a été soutenue par Ménage (4) et par Bayle, le
grand critique, tandis que Beaugendre et VHistoire littérairr.
s'en référaient à Bondonnet. Que de controverses! Elles
nous renseignent sur le tour d'esprit de ces érudits et sur
leurs méthodes de critique, beaucoup plus que sur la ques-
tion dfs fautes de jeunesse, prêtées ou non à Hildebert I
i[) Annales ecclesiaslici, a. H)88. Cette argumentation est d'autant
plus bizarre, que IJérengrr passait pour un liomnne excessivement
austère (Malmesbury, end. cité).
(*2) Noti' à la lettre de Geoffroy de Vendôme 111, 13, dans Migne,
Patrol. /ar.,t. CLVII.
(li) Ilist. univ, Paris., lib. 1.
(4) Ilisl.de Sablé, p. 107.
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L'auteur du Dictionnaire ci'Uiqite, qui ri^sume los opinions
nvec quelque malignité à l'égard de l'Église, encadre cr
débat entre deux biographies de saints minislres, unique-
ment occupés de théologie protestante et à qui leurs amis
chercbent une femme pour leur permettre de mieux tra-
vailler. Mais il fallait bien que l'Église du. moyen ûge, qui
maniait les hommes, fût fortement engagée dans les passions
du siècle, pour jouer le rôle qui lui revenait dans la société
par la logique des événements; elle était donc aussi bigarrée
que cette sociélé elle-même. On voit très bien, h travers le
récit, au premier abord unilormôment onctueux, des moines
annalistes, que, de ces prélals et de ces abbés qui se suc-
cédèrent sur les différents sièges, les uns étaient plus
recommandables par leurs mœurs, les autres par leurs
capacités ; mais les moines, en bons chrétiens, les acceptent
tous, avec une légère nuance dans l'expres-sion, une con-
jonction latine de plus ou de moins, et en cela n'étaient-ils
pas plus philosophes que le célèbre critique du XVII» siècle ?
A chacun selon se.'? aptitudes, et il y a différentes maniè-
res de servir Dieu. Voici, â l'inverse de notre mondain mais
très doux et très affable Hildeborl, ce qui arriva au moine
Ebrard de Marmoutier. Lors de son élection an siège ablia-
tialde Saint-Calais, Yves de Chartres (1) signalait le nouveau
dignitaire pour sa a moriim acerbitate et tain actttum suorttm
qiiam verborum impoi-tabili pru-sumplioue t. C'était dire
qu'il avait un caractère difficile et quelque suffisance ; mais
l'évéque ne niait pas ses autres qualités, sa science, sa
moralité ; il se contentait de crier garci Ainsi fit-il, pour
d'autres motifs, à l'occasion d'Hildelwrt, et il fut récom-
pensé de n'avoir pas persisté davantage dans son opi)ositioit,
puisque, du jour où il as-^unia le poids des hautes respon-
sabifités, Hildebert mérita d'être appelé le c Vénérable » (2).
(1) YvonU epittode. Lettre 92, à Geoffroy Uoycii, sous rùvOque lloël.
(tt} Ce surnom de i Vùnûrablo > est ))orlù [lur Bùile, i|ui vi^cut uun
environB de l'an 7U0, et par Pierre, abbc de Cluiiy, qui fut postérieur
i
\(:cf'\iUy \mT Yve?î «le Chartres, reconnu par rarchevêquc
inr'tropolitain Hunxil d), HiMelHiTl .^'élail réconcilié avec lo
roriito Ilélje, rpij, ajnvs avoir vu do mauvais œil cette élec-
tion, no craif,'nit pas île s'en porter garant contre la volonté
du roi d' Angleterre.
Mil.
1fKJ7 Soigneur do la Flèche par voie d'héritage paternel, maître
[).ir sa fonuno do Chàleau-du-Loir, Mayet, Lucé-le-Grand,
Outillé, d<'voiui comte (lu Mans par le rachat des droits de
son parant iluguos le Manpiis, Ilélie était un prince vaillant,
pi<MJX et avisé. Il avait fait vœu de partir pour la croi-
sades, lors du passage d'Urbain II au Mans (février 1096),
mais SOS services étaient trop utiles à son pays pour (juc
révoque le pressât vivement de donner suite à cette pro-
uiosse : mémo Hildeberl parait s*ètre prêté à certaine petite
(•r)inédio (pii avait pour but de dégager la parole du comte.
Après avoir infligé aux pillards conduits par Robert de
IJollosme, soigneur d'Alenoon, une défaite sur la haute
SîU'tlK», Hélie s'en alla bravement à Rouen trouver son
suzerain, le duc Guillaume. k( Comme je dois, selon mon vœu,
)) partir pour la croisade, lui dit-il devant toute sa cour, je
» vous (liMnaiido votre amitié. — Va-t-en où tu voudras, dit
» I(î duc, mais remols-moi la ville du Mans avec tout le
«rnii (l<Mhi-si('îolo onviroii à Hildeberl ; il implique ralliance delà res-
lH'(!tai»ilit»'* av«'(' le savoir. Quant au titre de « saint », plusieurs Vont
doinu' à FlildclK.M't, par exemple les ùditeurs de la Afaxhna Bibliotheca
lUitruiit au XVII'' siècle, ou Bruuet dans son Manuel du libraire j et
j'rla est certaineincut déplacé. Kst-ce à dire (jue saint Hildcvert, êvêque
dt' iMe;mx. (pii vécut au temps d<.'s Mérovingiens, ait été plus digue
«pie nntr«'évé(pie dt» la canonisation? Peut-ètn^ pas, car, à une certaine
rpixpn', les évéques n^.'evaient facilement le titre de saint.
(1 1 Vny. la note Sur Vèjwqtw du saa'e d'Hildebert à la lin de la pre-
mière partie.
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» comté, parce que, tout ce qu'a eu mon pèvo, je veux
f* l'avoir. — Je liens mon comté par droit hérétlitaire, répli-
» qua Hélie ; je vous reconnais lo droit de me faire juger
» par mes pairs. A ces conditions, je viens vous faire lioni-
» mage. — Le roi répondit : Avec des épées et des lances
» et des armes de trait à volonté, j'irai tenir le [)laid que tu
» réclames. — Alors le comte : Je voulais aller contre les
» païens, mais voici qu'à présent une bataille bien plus
x> proche contre les ennemis du Christ s'offre à moi. Ecou-
3 tez, vous tous : je ne quittei ai point la croix, mais je la
> mettrai sur toutes mes armes ; muni d'un tel talisman, je
j^ marcherai contre les ennemis de la i)aix et du droit ; du
» jour où j'aurai trouvé l'heure propice pour m'en aller d'ici,
» tous ceux qui se lèveront contre moi Irouverunl un soldat
» du Christ à qui parler. — Va-t-en où tu voudras el fais ce
i> que tu veux, riposta Guillaume, je n'en vcuix aux porte-
» croix, mais je réclamerai la ville de mon père (1). » Celte
petite scène pose heureusement l(»s personnages, tous deux
fort attachés dans le fond à leurs biens, mais le premier
plus distingué dans les formes, le second plus brutal, quoi-
que non dépourvu d'une certaine générosité soldatesque,
puisqu'il lai.ssa aller son vassal sans l'incpiiéter. Avec llélie,
du moins, la vie devait être plus facile pour un évéctue
élégant et poli.
Guillaume le Roux donna de l'argent à Robert de Rellesme,
à qui la dépossession de Courleheuse, le duc fainéani, avait
interdit le pillage de la Normandie et ({ui, se tournant vers
le sud, dévastait le Maine ; après un an d'escarmouches (2).
(1) Onl. Vit., Hiat. ecdes.. IV, 'JH. (inillniimo de .Malmesbury fait un
récit analogue, qu'il place un peu plus tanl. (De Geslis renum Atigl.j
lib.IV, p. l2i.)
(2) Dans la semaine qui précéda les Uotrations (d'après Orderic Vital),
c'est-à-dire entre le 25 avril et le It mai : le IV des Kaloiides, 4« jour
de la semaine (/V«» kal. maii, fei'ia IV^y dit la a Chroniipie do Saint-
Aubin » ), soit le mercredi 28 avril.
— 50 —
lOîW vers la fin (ravril 1098, Hélie, dans les courses qu'il faisait
autour (le Dangeul (l) que ses gens étaient en train de forti-
fier, tomba dans une embuscade et fut fait prisonnier avec
sept soldats par son ennemi, qui le livra à Guillaume le
Roux (2).
C'était, pour le duc de Normandie, une occasion inespé-
rée de reconjpiérir le Maine ; il écouta les conseils des
grands qui l'entouraient et partit avec une armée, qui, en
route, se grossit d'une foule d'aventuriers. A cette nouvelle,
le comte d'Anjou Fouhjues, dont le fils Geoffroy était fiancé
h la fille d'Hélie Héremburge, pour disputer le Maine h la
domination normande, mettait garnison dans le château du
Mans.
Nous avons deux récits de l'expédition de Guillaume le
Roux contre le Mans. C'est d'abord la relation composée par
Orderic Vital (3) qui, de son couvent, a vu des gens qui
allaient h Tarmée ou qui en revenaient. Il a vu les seigneurs,
ceux-ci fort ticdes, connue Raoul de Reaumont, vicomte du
Maine, Geoffroy de Mayenne, Rotrou de Monttort, déclarer
devant Fresnay-sur-Sarthe qu'ils s'en remettaient à la déci-
sion de l'évècpie et des principaux du Mans, sous prétexte
que les membres devaient suivre la tète et non lui comman-
der, — ceux-là, comme Robert de Rellesme, piller le pays
sans mesure et si bien ruiner les moissons que Guillaume
le Roux dut se retirer, faute de trouver des vivres pour son
armée. (Juillet 1098.)
L'autre récit a été écrit par le clerc auteur des Gesta (4).
Ici, le nom de l'évoque n'est pas seulement invoqué comme
prétexte à la temporisation de quelques hobereaux ; c'est
(I) Dangeul. Dominolium, petite seigiKnirie. Cf. danger, de dominia-
vium, puissance, pouvoir. (Ane. franc. Être en domjier de mort, c'est-
à-dire au pouvoir de la mort.)
(2; Gesta, ÎK), D. — Orderic Vital, Ilist. ecelef.y IV, ^.
i',i} Orderic Vital, Hist. eccles.y IV, 45.
(i) Gc'«/o, 90, GetUl.
— 51 —
parce que son vassal a consenti à Tinlronisation cVHildebert,
que Guillaume le Roux déclare la guerre h Hélie ; c'est
Goulaines (1) qu'il brûle de préférence, un bourg apparte-
nant à révêque ; c'est enfin parce qu'il croit avoir des intelli-
gences dans la ville que le roi s'en approche, et c'est parce
qu'il s'aperçoit qu'on l'a dupé qu'il se retire en secret la
nuit.
Que verrons-nous dans ces deux témoignages, sinon une
double version des mêmes événements, interprétés d'abord
au point de vue des Normands et de l'armée assiégenntr,
puis avec les sentiments de l'assiégé?
L'hiver de 1098 à 1099 fut rude à passer pour les Man-
ceaux. Tout ce que possédaient l'évêque et le Chapitre dans
la campagne, leurs jardins, leurs rfiches, leurs vignes, leurs
greniers, tout avait été dévasté, la famine régnait. Le chû-
teau du Mans restait au pouvoir des Angevins, les soudards
battaient la ville ; en même temps, cello-ci était fortement
travaillée par les intrigues de Guillaume le Roux : « Ipsain
urhem wagù pecunin qnmn virihus impugnahal jamqite
psene possidebat », dit la « Chronique de Saint-Aubin
d'Angers » (2).
Certes, la position d'Hildebert ne dut pas être facile ^009
durant cette période, placé qu'ilétait entre la crainte d'une
rentrée à main armée des Nonmands et le danger que les
Angevins, en se voyant évincés par l'or de leur eiuiemi, ne
fussent poussés à quelque acte de désespoir. Nous avons la
preuve de ses émotions dans ses poésies (3) et dans une de
ses lettres (4). Comme il ne disposait d'aucune force mili-
taire (5), il était réduit à surveiller les événements ; mais
(1) Goulaines, Colonias,
^2) P. 29 des Chroniques des églises d'Anjou (édit. Salmon).
(3) De Exsilio stio liber. « Niip(M' eram locuples... » (Mclanyes poéti-
ques d*Hildebert, par U. Uauréau, p. 80.)
(4) Lettre d'Hildebert II, 8. Sicut frequens. (Patrol. lai., t. CLXXI.)
(5) 11 semble, d'après les diplômes des rois mérovingiens et les tes-
taments de plusieurs prélats (dans les Vetera analccta de Mabillon),
— o2 —
au printemps, roccasion se présenta pour la diplomatie
('piscopale de préparer la délivrance.
En elïol, les troupes an^^evines ayant subi un échec devant
Hallon, une certaine lassitude se manifesta dans le parti.
GuillaunK» le Uou:^ ne voulait pas non plus s'engager à fond,
car il craignait d'être chassé du Vexin par les Français (1) ;
enfin, Hélii^ ne souiïrait pas impatiemment d'être protégé
par le comte (KAnjou, (pii, sous prétexte de leur venir en
aide, opprimait ses sujets. Foulques le Réchin, -comte
d'Anjou, n'était pas, l'histoire nous renseigne, un modèle
de chevalerie : il avait dé[>ossédé son frère, Geoffroy le
Harhu, et, après avoir répudié deux femmes, était jusqu'au
crime esclave de la troisième, Bertrade de Montfort (2),
(pj'il avait épousée du vivant des deux autres. Hélie, crai-
gnant donc (|ue ce personnage peu délicat n'abusât de la
situation pour laire la paix avec le roi d'Angleterre à ses
ilépens, manda révé(|ue llildebert et quelques-uns des prin-
cipaux du Mans dans sa prison, à Bayeux, avec le consen-
((^ment de (iuillaume, pour traiter de sa libération (3).
(pie révé(iue, liêritier ihi Dcfensor clvitatis, partageait alors le pou-
voir comtal, et que, h son intronisation, il se faisait remettre
ios clefs (lo l'abbaye do Saint-Vincent, établie en avant de la viUe
comme une petite forteresse qui avait son prévôt, ses hommes d'armes.
Mais, au XI'' siècle, les abbay(?s s'étaient alTranchies ; quant à la cité
elle-mèm(% la part de pouvoir temporel qui y restait à révêque avait
disparu ilans l'insurn^clion communale de 1072 (conspiratione quam
ommunioneni vocaijant : (iesta ArnalUi, p. ii()8), une des premières
dont l'histoiro fasse mention : l'autorité du comte, entre les mains <les
\(»rmands, s'était reconstituée, mais non le pouvoir temporel de
l'évéque.
(I) Lucliaire. Actes de Louis VI, Introd., p. lo. (D'après Orderic Vital
et Sujïer.)
('2) Uertrade de Montfort, restée de bonne heure orpheline, avait été
abandonnée au comte Foulques pour prix d'un arrangement politique.
Femme il'un mari très licencieux, elle se signala elle-même par ses
déportf^'Uients ; en lOlhî, elle se faisait enlever par Philippe I*"" et allait
vivre à la cour du roi, qui fut de ce chef excommunié.
(;i) Qcsta, 91, n et Orderic Vital, Hiat. eccles., IV, 50 et 51. — Hélie
avait été déteini d'abord à Rouen, d'après les Gesta ; mais il fut trans-
- 53 -
Hildebert saisit celte occasion de rendre service au comte
du Maine et de rentrer en grâce auprès du duc de Norman-
die ; les négociations entre eux et le comte d'Anjou abouti-
rent : il fut décidé que Hélie serait remis en liberté en
échange de la ville, abandonnée h une garnison normande,
et Geoffroy , ratiliant la convention sur Tordre de son
père Foulques, se retira avec ses soldats.
La transmission du château se fit sans secousse, et Hilde-
bert vint recevoir soleimellement, à la tête de son clergé,
le roi d'Angleterre, qui se retira après avoir confié la place
à Guillaume comte d'Evreux, Gisleberl de Laigle et Gauthier
de Rouen. Mais il s'en follait de beaucoup que tous les dan-
gers fussent écartés. Les comtes normands, qui comman-
daient dans la ville à la place des Angevins, ne la traitaient
pas avec plus de douceur. « Sex in urbe sustiniiimus con-
» suies » (l), dit Hildebert, en parlant de ces deux mortelles
années, « Sex in urbe stistinuimus consules ; quorum nullus
» pacificum prœttmdtms ingressum gladiis et igné curlam
» sibi vindicavit potesiateni. Plebs, coacia in favorem, lyran-
)) num suscepii ex necessiiate , non dttcam ex legc : in
» susceptum studia simulavit, non exhibuit. Fidem reperit
» in ea qui superior. Consul vero tatdo grnvius dominntus
> est quanto brevius. Miles ejus^ simulatis usus injuriiSy eos
» scelerum judicavit expertes quos reru))i. Et quia non par-
férê à Buyeux, s'il faut en croire Orcicric. — Cet auteur ne parle pas
du rôle attribué à Ilikleborl par les Gesta, mais seulenioul d'une entre-
vue entre Foulques et Guillaume le Roux. L'un n'exclut pas l'autre.
(I) Beaugendre traduit consules par « éclievins » î II cite les paroles
de Du Gange : « Consules in civitatihus, (|ui in aliis vulgo scahini
vocantur. » Quand il s'agit <rinstitutions connnunales, consules peut
en elTet désigner les échevins ; mais ce mol s'applique d'une façon
générale à toute espèce de maîtres politiques, et, si un cai)itaine est
entré à main armée dans une ville, on conçoit (pi'il y rèjj:ne, sans pour
cela devenir mi magistrat. Dans le De E.vsilio suo liber, consul désign(^
le i'(n d'Angleterre: » Que C.enomannonnn consti le jyis \K*vi\i. • \h\ns
les chroniques, consul veut dire comte : Gesla cunsulutn AndJ^aven-
— 54 —
jo cil popidis^ vegnutn brève; fineni rapinis inopia posuitj
» non volnntas » (1).
Si VéUil de jK^iici'i-e se prolongeait malgré le traité, c'est
(jirilélie n'avait pas renoncé ti ses droits ; il tenait la cam-
pagne et préparait sa revanche à Château-du-Loir et autres
forteresses. Au bout de quelques mois, il présenta la bataille
aux Nonnaïuis de la garnison. Ils vontau-devant de lui, avec
un certain nombre d'habitiuits, jusqu'à Pontlieue (2) : ils
soni mis en déroule. Hélie entre dans la ville à leur suite, les
remparts du nord et le château sont attacjués par les rues ;
[••s tours de Saint-Julien servent de bastides pour tirer sur
les assit'gés ; ceux-ci ripostent en jetiuit du haut des rem-
parts des brandons qui mettent le feu à la ville ; la confusion
est partout, le comte voit ceux des habitants qui le soute-
naient Tabandonner pour courir à Tincendie. Sur ces entre-
faites, le roi arrivait: c'était un coup mantpié. Hélie s'enfuit,
laissant encore une fois l'évéque aux prises avec la situation
la plus troublée, la plus menaçante.
Guillaume le Roux, prévenu en secret par Robert de
Rellesme, était débarqué inopinément à Trouville. « /bi, w(
(h Lettre II, 8. .SiciU frcquetis. — « Voilà plus de trois ans (en octobre
>' lUK)} qiH* ii; cours de ces caiainilùs a commencé, et chaque jour n'a
>• lait (|u'ajoutor douleur sur douleur. Dans ce court espace de temps,
» notre ville n subi six comtes (Angevins et Normands réunis) qui, les
» uns et les autres, loin de se jirésenter en pacitîcateurs, se sont
V arrogé par le fer et le feu un pouvoir éphémère. Le peuple, contraint
)■ à leur faire ljonu(* mine, a re(;u les tyrans imposés par les circon-
» stances et f»as «le chef légitime. Pour ces maîtres de rencontre, il a
'» joué la souujission, .«^iins amour vrai. Le triomphe de la force a fait
n sa lidélité. Le joug de ces comtes s'est appesanti d'autant plus lour-
« di'ment (pi'il durait moins. Leur soldatesque, sous le prétexte mal
" fondé d'outrages a l'autorité, n'a jugé exempts de crimes que ceux
) auxquels il ne restait plus rien qu'on put enlever, et leurs dcpréda-
» tious n'ont cessé que fatite d'objets m. Ce la ugîige rap])e lie Tacite.
('2) Piinfem Lnufiiv. Poutiitme, localité séparée du Mans par l'Huisne
{Idoui'U), pri'iniére station du lîliemin de Hm* l'outier du Mans à la
(Miartrt^. — Tous ces faits sont dans les Gesla^ \)\ et î^2.
— 55 —
tnoria e»t in œstate , plurea utriinque ordinîa adsUtlianl
et, vUa rate de Anglia velificante, ut nliquid novi edisce-
rent, alacres exapectabant (i). » On le voit, en celte saison
de juillet 1099, la noblesse normande n'était pas tout entière
à l'assaut de Jérusalem, et plus d'un seigneur se reposait au
boi-d de la mer des fatigues des combats, Guillaume le Roux
se trouva donc, à son arrivée, entouré d'un groupe de
iidèles. Hildebert se hàla de se présenter parmi eux, ayant,
comme l'on pense, à expliquer sa conduite et celle du clergé
de Saint-Julien. 11 aborda le roi humblement et tut par lui
reçu en ami. En elTel, Guillaume le Roux, parti d'Angleterre
avec une violente colère, s'était calmé par degrés. Se jeter
dans une barque à l'improviste, s'amuser de l'étonnement
des matelots qui le conduisaient, en les régalant de ce mot
oi^ueilleux que « les rois ne se noyaient pas n (2), sur-
prendre son peuple et, pour employer une expression toute
moderne, < alarmer » sa troupe, tout cela lui plaisait. Guil-
laume le Roux avait retrouvé sa bonne humeur soldatesque :
il reçut bien l'évèque (3).
Mais ce rude soldat pouvait s'enqjorter de nouveau. Il est
dit dans les Gesta (4) que des clercs, probiiblement ceux
qui n'avaient pas pris leur parti de l'élection d'Hildebert,
desservirent l'évèque auprès du roi, l'accu.-sant d'avoir favo-
risé sous main la tentative d'Hélie ; nous croirions volon-
Mers que Guillaume attacha peu d'importance à ces insinua-
tions ; mais, lorsqu'en parcourant des yeux les brèches
faites à ses remparts, il vit, se détachant superbe sur la
ligne des créneaux, la tour de l'église d'où l'on avait tiré
(I) t La, comme c'est l'usatje en itarellle saison, se trouvaient u
■ cert&in nombre de gens ilce deux onires |latqucs cl religieux): ii l'a^
■ pect de celle voile qui venait d'Angleterre, ils accoururent savoir c
> qu'il y avait de nouveau. • (Orderic Vital, HiU. eccldt. IV, 58.)
(2j Chron. PelH fiiii Bechini,
(3) Orderic Vital, HUt. eccle»., IV, D9.
(i)Cetla, «JS, A.
IK»
— 5(5 -
sur ses troupes, il coinpril Tinsulte et, fronçant le sourcil,
ordonna de l'abattre (1).
Hildebert ne pouvait consentir, sans déchoir gravement,
à un pareil sacrifice ; il voulut profiter de ce que le roi était
pressé de retourner en Angleterre, pour traîner les choses
en longueur. Mais il semble que Guillaume revint au Mans
dans l'hiver de 1099 à 1100, apparemment pour se rendre
compte des tiavaux de réftîction qu'il avait ordonnés dans
le cliîïteau ; il reprit alors son idée d'abattre la tour de
Saint-Julien. Cependant, Hildebert avait eu le temps de
consulter Yves de Chartres et s'était fait défendre par lui de
consentir à l'épreuve du fer chaud pour prouver son inno-
cence ('2). 11 réclama le jugement de ses pairs, et alors le roi
le contraignit de le suivre en Angleterre, pensant avoir rai-
son de lui par Texil t^t aussi par le spectacle de l'étroite
dépendance où il tenait le clergé de son royaume (3).
Hildebert devait, au contraire, retirer de ce voyage beau-
coup de fruit. D'abord, il composa une remarquable pièce de
vers, que nous avons, sur la tempête où il faillit laisser la
vie (i); ensuite, il noua outre-mer plus d'une relation
agréable et nous voyons que, parmi ses lettres, plusieurs
(1) [1 s'iijïit de la tour du transept nord, la plus voisine du château
cl (lu rempart (pii s'y appuyait, à Tangle nord de la ville. On reconnaît
(l;uis It^ jardin voisin les restes do ce mur de construction byzantine
(pii, en se diri^feant vers le sud-est, limitait le sanctuaire à la moitié
environ du ehoMir gutliicpie actuel. Il a d'ailleurs été beaucoup écrit
siir la eitadelle du Mans (tour Orbrindelle, Mont-Barbet) et sur ses
nnnailles. Cs. It.'s (>uvra}j:es, articles et mémoires de MM. llucher,
l'abbé .\. Voisin, rîd)bé H.Cbarles {Revue du Mai?ît', 1881, avec une
biblio^rrapbic du sujet) et (îabriel Fleury (Revue dti MabiSy \SSS, i^M.
et IHÎIV).
C2) Nous avons la réponse d'Yves de Chartres : Migne, Patrol. lat.y
t. CLXII, op 7i.
Cb V(.y. b'Ilre d'ilildcbert II, 8 [Sicut frecjuens) et Gestay^ï ei^.
Orderie Vil:d i\o paile pas d(^ ees évèncMncMits.
(î-i lie hlxmito sao liber. 1». llauréau, Mèlantjcs poétiqa&i d Hildebert^
p. Si).
— 57 —
sont adressées à des prélats anglais (1) dont il fit alors
la connaissance. Enfin, ayant compris le caractère de Guil-
laume le Roux, il devait nécessairement avoir le dernier
mot dans ce duel. Le roi, qui avait ses heures de piété, lui
oiïrit, s'il démolissait la tour, de For et de Targent pour
édifier un superbe tombeau à saint Julien. Hildebert éluda
cette proposition captieuse. « Cette grande idée est digne
» d'un prince, dit-il, dans Tempire ducpiel abondent les ar-
» tistes ; mais nous n'avons pas, dans notre petite ville, d'ou-
i> vriers assez capables pour se montrer à la hauteur d'un
» si généreux projet (2) ». Puis, comme Guillaume ne se
tenait pas encore pour battu et offrait, à la place d'un cadeau
en argent, un très beau vase pour y renfermer les reliques
du saint, Hildebert se ravisa : il fit tant et si bien, (pi'à la
fin on lui permit d'aller consulter ses clercs au sujet de
cette proposition. C'était un nouveau délai de gagné. Les
clercs ne purent se mettre d'accord, et l'évéque, ayant
rendu compte de la délibération et adressé sa supplicpie au
roi, attendait la réponse, quand survint la mort du tyran :
la tour de Saint-Julien était sauvée (Î3).
(1) Voy. notro //• partie.
f2)Ge»m, 92, B.
(3; Tous ceux tiui ont <!v.'rit sur los fortifications du Mans ou sur lu
catiiêdrale, ont admis qu'IIiltlebort avait cousiMiti à la démolition de
la tour du transept de Saint-Julien. Mais il nous srnililait diflicile,
après une lecture attentive des Gesta (?t de la lettre Sicnt freqiunis, de
souscrire à l'opinion commune. Tue l«^ttre inédite clc lV.vè(|ue, i{ni
doit être publiée procliainmient dans {'Eittjlish hist-jrical Uevieu^ et
qui paraît écrite après le retour d'IIildebert au Mans, nous conlirme
dans notre hypothèse. On nous demandeia alors ce que sont
devenues les tours du tran.sept, dont Tévèque .Vrnauld avait jeté les
fondements [Gesta Àrnaldi, p. .'J()7, col. 2) et qui furent aciievées par
Hoel (Gesta Hoellij p. liOU, col. *2) ; mais deux fjrands inc(Midies, tMi 1 I3i
eii\[^ iGesta Guidonis ei Hugonis), houleversèrent la face du monu-
ment oi forcèrent sans doute les areliile(.*t(\'< à abattre ce (\\\\ avait été
êparjrné j»ar le feu. Le portail dit de la Psalldle est un re.st<' de laneien
transept ; en 1i22, é|)0(pie où l'on se mit à eunstruiie le eroi.silU>n nord
qui existe encore aujourd'hui, la l*.sallelte fut laissée en dehors <lu
monument^ et les derniers uuirs qui subsistaient du XI*" siècle furenl
— 58 -
Bientôt après en effet, le 2 août 1100, Guillaume le Roux
était tué à la chasse par son écuyer Tyrrel (1). A cette occa-
sion, le clerc qui a écrit les Gesia se montre lyrique. « Il est
» mort, (Ht-il, ce grand roi, qui apparaissait chaque année,
» avec le fracas d'une tempête, pour tout submerger, et qui,
» semblable à une marée montante, s'en allait comme il était
» venu. Il est mort, ce lion féroce, il a été tué comme une
y> bète (2). » Le nouveau souverain, Henri, frère cadet du pré-
cédent, avait trop à faire dans ses États pour songer à porter
secours à la garnison du Mans. C'était, d'ailleurs, un prince
circonspect et plus disposé à dénouer par la prudence les
embarras qui Tassiégeaient, qu'à risquer au loin un coup de
force ; la petite troupe attendit, trois mois et plus, un secours
qui ne venait pas ; h la fin, elle se rendit au comte du Maine.
On lit dans les Gesia (3) que le comte, de par un don de
sa générosité pure, leur fit grâce de la vie et des supplices ;
Orderic Vital (4) prête à Hélie un rôle moins triomphant,
mais plus élégant et plus spirituel, qui s'accorde assez avec
ce que nous savons déjà du personnage. « Qu'il vienne,
» avaient dit les soldats, qu'il vienne avec une robe blanche,
» le candidat-bachelier (ils l'appelaient ainsi parce qu'il était
» comme un comte en expectative et dans la position d'un
]p fils de seigneur baimeret qui n'aurait pas encore eu Tâge
» de porter la bannière). Qu'il vienne, et nous verrons s'il
» vaut mieux que ce prince, à qui nous conservons une ville
y> et qui ne parait pas s'en soucier. » Hélie les prit au mot,
démolis. (Document des Archives nationales X 1/a 911)7, fol. 153 verso
et 156, cité par M. l'abbé LcdrUy dans ï Union historique du Maine,
mars 1894.)
(1; Tué par méj^anle ou assassine? La question est restée pendante.
]Ài\ç^nril {Histoire d'Angleterre) ne cro\i pas qu'il y ait eu assassinat;
en tout cas, T Angleterre était si beurousc de respirer après la tyrannie
do c^etto espèce de fou furieux qu'avait été Guillaume, que l'on ne fit
aucune enquête.
(2) (iebta, 92, 1).
(3) Gesta, 9;i, A.
(4) Orderic Vital, Uist. ecdes.y IV, 99-102.
- 59 -
s'aboucha avec eux et les convainquit si bien de l'inutilité
de verser ie sang, qu'ils consentirent i le reconnaître pour
seigneur du Mans et à se retirer avec les honneurs de la
guerre.
De ce jour, le comte Hélie rentrait défiiiilivement dans sa
ville, et le roi Henri, se contentiiut des simples droits de
suzeraineté, gagnait dans i>on vassal un tidèle allié.
§ IV.
Le comté du Maine était en bonnes mains, mais la guerre
avait laissé des traces qu'il restait il ellacor. Dans une œuvre
d'HildeberL mélangée de prose et de vers, le Liber de Con-
flictu carnis et apirttu» (1), l'Ame apparaît au prélat et lui
demande pourrjuoi, au lieu ile tracer des plans et de com-
mander les ouvriers, il ne préparerait pas à la Religion,
dans les cœurs, une demeure plus belle et plus durable que
les constructions humaines, tâiles de briques et de pierres...
Or tel nous semble avoir été précisément h celle heure
rol)jet de ses efforis, car, tandis que le comte rétablissait
l'ordre et que chacun rebâtissait sa maison, l'évêque partit
pour Rome demander la l)éncdiction papale et rapporter
d'Italie des présents, d(>s hommages princiers, (|ui lui per-
missent de restaurer le prestige du saint patron de s(m
église, de saint Julien, et de lui rendre, après les épreuves
de la dernière guerre, la confiance et l'umour îles Man-
ceaux (2).
(ii Ms.lat.de la Bibl.TMt ^9:), 17ii)8 etc. Duns Reaiifendrc, Ililde-
berti opéra, p. 9H (n' ^ras dp l'édit. Migiie).
(2) Voy. la noie Sur l'époi/ue du iiiywje de Itome à la lin <le la pre-
luiére partie. — Boncloiinet, puis BeiiUKunilre et lioni l'ioiiii, raconloiil
i|ir)lil(lelicrt avait fait le voyagri île Hoiiii: (jour ileinniider au l'iip-: lu
piinniBSiOTi d'ul>"iiqm.T ; or, te que ces relifie"* présentent ciimiUL- un
désir louable de se consacrer tout ciilicr à sou .salut, nousacnilili'i'iiil
une l&cbeté dont il est à propos de disculper notre êvâque. Saiiii doutt^.
. — 60 -
Hildebert se rencontra avec le pape Pascal IL Rome lui
a inspiré deux pièces de vers fort jolies, qui sont, la pre-
mière, une complainte sur la beauté des ruines de la ville
antique et Tautre, un éloge de la Rome chrétienne, de la
ville éternelle qui a hérité de la domination du monde (1).
La fin du premier poème dénote une alliance ingénieuse du
sentiment de la beauté plastique avec Tenthousiasme de la
foi.
Hic Siqterihn formas Stiperi miranuir et ipsi
Et cupiiint firlis xniUihus esse pares.
Xon potuit Naliira deos hoc ore creare
Quo miranda deùm signa creavit Iwmo,
« Les habiUuits du ciel admirent eux-mêmes la beauté
» des Olympiens et voudraient être pareils à ces visages
» sculptés.
» Non, la Nature n'aurait pu créer des dieux vivants sous
» ces traits que Thonnue a donnés à leurs admirables
» images. »
Ces anges et ces circhanges qui s'associent à l'admiration
du spectateur, donnent aux débris de colonnades et aux
statues de Rome un fond de gloire, et ces vestiges merveil-
leux se dessinent, sur la fac(» de la Divinité, comme l'abou-
tissement suprême du génie humain, comme le terme de
la création retournant à son auteur après avoir reçu de la
créature intelligente le prestige de Fart.
il dit. «laiis le cours (ie sa loltro à Hugues abbé de Cluny j'^Afflurimum
fiuro', qu'il avait songé à venir se reposer de ses alurrnes sous la règle
tutélaire de saint Henoit. et (|ue c'était le Pai>e qui l'avait prié de rester
dans le siècle ; mais nous croyons qu'on attache trop d'importance à
une marque de faiblesse passiigère, à une phrase qu'Hildebert a pu
prononcer an cours de son entrevu»» avec 1»» l*apt^, et qu'il rapporte à
l'abbè lingues en manière tle conversation. Mais il était trop couni-
geux. Comme le témoignent les actes île s;i vie. «'t aussi trop ambitieux,
pour avoir tenu la conduite qu'on lui prête.
(1) n. Hauréau. Mt'Uuujcs poétiques d'UiUieberf, p. 5il.
— 61 —
Dans rilalie du sud, Hildebert rencontrait les établisse- HOl
ments des Normands, chez qui le nom de saint Julien
jouissait d'un certain crédit, et il touchait la piété bien
connue de ces hardis aventuriers. Il vit le duc de Pouille et
son oncle Roger, comte de Sicile, qui le chargèrent de
présents : 300 livres d*encens composé de leurs propres
mains, cinq riches manteaux, des burettes d'argent doré,
un encensoir d'un beau travail byzantin, cent onces d'or et
dix livres pour chacun des chanoines. Il fut erîcore reçu en
Calabre par une sainte et noble dame, qui avait construit un
monastère en l'honneur de saint Julien et qui hébergea
notre voyiigcur et ses compagnons une nuit qu'ils s'étaient
égarés (1). En effet, un voyage au XIP siècle offrait parfois
des péripéties mémorables. En passant par l'ile de Lérins,
Hildebert faillit être dépouillé des riches présents qu'il por-
tait avec lui et même mis à mort par des pirates ("2).
Il s'échappa pourtant, et, rentré au Mans, il distribua les I10l-lia'>
dons qu'il avait reçus entre la cathédrale et les autres
cghses de la ville ; puis, il se mit à pousser avec activité les
travaux de reconstruction de Saint-Julien e>We.la maison
capitulaire, qui n'avaient jamais été abandonnés tout à fait
depuis son avènement (3).
On sait, par les lettres de Geoffroy de Vendôme (4), que
l'abbé avait prêté à notre Hildebert un maître maçon fort
habile (cœmentariumj^ le moine Jean. L'évoque se trouva
tellement satisfait de ses services, qu'il le garda près de lui
au delà du temps convenu. Geoffroy de Vendôme réclama
son moine ; Hildebert fit la sourde oreille, et, comme Jean
ne répondait pas davantage, trop heureux d'avoir échappé
k la rude discipline de l'abbé de la Trinité, il fut excommu-
nié : Hildebert ne s'en soucia point et couvrit de sa protec-
(1) Gesta, 93, B.
(2) Lettre III, 7. Maximum duco.
(3) GestOy 90, C.
(4) Migne, Patrol lot., l. CLVIÎ, ep. III, 10, 2i, 25, 29, 30.
— m —
tion rarchitecto (1). Un autre de ses collaborateurs est
mentionné au « Livre blanc » du Chapitre : c'est Guillaume,
le maître verrier (vUrariusJ^ chanoine de Saint-Julien, qui,
h sa mort, légua à Hildebert et à tout le Chapitre, pour être
vendue, et le prix en être distribué aux églises et aux
pauvres, la maison qu'il avait « bâtie du travail de ses
mains (2) ». Il avait exécuté pour Tévèque Hoël les vitraux
du chœur et du transept qu'on venait de reconstruire, et
cette éclatante manifestation d'un art qui commençait alors
à sortir de l'enfance excitait l'admiration des Manceaux (3) ;
il est à présumer que ce fut lui qui, sous Hildebert, appli-
qua SOS talents à la décoration de la maison du Chapitre.
L'évèque, en effet, tout en reconstruisant son propre
palais, n'eut point de relâche que le cloître et ses dépen-
dances ne fussent relevés et mis en état de réunir dans une
vie connnune tous les chanoines (4). Ils s'y prêtèrent d'assez
mauvaise grâce, mais l'autorité de l'évèque était à ce prix :
Hildebert tint bon. Quand Geoffroy de Vendôme lui reproche
la mollesse de son administration (5), il parle en homme
habitué à commander ses moines comme un régiment et
oublie la difficulté qu'il y avait pour le prélat à se faire
respecter de ce Chapitre, qui avait ses biens à part, ses
(1) Cette affaire ne montrait pas que Geoffroy fût fort aimé de ses
subordonnés, et M. I-uc Compain {Geoffroy de Vendôme, p. 47) nous
donne plusieurs exemples de moines qui s'échappèrent de la Trinité
par peur des coups. Néanmoins, les torts étaient du côté de l'évoque,
qui se conduisit avec quelque sans-géne, s'il faut en croire nos docu-
ments ; L'ur, n'ayant aucune lettre d'Hildebert sur ce sujet, nous n'en-
tendons qu'une des parties.
(2) Libei' albtis Capiiuliy n« 185.
(3) Ce (luillaume le Verrier, mort sous Hildebert, est mentionne dès
le temps de IIch.*!, dans la charte n^ 4 de notre Tableau des actes. Cest
donc lui qui, vraisemblablement, exécuta les vitraux du cho'ur et du
transept, si vitraux il y eut. La (piestion est en effet controversée. Voir
la note .Sur len anciens vitraux de la cathédrale à la fm du chapitre.)
(4) (iesta, 90 et 93, C.
(5) Golfridi ep. III, 1(3 (Migne, t. GLVII).
— 63 —
assemblées, et dont les membres, moitié cloîtrés, moitié
libres, disposaient de riches prébendes comme celles des
monastères sans en accepter la règle. Hildebert, loin de
faiblir, se montra constamment à la hauteur de sa tâche.
Ainsi, il s'occupa des domaines. Il s'appliqua à faire ren-
trer sous son autorité les églises rurales qui avaient été
usurpées par des laïques (1) ; il reconstruisit les granges et
les celliers, refit les plantations, enfin remit en état ces
exploitations agricoles, sans cesse pillées et sans cesse
renaissantes, qui, au milieu de l'anarchie féodale, restaient
la gloire du clergé, et, tout en revendiquant les droits du
Chapitre, n'oublia pas de le maintenir dans sa dépendance.
Il affecta les revenus des prébendes capitulaires à l'usage
particulier des chanoines, mais réserva, partout où les pré-
cédents le lui permirent, ses droits souverains (2). Parmi
les églises que cite l'auteur des Gesta comme ayant fait
retour en tout ou en partie sous Hildebert à la mense capi-
tulaire, nous reconnaissons : Notre-Dame-de-Gourdaine (.'^),
ancienne paroisse du Mans ; — Saint-Georges-du-Plain,
sous le Mans ; — Brains, Goulhans, le Tronchet, Monhou-
dou. Poncé, Ruillé-sur-le-Loir et Saint-Jean-d'Assé, dans la
Sarthe ; — Assé-le-Béranger. Jublains et la Dorée, dans la
Mayenne ; — Troo, en Loir-et-Cher ; — et, comme églises
exclusivement épiscopales. Saint -Siméon -en- Passais et
Geaucé, dans l'Orne.
Enfin, le comte Hélie, stimulé dans sa piété, prit sa part de
ces restaurations. Il donna de l'or et de l'argent (ce qu'avait
offert sous une autre forme Guillaume le Roux) pour
(1) Suivant racle de fondation, la cure était à la présentation de
l'évêque, d'un Chapitre, d'un abbé ou d'un seigneur.
(2) « Hujus etiam ope et vigilanti studio plurimie ecclesiie.... ad
victum canonicorum, ipso diaponente atque concedente, depulatiK sunt. »
(Gesta, 100, D.)
(3) Gourdaine, Gurzenna. Mot à rapprocher de gordy pêcherie. Près
de là était la tour de Chétivpau (Captiva aqua^^au captée).
- 04 -
décorer le tombeau (lectum) do saint Julien ; en outre, il
confirma à Téglise ce que lui avaient accordé ses prédéces-
seurs (1), c'est-à-dire Tabandon du droit de champart,
Taffrancbissement des corvées et redevances et de tous
droits seij^neuriaux, à l'exclusion de la haute justice, dan?^
Tenceinte du cloître, des maisons épiscopales, à Goulaines
et dans toute la terre des chanoines en deçà des quintes (2)
du Mans.
C'est ainsi que le diocèse se relevait de ses ruines. Lo
temps des grandes dévastations était passé ; mais les com-
pétitions locales des seigneurs et des églises s'étendaient à
tout le territoire.
A l'est, la terre de Savigny-sur-Braye, que la comtesse de
Vendôme Euphrosine (}]) avait été obligée de céder aux
moines de la Tiinité, venait de leur être violemment reprise.
Comme Savigny était dans l'obédience du Mans, Geoffroy,
bien que son monastère fût situé au diocèse de Chartres,
en appelait à Hildebert. Celui-ci ne se refusa point à faire
rendre justice à l'abbé, mais il voulîdt entendre la comtesse
de Vendôme avant de la condamner, et il les convoqua tous
deux à sa cour (4). Geoffroy était entier, agressif, il réclamait
une sentence innnédiate et sans phrases ; il fit mine de ne
(1) Lui-mOme avait fait pareilU; donation en faveur de Hoël et de ses
chanoines. Cf. Getyta IJoeîli, p. 312; Gesta Hilcieberli, 93, C et « Nécro-
loge de l'église du Mans », au 5 des ides de juillet. — Le droit de cham-
part (cauipi pars, prélèvement sur les récoltes) est aussi appelé
(iiablaghim. Consuetudines désigne les servitudes et les corvées;
exactlo}ies, les redevances en argent ou en nature. Le droit de haute
justice, que so réservait le comte, concernait les délits comportant les
j)lus grosses amendes ou pouvant entraîner la peine capitale, le rapt
et l'incendie.
(2) Quinte, réunion de cin(i villages. Ce mot, qui désignait la banlieue
de la ville, perdit son sens numérique, à peu près comme notre mot
ipiartier.
(3) Son mari (ieofTroy, parti pour la Palestine, y mourut en 1 102.
(i) (ioffridi cp'istolœ. Lettres au Pape : I, 3 ; à lliMebert: III, 15 et
suivantes. ^
— ()5 —
pouvoir se rendre au Mans, parce que, disait-il, les routes
n'étaient pas sûres, Tautorité de l'évêque étant partout
méconnue. Après cette allusion peu gracieuse aux efforts
prétendus inutiles du prélat pour se faire respecter, Geoffroy
enchérissait encore ; il laissait entendre qu'on n'avait pas, à
la cour épiscopale, le respect dû à un abbé qui jouissait de
l'immunité (!) et allait, conclusion inattendue, jusqu'à sou-
tenir qu'Hildebert était, par son attitude, la cause de sa
brouille avec les seigneurs de Vendôme....
Certes, il n'était pas besoin d'autre ferment de discorde
entre l'abbé et le châtelain, que ce voisinage irritant, exaspé-
rant. Il datait de Geoffroy Martel, comte d'Anjou, qui, en
1032, après avoir conquis le Vendômois sur son neveu, ne
le lui avait rendu qu'en fondant de ses dépouilles, à la porto
de son château, le monastère déclaré exempt de toute juri-
diction autre que celle du Pape. C'était comme une épine
enfoncée au pied des comtes de Vendôme ; entre un abbé
passionné, haineux, et une femme irritable, les contesta-
lions se ravivaient sans cesse.
Cependant Euphrosine était dans son tort. Hildebert dut
la condamner, l'excommunier môme ; alors elle se soumit
et se retira peu après, laissant le pouvoir à son fils Geoffroy
Grisegonelle (2) , qui fut toute sa vie aux prises avec les
mômes difficultés, comme Hildebert ne cessa d'être tour-
menté par l'abbé Geoffroy, qui toujours raillait son autorité et
toujours s'empressait d'y avoir recours pour mettre à la
raison ses compétiteurs, grands ou petits (3).
Un événement bien plus important que ces misérables
querelles, fut la rentrée en scène de Robert Courtchcuse,
(1) L'épigramme sur « rabbé mulet », ce dignitaire ù moitié moine ù
moitié prélat, pourrait bien avoir été inspirée par le cas de Geoffroy de
Vendôme. (Dans Beaugendre, Hildeherti opéra, p. i;:J55.)
(2) Grisegonelle, grise casaque.
(3) Goffridi epiatolœ. Lettres contre Hamelin de Montoirc (IIl.. 17),
contre Pierre de Sourches (III , 28).
1106
— m
frère aine do Henri I^"*, qui revenait de la croisade réclamer
à main armée son duché de Normandie, et dont la présence
faillit (le nouveau déchaîner de grands troubles. Hélie avait
promis fidélité à Henri pr ; mais le turbulent sire de Bel-
lesme tenta de Tentraînor dans le parti de Robert, faisant
valoir que celui-ci, beaucoup moins politique que son frère,
serait pour ses vassaux un suzerain moins constant dans
SOS volontés, partant moins incommode. Hélie, qui se sou-
venait parfaitement de Tanarchie profonde où l'incapacité de
Robert avait plongé la Normandie pendant plusieurs années,
et qui n'aspirait qu'à jouir en paix de son comté, Hélie
écouta les avis d'Hildobort et du clergé, favorables à Henri,
do qui seul on attendait une protection efficace des proprié-
tés et des personnes ecclésiastiques, tandis que les rodo-
montades de l'aventureux croisé, qui n'avait même pas su
accepter le trône de Jérusalem qu'on lui proposait, effrayaient
tous les intérêts, sauf ceux des pillards intéressés à tout
brouiller, comme Robert de Bellesme. Celui-ci et les siens
furent complètement défaits à la journée de Tinchebray, et
Robert Courteheuse expia son imprévoyance dans une dure
captivité ; (juant à Robert de Bellesme, il fît la paix avec le
roi d'Angleterre par l'intermédiaire d'HéUe, qui lui fit
rendre Argentan, Falaise (1).
1107-H09 C'étaient l'habileté stratégique d'Hélie.et la valeur de ses
chevaliers, qui avaient décidé de la victoire en faveur de
Henri l*"". Hildebert, donnait, à la môme époque, une autre
gloire à son pays. Sa renommée littéraire s'était en effet
répandue de toutes parts, et, h l'article de l'année 1109, le
chroniqueur de Saint-Marian d'Auxerre écrivait : « Florebai
hoc tcmpore Hildebertus, vir scieiitia perspicuus et tam in
voriiificando (en vers) quam in dictando (en prose) gratiam
pevuUarem adeptus (2). »
(i) Onloric Vital, Ilist. eccles., IV, %M), 23i et suivantes.
ri) (^ht^oH.S^* MmHani Autissiodorensis
— 67 —
C'était à la campagne, à Yvré-rEvôque, dont il avait fait
rebâtir la villa, qu'Hildebert îiimait h se retirer pour cultiver
les Muses (1). Il partageait son temps entre les petits vers
imités d'Ovide (2) et les compositions d'un caractère plus
grave, comme les extraits de sentences (3), les Vies de
saints (4) et les lettres de direction qu'il adressait à ses
pénitents et pénitentes (5). Entre ces deux ordres d'écrits,
une fiction comme le Liber de QueiHmonia montrait l'auteur
sous ses différents aspects, tour à tour pénétré de poésie
antique ou de spiritualisme, méditatif ou raisonneur.
Tels étaient les nobles loisirs d'Hildebert, entrecoupés
par les déplacements que lui commandait sa charge (6) :
excursions dans le diocèse pour assister à la fondation d'une
abbaye (Etival-en-Char£iie, 1109) ou venir en aide à l'abbé
de Saint-Vincent (Malicorne, 1109), et, dans les diocèses
voisins, à Nantes (1105), à Loudun (1109),à Fleury (11 10) (7),
pour prendre part à des jugements solennels ou à des
conciles provinciaux ; voyage à Troyes enfin (mai 1107), où
il rencontrait le Pape et, avec lui, l'épiscopat français tout
entier (8).
(1) Geêta, 93, C.
(2) Voy. 6. Hauréau, Mélanges poétiques d'Hildebert,
(3) Gesta, 89, C.
(4) Sainte Marie rÉgyptienne, en vers rimes ; sainte Radegonde, en
prose.
(3) Voy. notre II* partie.
(6) Voy. notre Tableau des actes,
(7) D'après la « Chronique de Sain t-Pierre-le- Vif de Sens. » ( Voyez
notre Chapitre /•'.)
(R) La lettre de Pascal II, mentionnée au n» 17 du Tableau des actes,
et qui a la valeur d'une pièce offîcielle, nous apprend qu'Hildebert
assistait au concile de Troyes. Elle est datée de Souvigny, prieuré de
Cluny en Bourbonnais, où le Pape avait été moine et où il se reposait
alors de ses fatigues. C'est ce qui a donné lieu à Baronius et à Beau-
gendre de raconter qu'Hildebert, retour de Rome où ces auteurs
croyaient qu'il s'était rendu pendant le concile, était venu trouver le
Pape à Souvigny.
— 68 —
CHAPH'RE Il[
FIN DE L'ÉPISCOPAT D'HILDEBRRT
§ I-
1110-11 i:i En 1110, Hildoberl vit mourir celui qui, en dirigeant les
aiïaires du Maine, avait prêté h Tévôque un si loyal et si
forme appui (1). A son lit de mort, le comte Hélie fit encore
de nouveaux présents à l'église : il donna de quoi fabriquer
une grande croix, ornée de pierres précieuses (2). Il fut
enterré à Tabbayo de Saint-Pierre-de-la-Gouture (3), et on le
représenta en armes, couché sur son tombeau. Cette belle
statue, (lui est restée en place jusqu'à la Révolution, est un
des premiers exemples de sculpture tombale que nous ait
donnés le moyen âge (4) ; elle frappa l'imagination des
contemporains, si bien (|ue Foulques le Jeune demandait en
1 124 aux religieux de Vendôme qu'ils élevassent à son père
un tombeau semblable (5).
(1) Orderic Vital, HisLeccles., IV, 103 et 300. Cf. Chron. 5*» Florentii
Salmtiricnais et «S'«» Albini Andegavensis. — Philippe I®"", roi de France,
mourut en 1108 ; il eut pour successeur son lils Louis VI le Gros.
ç^) n(îaut;endre attribue à llildebert une épitaphe du comte Ilélie.
Voy. n. llauréau, Mélatiges poétiques d* llildebert, p. 3i.
Çk) La reproduction de la statue d'Hélie est dans lecarlulaire imprimé
do Saint-l*ierre-de-la-Couture. On cite comme non moins ancienne la
statue tombale de saint Meinmii\ êvèque de Chàlons. Ensuite viennent
celles de saint Junien ^^llaute-Viennc) et celles des Plantagcnéts {h
Fontevrault).
i^i) CoUecl. l). Housseau, n« lilU : donation de Foulques aux religieux
de Vendôme (le drbit «le pèche dans la Mayenne). Ceux-ci s'obligent,
eu reconnaissance, à élever une tombe sur la sépulture de Foulques
le Uéchin, enterré à l'Cvière {Aquaria, la Trinité d'Angers), toute
s:>mblablo à celle d'IIélie, comte du Maine.
I •
70 —
dans cette alïaire par le doyen du Mans Hugues (1), qui
remplaça Geoffroy devenu archevêque de Rouen en 1110 (2),
et par un évéque de Chartres, « homme d'une autorité si
vénérable (3) », qui ne peut être que saint Yves, mort en
1115, leur présence à tous deux et Tordre dans lequel
Tauteur des Gesta rapporte les faits s'accordent avec la
chronologie générale de l'histoire dé France pour dater
l'événement à deux ans près (4).
Donc, le comte du Perche, Rotrou, allié du roi d'Angle-
terre, ét'uit tombé entre les mains de Foulques, soit au
milieu d'un combat, soit par le fait d'une embuscade à
laquelle le doyen Hugues n'aurait pas été étranger (5), on
{{) Gesta, d^, A.
(2) Voy. G allia, aux archevêques de Rouen. Le nom du doyen
Hugues apparaît dans le Liber albus en 1111 (n<' MO).
ç.\) « Vir venenuîdai aucloritatis » ^Lettre d'Hildebert II, 17). Lo
successeur d'Yves de Chartres, GeoITroy, contesté par une faction puis-
sante, dut aller à Rome se faire .sacrer : ce n'était donc pas encore un
homme d'une « autorité vénérable », et il ne peut être question de lui. Yves
mourut en 11 li ou 1115 (Gat/ia); il avait été lui-même retenu un an
prisonnier par lo sei^riieur du Puiset, à l'instigation de Bertrade de
Montfort.
(4) Pourtant, on a connnis de graves erreurs h ce sujet. Les uns,
comme Baroniu.s , ont cru (ju Hildebcrt avait été emprisonne par
(Guillaume le Houx ou par Henri 1*^, et les autres à Rome, par le Pape !
On lit en elïet dans Schedel, chroniqueur allemand du XV* siècle, cette
phrase singulière et d'ailleurs très vague : « Is multas tribulationes ac
carceres ac vincula apud Romam pro Christo et cjus ecclesia susti-
nuit. j» (Kol. cxcv.) Cela ne repose sur aucun fondement : Schedel a
transporté à Home ce qui s'était passé en France, à Nogent-le-Rotrou.
(5) Ce fait n'est attesté que par les Gesta, mais il est très plausible.
l)om Hriant {Genomaunid) se demande comment un dignitaire de
l'Kglise aurait pu faire tomber un seigneur en train de guerroyer dans
une embuscade ; il oublie que les chanoines étaient de grands pro-
priétaires féodaux et disposaient de serviteurs nombreux. La part
Iirise ])ar les membres du clergé aux disputes des grands explique
dans une rorlaiiit» mesure, si elle ne justifie, les coups de force comme
ci'lni dont Hotroii .se rendit coupable. Ce prince se signala en d'autres
o(rcasiuns pur sa piété, et l'auteur de la c Vie de Bernard de Tiron »
fait son éloge.
- n -
l'avait enfermé dans la grosse tour du Mans. Mois laissons
la parole à notre Hililel>ert, qui, de spcctatâur, devint si
malencontreusement le principal persécuté. « f\otrou, dit-il,
> était retenu prisonnier dans la tour du Mans. Ha voyant
» sur le point de mourir et craignant pour son Ame, il me
» fit appeler. Je me rendis près de lui ; il se confessa h moi,
» prit ses dispositions' dernières pour les siens, fit des dons
» aux églises. Pour que le testament re^ùt son exécution, il
» obtint de moi par d'humides prières que j'irais on |)er-
» sonne trouver sa mère, porter témoignage de rauthenticité
» de l'acte, et empêcher que qui que ce fût allilt à rencontre
» ou tentât de l'annuler. Il fui fait comme le comte avait
» demandé, j'allai là où je n'aurais jamais dft porter mes
1 pas. La mère du comte me reçut le baiser à la bouche,
» approuva le te.stament, me remerciant de ce que je lusse
» venu au nom du comte. Ainsi se passeront les clioses:
> ni le fils, ni la mèro ne songent à le nier. Puis, subitc-
» ment, le soir venu, on changea de conduite à mon égard,
» on se saisit de ma personne. I,e Christ n'avait jtas été
> livré autrement. I.e cinquième jour, je fus reçu avec un
» baiser; le sixième, comme si je devais avec le Christ
«aller h la croix, je fus appréhendé lionleuseinenl et jeté
» dans la prison publi<)ue. On se parUigea mes vêlements,
ji mes chevaux (l). » Il se vantait en s'nulorisaril de l'exem-
ple du Christ; car, pour un homme qui avait été salué en
Italie comme r<Ange (le Dieu » (2), être incarcéré dan.s la
tour de Nogent-le-ltotruu par l'échanson de ce tyranneau
était une filcheusc disgrâce !
Il semble en effet que ce fut le dapif'er do Holmu, llulierl
Chevreul (3), qui prit l'initialive de ce sacrilège t)u qui
fl) Lettre au clertié du Mans, lE, 17. Félin
(S) Geita, KJ, A.
i3i Htibertut f:apreohti.
— 7^2 —
plutôt, comprenant son maître à demi-mot, lui obéit résolu-
ment et mit la main sur le prélat pour le garder à titre
d'otage. L'évêquc de Chartres, Yves, était alors près de
Nogent, ou vint dans cette ville qui faisait partie de son
diocèse ; il s'interposa, mais pour ne rien obtenir, et ex-
comnmnia Hubert. « De religieux abbés et des anachorètes
» d'un renom accompli se sont rencontrés près de la pierre,
» mais non pas près de celle dans laquelle il y a de Teau et
» où la parole de Dieu prend racine (1); ils ont trouvé une
y> pierre , mais non celle dont Dieu fait naître les fils
^) d'Abraham (*2) ». En d'autres termes, et pour interpréter
ce langage biblique, les clercs de la région lapidèrent le
prélat déchu de leurs condoléances hypocrites, et l'évéque
de Séez, dans le diocèse de qui étaient les principales sei-
gneuries do Rotrou, affectîi de tout ignorer (3). Le comte,
à la nouvelle de la trahison, simula une violente colère ; il
arracha quelques cheveux de sa tête et les envoya à sa
mère, jurant que son ministre Hubert ne l'avait pas moins
insulté que s'il lui avait arraché tous les autres ; mais
llildebert resta en prison, (f Priez pour moi, écrit-il à ses
» clercs, i)riez pour moi, mais, racheté une fois par le sang
» du Christ, je ne veux pas être racheté de nouveau Elle
p est infâme, la rançon par laquelle périrait la liberté de
» notre église Il faudra donc que ses membres soient
» esclaves, si vous humiliez sa tête sous le tribut. Après
» avoir racheté Tévôfiue, il faudra racheter toute l'église.
)) Plus de sécurité pour les sujets, si, pour parler le langage
» du poète comique, celui-là de qui vous attendez votre
» défense a besoin d'un patron comme l'affranchi. »
Le poète comique dont il est question ici, n'est autre que
«Il Allusion à Moïse frappanl le rocher. (/?.rod., xvii.)
02) Allusion à um^ propliélio d'isaïc, qui est le symbole do la Ré-
surrection.
(iJ) Lettre ù Scrlon, Ovèque de Séez, II, 18. Credimûs iynorare te.
- 7;i
Térence (1). Nous ignorons combien de temps au juste
Hildebert dut puiser dans les consolations qu'il tirait de
l'exemple du Seigneur ou des réminiscences des comiques
latins. Nous inclinons à croire qu'il ne tarda pas à être mis
en liberté, ainsi que le doyen Hugues et le chantre Foucard,
lorsque, le comte Rotrou ayant été transféré à Bellesme (2),
il ne servit plus de rien à Hubert de retenir notre évèque et
ses dignitaires. Ils furent donc captifs quelques mois au
cours de 1112, Le plus tard qu'ils aient été délivrés, c'est le
mois de mars 1113, quand fut signé le traité de Gisors, par
lequel, Louis le Gros ayant abandonné it Henri I"' la suze-
raineté du Maine et de Bellesme, les prisonniers furent
rendus de pari et d'autre (3).
g II
Hildebert était rentré au Mans et goûtait le calme depuis 1I1H119
trois ou quatre ans, lorsque de nouveaux dangers l'assailli-
rent, venant, cette fois, non de la guerre ou de la trahison,
mais au sein même de l'Église, de l'iiérésie.
Entre les années 1115 et 1119 (4) , un mercredi des
(I) ( Periit Uuic Jpaî est opus patrono, qiiem liefensorem pai-o. t
(Tcrence, Eunuch., A. IV, a. 7.)
{tlBry f^Hittoire des paijs et comté du Perche, 1ft20) liit que Rolrou
fut livré moyennanl finances à son cousin germain et mortel ennemi,
Robert de Bellesme (J'après une t Vie de Bernuril de Tiron >, texte
cité p. 97 et 'M). Hais bientôt, Robert de Bellesme fut nrrété liii-niéiiic:
comme rebelle, le 4 novembre liri, par Henri 1", qui l'enfermueu
Angleterre pour le reste de ses jours. Si Rotrou, dans le désarroi
qui suivit à Bellesme la nouvelle de l'emprisonnement de Robert, re-
conquit sa liberté, IlilUcliert peut encore avoir été rclAclié à ce moment.
(3) Voy. Luchairc, Louis VI te GroK. Il y cul aussi uo traiti"
entre le roi d'Angleterre et le comte d'Anjou, (Ord. Vit., ili»t. ixdet.,
IV, 30G.)
(4) < Per idem fere tempus ■, Uleenl les GeUa après avoir raconté li-
— 74 -
Gendres, arrivèrent dans la ville deux hommes velus comme
des pèlerins et porteurs de longs bâtons munis d'une croix
de fer ; ils se disaient disciples d'un nommé Henri, prédica-
teur fameux venu de Suisse (1), et demandaient pour leur
maître la permission de prêcher le carême dans le diocèse.
Hildebert, qui s'apprêtait alors à entreprendre son second
voyage de Rome, l'accorda, il faut avouer, un peu légère-
ment (2) ; mais il croyait avoir affaire à un de ces frères
errants, comme Robert de Tiron, Raoul de la Fustaye,
saint Alleaume , pieux personnages, qui parcouraient les
provinces pour stimuler le zèle des fidèles et pour déclamer
aussi contre les vices du clergé, mais qui lui ramenaient
les brebis égarées, disposaient les princes aux larges con-
cessions en sa faveur et le laissaient libre, eux partis, de
retourner à ses péchés mignons (3).
C'était sous de tels auspices que se présentait l'étranger ;
l'évoque ayant exprimé sa volonté, les clercs de l'église du
Mans se disposèrent h le bien recevoir et, avec une sorte de
crainte respectueuse, lui préparèrent les moyens d'accom-
plir sa mission. Il monta sur l'estrade qu'on lui destinait et,
dès les premiers mots, captiva le peuple et les clercs par son
éloquence. 11 parlait une langue imagée, populaire et très
différente, semble-t-il, du langage raffiné d'Hildebert, ce
délicat, dont le panégyriste a reconnu qu'il ne prêchait pas
d'abondance en roman vulgaii*e et ne savait pas se mettre
toujours à la portée du pauvre peuple (4). Henri , au
don fait à l'église par un certain Âdani, en 1116. Le récit relatif à Henri
occupe les colonnes 94 à 97, et la dédicace de Féglise, en 1120, suit
immédiatement.
(1) De Lausanne, mais on n'est pas sûr que ce fût son lieu de nais-
sance.
(2) « Minus Argolici equi formidans ùisidias. » (Gesta.)
(3) Sur ces pieux personnages et leurs missions, voy. D. Piolin, Hist,
de l'église du Mans, t. 111, p. 4H().
(4) « Cum vero in ccclesia ioqueretur, [)opulus quidem verba ejus
contraire, allait droit k la luule et lui frappait les sens par
l'appareil mélodramatique de ses longs cheveux, de sa voix
tonitrnanle, de son geste passionné, de ses yeux qui « rou-
laient comme les flots d'une mer féconde en naufrages ».
Il déclama tant qu'il voulut contre les vices des grands,
c'est-à-dire des chanoines, excita contre eux les colères, et
se sentit si fort qu'il ne craignit pas à ta lin de les litûtei'
d'hérétiques. Il recommença les jours suivants et, attirant
les femmes, les enfants, faisant des miracles, il acquit
bientôt dans la vlUe une immense popularité.
Quel étuil son but? Le chroniqueur, après avoir exhalé
sa bile et traité l'hérésiarque de peste, de scorpion, de
loup ravisseur, s'étend longuement sur son histoire, afin,
dit-il, de mettre en garde les honnêtes chrétiens contre
l'hypocrisie de ces sortes de gens (1), Il lui i-eproche d'avoir
« dit beaucoup de choses contre la religion », mais ue cite
pas expressément un seul des dogmes qu'il aurait attaqués.
C'est plus tard seulement que Henri parait avoir précisé ses
doctrines, quand il eut lait la rencontre de Pierre de Bruys
et qu'il eut pris la contact des populations méridionales ;
ainsi, cet Henri dont il esl question dans la lettre de saint
Bernard à Hildefonse, comte de Toulouse (2), n'était sans
doute pas de tout point pareil à ce qu'il avait été trente ans
auparavant, lors de son passage au Mans. Rien n'atteste
qu'il ail condamné dès celle époque le baptême des enfants,
les prières pour les morts, et nié la présence réelle de Dieu
dans l'Eucharistie. Mais, entre l'opinion que les sacrements
perdent leur valeiu* par l'indignité des prêtres et la négation
des sacrements eux-mêmes, il n'y a qu'un pas, et Henri
était sur le point de le franchir. Sa prédication menaçait
itevolissime audîebal ; sed studiosius audîetuttur a clericis, quoniam
l.atliitt lingiia expeditius quodum niMlu aligUË vivaciua loqiiebatur. ■
(IjtBJlo, 94-1)7.
1^ Mîgne, Patrol. /ni., t, CLXXXII, op. 2ii (uiiiiée 1 147).
— 76 -
le dogme, bien qu'elle s'affirmât surtout dans le sens moral
et social. Ainsi, il recommandait la pauvreté évangélique et
l'union matrimoniale sans dot ni contrat de famille ,
l'union conçue comme réhabilitation de la femme qui avait
failli ; il amenait les filles folles à renoncer à leurs riches
atours, à les brûler en holocauste sur la place publique ;
puis, avec les dons qu'il recevait, il leur achetait de
grossiers vêtements et les donnait comme épouses aux
jeunes gens qui s'étaient attachés à ses pas.
On conçoit tout ce qu'un pareil apostolat avait de dange-
reux. Les disciples indignes, qui, sous l'apparence d'une
conversion, ajoutaient h leur inconduite passée le scandale
de fautes nouvelles, furent bientôt plus nombreux que les
néophytes sincères ; la pompe théâtrale des prêches en
plein air et des . bûchers qu'on y allumait, jeta le trouble
dans la ville ; la populace se mit à menacer les clercs ; sous
prétexte de renoncement, on ne voulait plus rien leur
vendre ni leur acheter, le commerce chômait. Trois des cha-
noines, Hugues d'Oisseau, Guillaume Boitvin (1) et Payen
Audry, voulurent entrer en conférence avec l'ennemi : ils
furent frappés, traînés dans la boue, et y auraient laissé la
vie, si les gens du comte n'étaient intervenus pour les
sauver. Alors le parti de l'ordre releva la tête ; protégé par
les soldats, le chanoine Guillaume la Mouche lut publique-
ment une lettre du Chapitre à l'hérétique pour lui comman-
der la soumission et, sur son refus, l'excommunia.
Henri quitta la cité, mais continua à prêcher dans les
faubourgs. Cependant, il ne fit plus de progrès, et, comme
l'évêque prévenu revenait en toute lu\te (2), il n'osa l'atten-
dre et se retira à Saint-Calais. Hildebert reçut dans sa ville
(1) Boitvin. Qui non bibit aquam.
(2) Hil<l«4)ert n'alla sans doute pas jusqu'à Rome. Nous serions
nir*nie lonté de croire qu'il s'était rendu à Angoulème pour le concile
(1117 ou 1 118), si l'auteur des Gesla n'avait écrit le mot Rome à deux
reprises.
■ 77 -
épiscopale un singulier uccueil, les habitants refusaient sa
bénédiction. Mais les jours de la secte étaient comptés. La
l'cntecùle vint, et, k la lôte de son brillant clergé, revêtu
de tout le prestige de ce saint Julien dont lesManceaux
étaient si jiers, Hildebert avait une position bien supérieure
à celle du pauvre hérétique, dont le crédit baissait visible-
ment. Il alla le poursuivre dans son refuge, b. Saint-Calais.
De nouveau l'évâque avait < l'Autorité b ; il posa au pré-
venu les questions d'usage : « Qui es-tu '? D'oii viens-tu ? Au
» nom de qui parles-tu ? » L'autre resta interdit : « Je suis
> diacre, balbutia -t-il. — Mon ami, disons ensemble les
» prières que récitent les diacres Ji rolfice de Laudes » ; il
ne put donner les répons. La cause était jugée ; le peuple
fut convaincu, et on n'entendit plus parler au Mans de
l'hérésiarque Henri (1).
Cependant, le souverain Pontife lui-môme, le successeur ma
de Pascal II, Gélase, après avoir failli être massacré par les
gens de Cincio Frangipani, consul de Rome, de connivence
avec l'empereur, venait mourir en France chassé par l'an-
tipape, Maurice Bourdin (2). C'était la fameuse querelle des
«investitures» qui se poursuivait; un nouveau Pape fut
élu à Cluny par les cardinaux exilés, Callixte II, et tes
évéques &-ançais et anglais se réunirent dans la cathédrale
(1) Il gagna l'oitiers, Bordeaux el le midi, où il Ht cause cominune
avec Pierre de Bruys. Emprisonné par l'archevêque d'Arles, il compa-
rut au concile de Ptse (tl:tt), sut obtenir laliljerté, on ne sait comment,
et reprit, avec un succès grandissant, son activité réformatrice, en-
couragé par le comte de Toulouse. Endn, le pape Eugène Il[ envoya
contre lui un légat, qui se fit accompagner par saint Bernard ; Henri
rut enrermé et mourut avant la Tin de son procès. Ses adiiérents, les
Henriciens, furent en partie ramenés à l'Eglise par saint liernard ; en
jiartie, ils se joignirent aux sectes numlireuscs du midi. Sur leurs
rapports avec les Cathares, voy. Dœllingcr, Beiti-iege :ur S^tenijc-
trhichle de» Millelaltcra, Miinicli, 1890 (1" partie, pp. 70 et suiv.).
— Dœilinger croit, & tort, que Henri vint au Mans en 1101 ; il a été
trompé par ce second voyage d'Hitdebert ù Rome, qu'il a confondu
avec le premier.
(2) Jallé, Begetla.
- 78 -
de Reims pour lui prêter leur appui. Hildebert se rendit
h CCS assises solennelles (1) et prit part à l'excommunication
de Tempereur Henri V et de ses adhérents ; Callixte II de-
vait rentrer dans la ville de saint Pierre Tété suivant.
1120 Après avoir fait acte d'obéissance au chef malheureux de
la chrétienté, il s'agissait, pour Tévêque du Mans, d'effacer
dans son diocèse la trace des derniers troubles, et pour
cela il résolut de hâter la dédicace de la cathédrale, qui
avait été commencée par Hoël et dont la construction durait
encore (2). Le 25 avril 1120, à Toctave de Pâques, Téglisc
fat consacrée au nom de la Sainte Vierge, de saint Gervais
et saint Protais et de saint Julien, au milieu d'un grand
concours de prélats, d'abbés, de prêtres et de religieux.
Gislebert, archevêque de Tours, dédia le maître-autel ;
Geoffroy, archevêque de Rouen, jadis doyen au Mans et
compétiteur de notre évêque, Rainaud de Martigné, évoque
d'Angers, le vénérable Marbode, évêque de Rennes, alors
très vieux et presque aveugle, consacrèrent d'autres autels,
et, quant h Hildebert, il officia dans la crypte qui avait été
ménagée sous le chœur (3).
Ce chœur roman, dont il ne reste plus rien aujourd'hui,
avait été terminé par l'évêque Hoël ; il était beaucoup
moins étendu que celui d'à présent, à cause du mur d'en-
ceinte de la vieille cité qui en empêchait le développe-
ment (4), mais les dessins du pavé et les vitraux rachetaient
(1) Ord. Vit., Ilist. eccles., IV, i^i.
(2) « Dedicationem ultra quam res exposcebat accelerans, multa
inil)i nccessaria iiiexpkta praeteriit. Anno plane Domini 1120, in octa-
1ms Pîischîo .... » {(iesta, 98, A.) Orderic Vital dit qu'Hildebert vint faire
coite dédicace au temps de son successeur Guy dTtampes (Hist.
t'cr/tfs., IV, W), (?n il"2G; mais, dans un autre passage de son livre, il
place la cérénionio avant 1125 (II, 251).
(3) tt lu superiori et digniori crypta. » [Gesta,)
(4) Le chœur gotliique fut commencé en 1217, époque où Philippe
Auguste permit la démolition de Tancienne nuiraille gallo-romaine :
le nuu- d'enceinte fut reconstruit un peu plus bas, de façon à englober
toute l'église et le nouvel évéolic avec ses dépendances.
7SI -
!))«■ leur richesse son exiguilé. Le transept était uchevé
' aussi avant Mildebcrt (1) ; c'était donc vcru le corps de
' l'i^glise et la façade que s'étail |)or[ée son activité el celle
de son arcliitecLe, le moine Jean (2).
La façade, abstraction faite des contreforts tiui ont été
, rajoutés depuis pour supporter la poussée des voOtes, était,
' avec une verrière plus petite et un pignon moins élevé, do
proportions heureuses : deux gracieuses tourelles, qu'on
[ voit encore, la flanquaient k droite et ^ gauche. Le tympan
L central était formé de pierres cubiques disposées en échi -
quier,et l'archivolte offrait un assemblage de grands losanges
I ornés de billelles et de pointes de diamant. Les arcatures
, latérales étaient garnies de bâtons rompus, et, au milieu de
t encadrement, trois bas-reliefs, aujourd'hui mutilés, re-
I présentaient le Christ dans un médaillon, avec d'un côté le
I sagittaire son arc tendu, et de l'autre le dragon qui va être
I percé,
A l'intérieur, on a cru reconnaître le dessin des arcades
[ de la nef dans le plein cintre qui a laissé trace au-dessus de
(1) Voici, dans les Getia HotUÎ (p. 309, col. S), les passages retatirs
1 au transept et bu chœur : i Continuo fabricam novge ecclesiœ, in qua
* antecQSSores ejua multoteniporelaboraverBi>t>tantOBtuilioBggreBaus
t est consummitre, ut cruces utque turi'es, quarum anlecessor ipsius
I Jecerat fundamenta, brevi tempore ud eRectum periluxerit, elaque
> celerîter culmeii împonens, exteriores etiani parielea, quos alos
( vocHitl, per circuilum cotisummavlt. n (On le voit, les principes de
construction gothiques coonniencaient à prévaloir; on achevait, en
quelque sorte sur leurs piliers, les bras de la croix et les tours du
tninsept, ervee» aiquit lurrei, avant d'élever les murs extérieurs, alai,
simples murs Oe clôture el non de support.) i Sed et cancelluin (le
1 chceur). qut)il cjus anteeesaor construxeral, pavimenlo decoravit et
■ vœlo : vilreas quoque .,,. disponeus. ■
(^ Pour tout ce qui suit. Cs. E. Lerêvre-rontalis, Elude hiilorique et
I vvhéotogîque lur ia nef de la calliédrale du Matu (Maniers, 1889, iii-8°.
] Extrait de la Revue hiUorique du Maine. — Avec bibliographie.) — Sur
vitraux qu'Hildebert dut faire exécuter pour la nef, l'auteur des
! G«ila est avare de renseignements. Si les verrières de Hoël furent
f milticolorcs et même < ornées d'histoires •, comme semble l'Indiquer
— 80 —
l'arc en tiers point et que les architectes de la fin du XII*
siècle auraient repris en sous-œuvre ; la première travée
vers le chœur serait môme restée intacte. S'il en est ainsi,
l'air et la lumière circulaient librement dans cette église, et,
en elïet, pourquoi aurait-on réduit les ouvertures, à cette
époque du style roman où les murs n'avaient aucune voûte
à supporter, la nef et les bas-côtés étant surmontés d'un
plancher comme les anciennes basiliques ? Les piliers alter-
naient peut-être avec les colonnes, comme on peut le voir à
Notre-Dame-du-Pré, qui est contemporaine d'Hildebert ; le
trit'orium était dans le style de la galerie qui subsiste au
portail dit de la Psallette, portail aujourd'hui séparé de
l'église, mais qui alors en formait la limite et supportait la
fameuse tour, objet de la colère de Guillaume le Roux. Les
chapiteaux étaient curieusement fouillés , trop fouillés
même ; le style tourmenté de ces monstres et de ces ser-
pents contraste avec l'harmonie des lignes et la largeur de
dessin des sculptures de la nef, qui sont de la fin du
XIP siècle (1).
Texpression varietas^ rien n'empêche qu'il en ait été de môme au
temps d'Hildebert ; à propos de la maison capitulaire, le chroniqueur
dit simplement : vitrels^ mais l'art du verrier, qui dérivait de la mo-
saïque, fut à l'origine essentiellement décoratif, Tusage des fenêtres
blanches ne se répandit pas tout d'abord, et le moine Théophile, dans
son traité intitulé Diversarum Arlium schedula (XII* siècle), appelle les
vitraux historiés ferieslras et les vitres ordinaires, signalées à titre
accessoire, shnplices feneslras. Maintenant, les antiques vitraux de
Hoël et d'Hildebert ont-ils péri dans les incendies de 1134 et 1136, ou
faut-il en reconnaître quelques-ims dans les débris historiés qui sont
parvenus jusqu'à nous? Nous n'avons pas d'autres spécimens du XI*
siècle qu'on puisse comparer avec ceux-ci, et le mauvais goût des en-
virons de llfJO ne s'accorde guère avec la grandeur et la simplicité de
ces compositions ; j'hnagine que les premiers verriers, tout à Fémer-
veillement des tons qu'ils découvraient ctiaque joar, devaient noyer
le sujet dans la couleur et que leurs produits ressemblaient à un
semis de pierres précieuses. L'attribution aux environs de 1120 de
quelques panneaux est moins hasîirdée. Sur cette question, voy. Hucher,
Monographie des anciens vitraux du Mans.
(1) Les chapiteaux des environs de 1100 qui ont subsisté, sont ados-
^
En effet , cette égliao , achevée par l'évoque Guy
d'Ëtampes, fut à peu près ruinée par le feu en 11^. La nef
actuelle est l'œuvre de Guillaume de Passavant, qui vécut
un quart de siècle après Hildehert, mois, telle qu'elle était,
la nef romane méritait cet éloge du chroniqueur : « Ipsa
enim tam venustate sui quam claritate tune temporis vicinis
et remotis excellebat ecclesiis (1). » L'évêque et son archi-
tecte pouvaient faire avec orgueil les honneurs de ce
monument.
A la cérémonie exclusivement religieuse en succéda une
aulre. Après avoir frappé les consciences, il fallait rassurer
le commerce, qui avait langui par les prédications inquié-
tantes de l'hérétique Henri. Le comte Foulques et sa femme
Héremburge, la fille d'Hélie, « donnèrent, dit la chronique,
une foire à saint Julien » (2), c'est-à-dire fondèrent, en
l'honneur du saint, une foire qui devait durer trois jours
chaque année il son anniversaire. Ils en abandonnèrent les
revenus (taxes et amendes) par moitié à la mense épiscopale
et moitié aux chanoines. Foulques Rt confirmer ce don par
son flls Geoffroy et déposa ce jeune prince sur l'autel de
saint Julien ; en même temps, il prit la croix et partit pour
Elire le pèlerinage de Palestine, avec Hainaud de Martlgné
évoque d'Angers (3).
Un autre Geoffroy, chevalier de Fouille, fils de Geoffroy
de Mayenne, et qui appartenait par conséquent h la famille
des comtes du Maine, se disposant i partir pour la Terre-
Sainte, avait légué à l'église cathédrale divers ornements et
reliques, notamment une tablette votive byzantine en or, qui
ses aux murs extérieurs ; il y en a uussi deux ou trois duiis le haut
de la nef.
(Il Geala Guidon», p. 323, 1" col.
|2) ■ Dederunt BeutO Juliano reriam. ■ {Gvsia, 09, A.) Fuire, de feria
Ijour férié, puis jour quelcnnque) et non de forum (pluce publique),
qui a'o laissé de postérité qu'au sens politique : les /«ura, ou privilÉ^es
concédés à une ville, k une province.
(3) Onl. Vil., Ilitl. ea-lca.. IV, 423 et Chron. S=' Mbini.
— 82 —
représentait saint Déméirius ; Hildebert envoya une dépu-
tation chercher ces présents et se rendit solennellement au-
devant d'elle, à son retour, avec tout le clergé (1).
§111
C'est ainsi qu'Hildebert avait reconquis dans la ville
4120-1123 épiscopale sa royauté ; la dernière partie de son séjour au
Mans, de 1120 à 1123 tout au moins, fut pour son adminis-
tration une période d'apaisement et de réglementation.
Il parachève la cathédrale (2) ; il s'occupe de la conserva-
tion des ornements précieux, dont plusieurs étaient de
véritables objets d'art, et en accroît le nombre par
ses dons personnels. L'église, avec ses planchers de bois
et la profusion des cierges et des étoffes qu'on déployait
aux grandes fêtes, était un lieu peu sûr pour ces objets. On
no savait pas encore élever ces grandes voûtes ogivales qui,
placées comme un rideau de pierre entre le tumulte des
foules et les charpentes inflammables du toit, diminuent
les risques et les eflets de l'incendie ; mais Hildebert cons-
truisit, pour recevoir le trésor, une petite salle voûtée, à
l'abri du feu et des voleurs (3). Puis, en fidèle dépositaire
et conservateur des biens qu'il détenait, de ces richesses
qui, indépendamment de leur valeur artistique et de leur
utilité pour le culte, étaient encore une ressource pour les
cas de famine urgente (4), il rédigea pour l'avenir des
avertissements destinés à stimuler le zèle des prélats négli-
(l) Gesta, 99, B, C.
ri) Gesta, KX), B.
(3) i( Oratoriuni eliam cum revestiario ad tuitionem et defensionem
» ornanientorum ecclesiîe a novo fundavit et foi*niceo opère cooperuUj
» lie roliquifc saiictorum vel thésaurus ecclesiae posset aliquo incendio
» populari sive latrocinio. » [Getttaj 101, B.)
(i) Dans une famine, Hoël vendit une partie du trésor pour subvenir
aux besoins des pauvres. Beaucoup d'objets précieux, qui nous venaient
dos Anciens, ont disparu de la sorte au moyen âge.
- Si -
geots, et ses dispositions painirent si sages que ses deux
successeurs, Guy (l'ÉlaDipes et Hugues de Saint-Calais, les
ont renouvelées (1),
Uildebert leur légua aussi plusieurs rëglements destinés
à fuire lêgni::!', si possible, la paix ilaiis \ti Chapitre, au sujet
duquel il prit, vei-s cette époque, deux mesures impor-
tantes (2). D'abord, il décida que les dignités de l'église
seraient à l'avenir décernées seulement en séance plénière,
alin d'éviter les manœuvres sourdes et les compromissions ;
puis il décréta et ût approuver par le Chapitre que, ù la mort
de tout chanoine^ depuis le jour de son décès jusqu'il l'anni-
versaire de son cauonicat, le revenu intégral de la prébende
serait distribué aux simples clercs, qui diraient, en échange,
des prières pour le défunt. Les chanoines firent bon accueil
& une combinaison qui devait prélever, sur leur successeur,
une aumône pour le bien de leur dme : ils étaient trop
heureux de faire de la popularité auprès du clergé mféneur
fi si bon compte ! Quant à l'auteur des Hentn, il dit que ce
trait d'Hildebert l'emporte sur tous les autres (3), et il parait,
en cela , l'organe des clercs que les chanoines oppri-
maient. Ils applaudirent donc au changement ; mais, le jour
d'une vacance, le simple prêtre, qui a l'eapoii' de devenir
chanoine, verra-t-il d'un aussi bon œil les fruits de la riche
prébende partagés pour plusieurs mois entre ses confrères
et lui, au lieu de lui revenir tout de suite avec la digni-
té? C'était comme une Quarantaine-te-7-oy imposée aux
compétitions ; mais nous doutons que l'institution ail été de
Hiéongue durée.
^B Hildebert donnait carrière à ses talents d'administrateur,
^B| cependant le comté du Maine restait, entre la Normandie,
(1) Liber albui Copituli, i>"< 218, 319, 230,
(2) Gâta, lOU, C.
(3) ■ Sic penim conte mplutioi ils ad iBtliera scuiideia, charilulis Jecit
• seminarium. qiiod inter et super omnia ejus opern honestnlis |>ari(er
■ et religiunis emicat splenilore et liberatilalis. i {Gcfla.)
— *4 —
l'Arijôj fi i.i Fr.iri.v:, lo \rnni Je mire îles rivalités, le gage
*f^-* ;illi;inrr-s. l'enjeu des combats.
MatljiM", filk' iJ«-' Fuulijues. avait épousé Guillaume Ade-
lirig, fil.s d'Henri [«^ et le Maine avait été assigné comme dot
^«uxjeune.s époux M). Adeling ayant péri dans le fameux nau-
fnige de la Zi//i)ic/ie-Atf^(nuvembre 11:20), l'accord se rompit.
Mathilde entra h Fontevrault, et Henri !««• prétendit se saisir
rlii Maine ; Foulques se tourna alors du côté de son adver-
sain* et résolut de donner à Guillaume Clilon, fils de Robert
(>)urteh(?us(;, Teunemi mortel d'Henri I*' et l'allié du roi de
Francf, la innin de sa seconde fille, Sibylle, en lui assignant
pour dot le dit comté du Maine (2). Le mariage fut célébré en
lltW ou II23; mais le roi d'Angleterre entreprit de faire
casser celt(î alliance. Il s'aVisa en effet que les deux époux
«Hiiient parents (3), ce à quoi il n'avait pas songé lors du ma-
ri.iK<* <lfî Guillaume Adeling avec Mathilde, bien que l'empô-
r-liement fût alors le môme, mais, cette fois, il y trouvait son
iiit('*rèt.
I12;j l/îiiîairo traîna tout le cours de l'année H23. Le Pape
présidait, an palais de Latran, un grand concile œcuménique,
(Ml Hildcîhert venait, croit-on, de se rendre (4). Il s'agissait
(1) Onl. Vit., llist. eccles., IV, 30(3 et Chron. Turon. magnum, p. 131.
(2) Siméoii (!(î Durham, De Gestis regum Anglorwiit a. 1123 et Ord.
Vil., lliat. ecchs., IV, 2î»i ot 410.
O) Par U('rtra(l(> de Montfort, mère de Foulques, qui était parente de
Hichard II, h* ^riiud-pùn^ du CiuiUuumo le Conquérant. Ou voit à quel
fioiiit ril^liso exa^ôrait l*on)i)ècliomont de parenté.
(V) M. llaurran l'i'u'rit dans la Gallia, mais nous ne connaissons de
(MM'ail aucune pn'uvo a posteriori. Nous lisons seulement dans une
ItMIrtMlMlilileherl (111, i. Scimus 71/ i(/{;m) qu'il a « rintentiou » de se ren-
dre à lloine, à un concile convoqué par le pape Callixte, et qui ne peut
iMn» cpie cvUn de Latran, en IlliJ. — I). Piolin cite également <^i«f. de
rrtjlisr du .Winiff, 1. 111, p. UK)> imo chirte du Cartulaire de Sainte
rif)t'<*n/ ur' UK{). où Wm dit que révé(iue vu partir incessamment; mais
celle cjiarle u'iv»*! |»as datée, et les éditeurs la reportent à Tannée
1107, probablement sur le témoi^naixo de dom I^iolin lui-même, qui
cri>>ad qu'llildebert était allé î\ Homo cette année-là. Nous savons
uianiienaul que la tlate vérilablo de cet acte ne ixîut être que 1100
ou llir» environ, si elle n'est ll'i;).
- 85 -
de conclure un accord avec l'empereur d'Allemagne, Henri V,
sur la grave question des Investitures, et Gallixte II, qui
avait besoin de l'appui du rfii de France pour intimider
l'empereur, se gardait bien de mécontenter Louis VI le
Gros. Même, comme le légat Girard, en acquiesçant au
di!sir de Henri, avait reçu une somme d'argent (1), le Pape
prît prétexte de celte illégalité pour casser ce qu'il avait tait.
Néanmoins, la querelle ne pouvait s'assoupir. L'empêche-
ment de parenté était une de ces questions brûlantes 0(1
l'épiscopat, jaloux.de rester l'arbitre des familles seigneu-
riales, métrait tout son amour-propre. Le Pape convoqua
un concile à Chartres, dans l'église cathédrale, et envoya
pour le présider les deux cardinaux les plus marquants du
Sacré-Collège, Pierre de Léon et Grégoire de Saint-Ange (2).
Les circonstances étaient solennelles. Plusieurs diocèses
allaient se trouver placés sous l'interdit, s'il était prononcé.
Les cours de France et d'Angleterre employaient tous leurs
moyens, l'une pour obtenir confirmation du mariage, l'autre
pour le faire casser. Hildebert, évoque du comté qui était
l'dbjel du litige, se trouvait désigné pour prendre le pre-
mier la parole. Or il devait èlre fort gêné, craignant aussi
bien de mécontenter Foulques, dout il était le sujet, que
le roi Henri, le voisin des Manceaux qui, de simple suzerain,
pouvait redevenir leur maître immédiat. Il prit le plus long
et ouvrit le concile par un discours oti il se mît îi parler,
dons un langage exclusivement dogmatique, du mariage
L'onsidéré comme sacrement (3). Mais les deux partis étaient
(1) Goffridi epiilolte I, H.
(3) Sur ce coocile et les ijivënements qui s'y reiiportent, voir une
dissertation de Brtal. iUétnoîre* de VJmiilut. Cloue d'hùioire, t. IV,
1H06.)
(3) Ce sertnon est dans Uigne, Hildeberti opéra, col. 954-6Gi. (Deux
eermona de suite qui n'en Tonl qu'un : Kn-mu quem in Cartwteiuii con-
cilia ...) Mais l'auteur en est-il bien liililcbert? Oui, car il se rencontre
dons le mnnuscrit liiliii de la BiliUottiéqim nalionalc f. I. 2167, entre
deuK sermons uultientiques de notre C-VL^que, ei de plus celui-ci, en
86 —
trop animés pour écouter un sermon ; on ne lui permit pas
(rachevcr, ce qui avait lieu de le froisser comme un échec
pour son éloquence, mais le dispensait d'autre part de t>e
prononcer. Hildebert ayant cessé de parler, le tumulte
parvint à son comble : l'assemblée dut se séparer sans avoir
pris de décision.
C'était la défaite du parti favorable à cette alliance ; car,
en l'absence de raisons contraires, la loi canonique était
formelle. Le légat Jean de Grême cassa de nouveau le
mariage, et le Pfipe dut confirmer son arrêt (26 août 11^4).
Mais le conflit se prolongea par la résistance du conite
H25 d'Anjou, qui ne se soumit qu'après avoir été excommunié
par le successeur de Gallixte, Honorius II, en août 1125 (1)
Hildebert avait quitté le Mans à cette époque, et c'est en
qualité de chef du Chapitre métropolitain qu'il reçut les
lettres prononçant l'interdit. Gislebert, archevêque de Tours,
étant mort à Rome dans les premiers jours de l'année (2),
l'éditant pour ses amis, l'a accompagné d'une préface où il a mis
l'empreinte de son style : « Mendacii arguar^ nisi solvam quod spo-
tt pondi ; si stylo indulgeam^ ridiculus scriptor inveniar. In silentio
» itaque delictum est, in pagina confusio. Malui tamen ingenium de-
» fectu quam sacerdotem mendacio accusari. Hinc est quod operi
» manum apposui, rogans ipsum lieri procul ab oculis hominum, si
sonseritis ipsum linguas hominum formidare. » Or, comparez ces
précautions oratoires avec les passages suivants des lettres : c Menda-
• cil arguar, si frustra postulastis ... (Jucunditaa mihi, p. 190, B.)
» Postulasti enim exarari tibi opuscula mea et exarata transmitti.
• Quo audito, htcsi diutius, vel amicum offendere metuens, val risum
>» legcntibus suscitarc. Si enim tibi non pareo, delinquo ; si praesumo
» quod exigis, ridiculus invenior. Cimi autem necesse est incidere in
» aiterutrum, malui legentcs movere in me quam in amicum delin-
» qucre me. Illud siquidem incommodum est, hoc vitium. (In me hene,
» p. 191, B.) Vices amici gères, si removeas ab oculis quidquid linguas
• noveris formidare ... [Timeo charissiine^ p. 172, C.) »
(1) Lettres de Caliixte et d' Honorius dans D'Achery, Spicil., III, 149 et
Luchairc {Louis VI te Gros^ Introd.). — Hildebert assistait aussi en
1124 à la dédicace de l'église du monastère de Savigny, en terre nor-
mande. (D'après Robert de Torigny, Chron.)
(2) (iallia. Gisli^bert sanctionne ({uelques droits des moines d'Evreux
au commencement de 1125. D'autre part, Orderic Vital dit qu'il c mou-
- 87 -
i'évôque du Mans, premier sulTragant de la Province (1), se
rendit à Tours pour prendre soin du diocèse pendant la
vacance et procéder à une élection ; mais alors, le clei^é et
le peuple le choisirent unanimement pour succéder à
Gisiebert (2).
Notre évéque fut sans doute flatté de cette préférence ;
il n'était pas tellement étranger aux joies du monde ,
qu'il tût absolument dépourvu d'orgueil et d'ambition ;
nous t'en croyons tout de même volontiers, quand il
dit qu'il hésita fort à accepter (3). Songez qu'il avait près de
soixante-dix ans et que des difiicultés sans nombre, qu'il
entrevoyait peut-être déjà, allaient l'assaillir à Tours ; puis,
il s'était attaché à son église du Mans, et voilà qu'il allait la
laisser sans successeur désigné (4), livrée aux cabales pour
plusieurs mois. Abandonner ses biens épiscopaux avant
que la mort ne l'y contraignit, c'était avancer l'heure où ils
seraient en proie il tous les maus de l'anarchie inséparable
d'une vacance, à toutes les convoitises du pouvoir civil (5),
nit en 112i, à quelques jours de clislance du pape Callixte II ■ ; or
CaUiile mourut en février 1125. (.lolté, Hegeita.)
(i) L'évâché du Mans fut en eff^l lo premier fondé, après celui de
Tours, dans la Lyonnaise 111'.
(3) Ceêta, 102, A.
(3) Lettre II, 'M. Ad neafrmn in Franciain.
(4) • Cum muiti illorum esseiit cpiscopales, cuncti episcopi esse non
poterant. • (GeWo Guîdonit, p. 321, col. 1.) Uuy fut élu en llSli et
n'avait pas encore été consa';ré le 10 aoâl. (Cart.de Sainl-VincenI,
n'flO.)
{à) Foulques se conduisit tn>s durement {Ceala Giiidonia} et profita
de l'interrègne pour abandonner à ses gens la maison et les biens de
l'evâque. C'était une coutume ancienne et singulière, ce pillage, qui
e:iistait en orient comme en occident. L'idée que sa maison et ses biens
seraient ainsi saccagés lejour de sa mort, devait être le supplice de tout
bon administrateur. Yves deChartresobtintdu comte de BI ois que cette
coutume serait abolie et tlt confirmer le privilèp;e par le Pape ; cela ne
servit de rien quand il mourut. (Abbé t'oucantl, Yve* de Charlres,
p. fiB). Au XII" siècle, le sac tumultueux de l'évt^ché tendait à se con-
vertir en redevance au pouvoir civil, pivti-cteur de l'onlre, et ce fut oe
qu'on appela la Réijale. (Voy. P. llayniond, dans ; i'cofc nat. do char-
lu, PiMiliorw de* Ihèset, proni. iS57.)
— 88 —
D'ailleurs, il n'était point de pratique courante qu'un évéque
fût transféré d'un siège à un autre. Cette translation nous
parait toute naturelle, parce que nous assimilons les prélats
à des fonctionnaires ; mais, au moyen âge, la conception
patriarcale des dignités de l'Église, héritée des premiers
siècles, n'était pas entièrement effacée. Le pasteur était
considéré comme marié à son ^lise ; il avait reçu l'anneau
qui le liait à elle ; le retirer de son doigt, c'était divorcer (i).
Hildebert hésitait donc fort à accepter le siège archiépis-
copal, mais le pape Honorius le lui ordonna, et, peu après,
arrivèrent les lettres confirmatives du roi de France,
Louis VI (2). Hildebert avait régi l'église du Mans pendant
vingt-huit années (3).
(1) Au XII* siècle, ces translations deviennent plus fréquentes ; ainsi,
Rainaud de Martigné passe d'Angers à Reims. Mais c'était contraire à
Tesprit de la primitive Eglise, et les preniiers conciles le défendaient.
Cela est si vrai que, pendant de longs siècles, on n'élisait Pape, c'est-
à-dire évéque de Rome, que de simples prêtres, et la translation de
Formose, évéque de Porto, le premier piélat porté au siège pontifical,
en 8ÎH, fut un scandale.
(2) Ge8ta,i(y2y A.
(3) La chronique de Tours et la chronique de Nangis (écrite au XIII*
siècle) placent la mort de Gislebert en 1127, mais Texamen des chartes
confirme le dire d'Orderic Vital (Hist. eccles.^ II, 251). Enfin, le chiffre
de 28 ans est donné par Hildebert lui-même dans la lettre III, 21
(Piœ et sanctse devotionis) : « In Ceuomannensi ecclesia viginti et octo
B sedimus annis ». (De Noël 1096 au printemps de Tannée 1125.)
CHAPITRE IV
HILDEBERT ARCHEVÊQUE DE TOURS
8 I
Le chroniqueur du XII" siècle fait un tableau enchanteur
de la campagne tourangelle (1), a cette terre non point tant
vaste et spacieuse que fertile, bonne et commode. * On y
admire, continue-l-il, des bois à essences variées, des prai-
ries bigarrées (2), des pâturages plantureux (3), le Cher, dont
le nom dit bien toute l'affection qu'on lui porte (4), le Cher
avec ses lies, ses saules, ses moulins, son gibier d'eau, ses
poissons, ses oiseaux aux doux chants dans les roseaux.
< A la vérité, il est bien un peu lent et marécageux, car il
» trouve Irap de douceur k jouir de cette grasse végétation
» et se dorlote ainsi qu'un convalescent ; mais les sources
» d'eau froide, convergeant des deux rives, viennent fouetter
« Sii paresse et l'empêchent de s'endormir (5). s Que dire
enfin 1 Par une prérogative spéciale, la Touraino a, pour con-
server le vin et tenir l'eau fraîche pendant l'été, des cavernes
naturelles que l'indusltieuse nature lui a ménagées.
Malheureusement, Hildebert arrivait chargé d'années dans
ce beau pays. Aurait-il même le temps de répondre aux
appels de cette muse champêtre qui, au dire du chroniqueur,
attendait un Tityre pour l'inspirer? Car des soucis sans
11) Karratio lie com.nendaliona Ttironicas provincial. ICIiroriiques de
Touriùiie, édit. S«lmon, p. 295,)
(3) • PictA prata. >
(3) f Peclorosa pascuQ. «
(4) ( Uiius re el nomine Carus. • Cf. : " Einius ... et capite et nomine
Buceplinlaa. t (Aulii GeUe, Noct. AU., v, 2.)
ib) t SaiiG ticet a priiicipio sui paluatri solo et pingueiliiie bibulilo
ulgoaisque liltoriiius cuiivuleBcit, lainen algidis foutibus ex. utmque
ripa ambieulibus stipatur. ■
- 90 —
nombre allaient l'assaillir. Voyez ce riche prieuré, dont la
jolie silhouette, sur le bord de l'eau, complète à merveille la
décoration du paysage ; il dépend bien, sans doute, de
l'église cathédrale Saint - Gatien (1), mais il va tenter la
cupidité des princes, et les fruits en seront confisqués pen-
dant quatre ans. Cette abbaye, qui se profile comme un
vaste et riche palais sur le soleil couchant, est mieux
garantie par les privilèges que lui a reconnus le Pape, mais
notre archevêque, à cette vue, se rappelle que la porte lui
en fut tout dernièrement refusée et qu'il dut, pour s'y
reposer, laisser dehors son escorte et entrer seul comme un
pauvre voyageur... Ou, s'il est reçu avec honneur, qu'il
surveille ses paroles : l'abbé, qui lui a accordé k' grand ^
peine, en guise d'hommage, la profession verbale, voudrait
en libérer son successeur, et on exploitera de sa part le
moindre aveu (2) !
Le comte d'Anjou, le roi de France et ses palatins, les
abbayes, en première ligne Saint-Martin et Marmoutier (3),
si fières, l'une de posséder le tombeau du Bienheureux,
l'autre d'avoir été fondée par lui, telles étaient les puis-
sances rivales au milieu desquelles se trouvait placé l'ar-
chevêque , dont les biens étaient notablement inférieurs
à ceux du Chapitre (4) et qui, bien que l'autorité pontificale
réclamât de lui la protection des, riches monastères (5),
(1) On rappelle aussi quelquefois Saint-Maurice, comme la cathédrale
d'Angers.
(2) Par l'accord entre Gislebert et Guillaume, abbé de Marmoutier,
l'archevêque renonçait à exiger la profession per manuniy la main dans
la main. (Liber bonarum gentium, n» 43. — Vers 1120.)
(3) Marmoutier avait environ deux cents prieurés, tant en Hrance
qu'en Angleterre. Outre ce monastère et Saint-Martin, le diocèse de
Tours (Indre-et-Loire actuel) comprenait une quinzaine d'abbayes ou
collégiales autonomes.
(4) Lettre du Pape à l'archevêque en faveur des moines de la Trinité
(Lettre de Geoffroy de Vendôme 1, 15, avec note de Sirmond. — Migne,
Patrol. lat.y t. CLVII).
(5) Voy. Préface de M. de Grandmaison au Catalogue des archives
d'Indre-et-Loire. Cependant, ces biens étaient répartis entre plusieurs
dignitaires.
- 91
était plus exposé que tous les autres à la conliscation.
Hiidebeit, archevêque de Tours, devenait sujet du roi de
France, à qui appfirteaait la collation de celte prélature, et
la ville de Tours formait, au milieu des États du comte
d'Anjou, un ilôt français. Contre la jeune et envahissante
royauté, son éloignement aurait pu, sans doute, garantir
l'archevêque de Tours d'une intrusion trop immédiate et lui
donner la force de résister à des prétentions exorbitantes,
si les comtes d'Anjou, après avoir dépouillé la maison de
Blois de la Touraine (1), n'avaient foit hommage au roi
pour celte province et n'avaient eu besoin de son alliance
contre les Blaisois et les Anglo-Normands (2). D'ailleurs, le
clei-gé de Saint-Marlin, dont les membres portaient le tilre
de chanoines et dont le roi lui-même était abbé, constituait
un posle avancé de la royauté qui faisait trembler le comte
d'Anjou. En 1112 ou 1113, Foulques, comte d'Anjou et de
Touraine, avait fait amende honorable dans l'église Saint-
Martin de Tours, tête et pieds nus, pour avoir violé ses pri-
vilèges et € le respect dû aux Saints », en faisant abattre les
fortifications que le cellerier du couvent avait construites
dans sa maison (3). En 1084, un prédécesseur de Gislebert
sur le siège archiépiscopal, Raoul l", ayant déplu aux cha-
noines, Foulques le Réchin reçut du roi de France mandat
de le chasser, et ainsi fut fait, malgré l'opposition du légat
et du Pape. L'archevêque se plaignit au souverain Pontife,
mais celui-ci, battu, lui ayant démontré qu'il était dans son
tort, il dut se retirer (4).
(1) Cette déposeession fut l'œuvre de Foulques Nerra ou le Noir
IU87.10W).
(31 Voj-. Luchaire, Louis VI le Gros, Introduction, — C'est l'enche-
v^lrement des possessions du i^omte d'.\nJou et du roi de Fnuice qui
rendit possible l'enlèvement de Bertrude par l'IiiUppe l". En manière
<1e réparation et comme compensation â ses droits régaliens en
Touraine, Pliîlipi>e t" abandonnait à Foulques le Réchin l'ëleclion de
l'^vôqne d'Angers {Chfaiùeon Turonente magrmm)-
(3) Cotlecl. I}. Iloiinseau, t. IV, n- 1318,
(4) Colleet. D. ilouaieau, l. III, n° 818 el Chronicon Turonenst
magnum. • Et tune orla discordia est inter ecdeaiam Qeati Martini
- 02 —
Saint-Martin, le sanctuaire vénéré, chanté par tous les
chroniqueurs, formait une ville dans la ville ; on l'appelait
Martinopolis ou Châteauneuf. Depuis que le pape Urbain II
était venu à Tours, en 1097, dédier son église, l'orgueil de
la collégiale s'était accru ; l'archevêque de Tours avait le
droit d'être reçu en procession, avec la croix et la ban-
nière (1), tout au plus une fois dans sa vie : là s'arrêtait le
pouvoir du métropolitain. L'abbaye ne relevait absolument
que du roi et du Pape ; elle invoquait la force du premier et
couvrait la voix du second. Les chanoines de la cathédrale
ne voyaient pas sans jalousie ces autres chanoines leurs
voisins ; en 1122, il y eut une émeute et un incendie partiel
de Châteauneuf, auxquels il semble que le clergé de Saint-
Gatien n'ait pas été tout à fait étranger \2),
Ainsi, les esprits étaient sans doute fort excités, à l'époque
où Hildebert vint prendre possession du siège archiépis-
copal ; il était jeté au milieu d'inimitiés féroces qui
devaient ensanglanter la ville quelques années plus tard.
Où trouvera - 1 - il des consolations? Dans les landes de
Bretagne apparemment, quand, avec toute la pompe du
clergé métropolitain, il ira jouer à Nantes et à Redon le rôle
de législateur et de justicier, ou peut-être au Mans, quand
il reverra la ville où s'était passée la plus belle partie de son
existence !
§ Il
Hildebert était depuis un an archevêque de Tours, lorsque, ^^^g
les charges de doyen et d'archidiacre étant devenues vacantes,
il reçut avis du roi que celui-ci en avait disposé en faveur de
deux de ses palatins : Hildebert refusa de les recevoir (3).
» et archiepiscopum et clcrum sancti Mauritii, et omnino cessavit
» fraternitas et dilectio quie inter dictas ecclesias usque ad haec tein-
)» pora perdurarat. » Suit l'émeute de 1122.
(1) Gallia, t. XIV.
(2> Chronicon Turonense magnum.
(3) Lettres d'Hildebert II, 33 et 34.
— m —
Le monde chrétien était alors troublé par la grande
gnerelle des Investitures, ([uerelle relative & la suprématie
que revendiquaient, chacun de leur côté, le souverain spiri-
tuel et le souverain temporel, dans la translation et l'exercice
Ldes droits épiscopaux (1). Aussi, même lorsque l'élection
'avait pas amené de conflit, comme c'élait^e cas pour
Bildetiert, le roi n'épargnait pas toujours à ses évéques les
vexations, où l'enlralnaient les appétits d'une cour en voie
de croiss.ince et le besoin d'argent grandissant avec les
nécessités de la politique. Certes, il ne conviendrait pas de
blflmer le roi Louis VI d'avoir maintenu dans les élections
ce droit de la couronne qui constituait, pour l'avenir surtout,
le fondement le plus solide de l'indépendance du pouvoir
civil à l'égard du clergé ; mais le roi de France n'avait-
il pas solennellement consenti h l'élection d'Hildebert?
Comme on ne voit nulle part qu'il se soit rendu t la cour
pour recevoir l'Investiture, peut-être y a-t-il lieu de supposer
que le roi s'irrita contre le prélat qui avait négligé ou différé
devoir, mais ceci est une simple conjecture, et. quels
itpie fussent les motifs du ressentiment de Louis le Gros,
(I) Un évëque tiUit, H la fois, un pasleiir dans l'électioR duquel le
Cliapitre, avec le bus-clergé et le peuple ctirélien, le métropolitain, le
Pape, avaient un rôle à jouer, et un seigneur, à qui le souverain tem-
porel avail seul qunlité pour conférer la jouissance des grandes tenures
et des droits féodaus atlachés à sa dîgnilë. L'évéque ilevaît donc
priter serment au Pontire, son chef spiritual, et au roi ou à l'empereur,
son BUierain : c'était ce que l'on appelait la double Inveslitvra, laïque
et ecclëmastique. Hais la querelle éclatait entre \ee deux pouvoirs au
smet de la priorité de l'une ou de l'autre cérémonie et de l'emploi des
iiuHgoes ; elle s'engageait auparavant, il est aisé de le croire, pour le
choix de la personne m^me, nomination dans laquelle le prince pré-
tendait joindre i ses prérogatives seigneuriales les droits, plus ou
moins contisqués par l'Ëgliaf, de l'universalité des fidèles dont il était
le représentant. 8i la question s'envenima surtout en Allemagne et en
Italie, c'est qu'elle se compliquait de l'intervention de l'empereur, roi
de Rome, dans l'éleclion dn l'évéque suprême, le Pape ; c'est que les
BeigneurB ecclésiastiques y étaient plus puissants que partout ailleurs ;
c'est enlln qu'on s'y heurta obslinétnenl A îles questions de Torme et
qu'il ne s'y rencontra aucun prélat de la valeur d'Yves de Chartres,
pour élever et aplanir le débat.
— 94 —
ce retour d'hostilité se présentait, on l'avouera, sous une
forme vexatoire.
Hildebert avait déjà vu Louis le Gros, aux conciles de
Troyes (1107) et de Reims (1119). Il avait pu se rendre
compte du caractère singulièrement mêlé de cette royauté,
qui, à ses heures persécutrice de l'Église, était elle-même
comme un sacerdoce et intervenait dans les questions pure-
ment religieuses avec une autorité toute spirituelle (1).
Résister de face à un tel pouvoir avec les foudres de l'Église,
était à peu près impossible, d'autant plus que le Pape,
engagé dans sa lutte avec les empereurs, avait absolument
besoin de ménager la cour de France. Yves de Chartres,
avec un noble loyalisme, s'était appliqué toute sa vie à pré-
venir ou à résoudre les conflits sans abandonner les droits
essentiels de l'Église, et il sortait meurtri de cette tâche (2);
le nouvel archevêque, qui n'était pas protégé par le souvenir
des services signalés rendus à la cause monarchique, ne
pouvait guère s'attendre à être mieux traité.
Hildebert commença par écrire, pour le clergé resté indif-
férent, une sorte d'encyclique (3), dans laquelle il se plaint
d'être persécuté par le roi de France et livré h sa colère par
ceux à qui il appartiendrait de défendre les privilèges de
l'Église. Ce n'est point, d'ailleurs, qu'il en invoque les
foudres ; il proteste, au contraire, qu'il ne se départira jamais
do l'opposition la plus modérée, mais il espère que Dieu
changera l'esprit du roi Louis, qui n'est pas foncièrement
mauvais, et qui est capable d'un bon mouvement, si on se
vl) Voy. Luchaire, Louis VJ le Gros, Introd.
(2) Sur l'attitude d'Yves de Chartres dans la querelle des Investi-
tures, voy. Foucault ( Yves de Chartres) et aussi un article de Esmein,
duns le premier volume des Études de critique et d'histoire publiées
par la section religieuse de V École des hautes études, — Yves se trouva
de plus, en 1103, dans une situation très analogue à celle d 'Hildebert,
quand il eut à supporter la colère de Louis, roi désigné, pour avoir
refusé de donner à un nommé Payen^ que protégeait ce prince, une
place dans Téglise de Chartres.
(3) Lettre d'HUdebert II, 33.
• 95 -
garde de le heurter de front ; il en appelait du roi au roi
mieux informé. Il résolut donc d'aller trouver Louis VI en
personne (I) : il le savait bouillant de caractère, mais loyal (2),
beaucoup plus intelligent que le brutal Guillaume le Roux et
nullement faux comme Henri I"'' d'Angleterre ; seulement
ce prince, généreux et vaillant, était trop souvent gouverné
par la volonté des personnes qui l'entouraient. Hildebert
n'obtint rien, au contraire. Il accepta d'être jugé par ses
pairs ; au jour fixé, le roi, de son autorité propre, trancha
la question et défendit à l'archevêque de disposer, en quoi
que ce fût, des revenus des dignités vacantes (3). En vain,
l'évéque d'Angers, d'aulres évêffues encore, demandèrent le
jugement de la cour: rien n'y fit. Hildebert reprit trislement
le chemin de la Touraine, suivi d'un héraut, qui déclara
confisqués par le Trésor les revenus de toutes les posses-
sessions de l'Église de Tours placées sous l'autorité royale
et qui interdit à l'archevêque do mettre le pied sur le
domaine de la couronne, tant qu'il n'aurait pas donné satis-
faction.
Ceci se passait dans le courant de 1126, et les choses
restèrent en l'état plusieurs années ; l'intervention du légat
Jean de Crème, h supposer qu'il se soit entremis pour
Hildebert comme celui-ci l'en priait, n'aboutit pas (4);
(1) Lettres d'HUdebert U, 34 et 38.
(3) Lee chroniqueurs appellent cette droiture timplicilai.
(3) C'est du moins ce que raconte Hildebert. Le Tèro Maimbourg
{Hiitoire du luthéranUme, p. 290) aftirme, sans preuve aucune, que la
coiir avait rendu un jugement en forme ; mais c'est l'esprit de parti
qui (ait chercher ù cet auteur des argumenta liistoriquea, pour justiner
la conduite de Louis XIV dans l'affaire de la Bûgale.
(4) Lettre d'HUdebert 11, 34. Le nom du légat n'est pas prononcé;
Benugemlre et l'abbé Maratu ne doutent pas que ce soit Girard, évêque
d'Augoulême, Mais il était légal pour l'Aquitaine et non pour la France
et l'Angleterre, Or. Hildebert dit à son correspondant qu il désire le
voir avant son départ pour l'Angleterre, et nous savons que Jean de
Cr^me, légat du Pape, s'embarqua le 11 avril UIG, pour aller s'acquitter
d'une mission outre-Manche et notamment tenir un concile à Londres.
(Luchaire. Louis VI, Introiluction et Actes. D'après Siméon de Duiham.)
— 96 ^
l'archevêque conservait les dignitaires de son choix, mais
restait privé d'une partie de ses revenus.
§m
1127 Tournons-nous vers l'ouest. Ici la position change :
Hildebert n'est plus un persécuté ; il dicte des lois aux
autres. Le duc Gonan III, ayant résolu de corriger un
certain nombre d'abus invétérés dans le duché de Bretagne,
convoqua à Nantes (1) une grande assemblée mi-laïque,
mi-ecclésiastique, où figuraient tous les sulTragants de la
Province, avec un grand nombre d'abbés et de seigneurs,
ot 011 la première place revenait de droit au métropolitain.
La relation qu'Hildebert envoya au Pape (2) et la réponse
d'Honorius (3) sont, avec une simple mention au cartulaire
de Redon, les seuls documents que nous possédions sur ce
concile (4), qui paraît avoir été important (octobre 1127) (5).
Les réformes, discutées pendant trois jours, portèrent sur
les points suivants : 1° la loi civile de succession ; 2® le
droit d'épave ; 3» les mariages incestueux et, en particulier,
le mariage des prêtres.
A la mort d'un mari ou d'une femme mariée, tous les
meubles du défunt appartenaient au seigneur ou, si l'on
aime mieux, à l'État, dont le seigneur avait usurpé les
(1) L'Histoire littéraire dit que le Pape convoqua ce concile ; le Pape
ne fil que sanctionner. (Lettres d*llildebert.)
(2) Lettre II, 30. Beatitudini vestrœ.
(Â) Lettre II, 31. Charissimi fratres.
(4) Labbe, Coticil.
(5) La majorité des auteurs opine pour Tannée 1127, et, comme nous
l'allons voir, les cliartes nous montrent Hildebert faisant une tournée
en Hrctagne cette année-là. Une notice du cartulaire de Redon, lue par
doni Morice, parle de octobre 1127 ; mais de quelle époque était cette
notice ? Il est fâcheux que le manuscrit publié par M. Aurélicn de
Courson soit très incomplet dans cette partie. Honorius, sous le ponti-
ficat duquel eut certainement lieu le concile, mourut en 1130.
- H7 -
droits [i). Gela procédait d'une [rès vieille notion juridique,
d'après laquelle les biens meubles n'étaient pas considérés
i:<inimi< biens d'héritage, le mot hereditru ayant conLinué fi
itC-sigiier souvent au moyen âge les immeubles (2). La
Bretagne, pays arriéré, avait conservé des usages archaï-
ques (3); le duc y renonça, pour lui-même cl pour les
seigneurs du pays.
Le droit d'Épave est connu. C'est celui qui, iluns un
naufrage, livrait les épaves au fisc et nietUiit les malheureux
naufragés h la merci du seigneur ; le duc y renonça égale-
ment au nom de tous; mais il est permis de croiroquecette
décisiion resta un peu platonique, et que la surveillance des
agents du duc s'exerçait assez dilficilement dans les recoins
sauvages de la côte bretonne.
Les unions incestueuses étaient fi-équentea ; car l'Église
déclarait tels les mariages entre parents jusqu'au sepliëme
degré canonique (quatorzième degi-é romain) (4), et, faute
d'état civil, la preuve à faire de la parenté étail malaisée ;
mais il semble, d'après les termes d'horreur employés par
notre Hildebert, que les Bretons ignoraient même la loi, et
qu'on voulut la leur rappeler... On déclara que les enfants
nés de mariages incestueux seraient regardés comme b&tards
et privés du droit de succession.
(1) • Vl, decedenU marilo vel uxar's, iiniverta di!i:i-ii''nlis niobitia in
proprUtateiii Polegialis Irontireni. > |Uttre II, ;it).|
(9) M. VioUel (Précis d'histoire du droit àvil fraiKois, I. iv, ch. rv)
cite & ce propos Bcaumanoir et les Elabtiuement» de saittt Louis et taîl
remarquer que le moL liôritage est [iris |iour Immeuble par notre Code
ciml Jui-mâme, art. 037.
(3> Peui-^tre ï eut-il ici, eu outre, une influence celtique î
(4) Dana un arbre génËalogique, lea juristes romains ci'mplaieiil les
degrés en montant d'abord à la souche commune, pour redescendre â
In personne dont il s'agissait d'étahlir la parenté avec la première. Au
contraire, les canonistes comptaient simultanément les degrés ù partir
Uea deux personnes extrêmes juscpi'â l'ancêtre commun. Ainsi, deux
cousins germains sont pareuts au 4* degré en droit rommu, au 3* degrâ
1
- 98 —
Les prêtres se mariaient, malgré les anathèmes de
Grégoire VII et do ses successeurs ; on voulut, du moins,
empêcher que les dignités ecclésiastiques ne tombassent en
fief; on décida que les fils des prêtres ne seraient ordonnés
qa*à la condition de partager effectivement la vie des
chanoines réguliers ou des moines, et que nu) ne pourrait,
même en ce cas, hériter des dignités paternelles (1).
Ces décrets une fois rendus, Hildebert les envoya au pape
Honorius II, pour être sanctionnés par lui (2) ; puis il se
dirigea vers la célèbre abbaye de Redon, où Tabbé le
conviait (3).
Olivier de Pontchûteau, seigneur rebelle, après avoir été
pris par le duc Gouan et avoir passé quelque temps dans la
prison de Nantes, s*était rejeté sur le monastère et en avait
fait une forteresse, d'où il avait infesté la contrée pendant
plusieurs mois ; le duc, tout en «'excusant auprès du Pape
d'avoir poussé le rebelle à cette extrémité, se déclarait
impuissant à contenir davantage Tindiscipline des féodaux ;
il demandait au souverain Pontife que, par l'entremise de
son légat Girard, évèquc d'Angoulême, et du métropolitain
(Ij Lettre d'Hildebert II, 30.
(2) Réponse d'Honorius, II, 31.
(3) Voyez les chartes n«* 39 et 40 de notre Tableau des actes. L'une
relate la consécration du principal autel du monastère par Hildebert et
ses sufTragants sur l ordre du pape Honorius : elle est datée du ix des
kal. de nov. 1120. L'autre rapporte qu'Olivier de Pontchàteau vint, c à
l'occasion de cette cérémonie i>, faire une donation au monastère, et
elle est datée du x des kal. de nov. 1127 ! Les deux événements durent
se passer à un jour d'intervalle, et Tune des chartes est fautive quant
au millésime. Malheureusement, les autres chiffres, de la lune, de
l'indiction, de Tépacte, étant discordants, ne permettent pas de rectifier.
Mais nous adoptons la date de 1127, car nous remarquons que Guy
d'Étampes était présent à Rome lorsque le pape Honorius reçut la
lettre de Conan (qui ouvre le n» 39 de notre Tableau de* actes), et il
nous semble que l'installation du successeur d'Hildebert au Mans (il
nVtait pas encore consacré à la Saint Laurent, 10 août 1126, d'après le
(^ai'l. de Saint-Vincent, charte n^ 90, et les Gesta combinés), son
voyage à Home et la convocation des prélats à Redon nous conduisent
eu moii>3 deux ans après 1125.
— 99 —
Hildebert, il reprit en grande pompe sous sa protection
directe le monastère, afin de frapper l'espril des brigands.
Le concile se tiansporta donc dans la plaine de Redon, et
Hildebert « réconcilia • (1) l'église, comme on disait, par la
consécration du principal autel. Olivier de Pontchàteau se
soumit et renouvela la donation qu'il avait faite du lieu dit
Ballac, dans la paroisse de Plric. a Cette consécration fut
» célébrée l'an de la création v.m.lxxix, de l'Incarnation
> du Christ M.c.xxvn, épacte 17, indiction 1, lune 15, le
> dimanche x des kalendes do novembre ; auctore Deo,
> exullantibus Angelis, lustuntibus omnibus Sanctis, celebran-
> lîbus simul minlsterium Hildeberlo archîepiscopo Turo-
> nensi et HamClino epiacopo Itedonensi (2), Donovalo
> Aletensi (3) et Galone Leonensi (4) ac Roberto Corisopi-
» lensi (5) sulTragantibus, abbatibus Hervfeo Hotonensi (6),
» HervEBû Sancli Melanii (7), orantibus sine numéro
> monachis et clericis, adstanle Gonano principe, cum matre
» sua Ermengarde et optimatibus suis multis, id est Gaufrido
> et Alano Porroitensibus proconsulibus (S) etc.. » Voilà
un bien grand appareil, pour châtier un tyranneau qui
devait recommencer ses déprédations deux ans après ; mais
il faut considérer les choses de plus haut. Une grande tradi-
tion de paix et d'ordre se maintenait en face de l'arbitraire
féodal, tradition que devait reprendre un jour à son compte
la royauté capétienne, par la protection des monastères et
de leurs tenanciers, et qui devait aboutir fi runificalion du
I royaume.
.) La ■ Réconciliation i d'une église
<|ui suivait une profanation.
l2) De Rennes.
0} D'Aletli tSaint-Servan-Saini-Malo).
(*) [le Saiiit-Pol-de-t^on.
(3) De Quimper-Corenlin.
16) De Saint-Sanveur. à Redon ii1>èaue
<7| De Sainl-Mélaine, à Rennes.
(Kj Pour oicwomilibui, vicomtes.
expiatoire
- 100 —
\\3i} C'est également de ce point de vue élevé, que nous
voulons envisager le eonflil alors pendant entre les arehe-
vêcjues de Tours et les évéques de Dol (1). Il a duré long-
temps : les rois de France et d'Angleterre y ont pris part,
et le pontificat d'Hildebert marque un anneau dans la suite
de cet interminable débat.
L'Armorique tout entière, avec ses cités au nombre de
six (2), dépendait de la Lyonnaise III«, dont le gouverneur
siégeait à Tours. Après lui, le métropolitain hérita naturel-
lement de la suprématie sur les évéchés créés dans ces
diverses villes, mais la Bretagne eut de bonne heure des
velléités d'indépendance, qui s'accommodaient mal de cette
sujétion. Saint Samson, archevêque d'York, qui fuyait devant
la peste, étant venu à Dol, fut choisi par les habitants pour
gouverner leur église (3), et l'on vit pour la première fois à
(Ij A consulter, sur cette (fuestion :
1« I.es « Actes îles Conciles »> et les Bulles des papes, notamment la
bulhî d'Innocent III.. en 1199, qui résume tous les faits. On en trouvera
une édition critique dans le «< Cartulaire de V archevêché de Tours »,
publié par Louis de Grandmaison ;
2o Les lettres d'Ktienne, évoque de Tournay, qui écrivit aux papes
Alexandre 111 et Luce lll, prédécesseurs d'Innocent III, pour les presser
d'instruire l'alTaire et leur exposer les volontés du roi Philippe Auguste
à (îc .sujot. Voyez Mi^rno, Patrol. lat., t. CCXI (no« 39, 40, 107-110, 140);
IJ" Doni Marténe : Vetcrum scriptorum et monumentorum collectio
Hora, p. .'{H-t2l3. — Dans le Thésaurus novus anecdotorum, de Martène
et DunnuL sous le titre de : Acta varia in causa Dolensia episcopalus^
cr archivis ccclesiui TurouensiSy t. III, Si<)-98G, et :
Fraynu-ntuni liistoriie liritatiniœ Armoricœ ex inst, cartusiœ ValUs
Dei, col. S*29-8i-i. — - Knlin, toutes ces pièces sont, à leur date approxi-
niativt». dans doni Morioe: Mémoires pour servir de preuves à V Histoire
de lireUttjnc ;
4" Tne diss«M"tation dant^ la Collection dom HousseaUj t. XLX.
02) C.V'laicnt : Hedoncs (Hennés), Namnetes (Nantes), Corisopites
((, uiniprr), Venetes (Vannes), Ossistnii (Léon), Diablintes (ville ruinée
an cours des invasions, aujourd'hui .lubtains, dans la Mayenne).
\'A) Ihlt'nsis rcclesia.
— 101 -
Dol, iluns une ville qui jusqu'alors n'avait pas même de siège
épiscopul, un archevêque honoré du pallium (1), qui pré-
lendait sacrer les invoques bretons (560).
Hennés et Nantes ne rpconnurent jamais celle suprématie
et protestèrent dès le concile de Tours, en 567 ; mnis Quira-
per, Vannes, Léon et Aleth ou Snint-Malo (2) furent partagés,
Au IX" siècle, Noménoé se servait habilement de ce précé-
dent, pour placer sous son autorité directe le clergé breton ;
il créait les deux nouveaux sièges de Sainl-Brieuc et de
Tréguier (3) et les soumettait, ainsi que les évèfthés de
Oasse-Brelagne , h l'autorilé de Dol. Les archevêques de
Tours protestèrent dans plusieurs conciles (4) et sommèrent
les évoques d'Armorique d'avoir à siéger auprès d'eux,
comme suffrigants; deleurcôlé, les ducs de Bretagne el lus
archevêques de Dol envoyaient à Home ambassade sur am-
bassade. Lo Pape les recevait avec de l'eau liénito do cour et
se gardait bien deks décourager, pour ne pas exaspérer ses
fldèles Bretons; le duc Salomon et l'archevêque Festinien
payèrent d'audace el appuyèrent leurs droits sur de préten-
dues lettres d'Adrien II, qu'ils avaient fabriquées eux-ni^mes
(vers 970).
Nous arrivons ainsi au XI' siècle. Alors, tout d'un coup,
sous Grégoire VU, les évoques de Dol furent reconnus arche-
vêques ; on leur donna le palHum, les légats les sacrèrent,
les in^Tlfrent aux conciles, où ils assistèrent avec leurs
(1) Le Pallium étoit un manteau d'une forme purliculière, tloiil
l'envoi pur \r Pape k un archevilque muniuriit l'adlif-sion du souverain
spiritut^l II son iiitroiusation ; on fabriquait les iiultitims avec la laine
des ugneuux que les clianoines de Suinte-Agnës de liome devaieiil
offrir dioque année bu Pape. Le mol iiaUiuni étnil pris aussi quelqiie-
(mt iJans Je sens vague de manteau ICetta Hilrfeberli, 93, A) ou pour
désigner lu laine (9-2, C).
(9) Aleiimti* au MaeloventU eeclesia. Raint-MaJo fut le premier
uTâque d'Alelli (VI* siècle), en race de lu ville aciuelie, dont le territoire
rormait une Ile.
(Bj BriOfentU mxlenia ; TrecorenaU ecclesia.
H) Nolainroeut, les conciles de Suisaons (86(i| et de Triiyea |S78).
— 102 —
sufîragants. Le Pape, très flatlé de Tinsistanee et de l'humi-
lité avec lesquelles les Bretons plaidaient auprès de lui leur
cause, avait cédé, à la condition qu'on reçût le candidat de
son choix : il profitait de l'occasion pour manifester la puis-
sance de Rome, même aux dépens du métropolitain (1077).
Raoul, archevêque de Tours, se plaignit, et, comme il avait
pour lui la tradition et les seuls titres authentiques, on
trouva un biais juridique : on lui concéda que le possessoire
seul avait été jugé par provision en faveur de Dol, mais que
la question de propriété au pélitoire restait entière. On
projeta de nouvelles entrevues, soit à Rome, soit dans les
conciles ; elles n'aboutirent pas, et les évêques Yvon,
Rolland reçurent le pallium, toujours à condition qu'ils en
seraient les derniers investis.
Au concile de Clerraont, tenu par Urbain II en no-
vembre 1095, il fut fait restitution (1) à l'église de Tours
des évôchés de Basse - Bretagne ; mais les évoques de
Vannes, Léon et Quimper, qui jalousaient Dol, obéirent
seuls, et, au concile de Saintes en 1097, Hildebert, alors
évêque du Mans, put voir l'archevêque de Dol, avec les
évoques de Tréguier, de Saint - Brieuc et de Saint-Malo,
siéger à part du groupe où il se trouvait. Baudry, abbé de
Bourgueii (2), fut élu au siège de Dol en 1107 et sacré par le
(1) C'était, en efïet, une question de propriété. Ainsi les avocats. de
l'évoque de Dol, plaidant contre cet arrêt, soutiendront, auprès du
pape Luce II, qu'on ne pouvait prendre possession que des choses
présfMites aux sens ; que les églises de Dol, Saint-Brieuc, Tréguier, ne
pouvant pas avoir été présentes devant le Pape quand il prononça,
leglise de Tours ne pouvait pas, dés lors, en avoir acquis une nouvelle
possession. — Ces Bretons plaidaient une vieille cause, en soutenant
que la vente d'une propriété, au lieu d'être rendue valable par un
contrat, avait besoin, pour être consommée, d'une tradition effective.
— Cotte question dn l'église de Dol est donc intéressante à trois points
de vufî : elle sert à l'étude de l'histoire de France ou de Bretagne, elle
éclaire l<?s procédés diploniati(}ues de la cour de Home, et enfin elle
corrobore sur certain point l'histoire très curieuse des notions de
vente et do propriété.
(2) Célèbre poète de la fin du Xl« siècle. Voy. l'ouv. de l'abbé Paaquier.
IWÎ —
r légat du Saint-Siège en Aquitaine, «lui lui apporta le palliurn.
C'était lui qui siégeait ii l'époque h laquelle nous sommes
purvenu» ; or, il n'est pas question de lui, ni de ses sulTra-
' gants, à l'assemblée de Redon. Que pouvait revendiquer
[ Hildebert? Il se contenta do protester, h la mort de
ifiaudry (en 1130), contre la continuation de cet état de
Lclioses (1) ; il s'agissait purement et simplement de ne pas
1 laisser prescrire des droits qui, en somme, n'avaient jamais
|été abolis. Cette attitude devait porter fruit un jour, puisque,
tinoins de quin7,e ans plus tard, en MA, le pape Luce 11
Bidonna enfin sa sentence sur la question de droit. Mais les
wnteslations reeommenci^rent, et ce fut le roi de France,
Philippe Auguste, qui, jetant dans le débat le poids de son
^épée, mit définitivement d'accord le possesitoire avec le
mpétitoire. Par la bulle d'Innocent III, en lltW, l'archevêque
■ de Tours recouvrait la suprématie sur la Province entière,
IgrAce à son puissant patron.
Bref, la cour de Rome, tandis qu'on l'a vue ailleurs, par
rAXeiQple à Paris (2), défaire les anciennes circonscriptions
' romaines selon les nécessités de la politique, ici au contraire
temporisa si bien qu'à la (in la loi du plus fort, c'est-â-dire
la politique centralisatrice du roi de France, se retrouva
i/d'occord avec la tradition. Tout l'appareil des ambassades,
Jes' entrevues et des jugements dilatoires n'avait pas été
lépensé en vain ; la soumission ac faisait sans secousse, et
la diplomatie avaitatleint son but. La Bretagne cédait devant
l'Home et, du même coup, perdait en face de l'autorité royale
Q excellent instrument de particularisme.
, C'est ainsi que, en agrandissant le cercle de- l'histoire,
(1) L«Ure II, 35. JuÉlum eal eos.
lia Louis XJft. — Au lemps de Louis VI, le Pape démembro
Nofon ÛB Cambial, innovation avantageuse à la royauté frantaise. i]i]ï
mettait la main sur cet évéché, désormais soustrait à la suzeraineté
n orctievâque prince d'empire.
— 104 —
nous voyons, dès le Xll® siècle, Tarchevêque de Tours mêlé
à l'cRUvre de Tunificalion française.
§v
1128-H31 La réconciliation ou, du moins, un commencement de
réconciliation avec le roi avait eu lieu en 1129, puisque nous
voyons qu'Hildebert assistait au sacre de Philippe, fils aîné
de Louis VI (1), à Reims, le jour de Pâques (14 avril) (2).
Mais les esprits étaient trop échauffés pour que la querelle
s'assoupît ; le doyen choisi par Hildebert avait eu lieu de
l^rondre contre plusieurs chanoines des mesures discipli-
naires ; ils s'en étaient plaints auprès du roi ; à leur retour,
un d'entre eux, nommé Nicolas, fut pris par Foulques, le
frère du doyen Raoul, et fort maltraité (3). Ce Nicolas déposa
une plainte, auprès de l'archevêque Hildebert, contre le
doyen et un autre chanoine qu'il soupçonnait, nommé
Herbert. Impossible de prouver l'accusation. Cependant, le
plaignant ira jusqu'au bout des moyens juridiques dont il
dispose en droit canon ; le doyen a prêté serment, et six de
ses pairs avec lui (4), qu'il est innocent, et Herbert de même,
assisté de ses pairs : mais Nicolas en appelle, sans pouvoir
toutefois produire de témoins à charge. Par-devant le légat
Girard (5) et les sufTragants de la Province, le doyen renou-
(1) n mourut avant son père.
(% C'est du moins ce qui résulte de la lettre d'Hildebert II, 40 ; mais
nous ne le voyons pas mentionné dans Luchaire (Louis VI, acte
n^ 433> parm» les prélats qui ont apposé leur seing à la charte comme-
morativc de l'événement.
(.3) Demonbratus. Maan précise : excœcalus, mais la plupart des
auteurs croient qu'il s'agissait d'un autre genre de mutilation.
(4) Il jurait lui septième : septima manu. Lettres d'Hildebert II, 36,
(5) Maan dit que Uaoul fut jugé par un légat a laiei*e ; mais Girard
était le légat ordinaire, et on appelle légat a latere un dignitaire
commis spécialement par le Pape pour juger une affaire donnée,
— 105 —
velle son serment de purgation et les six co-jurtUeurs avec
lui. Restail l'appel en cour de Rome. Raoul, acquitté par
deux juridictions, continuait à voir peser sur lui des soup-
çons ; il partit pour Rome, afin d'aller recevoir l'absolution
du Saint-Siège, mais il fut assassiné en route (1). Hildebert
avait prévu ce malheur (2) et accusait presque le Pape d'en
avoir été cause, dans son grand zèle à complaire aux volon-
tés du roi de France (3) ; celui-ci ne leva toute saisie sur les
domaines métropolitains qu'à la Un de l'année 1130, ou au
commencement de 1131 (4) : encore n'avait-il fallu rien
moins, pour le décider, que l'inten^ention du roi d'Angle-
terre, Henri I".
Tels furent les événements qui troublèrent et ensanglan-
tèrent la ville et l'église de Tours au temps de notre Hildebert,
Le roi lui avait fait sentir durement le prix d'une réconcilia-
tion (5), et il était comme'en disgnlce auprès du Pape, h
cause d'une lettre assez vive qu'il avait écrite contre l'abus
des appels en cour de Borne, lors de l'assassinat de Raoul.
Au milieu de ces déboires, Hildebert retourna au Mans
deux fois au moins : pour la prise de croix du comte
comme le furenl Jean et Benoit, au concile de Poitiers, pour luformer
contre l'aitultère de Philippe l*',
(I) En 1130. ilUdebert, en même temps que la mort de Haudry, ar-
clievêque de Dol, anr.on^il au Pape le départ de Raoul. (Lettre II, 35,
Juilum ett eoa.)
(S) Au Pape (II, 37). • Iter ad lia atsumpsit, coiwi^eniîa aecurm, non
s via (sûr de sa conscience, mais non pas si sur d'arriver au bout du
(voyage) divino eonduclu, non /mmaïKj (sons la conduite de Dieu et
• non des liommes, c'est-à-dire qne, s'il échappe, ce sera miracle) ».
&) Uttre II, 11. PInloiophus ait.
(4) Lettre II. W. Exgpecians. Celle date se déduit, on le verra (dans
noire S» partie), des événeinents qui sont relatés par l'évËque, con-
cernant la Tamille royale d'Angleterre.
(S) I Certum et taxatum obsequium nobJs regem benignnm
exliitiuit. > (Lettre 11, 4li.) Cependant Hildebert ne céda point sur l'objet
pfemicr du débat.
— 106 —
Foulques (i), le jour de l'Ascension 1128 (2), et pdlir le
mariage de son fils Geoffroy, qui allait lui succéder, avec
Malhilde, fille de Henri I*' d'Angleterre. Il eut lieu en 1129
dans Foctave de la Pentecôte, le 9 juin, et fut célébré par
révêque diocésain, Guy d'Étampes (3). De cette union
devait sortir la puissante famille des Plantagenêts, qui, après
la mort de Henri I^^'', réunira dans une seule main l'Angle-
terre et la Nonnandie avec le Maine et l'Anjou.
Ainsi, par la force des événements comme par les souve-
nirs de la première partie de sa vie, Hildebert avait les yeux
sans cesse attirés vers cette monarchie anglo-nonnande,
dont l'influence tendait à devenir prépondérante dans l'ouest
de la Fronce. Il était sans doute plus attaché à Henri I^'
qu'à Louis VI, dont il n'avait jamais eu qu'à se plaindre, et
on comprend que, dans le débat qui s'ouvrit à la mort de
Honorius II (25 février 1130) pouf la succession au Saint-
Siège, il n'ait pas suivi spontanément et avec enthousiasme
le parti embrassé par les évêques français.
§ VI
Deux cardinaux des plus marquants du Sacré-Collège,
Pierre de Léon et Grégoire de Saint-Ange, ceux-là mêmes
(1) Foulques, nous Tavons vu, avait déjà visité la Terre-Sainte en
1120 et s'y était fait une réputation de vaillance et de piété. Aussi,
en 1128^ comme il était veuf, les aml>assadeurs de Baudoin vinrent lui
offrir de la part du vieux roi de Jérusalem la main de sa ûlle Mélis-
sende.
(2) Charte citée par D. Marténe. (Hist. de Marmouiier^ p. 72.)
(3) En réunissant les témoignages des chartes et des chroniqueurs,
il semble, dit M. Léopold Delisle dans son édition d'Orderic Vital (iv,
498, note), que les fiançailles eurent lieu à Rouen, à la Pentecôte de
1127, mais que le mariage fut célébré en 1129^ dans l'octave de la
Pentecôte, et au Mans, par Tévéque diocésain Guy d'Étampes et en
présence du haut clergé de la Province.
■ IIJ7 —
fqui avaient présidé le concile de Chartres en H24, se dis-
I putaient la tiare ; proclamés sous les noms d'Anaclet et
' d'Innocent, ils avitient tous deux leurs électeurs, et les
I questions de légalité soulevées par ce double vote , en
[ l'absence d'une loi électorale partaiteinent claire et reconnue
I de tous, étaient si complexes, qu'on se trouva réduit, pour
I &ire un choix, à examiner les titres mêmes des candidats,
c'est-à-dire ù substituer aux délibérations des cardinaux
I celles de la chrétienté. Mais le schisme était à redouter,
[ dans le cas où les nations ne tomberaient pas d'accord (1).
Tandis que Pierre de Léon restait en possession de Rome,
L son adversaire vint en France, solliciter les sufTrages de
I l'épiscopat. Un grand concile fut convoqué k Ëtampes, oii
I l'archevêque de Tours fut, comme de juste, iuvité à se
I rendre (2). 11 ne semble pas qu'il ait répondu à cet appel (3),
[ puisque saint Bernard lui écrivit pour lui faire pari des
[ décisions du concile (4). L'abbé de Clairvaux lui mandait
I dans cette lettre que l'assemblée avait fait choix d'innocent,
I et, dans les termes les plus flatteurs, il requérait l'adhésion
|de t'illustre archevêque de Tours, c cette colonne de
rrjÊgUfie » dont l'appui, disait-Il, ralTermirait les plus hési-
On sentait bien, en effet, qu'Hildebert avait voulu se
Préserver, en apprenant que Henri l" était favorable k
l&naclet et que Girard, évêque d'Angoulême, confirmé par
I lut dans sa charge de légat, le soutenait de toules ses forces.
1 Mais bientôt l'intérêt de l'Église devint évident, et, tandis
I que Girard, perdu par l'ambitioa, s'intronisait archevêque
Ide Bordeaux et cherchait & fomenter un schisme dans le
<1) Vof. sur la question de droit, comme pour le récit des Ëvêne-
\ rexcelleiit livre de t'abbé Vacandard sur Saint Bernard.
(3) Chron. Morintacenie.
(3) C'est aussi l'o(iiiiion de l'ulilic Vacaiiilard. {Saint Bentartl, p. 292.)
(1) La lettre de saint Benutrd est parmi celles d'Hildebert : U, U.
- 108 —
sud-ouest (1), Henri pr lui-même, subjugué par l'élo-
quence de saint Bernard, venait à Chartres reconnaître
Innocent II (2) ; Tarchevêque de Tours se prononça à son
tour sans arrière-pensée.
1132-1133 Nous sommes arrivés au terme de la belle et longue
carrière d'Hildebert, et nous avons, jusqu'à son dernier
soupir, la preuve de son activité. En 1132 et 1133, il assiste
à la fondation d'un monastère et entreprend encore deux
voyages, l'un à l'est, l'autre à l'ouest de sa Province.
Un grand mouvement monastique ébranlait alors la
chrétienté ; de grandes communautés se fondaient. Tant pis
pour le chrétien de goûts primitifs qui voulait vivre, avec
une douzaine de compagnons tout au plus, dans un désert !
Il avait beau être dans la pure tradition des ermites (3), il
fallait, bon gré mal gré, qu'il reconnût un supérieur et se
recommandât d'un ordre fameux, dont ses compagnons
pussent être fiers. C'est ainsi que les ermites de Fontaine-
les-Blanches avaient tourmenté leur magisterj pendant une
maladie qui mit ses jours en danger, afin qu'il consentît à
faire venir un abbé, de Bonneval, de Marmoutier ou de
Savigny ; l'infortuné Geoffroy aurait préféré rester son
maître, mais il dut se résigner et se décida pour Savigny.
Ce monastère lui envoya le moine Odon , qui fut
intronisé en grande pompe comme abbé par Hildebcrt,
probablement à la fin de l'année 1132 (4). Geoffroy, après
être resté quelque temps à l'abbaye, se sauva dans une
(1) Voy. Abbé Maratu, Girard^ évêque d'Angotilêtne.
(2) Le 13 janvier 1131. (Ord. Vit., Hist. eccles., V, 25.) Hildebcrt avait
certaiueineiit donné son adhésion à la fin de cette année 1131 (JafTé,
Hegesla, n" 7521) et probablement aussitôt après Henri I^.
(3) Les moines (monos, solitaire) devraient s'opposer aux cénobites
(koinos, commun ; bios, vie); mais le mot cénobite n'est pas d'un usage
courant, et le terme de moines qui signifie le contraire, en tient lieu,
tandis que les religieux solitaires sont appelés des ermites (érêmos,
désert).
(4) Chron. B. M. de Fontanis Albis (cap. VI, p. 264). Le chroniqueur
y signale la présence d'Hildebert en 1134 ; mais M. Hauréau, qui
— 110 —
Supplément a la première Partie
NOTE 1.
Sur Vépoque du Sacre d'Hildebert
Nous avons vu,par le Tableau des actes (au chap. l*^), qu'Hildebert fut
consacré à Tabbaye de Saint- Vincent du Mans, par l'archevêque de
Tours, à la fête de Noël, et avant mars 1097, date du concile de Saintes,
donc à la Noël 1096. Les auteurs de V Histoire littéraire et dom Piolin
se demandent, il est vrai, si ce n'est pas le 2 mars 1096 de notre
calendrier qui était daté 1097, en supposant que l'année fût prolongée
jusqu'à P&ques, selon un usage fréquent à cette époque. Mais précisé-
ment, l'acte porte 1096, et c'est en usant de ce raisonnement que
Mabillon le suppose de 1097, Tindiction Y (IV- VI dans le texte) corres-
pondant effectivement à notre millésime 1097. Ainsi se trouve établie,
pour la consécration, la date de Noël 1096.
Cela posé, que ferons-nous d'une charte citée par Loyauté (Notm in„,
Gestaj dans Beaugendre) et par dom Briant, comme extraite de l'an-
cien « cartulairc de Preuilly » (Indre-et-Loire) aujourd'hui disparu ? On
y lisait en substance : « Mon frère Gosbert ayant fait un don au mo-
« nastère de Preuilly, moi , Hélie , comte du Maine, je le ratifie,
» le jour de la consécration «d'Hildebert , notre évêque , dans le
» Chapitre de Saint-Julien de Tours, 1096. Nous, GeotTroy, comte de
» Vendôme , et mon fils Geoffroy , surnommé Grisegonelle , nous
» sanctionnons le don fait par nos parents Gosbert et Hélie. »
Dom Briant passe outre, mais nous aurons beau supposer une erreur
de date, il est certain que nous avons affaire à une cérémonie diffé-
rente de celle qui est relatée au cartulaire de Saint- Vincent. — Loyauté
observe que c le jour de la consécration » peut vouloir dire l'anni"
versaire. Certes, la langue ne s'y oppose pas, mais est-il vraisemblable
que les comtes du Maine et de Vendôme et l'abbé de Sairft-Galais, qui
ont signé, se soient ainsi rencontrés à Saint-Julien de Tours pour une
fête d'aussi peu d'intérêt que devait l'être un simple anniversaire
et cela pour le seul objet d'être agréables aux moines de Preuilly ?
Non, n'est-ce pas? Ce concours de princes indique que nous
sommes en présence de la cérémonie elle-même. De plus, il nous
iubleqfie, s'il B'agisaait de l'anniverBaire de Noël, le scribe Bm[d<rië-
e romiule analogue à celle du cartulnire de Saint-Vincent, par
n die consecratioiils, qui erat Natalis i, mais il ne socri-
' fleraii pas le rappel de la naissance du Sauveur à la mention d'un évé-
nemenl particulier à la Province.
Nous risquons une autre hypothèse: nous admettons qu'il y a eu
deux cérémonies.' Reniarquiix, en elTet, que le curlulaire de Saint-
Vincent n'emploie pas le mot conieeralio. t Die q-ua in lede tua poaitua
tit, le jour où il Tut installé », dit la charte. Dès lors l'archevêque
Ituoul, dans l'intérêt supérieur de l'Eglise, serait venu d'abord instailer
Hildeberl afin de couper coiiM aux intrigues et d'arracher â Hélie
une adhésion solennelle, maïs sans faire quitter sa ville à IlUdebert,
ce qui eût été dangereux. La cottaëcralion proprement dite, retardée
E' 1 capture d'IIélie et par la guerre, aurait eu lieu à Tours dans la
de moitié de l'an WM,
Getia <iJ3) racontent le voyage d'Hildebert i\ itome immédiale-
aprés la mort de Guillaume le Roux (3 août IKXIj et la rentrée du
conile Hélie dans sa ville du Mans: ■ Pacata igilur civitate atque hoati-
bus inde eCTugalia, Hildebertus Romam prollciscitur. j> Cela était dans
l'ordre. L'évéque ne devait pas se mettre en route avant que le sort
de la ville Kit décidé, ce qui arriva, dit l'auteur, au bout de trois mois
et demi (Itilmi niensibui et eo ampliuij. Notre voyageur étant donc
pMti aussitôt, c'esl-ù-dire vers le 30 novembre, et ayant poussé jusqu'à
Rome, puis en Calahre, on apprend alors que Roger, comte de Sicile,
le plus jeune des Hls de Tancrédc de Hauteville, ce gentilhomme
normand dont la lignée eut une si brillante fortune, el son petit-fUs
Roger Buraa, duc de Pou'die, neveu du précédent par son frère Robert
Guiscard, firent & l'évéque des présents de valeur pour l'église de
de Saint-Julien. Or, Roger comte de Sicile mourut en IICH (Art de véri-
fier la dates], et le calendrier de l'église du Mans [Usa. indiqués par
M. Molinier, Obituaires), qui rapporte ces donations faites par l'intermé-
diaire de l'évéque Hildebert {per manumj, place cette mort au X des
lulendes de juillet (!2 juin). Hildebert aurait donc quitté la Sicile avant
} date, et en effet il dit dans sa lettre à l'ab'bédc Cluny (III, 7.
NOTE 2
Sur répoque du Voyage d'Hildebert à liome.
— 112 -
Maximum ducoj y en racontant les péripéties de son retour, qu^il
venait de passer par Tile de Lérins le jour de la Pentecôte (9 juin).
Bref, il rentrait au moment de prendre part aux débats qu*avait
suscités la candidature de Rainaud de Martigné au siège d'Angers, et
qui se prolongèrent jusqu'au mois de janvier li<l2 (Gallia. — Lettres
de Geoffroy de Vendôme).
A cette hypothèse du voyage de 1100-1101, appuyée' sur Tinterpréta-
tion des Gesta, on fait les objections suivantes :
lo On se demande comment Hildebert aurait pu réunir si tôt les fonds
nécessaires, dans Tétat de dénuement où il rapporte que la guerre
avait mis son église, alors que sa pauvreté lui sert d*excuse pour ne
pas aller au concile de Poitiers, où il était convoqué pour le 18 novem-
bre 1100 (Lettre II, 8. Sicut frequens). Mais peut-être ramassait-il tout
son argent pour le grand voyage, espérant que la charité des abbayes
et les offrandes feraient le reste. Je supposerai volontiers qu*il exagé-
rait sa misère par politique. D'ailleurs, dans cette même lettre où il
ènumère longuement ses embarras, sans doute avec intention, n*an-
nonce-t-il pas qu'il se propose d'aller bientôt à Rome ?
2» Orderic Vital (IV, 1)9) raconte que Hélie, après s'être assuré
soigneusement que la nouvelle de la mort de Guillaume le Roux
n'était pas un faux bruit, après avoir requis Tappui de son beau-
père Foulques d'Anjou , se risqua alors devant la citadelle du
Mans et dut l'assiéger longtemps (arcem diu obseditj ; les Nor-
mands étaient braves, ils avaient des vivres et des munitions en
(juantité, ils tinrent bon, et c'est la troisième année du siège seule-
ment qu'ils consentirent à capituler. (Sic tertio anno.,..] Bref, si
Orderic dit vrai, voilà le voyage reculé jusqu'à 1 103. Mais Orderic a-t-il
dit vrai ? Si l'auteur des Gesta, par amour-propre national, raconte,
peut-être à tort, que la reddition se fit sans coup férir, en revanche, le
chroniqueur normand n*a-t-il pas complaisamment allongé les délais?
Trois ans de blocus, c'est beaucoup, et, puisque Henri était prévenu,
comment se fait-il qu'il n'ait rien tenté pour secourir ses capitaines ?
Il nous semblerait vraisemblable que le siège du Mans eût exigé trois
mois, et c'est la conquête des autres ctiâteaux du Maine qui aurait
demandé plusieurs années sans doute
Je suppose qu'on abandonne la date de 1100-1101. L'hypothèse qui
remet le voyage à l'année suivante est, par malheur, la plus mauvaise
do toutes, puisqu'elle ne s'accorde ni avec les trois mois du récit des
Gesta, ni avec les trois ans d'Orderic, ni avec la rencontre de Roger !•»•,
et puisqu'il est de plus difficile qu'Hildebert ait été dans le Maine eu
janvier 1102 et dans4'ile de Lérins, sur son retour de la Galabre, dès la
Pentecôte de la même année.
- 113 —
n faut donc à toute force choisir entre les dates de 1100 et liOR. Si
le lecteur penche pour cette dernière hypothèse, il devra admettre que
l'auteur des Gesla s*est trompé singulièrement sur la durée du siège
et que, confondant le père avec le fils, il a désigné sous le nom de
Roger le comte de Sicile Roger II, qui était non pas Fonde mais le
cousin germain de Roger Bursa : le calendrier obituaire de l'église du
Mans se prête à la rigueur à cette substitution.... Mais pourquoi veut-
on que, par respect pour une narration peu vraisemblable d'Orderic,
nous fassions la moindre entaille à cette chronologie si précise et si
serrée des Gesta f Et d'ailleurs, il y a aux archives de la Sarthe une
pancarte du prieuré d'Avezé, dont les termes sont ainsi conçus : « anno
mortis Willelmi reyis Anglorum et recuperationis Heliœ.... »; cela im-
plique que la mort de Guillaume le Roux, la rentrée d'Hélie au Mans
et par suite le départ d'Hildebert eurent lieu la même année.
Quant à Topinion qui reporte le voyage jusqu'à 1107, et qui a été
suivie par dom Piolin, elle a pour unique fondemenl le récit de
Baronius , qui croyait que c'était Henri !•' qui avait fait mettre
en prison Hildebert entre 1100 et 1107. On supposait alors qu'il
était parti pour requérir l'appui du souverain Pontife à l'époque
où Pascal II venait présider le concile de Troyes, et qu'il ne
l'avait pas rencontré en Italie ; or cela est doublement faux,
puisqu'Hildebert vit le Pape à Rome (Gesta) et qu'il assista lui-même
au concile de 1107. (N^ 17 de notre Tableau des actes.)
Enfin, il ne faut pas oublier que la lettre d'Hildebert retour de Rome
mentionne comme récente l'entrée de Geoffroy de Mayenne, l'évêque
démissionnaire d'Angers, au monastère de Quny (1101) ; cette petite
phrase, qui n'aurait aucune raison d'être appliquée à l'année 1107, et
ne serait qu'à demi de circonstance en 1103, trouve sa pleine justifica-
tion au mois de juillet 1101. Ainsi nous admettrons, en dernière
analyse, qu 'Hildebert accomplit son voyage de décembre 1100 à juin
UM.
8
FE 3. — :
.'•— __'.
GENEALOGIE
DUCS DE ï
DES COMTES O ANJOU
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duc en --
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1087 À 1006.
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^r^ison
-^110.
tjjanttCWt<>*r^^
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•». »
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OY LE Bel,
e (l'Anjou
lu Maine
I2i) à 1 151;
Normandie,
à la mort
lenri !•'.
Foulques Neuua,
y«7-i040.
I
Geoffroy MARTEr*
ia44MOn<)
Une Fille.
Geoffroy le
Baruu, comte
«le 1060 à 1007,
conjointement avec
son frère (lui le
dépouille.
Foulques IV
LE lUlCIIfN,
seul comte
dulOfiVàllOU,
ép. IJertrade
de Montfort.
I
I
Foulques V
LE Jeune, comte
de
110i> à 1129.
Va en Terre Sainte,
a épousé :
!•» En 1100,
Héremiu:roe,
désignée
ci-contre,
d'où :
i>" En uay,
.Mkllssende,
tille de Heaudoin I
roi de Jérusalem
il'où :
Matiiilde,
femme de
Guillaume Adeling,
nis do Henri 1«
d'Angleterre.
(Après la mort de
Guillaume Adeling,
sa femme, Mathilde,
devint abbesse
de Fontevrault.)
, I
Sibylle,
fiancée
à Guillaume
Qiton.
Beaudoix m,
roi do
Jérusalem.
^
1
DEUXIÈME PARTIE
SES LETTRES
CHAPITRE PREMIER
MANUSCRITS ET ÉDITIONS
§1.
ÉNUMÉRATION DES MANUSCRITS
Vingt-et-un manuscrits de la Bibliothèque nationale ren-
ferment des lettres d'Hildebert. Ce sont :
(Ancien fonds latin) les n^» 2484, 2487, 2512, 2513, 2595,
2820, 2903, 2904, 2905, 2906, 2907, 2945 et 5570 ;
(Nouveau fonds latin) les n»* 11382, 11884, 13056, 13058,
14168, 15166, 17468 et 18334.
BiBL. NAT. Famille A. — Parmi ces manuscrits, nous
distinguons d'abord l'important groupe de ceux qui renfer-
ment en même temps des lettres d'Arnoul, évêque de
Lisieux au XII« siècle : ce sont les n^^ 17468, 2595 et 15166.
Le 17468 est le plus ancien ; il date de la fin du XII® siècle.
Ce manuscrit provient de Saint-Martin-des-Champs et porte
sur la couverture les armes de cette abbaye ; il a 132 feuil-
lets, de grand format ; il est relié en cartonnage avec dos
- 116 —
en peau, et on a inscrit à Textérieur le nom de l'évêque
Arnoul de Lisieux. Il contient :
1° Le Spéculum charitaiis d'Ailred, abbé de Riévaux (1) ;
2® Le De Querimonia et conflictu carnis et sph'ituSj avec
le nom de l'auteur: Hildehertus Cenomannoi^m episcoptM;
3° VOratio ad Patrem, composita ah eodem episcopo ;
4« Un chapitre additionnel au Spéculum ;
5« Des lettres d'Hildebert, au nombre de près d'une
centaine, avec ce titre : Epistolœ HildeheHi Cenomannorum
episcopi ;
6» Un opuscule : De Rota vitse religioaœ^ description d'une
roue qui représente la vie de l'homme religieux, avec les
vertus aux difïérents rayons ;
7» Les lettres d' Arnoul ;
8® Diverses notes et un petit morceau : De Confessione.
Dans le ms. 47468, les lettres d'Hildebert forment un
premier groupe de 48. Quelques-unes débutent par une
suscription telle que : « Venerahili M. Anglorum reginœ^
Hildehertus (ou H, ou /.), humilis Cenomannorum episcopus
(minister ou sacerdos)y salutem et ohedientiam (ou orationum
instantiam), » Elles portent, à l'encre rouge, Tindication du
destinataire , soit le nom entier comme Willelmo de
Campellis (Guillaume de Champeaux), ou abrégé comme
dans G, episcopo. A, comitissXj soit une adresse moins
explicite : amico, cuidam feminœ. A cette adresse est joint
quelquefois un titre, à Tencre rouge, exposant brièvement
le sujet, exemple : rogans ut heiiefaciat cuidam clericOy de
conversione sua ; mais aucune lettre ne porte de date ; la
47'- et la 48® n'ont ni adresse ni titre.
Après la 48«, vient un sermon sur les Rameaux, œuvre
(1) Adilied, Ailred ou Aelred, fut abbé de Riévaux, en Angleterre,
dans la seconde moitié du XII« siècle ; il ne faut pas le confondre avec
un autre Aelred, auteur des homélies De Oneribus haiœ, qui vécut au
XIV« siècle.
— m -
d'Hildebert (1), qui commence pur : David fiilara apirtlu
prievïdenê... La suite des lettres reprend aussitôt, avec titre
et adresse à l'encre rouge, la majuscule initiale en bleu ou
en rouge, et toujours sans date aucune, On compte en tout
93 lettres et un petit morceau intitulé : De liomanin.
Le manuscrit n" 2595 porte également au dos la mention
d'Arnoul évéque de Lisieux, dont il renferme les lettres,
avant le Liber de Querimania et les lettres d'Hildebert.
Celles-ci se présentent en même nombre et, sauf très peu
d'exceptions, dans le même ordre, avec les mômes titres,
les mêmes adresses, les mêmes initiales en encres de
couleur et l'inlercalation du même sermon à la même place
que dans le 17468. Le n" 2595 est attribué au XIII» siècle ;
il a donc été probablement copié sur le précédent ou sur
l'original d'où est tiré le précédent. 11 a appartenu à la
Bibliothèque du Roi; il est relié avec dos de maroquin
rouge, couronne et filets dorés.
Le n" 15166 est semblable, par l'aspect, l'écriture et la
disposition des matières, au 2595. Il débute, comme celui-ci,
par les lettres d'Arnoul ; seulement, il a eu des feuillets arra-
chés, où se lisaient sans doute le Liber de Querimonia et
les treize premières lettres d'Hildebert, car la série com-
mence au milieu de la quatorzième , pour se dérouler
exactement pareille à ce qu'elle est dans le 2595. Ce ma-
nuscrit appartenait à Saint-Victor.
En résumé, ces trois manuscrits (17468, 2595 et 1516(<)
sont de môme famille; nous les appellerons A', A*, A^.
Tous trois renfertnent des lettres et sermons d'Arnoul, tous
trois renferment ou renfermaient le Liber de Querimania
et VOratio ad Patrein, tous trois présentent, avec des
adresses et des titres à l'encre rouge et des majuscules
(t) Vuy. II. lluuK-aii,
Inlittt de la Uiblinthf'qiit
itionale, I. V, p 'Ki.
~ 118 -
initiales rouges ou bleues, les lettres d'Hildebert dans un
ordre semblable, que nous reproduisons comme suit.
LISTE DES LETTRES D'APRÈS LES MANUSCRITS
DE LA FAMILLE A I
1. — Conversione et conversatione tua...
2. — Justum est ut adversa...
',). — Virtuti gratulor...
4. — Pro Willelmo noslro...
5. — Coinmeantiumraritas...
6. — Nonpotuit ad nos...
7. — Iterare clamorem. . .
8. — Flabellum misi tibi...
9. — Petitio vcstra qua vocamur...
10. — Audila per prœsentium latorem...
11. — Ex quo vestram promerui notitiam....
12. — Pauca, bone frater, habeo...
13. — Fama est episcopos.,.
li. — Fratrem illum quem diaconatum ..
15. — Gratulor Honori Tuo..
1(3. — Difficile est discrète...
17. — Si fides auctoritati non fublrahitur....
18. — Non paucis déclarât urprivilegiis...
19. — Sicut frequens tribulationumconcursus...
20. — AttritsR fronlis est egestaa...
21. — Fatniliare est sapienti tolerare...
22. — Et dies lœtus et vultus...
23. — Confrater et filins vesler...
24. — Maximum duco...
25. — Absenlia ynariti...
26. — Absentia mariti... (autre lettre).
27. — Prœter officium est...
28. — Et vultuin et dietn..,
29. — Ad nos usque decuntt...
IJO. — lieos tor mentis af/icere...
31. — Confidimus in Domino...
32. — Benedictus Dominus Deus Israël..,
^^. — Doleo f rater mi...
- 118 -
initiales rouges ou bleues, les lettres d'Hildebert dans un
ordre semblable, que nous reproduisons comme suit.
LISTE DES LETTRES D'APRÈS LES MANUSCRITS
DE LA FAMILLE A :
1. — Conversione et conversatione tua...
2. — Justum est ut adversa...
',). — Virtuti gratulor...
4. — Pro Wiltelmonoslro...
5. — Commeantium raritas...
6. — Nonpotuit ad nos...
7. — Iterare clamovem. . .
8. — Flabellum misi tibi...
9. — Petilio vestra qua vocamur...
iO. — AudUaperprassentium latorem...
li. — Ex quo vestram promerui notitiam....
i2. — Paucay bone frater, habeo...
13. — Fama est episœpos...
14. — Fratrem illum quem diaœnatum ..
15. — Gratulor Honori Tuo..
16. — Difficile est disci*ele...
17. — Si fides auctorilati non fubtrahitur....
18. — Non paucis déclarai urprivilegiis...
19. — Sicut frequens tribulationumconcursua...
2<). — Attritœfrontis est egestas...
21. — Familiare est sapienti tolerare...
22. — Et dies lœttis et vultus...
23. — Confrater et filins vcster...
2i. — Maximum duco...
25. — Absenlia mariti...
26. — Absentia mariti... (autre lettre).
27 . — Prœter offici um est...
28. — El vultum et diem...
29. — Ad nos usque decunit...
3(). — Jleos tur mentis af/icere...
31. — Con/idimus in Domino...
32. — Dcnedictus Dominus Dcus Israël..,
lïJ. — Doleo frater mi...
— 110 -
34. « Sicut Sanctilatis Vestrœ pagina...
35. — Andegavensem pro te convenimxis...
36. — ConsiderarUi mihi vottim tuum.,.
37. — Usu pariter et necessitate...
38. — Estapudnos abbatia...
39. — Féliciter 8unt miseri...
40. — Credimus ignorarete..,
4i. — Successisse confitebor...
42. — Quod te Dominam appello...
43. — Ne vel déesse justitiœ.. .
44. — Locorum vel temparis incommoda...
45. — Sacerdos prsesentium lator...
46. — Zelum Legis habes.,.
47. — Sicut reprimendœ prsBsumptionis...
48. — Sanctas conversationis vestras...
— (Sermon sur les Rameaux.) David futura spiritu prœviden-s.
40. — PlenimquefitutexpraRteritis...
nO. — Audivimus et valde lœtati stimus...
51. — Potestati cedit ad gloriam...
52. — In régna quidem nuUus,..
53. — Timeo, charissitne frater...
54. — Pasçha Domini est...
55. — Melius me cucwTisiis...
56. — Cum bene multis imperes...
hl, — Consideranti diligenlius quid sit homo....
58. — Qtujintis tribulationtim turbinibus...
59. — Scimus quidem, béate prœsul...
60. — Fuerequidicerent...
61. — Nota loquor...
62. — PraBsentium latores...
63. — Apostolicis erudimur exemplis...
64. — Cum susceperis hanc epistolam..,
65. — Egr&Iienti tibi de medio tiationis,..
66. — Promissam Beatitudini Tusepaginam..
67. — Gaudium mihi exuberat...
68. — Advotorum plenitudinem...
69. — ^d memoriam Beati Jacobi...
70. — Sicut parvitatem meam...
71. — Juconditas mihi et exultatio...
72. — Et reUUUme pluritnorum...
73. — Célèbre solatium est...
74. — Factum est quod a nobis...
~ lt>0 —
75. — Qiioties quœ circa te.,.
76. — Semper fuit opus...
77. — Philosophus ait...
78. — Bahamum ex odore auo...
79. — In adversis nonnullum solalium.. .
80. — Si vera sunt quœ de œmmisao..,
81. — LitteroLii ad nos, Beatissime Pater...
82. — Exspectans exspectavi..,
83. — Totum te mihi significasti...
8i. — Si benetibi est...
85. — Ad vestmm in Franciam ingresaum...
86. — Quantum liber alitati vestrœ..,
87. — Eos gui obsequiorum..,
88. — Justum est eos spem...
89. — Nouerit Dilectio Vestra...
ÎK). — Usu pariter et nécessitante...
91. — Non dubitamus contumeliam..,
92. — Sicut de charissimo paXre..,
93. — Inter Camotensem epiacopum et abbatem...
Suit, pour finir, un morceau qui débute ainsi :
Romani suiit qui timent etiam quos tuentur. Hi sunt quos habc pecu-
liariter provincia inanet inferre calumnias, déferre personas, aCferre
minas, auferre substantias ; hi sunt quorum laudari audis in otio occu-
pationes, in pace prsedas, inter arma fugas, inter vina victorias. Hi
sunt qui causas morantur adhibiti, impediunt praetermissi, fastidiunt
admoniti, obliviscuntur locupletati. Hi sunt qui emunt lites, vendant
intercessiones, députant arbitros, judicanda dictant. Dictata con-
vellunt, attrahunt litigaturos, protrahunt audiendos, trahunt addictos,
retrahunt transeuntcs. Hi sunt quos, si petas^ etiam nullo adulante,
beneficium promittunt, pudet negare^ pœnitet prœstitisse
Bref, il semble qu'on soit en présence d'un réquisitoire
amer contre la cour de Rome, sa cupidité et sa mauvaise
foi ; mais ce pamphlet est-il l'œuvre d'Hildebert ? Il ne se
rencontre pas dans les autres manuscrits de la Bibliothèque
nationale dont nous parlerons ci-après, et là où on le trouve,
il n'est pas attribué formellement à notre évêque. On est
— 121 —
tenté de supposer, à voir dans A ' comme il cadre avec la
page i]ui restait à remplir, que le scribe l'aura tiré de son
propre fonds ou emprunté à n'importe quel auteur, pour
parfaire son manuscrit ; mais, avant de trancher la question
d'origine, disons un mot des péripéties qu'ont traversées
ce morceau de déclamation et l'évêque dont on le chargeait.
Certes, les lecteurs du XII' siècle ne se doutaient pas
des polémiques au milieu desquelles se trouverait jeté le De
liomanUf dans la lutte ardente des Uttramontains, des
Gallicans et des Uéioriné». Au XVl" siècle, on rapprocha
de ces invectives la lettre de protestation contre l'abus des
appels en cour de Rome (1); on répéta, après Schedel,
qu'Hildebert avait été emprisonné sur l'ordre d'Honorius (2);
enfin, on voulait qu'il eill llélri la cour de Uome avec ces
deux vers de sa poésie D-: Roma, qui, M. Hauréau l'a dé-
montré (3), visent les persécuteurs du Pape, les AHemanda
de l'empereur ;
Urbs [eli.c, si vel domim» urbs ilta careret
Vel dominU esaet twpe carere fide.
H Heureuse ville, si elle n'avait point de maîtres,
Ou si ses maîtres rougissaient de n'avoir point de foi, »
En un mot, Hildehert se trouva enrégimenté parmi les
antipapistes : « Il a été mis par Illyriciis entre les témoins
de la vérité h cause d'une lettre fort piquante contre la cour
de Rome », dit Rayle (4), et Du Plessis-Mornay traduisit le
fameux pamphlet i\ la p<ige 280 du Mystère d'iniquité :
(1) PIntoiophftà ail. Migne, 11, W.
(3) Sur celte fausse légende, vay. notre t" partie, p. 7(1.
0) It. llaurÉaii, Les Mëlawjei piiêliiiiiex tl'Hililebei't de Lacantttt
V. m.
(i| Utclionnaire crit'viui:. art. tliideberl.
— 122 —
Mais, sur les entreprises de ces papes, il n'y avait pas aussi faute de
gens qui criassent au larron ; Hildebert^ évesque du Mans célèbre de
ce temps, en une sienne épistre parlant de la court romaine : Leur
propre function, c'est d'imposer des calomnies, déférer les personnes,
avoir leurs biens par menaces, leur louange est de cercher occupta-
tion en leur repos, butin en pléne paix, victoire dans les festins ;
em|)Ioiês-Ies en vos causes, ils les retardent ; non emploies, ils les
cmpesclient ; sollicités-les, ils vous desdaignent ; enrichissés-les, ils
vous oublient ; ils aclieptent les procès, ils vendent leurs intercessions,
vous députent des arbitres, leur dictent des jugements prononcés
(ju'ils les ont,.... ils dénient aux clers la révérence, aux nobles l'ex-
traction, aux supérieurs la séance, aux esgaux Taccointance, à tous
justice etc
CœlTeteau, dans sa Réponse au Mystère d'iniquité (1), ne
niait point que la lettre à Honorius ne fût d'Hildebert ; mais
il ne jugeait pas ainsi du morceau De Romanis, Gneffeteau
parlait en catholique gallican ; il exprimait une opinion
moyenne, (ju'il désirait être la vraie, et les théologiens
protestants. Rivet, Gretser (2), ne le suivirent pas, affirmant,
soit comme Rivet, qu'Hildebert avait été jusqu'à la révolte
et à la haine contre Rome, soit au contraire comme Gretser,
qu'il n'avait eu aucun courage, et que même la protestation
généreuse et digne n'était pas de lui.
Donc, l'intortuné Hildebert servit à la dispute des grands
partis religieux, jusqu'au jour où les Bénédictins, auteurs
de V Histoire littéraire^ vinrent le dégager de la mêlée. En
examinant la question avec l'impartialité de la critique, ils
découvrirent que le morceau incriminé était tiré presque
intégralement d'une lettre de Sidoine Apollinaire (3), qui
vécut au Ve siècle. Il n'y est pas question le moins du
monde des prélats romains, mais l'évoque de Glermont
{\) Ca^lTeteau, Réponse au Myslère d' iniquité , p. 757.
(2) Rivet, théologien protestant, né à Saint-Maixent, mort à Bréda. —
Grelset'y théologien protestant, né en Allemagne. Tous deux vivaient
au conmiencemeiit du XVli« siècle.
(A) Migne, Patrol. lat., tome LVlll (la 7«' du livre V).
- 123 -
annonce à son frère Thaumaste qu'il a enfin découvert quels
étaient les hommes qui le desservaient auprès de Chilpéric,
prince burgonde, tétrarque de Lyon:
Indagavimus tandem qui apud tetrarcham nostrum germani tui ei e
diverso partium novi principis amicitias criminarentur, si tamen
fidam sodalium sagacitatem clandestiiia delatorum non fefellere vestt-
gia. Hi uimirum sunt, ut idem coram positus audisti, quos se jamdii-
dum perpeti inter clementiores Barbaros Gallia gémit ; hi sunt quôs
liment etiam qui timentur, hi sunt quos hrec peculiariter provincia
manet etc....
Pourtant, il a fallu adapter ce morceau d'éloquence à la
critique sanglante des prélats romains, et nous croyons que
ce petit travail fut l'œuvre d'un clerc né malin, qui aligna
les antithèses et les hyperboles aux dépens des cardinaux
pour compléter sa page. Les scribes qui vinrent ensuite en
ont copié plus ou moins à leur fantaisie (1)....
BiBL. NAT. Autres manuscrits. — Sans quitter la Biblio-
thèque nationale, prenons d'autres manuscrits.
Les lettres précitées s'y rencontrent ; de plus, on y trouve
un certain nombre d'autres lettres, que voici (au nombre
de 10) :
a In me bene mihi complacuit....
P Transfretare tt6i, o Regina....
y Pueris nostris (jutbus navigaturis....
5 Beatitudini Vestrœ (lettre sur le concile de Nantes) et réponse
du Pape.
8 Plerumque humanis obrepit mentibus....
K In lacrymis effluant .. . .
>î Nunquam felicius....
d Etsiquanlas debemus...,
i Malchum tmun....
X Credidi me peccaturum....
(1) Le manuscrit de Troyes va un peu plus loin que le ms. A dans la
lettre de Sidoine.
- 1-ii -
Telles sont les lettres que nous allons rencontrer en plus,
soit groupées ù quelques-unes, soit toutes réunies. Je men-
tionne pour mémoire une seconde lettre Benedictus Dominua
Deui Israël, qui n'est qu'une rédaction un peu modifiée de
Ex quo veatram promenti notiliam, et auesl les morceaux
commençant par Clemenliai est aliquid, ou Actum fartasse
putaa, Porro jiaucis tibi oatensa, qui ne sont que des décou-
pures des lettres Absenlia mariti et Confidimu» in Domino ;
en revanche, Cnm hene muUis et Consideranli ditigattius
sont généralement réunies en une seule lettre dans les
manuscrits qui nous restent à examiner.
Parmi ceux-ci, les n" 2512 et 25i3 d'une part, 2903, 2904,
2905, 2900, d'autre part, présentent des analogies suffisantes
pour qu'il soit permis de conserver l'ordre dans lequel ils
se trouvent rangés au catalogue de la Bibliothèque nationale.
Nous les appellerons : C, B^, b:i, B', B», W.
B' fut lé^ué par dom Antoine Faure h, la Bibliollièque du
Roi; plusieurs lettres d'Hildebert y portent des adresses, mais
tracées d'une écriture moderne. On y lit sans interruption
les lettres 1 à 53 ; puis les lettres 63 et 64, séparées par
plusieurs sermons (1) ; le scribe répète alors, de sa plus
belle écriture, le litre complet : Ep" Hildeberti priws Cenom.
ep', piiitea Turonenais archiep', ad S""" Bemardum. Puis
viennent la lettre 78 et une quarantaine d'autres, suivant un
ordre nouveau. 11 s'y intercale une lettre commençant par ;
s Quia cauaam Sagienaia ecclesia; experientix vestrœ Romani
u pontilicis delegavil auctoritas et ejmdem ecdesiœ cura ad
H nos jure metropolitano iioscitur pertiiiere.... > Inulile d'en
(1) 'loua les sermons qui se rencontrent dans les mâmes r
i|uc les lettres d'Hildebert, ne sont pas nécessairement l'œuvre do
notre évéque, et Reaugendre a eu tort de les imprimer tels quels duns
son édition. Deanconp doivent ^tre attribués à Pierre le Man^iir
(dévorateur de livres), A Pierre le l.ombard et â GeolTroy iJabion. A ce
sujet, voyex D. Ilauréau, Notices et exlnxitë... (en cliercluint â la tatile
des divers volume* le mot Uildebert). Cs. aussi l'édition in-4*, publiée
txkrrAcailéniiedc-B inscriptions, t. XXXI. S* partie, p. 137.
- l£>
tire plus long : celle lettre a été écrite par l'archevêque
métropolitain qui avait l'église de Séez dans sa Province,
c'est-à-dire par un archevêque de Rouen (1).
B * (XIII" siècle), de l'ancienne bibliothèque de Colberl,
donne l'ordre de A jusqu'à 57 (sans adresses) ; suivent la série
67 à 70, trois ou quatre lettres de saint Bernard, les lettres
p et y, i7 à 52 (lettres répétées avec intercalation du sermon
David futura) ; puis encore une série qu'on trouve pareille
dans B *, savoir : 58, 74, 72, 75 à 79 ; 59 à (i2, 80 à 83, 7:1,
84 à 93, 63 à 66, S et réponse. Le 2512 (B «) se termine par
l'épimphe de Bérenger attribuée à Hildebert, et le 25i3 (lî *)
par la Moralia Pliilotophia (2).
B3 ou 2903 (XIII" siècle) donne l'ordre de A jusqu'à 57
(sauf intercalation de deux lettres qui ne sont pas d'Hilde-
licrt), puis des lettres de divers auteurs, puis des lettres
d'Hildebert commençant par 67 et variant entre 58 et 79,
avec fragments des séries indiquées pour le précédent.
B * ou 2904 (XIII» siècle), de l'ancienne bibliothèque de
Bigot, recueilli par la Bibliothèque royale, renferme d'abord
B, puis In série 1 it 57, avec des adrenset, puis diverses
lettres dont l'ordre rappelle celui de.'* précédents manuscrits.
B* ou 2905 (XIII* siècle), de l'ancienne bibliothèque de
Colbert, offre encore à peu près la même répétition, soit
1 à 57 ; 67 etc.. et la série 58, 74 etc.. Et ainsi du
n° 2906 (Bl), qui appartint à Baluze : c'est toujours le même
ordre, avec des coupures.
(1) La chose se passait â l'avèiieiiieiit ite Gîranl II, ilciiit l'élection ru
siège de Réel, en lUl, donna lieu A un grave déhttl {Galiia, XI). Les
èvÂ)ues d'Ëvreux It. et de Lisieux A., mentionnes dans le texte, sont
Rotruu et Arnoul. Quia caiitam serait à joindre au recueil des lettres
de Hugues III, dans Migne, Palrol. la(., t. CXCII.
<3) C'est une marqueterie fort Ingénieua
toutes empruntées aux philosophes ancii
;iAiaou Moraliuin Dogvia pliiloaoplioi-an
parmi les œuvres d'Hildebert, voy. un
dans les Noiiea el extrait).... Ce Siivai
i Guillaume de Conelies (I. 1, p. lUt).
', de pensées
ena, — Sur la Moralit Philotft-
n. qui tigure dans Qeaugendre
dissi'rlation de M. G. Ilauréau
l'attribue, en dernière analyse,
— l!2<> -
Les deux manuscrits 2907 et 11382 (C« et C^) débutent
par la lettre numérotée 32 dans A.
Dans C * (ancienne bibliothèque de Colbert) (XIII« siècle),
on lit d'abord sans interruption 32 à 57, puis 67 à 70, 63
à 66 ; puis quatre lettres qui ne sont pas dans A, puis 58,
74, 72, 75 à 79 (comme dans B) ; 59 à 62, 80 à 83, 84 à 93
et enfin 1 à 31.
C 2 reproduit le même ordre avec des lacunes. Le scribe
avoue lui-même avoir omis beaucoup de lettres et en avoir
«i corrigé » quelques autres.
Les manuscrits 13(^ (D*) et 14168 (D <) présentent les
mêmes séries (|ue les précédents, avec cette différence que
la série A s'arrête au n<» 48. Suivent 65 à 70 ; 58, 74, 72, 75 à
79 (comme dans B) ; 59 à 62 ; 80 à 83 ; 73 (interpalé comme
dans B) ; 84 à 93, puis le De Querimonia ; puis 67 ; 49 à 57 ;
68 à 70 ; et quelques autres, notamment une qui ne se ren-
contre que là : Malchum tuum (t). Ces deux manuscrits pro-
viennent de Saint-Germain-des-Prés ; D *, qui est du XVI®
siècle, a été manifestement copié dans cette abbaye sur D *,
qui est du XIII*'. Tous deux ont des adresses et, dans ces
adresses, reproduisent les mêmes erreurs.
Les autres manuscrits sont beaucoup moins complets.
Les no» 2i84 (E*> et 2487 (E«), à la suite des lettres
d'Yves de Chartres, nous donnent 1 à 57 et quelques lettres
de plus, sans ordre aucun (1). 2487 a des adresses en
rouge, Tautre n'en a pas; ils sont ^ tous deux du XIII®
siècle. Le ins. 18334 (F, XIII^ siècle, de la bibliothèque
des Minimes), à la suite de l' « Histoire des Albigeois »
par Pierre des Vaux de Gernay, va de 1 a 52 et s'arrête net ;
il a des adresses.
Les manuscrits 11884 (de Saint-Germain-des-Prés, fin du
XIl*^" siècle) et 13056, qui débute par Yves de Chartres (é^a-
lomont de Saint-Germain-des-Prés), donnent une vingtaine
(1) Avec iiitercalatioii de sermons.
(le lettres, soit îi peu près los vingt pieiiiières de la série A,
Knfin 5670 offre également une vingtaine de lettres, 2945
une dizaine et 2820 quatre seulement. Mais on lit dans 2945
une lettre qui ne se rencontre nulle pari ailleurs : CrediiU
me peceaturuin in plures, avec la suscriplion a I (c'est-
à-dire Udebertus) humilis Cenomannorum aacerdoa. »
( Lettre k. )
Le n" 9376 est mentionné uu catalogue des mauuscrils de
la Bibliothèque nationale comme renfermant une lettre
d'Hildebert au feuillet :ï5. « U. Andegave^tti prataïUi H.
Turoiiênsitt ardiiepiscojni» saliilem n, dit la suscriplion de
cette lettre, et une note d'écriture bien postérieure ajoute :
« Umc epUtola est ep' Turon. Hildeberli ad epûcopum
Andegav, qiiem suspenderat ab officio ». Mais une aulre
indication, contredisant celle-ci, est libellée : EpUtola II.
(Hugoais de Uasttxidunci) ardi. Tur. nd And. i-p. di:
interdieti aententia in eum a ne lala. Hildebert ne coniuit
aucun évéque d'Angers dont le nom rommenç^U par un
H, et Ulger, son contemporain, fut excommunié seuleineul
cinq ans après sa mort (1) ; nous iivons atTaire par consé-
quent à Hugues I"', archevêque de Tours de 10U7 à 1023,
qui, au coui's de ses démêlés avec le conile d'Anjou, excom-
munia l'évéque Hubert, son sulTragant, et lu lettre est
rapportée comme telle par Maan (2). Le nombre des ma-
nuscrits de la Bibliothèque nationale qui renferment des
lettres d'Hildebert reste donc fixé à vingt-et-un.
Autres niBLioTHiitjuEs. — l'armi les rmlres bibliothèques
de Paris, il faut citer celle de VAraeiial, comme possé-
dant plusieurs manuscrits des lettres (mss. 390 , Xll"
siècle ; 1132, XHl" siëdf. Saint-Victor ; 1144. XV" siècle : It;
(l)Go((i«. l.XiV,
(3)i. MiUin. Jlialoria ivclesite Metroixiliraiia: Turonauîs, Appaulix.
XV, D'aprc^B le rfciieil .les lellivs île Kullierl. évoque Je Cliarlres. (Voir
UansMiBrie, t. r.Xl.l. ep- llC.i
— i« —
premier avec des adresses (i), le second avec des titres
de sujet sans noms propres, le troisième sans titres ni
adresses).
Quant aux bibliothèques des départements, ni celle de
Tours, ni celle du Mans ne possèdent de lettres d'Hildebert ;
mais nous avons eu connaissance, en tout ou en partie, des
manuscrits de : A L*r anches (\ni* siècle, quelques lettres).
Cambrai (ms. 211, de même date et de même contenu
que A), Douai (ms. 372, abbaye d'Anchin, XII* siècle),
Grenoble (ms. 2ii, XII« siècle, Grande-Chartreuse), Poitiers
(ms. 290, XIV« siècle, quelques lettres), Rouen (ms. 543,
Saint-Ouen,XlI<' siècle), Troyes (mss. 513, 1924 et 1926, tous
trois de Ciair\'aux, de la fin du XII* siècle, présentant les
mêmes adresses) et l'école de médecine de Montpellier.
A l'étranger, les manuscrits de Cambridge, Munich,
Venise et Vienne sont sans adresses, mais nous avons reçu
de précieux renseignements sur les bibliothèques de Berlin
(ms. 182, avec nombreuses adresses (2), 183, 184, avec
annotations de la main de Sirmond, collège de Clermont),
Berne (mss. 484, 580 et 633, XIÏI* siècle), Bruxelles (mss.
10833, XIIÏ« siècle ; 19020, XIV* siècle ; 4927 (3), ms. en
papier du XV« siècle, mais qui seul renferme de nombreuses
adresses), Londres (British Muséum, mss. très intéressants
par leurs adresses, savoir : Royal 7 A IV, XII* siècle ; Roy.
14 C IV, Gotton. Vesp. (4) D XIX, Hari. 3016, XIII* siècle),
(1) C'est celui que nous désignons quand nous écrivons : Arsenal ou
Ars.f sans numéro d'ordre.
(2) C'est celui que nous désignons quand nous écrivons : Berlin^
sans numéro d'ordre. Ce ms., du collège de Clermont, appartenait en
18:19 à sir Th. Phillpps de Middlehill, et Pertz, qui le vit à son passage
on Angleterre, le signala dans son ArchiVy le croyant plus complet que
lf>s autres, ce qui est faux.
Ci) C'est celui que nous désignons quand nous écrivons : Bruxelles,
sans numéro d'ordre.
(4) Vespaaianus. Les cliapitres du catalogue de la Cottonian Ubrary
portent, en guise de numéros d'ordre, les noms des empereurs romains.
^
Oxford (Bodteian Librarj- Miscell. 532, XIII' siècle). Home
(fonds de la reine Christine, 169, 171 et 246).
Toutefois, la seule lettre que nous fournissent en plus
ces nianuscrils, est la lettre Sententiam quam rogaslis,
donnée par la bibliothèque de l'Arsenal, et qui figure dans
Deaugendre, celle qui est insérée dans le n» 19020 de
Bruxelles parmi les lettres li'Hildeberl paraissant adressée
par un évoque d'Amiens h un pape du nom d'Innocent.
C'est dans un manuscrit d'Yves, du British Muséum, qu'il
faut chercher une lettre inédite d'Hildebert, et ce document,
qui a paru le i" avril dernier dans VEngiisli historical
Review, constitue un appoint intéresBant, non-seulement à
la collection épistolaire, mais encore, comme nous l'avons
vu (1), à l'histoire m^me de l'évêque du Mans (2).
CHRONOLOGIE DES KDITIONS
Le plus grand nombre des lettres d'Hildebert, quatre-
vingts environ, furent éditées pour la première (ois dans
la Maxima Bibliotheca Patrum {3), (Paris, 1589, — Cologne,
1618, — Lyon, 1677) ; un moine augusUn, Jacques Hommey,
y a joint l'examen de ces lettres en latin, dans son Siipple-
metitum (1684).
Dès 1621, Bochel, auteur des Décréta Ecctesiae GalUcanx,
avait réimprimé une lettre déjà panie ; Du Chesne, dans sa
(i)l~ parlie.p. 57.
(2) Le ms. 115 de Saint-Umcr donne une epialola Odoni par tlildetierl,
maJB c'est une ëpllre en vers (Beaugciidre, ttildeb. op.), p. 13^;
Ilnuréuu, Mélangea poétiques iTBitdebert, p. 55».
13) Dépouillée dans Uarling, Cyclopmdia bibliographica, col. 738 et
— 13() —
collection des « Historiens de France (1) », en fit entrer
quatre qui étaient déjà éditées (1649), et Alford, Jésuite
anglais, pour ses Annales Ecclesiœ AiiglicmiiBy en emprunta
deux (édition posthume, après 1652). Nous descendons alors
jusqu'au Père Labbe, qui, dans sa collection des c Con-
ciles », eut occasion de donner à nouveau la lettre sur le
concile de Nantes (1672). Seul, Mabillon (Analecta, 1675)
avait publié une lettre inédite , Malchum tuum , lorsque
dom Luc d'Achery fit paraître le SpicUegium (2) (1677), où
il donnait neuf lettres d'Hildebert au tome IV, et quinze
lettres au tome XIII (3) , soit vingt-quatre lettres, dont
vingt-deux n'avaient pas encore été éditées.
Vers la même époque, Etienne Baluze avait projeté une
édition des lettres d'Hildebert, pour laquelle il fit exécuter
plusieurs copies ; ayant renoncé à ce travail, il se dessaisit
de ses papiers en faveur du Bénédictin dom Antoine
Beaugendre (4).
En combinant les deux recueils, des Pères et de d'Achery,
dom Beaugendre, qui avait entrepris la publication intégrale
des œuvres d'Hildebert, se trouvait à la tète d'une centaine
de lettres. Il en corrigea les textes d'après les copies de
Baluze et une douzaine de manuscrits, savoir :
2 de la Bibliothèque royale, dont le n® 4080 est actuelle-
ment notre f. 1. 2484 ;
(1) Du Chesne. Uistoriœ Francorum scriptores coœtanei. — Lutetiae
Parisiorum, 1649, 5 vol. in-fol. (Voy. tome IV, p. 248.)
(2) Specilegium : Glanage d'épis (spicas lego).— Z>'i4c/*erj/ou Dachery,
né à Saint-Quentin, semble appartenir à une famille qui tirait son nom
du petit village d'Achery, dans l'Aisne.
(3) Les tomes IV et XllI de 1677 font partie tous deux du tome III
dans l'édition de 1723.
(4) Ils sont à la Bibliothèque nationale sous le titre de : Liasse cte
papiers concernant les ouvrages d'Hildebert, évêque du Mans, que M.
Baluze remit au /?. P. Beaugendre pour son édition d'Hildebert, et qui
lui furent rendus après la mort de ce religieux, le 16 septembre 1708,
(Baluze, vol. 120, p. 92.)
■ 131
6 de la bibliolhèqur de Colbert, parmi lesquels 1168,
2i:t1, •mu cl 4017 soni nos mss. 2905, 2487, 251.% 2907 ;
2 de S;ii ni- Victor, mais non pas celui de la Riblîothériue
naliouale, qui porlail à Saint-Viclor le ii" 1000 ;
1 de l'abbaye de Saint-Ouen de Itouen, actuellement à la
bibliothèque de cette ville ;
1 de Saint-Taurin d'Evreujt, que nous n'avons pu retrouver;
2 prêtés par l'avocat Loyauté, qui ne sont pas autrement
qualifiés dans la préface.
Dom Beaugendre, malgré son grand Age {il avait près de
quatre-vingls ans), vint k bout de ce travail et publia son
édition en 1708, sous ce titre ; VaierabUU Hildeberti, primo
Cenoinaniienais epûcopi, deinde Turonnuxi archiepiscojii,
opéra tam edUa quant inedila. Ai-cesserunt Marbodi,
Redonensis epUcopi, ipsius Hildeberti inippari», opuscttla...
labore et studio D. i4iit(>nîi Beaugendre, preabyteri et
monachi Sancli BenedicH e cotigregatioiie S. Maurt. —
Parîsiis, apud Laurenlium l.e Conte, ad rtpam Seqxia-
nœ Augustinianam , ad iiisigne Urbis Monli^peamlani,
M D ce VIII cum privilégia reijia et superiorum per-
missu. L'édition a été repruduite dans la collection
Migne, par les soins du ctianuiric Bourassé, qui y a joint
quelques notes, en 185i. (Patfolofiia latina, iomc C:LXXI)(1),
[)E I.AIITHENTICITIÏ DKS LETTRES
U'après les manuscrits. — Après avoir énuméré les
manuscrits et les éditions qui renferment des lettres
(1) On trouve quelques lettres d'Iliideberl, niais aucune inédite, en
d'autres recueils postérieurs à d'Achery, savoir chet : Iioin Beaaiii
[Coneitet <ie la Province-UBouen); — dam Marice(Hiêloire de Bretagne);
— Muratori, le grand ^rudit italien du XVI 11* siècle (Anecd-, 3* vol.,
t. lit, p. 313); — Brial [Recueil deê fiistoriens des Gaules et de la
France, tome XV), etc..
— 132 -
d'Hildebert, le moment est venu de faire le compte de
ceJles-ci.
Parmi les 93 lettres qui se lisent dans les manuscrits de
la famille A de la Bibliothèque nationale, il n'en est pas
pour lesquelles nous ayons des raisons sérieuses de suspec-
ter leur authenticité ; on les retrouve toutes d'ailleurs dans
les autres manuscrits, quoique dispersées. Cependant,
Beaugendre a omis dans son édition la dernière: Inter
Caimotensem episcopum. Pourquoi ? Nous l'ignorons.
Noverit DiLectio Vestra a été négligée également par
Beaugendre ; mais elle est dansMigne, ajoutée parBourassé
d'après les papiers de Baluze, et avec la faute que cet érudit
avait faite (Novit pour Noverit). Nous croyons que Beau-
gendre l'avait omise sans intention ; toutefois, il pourrait
dire à sa décharge que cette lettre n'a peut-être pas été
écrite par Hildebert, mais à lui adressée. Même en ce cas,
elle doit être jointe h Usu pariter et necessitate docemur^
qu'elle explique et sans laquelle on ne la rencontre jamais
dans les manuscrits ; ceux-ci sont seulement partagés quant
à la teneur du texte.
Les uns (1) donnent : « Noverit Dilectio Vestra Stepha-
y> num (Etienne de Montsoreau) decessisse ; cum quo quia
1» Radulfus, noster quidem filius, vester autem decanus,».. »
Votre doyen ! Cela ferait supposer qu'Hildebert était, non
pas l'auteur, mais le destinataire, puisqu'il s'agit du doyen
de Tours, Raoul. D'autres manuscrits (2) portent: vester
quidem filius^ noster autem decanus. Je continue, c Radul-
» phus noster (ou vester) quidem filius, vester (ou noster)
» autem decanus, in apostolica acturus erat audientia ; apud
3> Vestram pro eo interpellamus Discretionem (3), quatenus
(1) B/l, B/*2, B/5. — Quant à C/l, il présente une double rature. Est-ce
nostei'j est-ce vester f
(2; A/1, A/2, A/3. — D/1 : noster quidem filius aut decanus,
(3) IHscrctio. — Titulus honorarius, quo nonnunquam appeUati
siint episcopi, interdum etiam laici nobiles (Du Gange).
— 133 —
> pro eo impetretis ne, pto c^u^a qua Romam iturus erat,
> necesse sil eum uUerius [atigari (1) »,
Celte dernière phrase peul s'entendre de deux façons:
■ Tâche?, d'obtenir pour lui qu'il ne soit pas nécessaire de
» poursuivre son voyage commencé {\'^ sens), ou d'entre-
« prendre désormais le voyage (2' sens). » Dans le premier
cas, Raoul serait déjà parti et aurait perdu en route son
compagnon et avocat désigné ; lo billet serait un faire part
et avis de l'abbé de Cluny, par exemple, chez qui le voya-
geur se serait arrêté un instant. Dans le second cas, Raoul
serai! encore à Tours, et Hildebert aurait écrit ce billet, je
suppose, à un prélat de la cour romaine, démarche suprême
pour obtenir qu'on laissât son doyen en repos (2). Cetïe
solution, qui est celle de A', le manuscrit le plus complet et
un des plus anciens, nous parait plus simple. Quoiqu'il en
soit, le Pape tint bon, et Hildebert rédigea pour son protégé
le billet de recommandation Vsu paritef et necesaitate doce-
mur, dont il le munit, selon toute apparence, à son départ.
Prenons maintenant les 10 lettres qui ne se rencontrent
pas dans A,
« se lit en tête de manusci il dans li * et G t^), à cùté d'un
sermon dans D, et enHn dûment intercalée entre des lettres
authentiques dans B^. Cette lettre porte, h l'encre noire,
dans le corps du texte, la suscription : • Ilildebertus, Ceno-
mannorum sacerdos. ■
^l} Fatigari : faire un voyage. C'est uri îles priiicipaiw sens du mol
au moyen 3ge. Cf., pour l'espresaion, les letlrcs illlildeberl Jutium eil
eoi, p. 139 et Scimut quid«iii, p. 172.
(3) Dan» la lettre Justum est eos (i13l>), Hildebert fRÎsait au Pape la
mâme prière en ternies aualotjues, mais en le qualifiant de Sanctita»
Vatra. A-t-il donc écrit par deux voies ililTérenies pour le même
objet, ou rëpoiidait-it ici au va?u eupriniè par l'auteur de Novcrit
biUaHo f Les deux oxplicuiiuiis sont pussiblea.
Cl) C'est, ou s'en sourient, un manuscrit du XII* siècle, c'est-à-dire
un ile« plus anciens.
— 134 —
|3 et 7 se placent, à côté l'une de l'autre, au milieu des
lettres d'Hildebert, dans B, G, D ; à jS est jointe la suscription :
« Ilildehertus^ humilis Turonorum archiepiscopus. »
5 (lettre sur le concile de Nantes) est également dans B,
G, D ; nous avons de plus la réponse du pape Honorius, où
Hildebert est désigné personnellement.
c se rencontre dans le seul B*, mais au milieu de lettres
parfaitement authentiques.
ç, Y) se trouvent intercalées dans B * et à la suite de deux
sermons, à la reprises des lettres, dans D.
prend place avec les autres lettres d'Hildebert, dans B*.
t figure dans le seul D ^ (ou D *, c'est le même) après le
pelit morceau Inter amorem hujus mundi et amorem Dei
hœc est differentia , un joli développement que nous
n'avons pas cru devoir classer parmi les lettres, bien qu'il
se glisse en plusieurs manuscrits au milieu de la correspon-
dance d'Hildebert, mais sans avoir, comme t, les apparences
et la forme d'une lettre.
X enfin est un charmant billet qui se lit seulement à la fin
du ms. 2945, mais avec le nom d'Hildebert en suscription.
Bref, nous admettons toutes ces lettres, et aussi l'inédite
à Guillaume le Roux, Cum viderit litteraSy qui a été décou-
verte dans un manuscrit d'Yves de Ghartres, mais que sa
suscription et les circonstances qui y sont rapportées re-
commandent suffisamment comme étant d'Hildebert.
Q[}-dni iiSententiam quant roj/aijh's, du ms. 390 de l'Arsenal,
(juoique séparée par des morceaux appartenant à différents
auteurs de la totalité des lettres d'Hildebert sauf une, il faut
noter qu'elle fait suite à Ad memoriam Beati Jacobi. Gelle-ci
a comme adresse dans notre manuscrit du XII® siècle :
« /. Turonensis metropolitanus F, Andegavensi comiti », et
Sententiam porte, par un libellé analogue : « R. veiierahili
y> magistro, I. salnlem ». Aucune des lettres d'Hildebert
que nous possédons n'a d'adresse ainsi abrégée , mais ,
combien ont perdu toute leur suscription ! Ge style ,
alerte et subtile , convient assez à la plume de notre
auteur, et le sujet a de Tanalogie avec celui de Totum
te mihi significasti : c'est, dans les deux cas, l'interprétation
d'un passage de l'Écriture pour un correspondant qui
demandait un avis motivé ; l'attribution à Hildebert est au
moins probable (l) ; nous verrons plus tard qui pouvait être
ce maître R., son correspondant.
Des 93 de la liste primitive, ou 92, si on admet la fusion des*
numéros de A 56 et 57 en un seul (2), le nombre des lettres
• se trouve ainsi porté à 104 ou 105, d'après les manuscrits.
Recensement d'après l'éoition Beaugendre. — A l'ex-
ception de Inter Carnoiensem et de Cum viderit^ les 104
lettres des manuscrits se trouvent dans Migne, avec plusieurs
autres qu'on s'attendait moins à rencontrer sous la plume de
l'éditeur d'Hildebert.
Voyez, par exemple, au livre II, la lettre 45. Elle est de
saint Jérôme, et la raison (jue donne Beaugendre pour la
transcrire (3) est de celles qui permettraient, si on voulait
entrer dans cet ordre d'idées, d'imprimer à la suite d'un
auteur quelconque tous les ouvrages qui lui ont servi de
lecture.
Dans le livre III, il ne peut se résoudre à retrancher deux
lettres signées 0., qui n'ont rien à voir avec Hildebert (4) :
du moins, il les donnait sons toutes réserves, et Migne les
imprima en italiqqes pour les distinguer des autres.
D'Achery les avait déjà restituées à un chanoine ou abbé du
nom de Ewdo^ [OdoJ (5). Beaugendre dit les avoir prises dans
(1) Beaugendre, qui ne 1 avait rencontrée dans aucun manuscrit, la
mit au compte d'Hildebert sur la foi de Loyauté.
(2) Distincts dans: A/1, A/:i, A/3, B/2, B/5. — Ensemble dans:
B/l. BA B/i, B/6, D, E/1. E/2.
{'A) Les auteurs de la Dihl. Pat. Ta valent déjà insérée à tort parmi
l«'s lollrcs d'ilildobt-rt.
ii) L'une porte : F^» /{., 0. sal. — L'autre : F" F., fr. 0. stU.
(5) Spictltujium, i. lll, pp. ôSll et suivantes.
- 136 —
le manuscrit de Golbert 4017, actuellement 2907 (C * ). Or voici
qui est grave. A la suite de la première et avant la seconde
de ces deux lettres de Tabbé Eudes, C * en donne une autre,
sans adresse ni suscription, commençant par: Quanto
desideHo et affectu,.,. Elle est insérée par Beaugendre au
livre I, n» 17, et M. Luchaire Ta citée comme étant d'Hildebert
parmi les actes du règne de Louis VI le Gros (1). On la
suppose, à fort juste titre d'après son contenu, adressée à
Etienne de Garlande. Soit ; mais, comme nous ne l'avons
rencontrée dans aucun autre manuscrit que . C *, nous
n'hésiterons pas, étant donné sa place dans celui-ci, entre
deux lettres signées Odo, à y voir l'œuvre du môme abbé
Eudes de Saint-Père d'Auxerre ou de Sainte-Geneviève de
Paris (2).
G'est une lettre de consolation au ministre de Louis VI,
lors de sa disgrâce, dans les derniei*s mois de l'année 1427.
Ce favori avait commencé par exercer la charge de chancelier
en sa qualité d'ecclésiastique ; à la mort de son frère
Guillaume, en 1120, il se fit donner par surcroît le dapiférat
et cumula, ce qui ne s'était jamais vu avant lui, ce qu'on ne
vit pas après, la plus haute dignité judiciaire avec le com-
mandement suprême de l'armée ; cette fortune dura sept
ans, pendant lesquels Etienne de Garlande disposa, pour
lui-môme ou pour ses créatures, des bénéfices, dans les
églises et les abbayes qui dépendaient de la couronne. Loin
qu'Hildebert lui ait écrit une lettre d'amitié, nous sommes
porté à voir dans ce ministre l'auteur des mesures fiscales qui
furent prises contre l'archevêque de Tours et son clergé. Il
succomba enfin. En 1115, le roi avait épousé Adélaïde de
Maurienne, qui prit sur son mari un ascendant croissant et,
(1) Ij)uis VI le Gros, n" 426. M. Luchaire n'a pas recouru aux
iiiarniscrils ; il s'est fié au tcmoignagc de liom Brial, qui ici s'est
troiTipé.
(2) Lequel des deux personnages ? J'hésite à me prononcer, et
d'ailleurs il n'importe à notre sujet.
l;(7
après avoir fail au favori une guerre sourde, réussit à le ren-
verser brusquement en 1127. Hildebert n'aura donc entretenu
aucun commerct; d'amitié avec cet ambitieux sans scrupules,
mais sera rentré en gi-âce auprès du roi par l'intermédiaire
d'Adélaïde : dès qu'il s'agissait d'intéresser une femme Ix sa
cause, nous ne doutons point qu'il ne fût passé maître.
Arrivons à une lettre pour laquelle le doute a son excuse,
Ion» 34 du livre III, Vniveiifia ftdelibas, qui figurait, dit
Beuugendre, dans le carluUiîre de Saint- Vincent. En effet,
nous l'avons découverte à la page 363 du manuscrit de
Gaignières, f. 1. ùiii. Elle est au milieu d'actes se rappor-
tant aux environs de l'an l'200, et, de ce fait, J'allribution à
Hildebert ne ressort pas avec éridence ; il s'en faut. Certes,
la lettre est bien l'oeuvre d'un évèfjue du Mans; car il est
question de l'abbaye de Saint- Vincent, fondée par c nos
priidécesseurs », anlecfsaoï'es noftri, avec le privilège de
donner la sépulture à tous les évéques et chanoines de la
cité. Un chanoine ayant disposé de sa dépouille mortelle
par testament en faveur de l'ubbaye de fieauUeu, les moines
de Saint-Vincent la réclamèrent, comme une relique de plus
qui porterait témoignage de leur piété au jour du Jugement,
et l'évéque soumit le cas au Pape : « Patri stio U. Ce^ioman-
neneii episcopus. x
Cette adresse, peu diplomatique, a été certainement défi-
gurée par le rédacteur du cartulaire ; et la question est do
savoir si l'initiale U désigne l'auteur de la lettre, ou au
contraire, son correspondant. Brial (!) s'est demandé si U
n'était pas un sîgle mal interprété, qui tiendrait la place
de 11; mais nous ne voyons nulle part Hildebert désigné
par ces deux lettres initiales (on trouve /, mais pas fl).
D'ailleurs, te savant continuateur du recueil des Hhloriens
de France n'avait émis cette hypothèse singulière, que sous
l\) Seeueil dee Uiitorien* de France, t. XV, p. 313.
- 138 —
Fempire de Topinion formulée par dom Ruinart (1), qui
croyait la lettre écrite par Hildebert, comme une re-
quête à l'adresse du pape [/. , c'est-à-dire d'Urbain II ,
entre 1096 et 10i)9. Or il est question dans le débat de
Tabbaye de BeauUeu, qui fut fondée au temps de notre
évoque, mais en 1124 seulement (2), un quart de siècle
après la mort d'Urbain II. Comme aucun autre pape dont le
nom commençât par un U n'a occupé après lui le trône
pontifical pendant deux cents ans, cette lettre ne peut donc
avoir été composée que pour Urbain III, pape de la fm du
XIII® siècle, à moins, ce qui est plus probable, qu'elle ne
soit l'œuvre de Hugues, appelé en latin Hugo ou Vgo^ qui
fut évéque du Mans au milieu du XIP siècle.
Piie et sancUe devotionis, n» 21 du livre III, est aussi un
legs de l'abbaye de Saint- Vincent ; nous ne l'avons pas ren-
contrée dans le cartulaire, mais, comme l'a dit Beaugendre
et avant lui dom Bondonnet, qui le premier publia cette
lettre (3), elle faisait partie des pièces d'archives non
transcrites sur le registre, et portait parmi les originaux le
11" LXXXII, avec ce titre: De Lite mter 7ios et monachos
Gemetjenses, du procès entre nous et les moines de
Jumièges. Les archives de Saint- Vincent ont péri à la
Révolution, mais la suscription, les circonstances que
rapporte Hildebert sur le temps de son séjour au Mans
(cîir il étail archevêque de Tours quand il envoya ce témoi-
gnage pour figurer au procès) (4), enfin la comparaison avec
les faits qui sont résumés au cartulaire (5), tout nous fait
une loi d'insérer Piie et sauctx devotionia parmi les lettres
authenticiues d'Hildebert.
(1) Ouvrages posthumes de MahiUon et Ruinart^ t. III, p. 408.
(2) Gailia, t. XIV.
(3) Vies des évêques du Mans y p. i59.
(i) l.a piêoo trans(;rite par dom Piolin (f/is^ de V église du Mans,
l. m, sous le niiiiK'^ro 5H) fut «mivoj^I'O dans des condilions analogues à
Odon, al)hé de la Couture, mais elle ne revèl point la forme d'une lettre.
(5) Cartulaire de l'abba^je de Saint-Vincent^ ms. p. 237, imp. n» 5Î>2.
■ i:i9 -
■ Après les archives dt: Sain l- Vincent viennent, pour con-
tere, les découvertes de l'avocnl Loyauté. De mutiere qwe
^ecambenti viro (lU, 36) ne s'est offerte h nos yeux dans
aucun inunuscrit; si toutefois cet érudit l'a renconirée, et
dans les termes uii Beaugendre la rapporte d'après lui,
voilà un numéro de plus à ajoutera notre liste. Maisd'Achery
a lu ce morceau, dans te même manuscrit de Saint-Aubin
d'Angers, et il l'intitule : « M. Dei grnlia vene^'ubilU
UedonensU episcopus atque \V. Andt^navuHnia archidiacottus,
I. Ci^niimannenti epiaeopo, salutem i (1), comme si la lettre
avait été écrile par Marbode et Guillaume archidiacre
d'Angers, plutôt qu'adressée h ceux-ci par Hildebert, suivant
l'interprétation de Heaugendre : t M.... liedunensi episcopo
^^Atpie W. Andeguvensi archidiacono , /. Cenomannensis
^^miKopus. » Il est probable que le manuscrit présentait cette
^Bvesse en abrégé, sans les désinences. Le titre joint au
^Tiom de Marbode, o vénérable évoque », appellation respec-
tueuse qu'il était inllniment plus naturel et conforme aux
kibitudes de donner à un autre que de se décorner h soi-
même, et l'expression : « j'ai écrit à votre Béatitude n (car
»n ne lit pas: nous avons écrit ), nous font admettre, avec
lleuugendre, que Marbode et l'archidiacre étaient le-s desti-
Kres, non les auteurs (2).
quoi s'agissait-il ? Une femme mariée, comme son mari
de manifestait l'intention de se faire moine, l'y avait
encouragé et l'avait revêtu elle-même de la cuculle. Main-
tenant elle se repentait, voulait le reprendre pour mari,
alléguant que l'Ëglise avait béni l«ur union et n'avait pas
sanctionné de même son renoncement. L'auteur de notre
lettre estima que cet engagement, qu'elle avait contracté
IjBvers elle-même, de vivre k l'avenir comme une vierge,
^t vidable : on ne dit pas ce que pensait le mari.
p) D'Aflierj-, Spiril., Ut. 130 (Anc- «lit., t. Xltî).
'0 Boluze lient uuiiimc tleuu|{enilre |ioui' lu paleniiti: il'Jiilcteberl -,
Il lu lettre n'est pas dans l'édition de Hurboile de 153i.
- 140 —
Je suppose qu'Hildebert, qui donna cette consultation,
écrivait à Marbode, évêque de Rennes, quand ce dernier fit
rintérim de l'évôché d'Angers, en 1109. Marbode ne pouvait
agir aussi librement qu'il Teût fait dans son diocèse ; il avait
donc demandé Tavis de son confrère du Mans, en associant
à cette démarche l'ombrageux archidiacre Guillaume, son
adversaire de la veille dans l'élection de Rainaud.
La dernière lettre, enfin, ne souffre aucune difficulté. Elle
fut écrite par Hildebert à l'archevêque d'York, Thurstin ou
Thurstan ; on y reconnaît les antithèses, les procédés de
division et l'élégance de notre auteur. L'archevêché d'York
prétendait s'affranchir de la suzeraineté primatiale de
Gantorbéry ; Thurstin écrit à Hildebert pour lui demander
s'il est vrai qu'il s'cbt chargé de défendre auprès du Pape
les intérêts du siège rival ; Hildebert répond qu'il n'en a
jamais eu la moindre intention et que, d'ailleurs, il ne songe
pas pour le moment à entreprendre le voyage de Rome.
Tel est le sujet de Sicut Seneca te^atur. Nous obtenons,
en définitive, 107 lettres d'Hildebert.
§IV.
CLASSIFICATION DES LETTRES
De l'ohdre suivi dans les manuscrits. — Après ce
recensement des lettres pesées une à une, examinons la
iiuestion de savoir suivant quel ordre elles se présentaient,
dans les manuscrits ou dans les éditions, et quel classement
il conviendra d'adopter pour notre étude.
Le scribe qui copia Yves de Chartres, parait avoir suivi
l'ordre par correspondants. Qu'on parcoure le manuscrit
2907. p]n têle viennent les lettres adressées au souverain
Pontife ; puis se succèdent, dans un esprit de hiérarchie, et
sauf diverses irrégularités, celles destinées aux cardinaux.
141 -
au patriarche de Jérusalem, au primat de Lyon, à l'ar-
chevêque de Sens, à l'archevêque de Reims, au roi de
France, au roi d'Angleterre, aux archevêques, aux évoques,
aux abbés, aux comtes et comtesses; aux dignitaires des
églises (doyen, archidiacres, prévôts), enfln à divers
seigneurs.
Itien de tel dans nos manuscrits. D'ailleui's, pareil arran-
gement serait défectueux pour Hildebert, puisque les lettres
adressées au Pape furent précisément celles qu'il écrivit
en qualité d'archevêque de Tours, h la fin de sa carrière.
Plus un homme s'élève dans la hiéniichie, plus ses rapports
avec les grands deviennent fréquents ; de sorte qu'il faudrait
plutôt en règle générale, sous peine de faire violence à
l'histoire, commencer par les correspondants les plus
infimes et terminer par les plus haut placés ; mais les lettres
d'Yves de Chartres étaient lues et étudiées pour les consul-
tations qu'on y trouvait sur le droit canon ; les matières
débattues se trouvaient classées par ordre d'importance, si
on parcourait la liste des personnages coniîullants ou consul-
tés du plus grand au plus petit.
Les lettres d'Hildebert étaient plutôt conservées comme
des modèles du genre épistolaire et mises comme telles
I entre les mains des jeunes gens, au témoignage de Pierre
de Blots (1). A ce titre, et tombées dans le domaine de la
grammaire, elles n'étaient pas moins susceptibles d'un
classement méthodique, ii déterminer par l'objet, la compo-
I Bition et le formulaire de la lettre ; or, il est impossible de
reconnaître dans \fs manuscrits la trace d'un tel classement ;
si les clercs y prétendirent, les raisons qui les guidaient
nous échappent. N 'au l'aient-ils pas préféré l'ordre historique
I fit chronologique? Mais la lettre qui est donnée par les
1 manuscrits comme la première, De convenione, à Guillaume
\ de Champeaux, est de lliO environ (2), et nous en rencon-
(t) Ptiri Blticnsiiep. 101. Uuns Migne, Palrot. lai., t. CCVII.
(S) Voyei le cliapîire suivant oii on eicainuie les lettres une k une.
— 142 —
Irons plus loin qui sont manifestement antérieures. L'ordre
chronologique, d'ailleurs peu conforme aux préoccupations
purement di(iacli(|ues de Tépoque, est démontré inadmis-
sible par maints exemples ; et, à dire vrai, en dehors des
motifs qui ont fait préférer telle lettre à l'exclusion des
autres, nous ne croyons pas qu'aucun ordre ait présidé
à l'arrangement de ces morceaux choisis.
Nous observons seulement que le groupe des lettres 4-48
(ou 1-56) du tableau ci-dessus, est le seul qui forme, dans
l'ensemble des manuscrits, un noyau à peu près résistant ;
or cette partie semble avoir été exécutée tout entière avant
Tannée 1127, où succomba Etienne de Garlande, destinataire
présumé du n® 33 (DolcoJ.
Je sais bien que le cas de la lettre 18 est embarrassant,
puisque Non paucis fut adressée au souverain Pontife en
faveur des chanoines de Saint-Martin de Tours, qui avaient
fait un abus de pouvoir, transgressionem^ et que le seul nom
(le pape se rapportant à la période de l'archiépiscopal
d'Hildebert qui soit donné par un manuscrit, est celui
d'Innocent II, élu en 1130. Mais le ms. de Douai est le
seul qui présente cette rubrique, et, quelque ancien qu'il
soit, nous verrons que ses indications sont quelquefois
sujettes à caution (1). Au contraire, tous les autres ma-
nuscrits portent : « Ppp., P. papse^ P. Romano pontificiy
Paschali papœ », c'est-à-dire au pape Pascal II, qui
mourut en 1118. Il faut citer notamment, avec le nom
entier, le ms. de Grenoble, qui est du XII® siècle ; de
plus, le ms. de Troyes 1924 renferme cette adresse en
suscription, à l'encre noire. Enfin, comme pour bien attester
que les scribes les plus anciens avaient écrit c P. papse » ou
quelque chose d'approchant, le ms. de Berlin 182 et le ms.
de Rouen se distinguent par une interprétation toute parti-
culière, « Paschasio papœ », adresse inadmissible puisqu'il
(1) Notamment pour Patica bone f rater et pour la lettre à Robert
d'Arbribsel, qui est de Marbode {Quoties de tua).
— It! -
n'y n jamais eu aucun pape du nom de Pasnase, mais
qui confirme par son erreur môme le témoignage général.
lit qu'on ne s'étonne pas de voir intervenir ici l'évéque
du Mans. N'a-t-il pas joué en cfTet )e râle d'intermédiaire
entre le comte Hélie et l'abbaye en iHO (1)'/ Il a donc
pu défendre aussi bien Saint-Martin près de Pascal II.
Certes, cela était humiliant pour les fiers chanoines de
prendre comme avocat un prélat voisin, moins encore tou-
tefois que de plaider par l'entremise de celui dont ils ne
cessaient de contester la suprématie, l'archevêque mt^ro-
politain....
HUdebert était lier de faire figurer cette lettre dans te
recueil qu'il créa vers 1127, pour plaire à ses amis et satis-
faire la curiosité des maîtres et des escholiers. Un dialecti-
cien fameux, Guillaume de Champeaux, ouvrait la série des
destinataires, comme si l'ouvrage lui était dédié ; les autres
lettres sont venues se joindre peu à peu à ce premier
groupe, au hasard du goût des copistes, et combien, hélas I
se sont perdues, ne fût-ce que celles adressées ii Yves de
Chartres et à Geoffroy de Vendôme, dont nous avons con-
servé les réponses.
De l'ordbe suivi dans les éditions, — Les auteurs de
la Maxiina liibliotheca Palrum essayèrent de respecter
l'ordre des lettres, tel que le donnait cette collection faite
aux XII" et XIII" siècles de pièces et de morceaux ; mais
leur classement, sauf celui des 48 premières lettres , ne
pouvait être qu'arbitraire, étant donné le désaccord des
manuscrits.
Beaugendre a imaginé une disposition entièrement nou-
velle. Il a essayé de classer les lettres par ordre sj'stématique
de matières :
Livre I. — Morales seu ascelicte.
Livre n. — Ue Dogmatibus, disciplina et ritibus.
(1) GulUa, l. XIV. Sui- Sailli-Martin.
— 144 —
Livre III. — Indifférentes seu urbanae.
Rien de plus simple, au premier abord : l» la morale ; —
S*» le dogme, la discipline et le culte ; — 3<» les relations du
monde. Mais les intentions de Beaugendre ont été plus
d'une fois trahies, et le désordre se glisse dans son plan.
Ainsi, pourquoi, dans le premier livre, avant les lettres
do direction adressées à des femmes qui entraient en reli-
gion et avant les conseils aux grands sur le gouvernement
dos peuples, pourquoi placer Flahellum tibi mût, qui
annonce à saint Anselme l'envoi d'un cadeau ? Lettre
ascétique, dira Beaugendre, parce qu'Hildebert y développe
Texplication mystique de ce présent. Soit; mais alors,
pourquoi ne pas rapprocher Flahellum tihi mUi (I, 2) de
Etsi quantas dehemus (IJI, 31), où se traite un sujet tout
semblable ?
On ne voit pas non plus très bien comment s'est fait le
départ entre les matières du livre II et celles du livre III.
Les lettres de recommandation sont placées de façon arbi-
traire, tantôt dans l'un, tantôt dans l'autre. On com-
prendrait que Beaugendre y distinguât deux groupes :
celles qu'Hildebert écrivit comme prélat à un évèque
ou dignitaire quelconque de son ressort, et celles qui
sont le fait pur et simple de l'amitié. Mais alors , il
faudrait changer le titre du livre II : de dogmatihuSy disci-
plina et ritihus^ en un autre qui serait plus logique: « Lettres
concernant les objets de l'administration épiscopale. » Ainsi
la lettre à saint Anselme, où Hildebert lui demande de lui
envoyer son traité sur le Saint Esprit, n'ayant absolument
rien d'administratif, sera rejetée au livre suivant, parmi les
billets courtois d'un évoque à un autre évêque, son ami ; la
lettre du livre IIl, où Hildebert envoie par écrit son témoi-
gnage pour un procès à Guillaume, abbé de Saint- Vincent,
trouvera au contraire sa place dans le livre II; elle ne l'y
avait pas, selon le plan de Beaugendre, mais devait-elle
davantage être placée dans le livre III, comme lettre de
pure courtoisie, urhana'f
- 145 —
De l'okdhe a adopter dans cette étude. — Toutefois,
Beaugendre n'avait pas eu tort de négliger Tordre des
manuscrits ; imitons sa liberté d'allures, mais en nous inspi-
rant de l'intérêt que peut prendre Thistorien à cette corres-
pondance. Nous renverrons à la fin de notre étude les lettres
qui concernent les rapports de Tarchevéque de Tours avec
la cour de France, le Pape et les Bretons, puisqu'elles
furent écrites par Hildebert à la fin de sa vie ; nous place-
rons avant, inimédiatement, les autres lettres historiques,
où il est parlé de l'Angleterre, de Blois et de l'Anjou et des
souverains de ces pays avec qui Hildebert était en corres-
pondance. Ainsi seront groupées ensemble, dans la seconde
partie, les séries proprement historiques, la 3« et la 4''.
Nous les ferons précéder d'une première partie comprenant
les autres lettres, pour lesquelles il nous a semblé que la
division la plus commode à adopter était la suivante : lettres
concernant le clergé séculier et lettres concernant le clergé
régulier. Telles sont nos séries 1 et 2, séries ecclésiastiques,
au cours desquelles nous suivrons un ordre mi-partie
géographique, mi-partie hiérarchique, en allant du centre à
la circonférence, c'est-à-dire de l'église du Mans et de Tours
aux établissements religieux de la Province, du reste de la
France ou de l'étranger, et du correspondant le plus haut
placé au moins élevé.
Plusieurs lettres se dérobent aux grandes lignes de ce
cadre ; nous en avons dissimulé deux ou trois de cette sorte
à la fin de la première partie (2^ série). Au reste, notre
classement serait bien mauvais si nous étions guidé par la
préoccupation dogmatique ou morale ; mais c'est l'histoire
pour laquelle nous cherchons des documents. A ce point de
vue, les épîtres adressées par Hildebert aux dames qui
entraient en religion, constituent une transition entre les
deux séries d'histoire ecclésiastique et les séries d'histoire
politique. Enfin, pour faciliter l'intelligence de nos recher-
' 10
L-.«
- 146 -
ches, nous nous proposons do placer à la fin de cette élude
un tableau des lettres par ordre alphabétique, en prenant
pour titres les premiers mots de chacune d'elles (1).
Chemin fnisanl, nous essayerons d'établir la date et la
destination de ces lettres, mais nous avons le regret de ne
pas arriver toujours à dos conclusions précises. Les sciibes
se préoccupaient si peu de la question de chronologie î
Un en-tôte de dissertation, «sur l'orgueil, sur Tamitié »,
leur suffisait. A peine un quart des lettres ont en sus-
cription le mot évêque ou archevêque ; pour les autres,
on ne sait pas à piiori si elles furent écrites du Mans ou de
Tours. La majorité des manuscrits ne portent pas davantage
les noms des correspondants, et, dans le petit nombre de
ceux où ils se rencontrent, à l'encre rouge ou bleue, ils ont
pu être ajoutés par les scribes dont nous avons la copie, ce
(jui donne lieu de leur part à plus d'une méprise ; nous
aurons occasion d'en constater, et de rectifier les indications
du copiste par l'examen même du contenu de la lettre.
En principe, Tantériorité du manuscrit est un critérium ;
et pourtant, un manuscrit du XV« siècle, copié avec soin sur
un exemplaire ancien que nous n'avons plus, peut être
meilleur qu'un manuscrit du XIII*^, exécuté avec négligence ;
une écriture du XII" siècle aura des droits à la préférence
quant à la teneur du texte, mais, pour les adresses, toute la
question serait de savoir si, dans un manuscrit particulier,
elles sont le fait d'une tradition ininterrompue, ou si elles
ont été imaginées, même anciennement, pour recopier en
rillustrant un exemplaire dépourvu de rubriques.
Faute (le posséder par le menu tous ces renseignements
bibliographiques, nous avons de la peine à apprécier les
indications fournies ; il est toutefois des solutions meilleures
à proposer que celles du moine augustin Hommey (2), de
Beaugendre ou de Bourassé (3) et même des auteurs de
(1) Suscriptions et formules de salut non comprises.
(2) Maxima Bibliotheca Patrum, Supplementum.
Ki) Migne, Palrol. lat,, t. CLXXl, texte et notes.
f
— 147 —
VHistoire littéraire (1). Loyauté dans ses notes (2), dom
Briant (Genomannia) (3) et Brial (Historiens de France^ t. XV)
sont aussi à consulter, ainsi que les ouvrages dont nous
avons parlé à propos de la biographie d'Hildebert. Enfin
l'Art de vérifier les dates et la Gallia restent le fondement
de toute recherche, et, pour le clergé anglais, Touvrage de
Gams (Séries episcoporum) et le Monasticon Anglicanum de
Dugdale viennent à notre secours.
(1) Histoire liUéraire de la France^ t. XL
(2) Migne, Patrol, IcU,, t. CLXXI, col. 323 et suivantes, avec les
œuvres cTHildebert et de Marbode.
(3) Manuscrit f. 1. 10037.
- 14S -
GHAPITRK n
EXAMEN MÉTHODIQUE DES LETTRES. - LES DATES
LES CORRESPONDANTS
I» H E M I K |{ K S K li I K
iMtres concernant les rapports (THildebert avec le Clergé séculier (1).
I. — KvÊQi'KS ET CLKRGK i)K LA PROVINCE. — Adressées à :
1 lluoiiK arc!iovè(jue de Tours.
2 / Rainaud de Martigncs
3 \ èvèque élu d'Angers.
4 MarlKxîe, évéciue de lUMines.
5 Marbode et l'archidiacre d Angers.
Henri I•'^ p"" le frère de Rainaud.
^ Hainaud de Martigné ,
\ évoque d'Angers.
10 Ulger, évèque d'Angers.
11 L'n archidiacre du diocèse.
'h2 Un sous-doyen du Mans.
111 lUvallon, depuis arcliid. de Nantes. Justum est ut adverna.
11 Cl...., prêtre du diocèse. Heos tormetUis.
Petitio veslra,
Paura boue fratet*.
Fama est episcopos.
Anclegavensem pro te.
De muliere.
Bencdictus Dominus.
Ad nos usqiie decurril,
Ne vel déesse.
Sacerdos prœsentium.
Semper fuit opus.
Fratreii} illum.
Fuere qui dicerent.
Dec. 1101.
PP.
H F.
II
Dec. 11(M.
PP.
»
u,
Janv. 1102.
PP.
»
u,
1102 - 1103.
PP.
HF.
II.
i\(Â).
»
d'A.
III,
1103 - 1125.
PP.
d'A.
ITI,
id.
PP.
»
ni,
id.
PP.
»
II,
id.
PP.
f
u,
Vers 1130.
PP.
»
u.
9
•
PP.
1
II.
1125.
PP.
>
m.
-1110.
PP.
i
m,
9
•
PP.
»
II,
11. — Hous LA Province (en France). — Adressées à :
15 ^, .^ i pour deux Henriciens. Prœsentium latores.
clercé {
10 . ., I lors de sa captivité. Féliciter sunt miset*i,
de e rance v
1117-1120. PP. > II
1112. PP.D.HF.Il
(\) Les abréviations d<' la colonne de droite désignent les recueils où se rencontrent les lel
d'Hildebert, savoir : la ^fiurima liibliotheca Patrum (P P.), Du Chesne (D.), Luc d'Achery (d
les Historiens de France (Il K.), M igné (le n« du livre et celui de la lettre dans chaque livre),
Les guillemets signifient, non pas : ic/., mais : néant.
1^- A
— 149 -
«es card. Jean et Benoît, légats.
;irard, év. d*Angoulémef légat.
L*évéque de Clermont, Aimery.
Serlon, évéque de Séez.
Gautier, archidiacre de Séez.
Geoffroy^ archevêque de Rouen.
Geoffroy, évéque de Chartres.
Geoffroy, évéque de Chartres.
L*évéque de Beauvais.
Un évéque inconnu (de France?).
Sicut freqiiens.
Potestati cedu.
IMelius me cucurrislis.
Sicut parvitatetn meam.
I Audivimus et valde.
V Credimus ignorare te.
ï Scimus quidem.
\ Iterare clamorem.
Si (ides auctoritati.
Sicut Sanctitatis Vestrœ.
Pro Willelmo nostro,
Sanclm conversât lonis.
A d votorumplenitudinem .
Ptieris nostris.
Oct. 1100.
1118-1119.
1119-1125.
t 1125.
-1112.
1112.
Hiv. 1122-23.
Vers 1120.
Vers 1120.
1111-1124.
t 1116.
1116.
9
9
PP.D.HF.ir, 8.
PP. » II, 28.
PP.
PP.
PP.
PP.
PP.
»
11,29.
11,43.
II, 7.
II, 18.
lil, 4.
PP.jDomjII, 1.
PP./Bes8.)II, 2.
PP. D.HF. 11,14.
PP. » III, 16.
PP. d'A. I, 8.
PP. « III, 9.
» d'A. 111,28.
l. — Hors de France. — Adressées à
Conon, évéque de Préneste.
Saint Anselme, archevêque
de Cantorbéry.
Saint Anselme, ou
Samson, évéque de Worcester.
Thurstin, archevêque d'York.
Ralph, évéqiie de Dnrham.
Roger, évéque de Salisbury.
Rernard, évéque de Saint-David.
Guillaume, évéque de Winchester
Clarembaud, chanoine d'Exham.
Robert, évéque de Lincoln ?
3uy, écolâtre de Salisbury.
Zelum Legis hahes.
Familiare est sapienti.
Et dies fœtus et vulttis.
Flabellum tihi misi,
Etsx quantas debemus.
Sicut Seneca testatur.
Credidi me peccaturutn.
Virtuti gratulor.
Plerumquc fit.
In me hcne mihi.
Timeo charissimc.
Sucx:es8isse cunfiteltor.
Jucundilas mihi.
1111-1120.
PP.
» II, 16.
1100.
PP.
» II, 9.
iim.
PP.
» II, 13.
1101-1109.
PP.
» I, 2.
-1109. /
-1112. (
»
d'A. III, 31.
1114.
1»
i III, 35.
1(»99-1100.
»
d'A. III, 1.
1103.
PP.
» II, 12.
1118.
PP.Alford.II,27.
1100-1125.
»
d'A. 111,30.
-1125.
Pi>.
« III, 3.
1100-1123.
»
d'A, III, 24.
1103 - 1120.
»
d'A. 111,27.
Lettres 1, 2, 3. — Hildebert ét-it depuis quatre ou cinq
ans évéque du Mans, lorsque, par la retraite de Geoffroy de
Mayenne (1), le siège épiscopal d'Angers devint vacant.
(1) Geoflroy de Mayenne se relira, disent les uns, parce que le Pain»
lui lit savoir qu'il le Irouvail trop ii^noraiil pour ses fonctions, ou
parce que, disent les autres, il se futigua des nombreuses inimitiés qui
se déchaînaient contre lui dans sa viiio oi)iscopaIe. A voir le ton où se
— 150 —
Celte élection fut fort disputée (1). Marbode, ancien archi-
diacre d'Angers devenu évêque de Rennes, s'étant mis en
route pour venir appuyer son candidat, Rainaud de Mailigné,
fut arrêté sur le chemin et emprisonné par ses adversaires ;
mais le doyen Etienne, qui avait fait le coup, fut réduit à se
cacher pour échapper à la colère du peuple. Rainaud était
en effet très populaire ; soutenu par les châtelains en raison
de sa haute naissance, il avait donc pour lui tout le parti
des laïques, appelés selon la coutume à concourir avec le
clergé à l'élection de l'évoque, magistrat religieux et civil.
Les clercs, qui cherchaient précisément vers cette époque à
évincer le peuple et les seigneurs des élections, reconnais-
saient à Rainaud de grandes capacités et des mœurs pures ;
mais ils objectaient (|u'il n'avait pas atteint l'âge voulu
(30 ans) et n'avait pas accompli ses quatre années de
prêtrise : leurs protestations furent vaines, on leur força la
main (1101).
Ilildebert, s'en tenant au point de vue un peu étroit des
chanoines, et aussi désagréablement affecté par le récit de
cette élection tumultueuse où la populace avait envahi le
sanctuaire, proteslii contre ce qu'il appelait la violation des
droits canoniques. Mais le métropolitain, archevêque de
Tours, était prêt à donner toutes les dispenses. Appelé pour
venir consacrer avec lui le nouvel élu, Hildebert déclara
qu'il n'irait point {Petitio veatra qua vocamur) (2), soutenu
montaient les liaines angevines à cette époque, cette seconde opinion
est vraisemblable. GeolTroy de Mayenne fit profession à l'abbaye de
Cluny : voyez lettre Ma,rimum diico.
(l) Cs. 13. Ilaurcau : Une Élection tV évêque au XII* siècle, Benaud
de Martigiié. (Dans la Revue des deux mondes du 1*»" août 1870.)
{2) A/1, A/2, 1)/l : Archiepiscopo. — B/3: Ad An degavenses excusât se,..
Mais l'expression « manus imponetis sine me i> désigne certainement
lo métropolitain, avec ipii Ilildebert <Mni)loie le « Vous » comme avec
le Pape, le légat et d'autres évéques.
I.M
en cela par GeolTroy (1), ubbé de la Trinité de Vendôme et
gros propriétaire de l'Anjou (2), qui se plaignit avec sa
véhémence accoutumée.
A la lettre Petitio veslra gua vocatnur sont liées par le
sujet Pavca. bone frnter, habeo et Fama est epheopos,
adressées toutes deux à Rainaud. A et D, il est vrai, por-
tent : « G. Pariiiensi electo », B' : i G. eleclo », le manuscrit
de Grenoble : « Guilletmo eleclo » et celui de Douiii : ■ Ad
Willelmum Parisiacensem n ; mais irette attribution est
erronée. Les scribes qui ont reproduit pareille adresse, ont
cru qu'il s'agissait de Guillaume de Monifort, dont l'élection
au siège de Paris, en 1096, fil quelque bruit ; car, bien que
ce fut un homme de grand mérite, de l'aveu même d'Yves
de Chartres, il avait le tort, aux yeux des partisans rigides
de l'autonomie cléricale, d'être le frère de la reine Bertrade,
et de plus il n'avait pas l'flge canonique. Mais Hildebert,
évêque du Mans, ne participait point h la sanction des votes
du Chapitre parisien, et ce n'est pas en 1096, époque où sa
propre consécration rencontrait des opposants, qu'il serait
intervenu pour réprimatider un évoque élu de la Province
voisine. Plus tard, il a pu piolesler, ofRcieu sèment, contre
lu translation de Galon, évèque de Beauvais, au siège de
Notre-Dame en 1104, laquelle n'était que le dénouement
d'une intrigue de cour (3) ; mais, pour l'âge et les titres de
Gidon, ils ne prêtaient en rien fi la critique.
Il s'agit donc, cumme rindiqiu'iil les antres inannscrits ( i),
OjGoffriiiiep. . hJ Haiiiafiliim, III. It ;— bJ HilJebertimi. III, 13 (il
llii propose un rcndex-vous, A ChAteau-ilii-l.oïr ou n la Charire, pour
conférer avec lui) et tll, U (il le rélicite de sou attitude).
(2) Le principal monastère de Geoffroy, après la Trinité de Vendôme,
était celle d'Angers ou de l'Eviére. On se souvient, en effet, que c'était
\e comttt d'Anjou qui avait fondé ralibaye de Vejidôme,
{3j Yvoni» cfi. m el Luchalre, Luuii V/ fe (Iiiitr. Inlro(t.,pp. CLXI<.<1
- E/i R Aiulerinnewi.
H'iiVA: Amltgni>e
— 152 —
de Rainaud de Martigiié, déjà nommé ; les deux lettres lui
sont adressées et l'invitent à se démettre. « Les suffrages
» populaires, lui dit Tévêque du Mans dans Pniica hone^
y> n*ont aucune valeur. Le choix appartient au clergé ; le
» peuple n'est appelé que pour acclamer Télu des clercs. »
Cette fois, les choses s'étaient passées à rebours ; c'étaient
les chanoines qui acceptaient l'élu des laïques. Les évêques
suiTragants s'étant réunis à Tours dans les premiers jours
de 1 102, pour prêter la main au fait accompli, Hildebert
adressa à Rainaud une dernière sommation: Fama est
ejmcopos (1). Il ne fut pas écouté, mais s'était-il soucié
davantage, en 1096, des objurgations d'Yves de Chartres ?
Lettres 4 et e5. — Rainaud de Martigné se montra fort
ingrat envers l'évêque de Rennes, fauteur de son élection et
quelque temps emprisonné pour l'avoir servi. Nous savons,
par une lettre de Marbode lui-même, qui était allé à Rome
plaider la cause de l'élu (2), que celui-ci, pour le récom-
penser de sa peine, confisqua ou laissa confisquer tous ses
biens en Anjou. Marbode était un ami : à quoi bon le
ménager? Cette trahison était le prix dont on payait le
ralliement de ceux qui, la veille, étaient des ennemis et qui
pouvaient encore faire du mal au nouvel évêque ; Rainaud
savait être faible dans son intérêt.
Nous avons une autre preuve de son mauvais vouloir à
l'endroit de Marbode par la lettre d'Hildebert Andegaveii^sem
2)r() te convenimus. On y lit que le destinataire, un évéque
nommé M... (3), désirait que le canonicat dont il était titulaire
à Angers passât sur la tête de son neveu. Hildebert lui
(1) Mômes adresses que pour la précédente, dont elle est voisine
dans les manuscrits.
(2) Marbodi ep. 1 .
(3) A, !►, F : Ad episcopum M. — Id., Troyes, etc. — Par une faute de
ponctuation, dans le ms. de Grenoble : Ad episœpum M. Andega-
lU'TVietu. w Pro te conreni... — Arsonal : Kpxscopo Redonensi Marbodo.
-^ 153 —
raconte qu'il a vu a celte fin Rainaud de Martigné, mais n'a
rien obtenu. M... est assurément Marbode, évêque de
Rennes depuis 1096, dont le nom se trouve en entier dans
le manuscrit de l'Arsenal ; la lettre rappelle qu'il fut mêlé
aux affaires de l'élection de Rainaud et souffrit pour sa
cause.
Sans doute, Beaugendre dit que Marbode n'était pas encore
évêque quand Rainaud de Martigné le devint ; mais cela est
inexact et provient d'une erreur de chronologie commise
dans le cartulaire de l'abbaye de la Roë, (|ue Beaugendre
avait alors sous les yeux (1). Les auteurs de VHistoire
liltéraire (2) et le chanoine Bourassé ont eu raison de
rétablir la vraie date. Pourquoi ont-ils donc rejeté quand
même l'identification de l'évêque M.... avec Marbode? Ils
disent que celui - ci n'aurait pu conserver un canonicat à
Angers Umdis qu'il était déjà évoque; or on voyait chaque
jour les plus scandaleux exemples de cumul, et Raoul,
archevêque de Tours, d'après la Gallia^ ne se faisait pas
faute de conserver deux prébendes à Sainte-Croix d'Orléans
où il avait été doyen. Justement, Marbode, en honnête
homme, cherchait à se démettre de son canonicat (3).
Mais il était naturel qu'il voulût en faire profiter un de ses
parents d'Angers, sa ville natale, où sa famille tenait un
certain rang, puisqu'elle y était redoutée de ses ennemis :
« Incuhuit iimor,... tuorum super eo8,,. Suspecta est univer-
sitas parentelic (4). »
(1) Voy. note de la col. 2()9, dans Migne (Heaug., Hildeherti op. y p. 81).
— l/abbaye de la Koë (de Rota) était située au diocèse d'Angers.
(2) Hist. lut. y t. XI, p. 289. Hourassé, dans Migne.
(3) M. Ernault (Marbode) tend à croire que la lettre n était pas
adressée à Tévéque de Rennes, mais il ne donne pas de raisons ;
Baluze de môme.
(4) « 1^ peur dos tiens s'est abattue sur eux... Ta parenté tout
entière est suspecte. » En lllG, un membre de la famille, Salomon,
rx)mmit un meurtre par une sorte de vendetta ; Hildebert et Marbode
— 154 —
J'incline à croire que Rainaud s'irrita de voir l'évêque de
Rennes se mêler sans cesse des affaires d'Anjou, où le nom
de Marbode figure dans un grand nombre de chartes, et que
ce fut la jalousie qui le poussa à se montrer dur pour son
ancien maître, protecteur et ami. Mais il était trop habile et
Marbode trop tenace, pour que la rupture devînt complète ;
en 1109, ce dernier administra le diocèse d'Angers, pendant
que Rainaud faisait le voyage de Rome. La lettre 5 de notre
série, De muliere quve decumbenti viro^ se rapporte à cette
circonstance, et voilà pourquoi elle est adressée à Marbode
et à l'archidiacre d'Angers Guillaume, conjointement (1).
LfcTTHES 6 à 9. — Pour en revenir à Rainaud de
Martigné, si Marbode avait prié Hiidebert d'intercéder
auprès de lui en sa faveur, c'est que les rapports avaient
cessé d'être hostiles entre les deux évoques, du Mans et
d'Angers Car Hiidebert avait protesté pour le principe, et,
comme llninaud, une fois élu, soutint avec honneur le
ih'apeau de l'Église, cette attitude, jointe sans doute à
(luelques marques de déférence, empêchait notre prélat
de lui tenir rigueur (2). Nous voyons, en effet, qu'il écrivit
pour le frère de Rainaud une lettre de recommandation
à Henri I""*, roi d'Angleterre : Benedictus Dominus (3). On
pourrait, il est vrai, songer à un frère d'Ulger, le succes-
seur de Rainaud, mais Ulger fut presque constamment en
mauvais termes avec Hiidebert, et de plus l'expression
tt putiro quidem sublimium patebal adittis ciiriarum » con-
fureiil c()nvo(iués par révô((ue Hainaud pour juger cette cause, et c'est
à i(uoi se rapporte la charte *2C de notre Tableau des actes ( l" partie,
chap. I ).
(1) Pour l'attribution de cette lettre à Hiidebert, voy. le chap. précé-
dent, p. 138.
Ci) (icolTroy de Vondùmi» se réconcilia aussi avec Rainaud.
(lî) A, E/2, Ars., Douai, Troyes, Bruxelles, etc. : Ad Henricum regem
ou H. vegi ArujUfe. — a Ubi Patri Filius immolatur », phrase qui ter-
mine la lettre, est une formule «jui dési^rne le sacrifice de la messe.
- 155 —
vient mieux à la famille de Martigné, qui était de la
noblesse.
D'ailleurs, nous avons encore dans notre collection une
lettre à Rainaud, écrite sur le ton de la plus aimable cour-
toisie : Ad nos nsque decurrit (1). Ayant appris qu'il a reçu
un message de Rome, Hildebert reproche doucement à son
collègue de ne pas lui avoir fait part des nouvelles. La
phrase « dissimules volo scire me,... », à propos de laquelle
Beaugendre veut faire violence au texte, ne peut s'expliquer
que d'une seule manière : « Faites comme si je ne savais
rien ; saurais-je (|uelque chose, je ne serais pas fâché de
l'apprendre une seconde fois par vous.... »
Ne vel déesse justilûe (2). — Hildebert blâme Rainaud
d'avoir agi avec précipitation en frappant d'anathème un
nommé Lisiard, accusé d'avoir enlevé du couvent la fille de
Geoffroy. « Si la jeune fille est partie de son plein gré et du
consentement de ses parents, comme elle l'affirme, le
mariage est légitime. » Il est question de ce Lisiard dans la
lettre Non dubiiamus contumeliam.
Sacnrdos prsesentitim lator (3). — Un prêtre, à défaut de
pain azyme, avait consacré du pain ordinaire. Hildebert le
renvoie à son évêque afin qu'il le punisse, pour l'exemple
plutôt que pour la gravité du fait.
Ces lettres à Rainaud sont de l'évèque du Mans ; quand
Hildebert fut tranféré à Tours, Rainaud avait fait son
chemin : il venait de monter cette année même sur le siège
archiépiscopal et primitial de Reims (1125).
Lettre 10. — Son successeur fut l'évèque Ulger. Celui-
ci n'avait pas Taménité sans scrupules de Rainaud ; mais la
franchise tenace reçoit aussi quelquefois sa récompense.
(!) A, D, H/i, 1*^/2 : II. epibcopo. — Arsenal ; R. epûscopo Andegavensi.
(2) B/4, Arsenal : Episcopo Andegavensi. — Id., Bruxelles, etc. —
A. L) : R. episcopo Andegavensi.
(H) Mêmes adresses.
— 156 -
Bien qu'Ulger ait soutenu, à propos des cures de son
diocèse, contre Geoffroy de Vendôme, le Pape et son métro-
politain, une lutte de sept ans, et que plus tard même il ait
été exconnnunié, son bon renom n'en a nullement souflert ;
il passa, avant comme après sa mort, pour un prélat émi-
nent (i).
La seule lettre que nous possédions d'Hildebert à Ulger,
est une semonce qui, d'après les termes du langage, avait
été précédée de plusieurs autres. Semper fuit opiM porte
dans les maimscrits (2) : « episcopo inobedienti », à un
évé(|ue désobéissant, et rien n'indique que nous ayons
affaire à un abbé comme le veut Beaugendre. Ici Hildebert
est archevé(iue et parle en qualité de métropolitain à
l'évêcpie d'Angers : « episcopatum tuum accipiet aller »,
lit-on vers la fin en manière de menace. Cependant,
Hildebert n'eut pas toujours la môme sévérité à l'égard de
celui qui défendait âprement, contre les prétentions du
clergé régulier, ses droits épiscopaux ; il ne sévissait que
contraint et forcé, sur l'ordre exprès du Pape, à qui il
recommandait d'autre part l'indulgence envers Ulger (3).
Lettre M. — Hildebert ordonne à un de ses archi-
diacres (4) de suspendre un clerc qui avait acquis le diaconat
à prix d'argent. C'était ce qu'on appelait le crime de
simonie (5). Hildebert était en voyage^ s'il écrivit ce mot à
(1) Voy. lettres de Geoffroy de Vendôme à Honorius II, Girard el
Ulj^er, et aussi rarticle Ulger dans le Dir.tionnaire biographi/jue de
Maine-et'Loirc de C^lestin Port (1878).
(2) A, I) : Episcopo irwbedienfi. — Jd.y Londres, etc.
(3) Lettre Juslum est eos.
(4; A, D, B/4, E/1 : W. archid, — /d., Londres (Cotton.) et Berlin. —
Londres (HarL) : Gaafrcdo archid. — Londres (Roy. A) : R. Andega-
vensi ej)iscopo.
{o) Du nom do Simon le Magicien, (jui IhhUx, dit lu tradition, d'acheter
à saint Pierre le don de faire des miracles.
l'archidiacre de k cathédrale ; mais il s'adresse peut-être i
un des archidiacres régionaux du diocèse.
Letthe l'i. — Cette lettre, peu importante, nous otlre
toutefois l'occasion d'apprécier la légèretâ avec laiiuclle
iaugendre fait ses attributions.
Un sous-doyeii, nommé A.... (1),a donné l'hospitalité, au
! notre évoque, fi trois prélats (2). Ceux-ci ont
mercié Hildebert, lequel transmet les remerciements au
sous-doyen. « La lettre est d'avant 1125, affirme Beaugenrtre,
rÈt le sous -doyen était de Tours, n Or, comment un sous-
Bdoyen de Tours a-l-il pu agir au nom d'Hildebert
t avant 1125, puisqu'il ne devint archevêque que celte année-
' là^ En outre, Hildebert est bien à Tours, selon le texte,
quand il reçoit les remerciements ; mais si le sous-doyen a
également hébergé ses hôtes ii Tours, quel besoin d'écrii-e?
On ht en effet : » Tandis que vos hôtes étaient de passage
» k Tours, ils m'ont remercié de cette hospitalité qu'ils
I affirmaient leur avoir été offerte en mon nom (3) ». Une
t Beule explication est possible. C'est au Mans que l'hospita-
l4lté a été offerte par le sous-doyen, et c'est h Tours qu'Hil-
Idebert reçoit les remerciements des évoques, qui sans
■doute étaient passés du Maine en Touraine. Hildebert éLiit
I lui-même à Tours de passage ou peut-être y faisait l'intérim,
lenllSS; mais i\ était évëque du Mans. Il t'ait observer, ma-
I ticieusement. au sous-doyen qu'il n'est pas recommandé
I par l'Eglise de toujours rapporter a autrui le bien dont on
■ pourrait s'attribuer l'honneur ; il s'étonne de celte marque
|.de déférence, et fait semblant de ne pas comprendre une
(1) A, B/i: A . aiibdeeano. ~~ Id., Londres, elc.
(3) ChrislDS Clirisli, episcupos (Du Carjge et leXlte Apottoiià», col.
eflet. Chrittut n'est autre quH le mol grec équivulunl à
NiiKtur, oint, ut Hildebert appelle uussi le roi de France Chrittum [In
- Uj.
(H) I Satie, (liini collectî tui IransJtiini Turonis liatierent, plane rnihi
.s Pgerniit, in noiniiic mfa pru-stitUMi slbi iH^ncIlcIu
— 158 -
intention flatteuse dont la modestie apparente ne recou\Tait
peut-être pas le plus parfait désintérassement....
Lettre 13. — Jusium est ui adversa est adressée à R....
archidiacre de Nantes, appelé Robert par les manuscrits
A, D, R* (1). Hommey et Beaugendre se demandent s'il ne
s'agirait pas de celui qui devint évêque de Nantes en 1130.
Cela est possible. Cependant, la lettre d'Hildebert parait
écrite h un soldat qui, trouvant au milieu des camps Tinspi-
ration poétique et le temps de faire des vers, alliait « le
génie d*uu Virgile à celui de César (2). » Singulières occu-
ltations pour un archidiacre ! Mais cette circonstance et la
rubrique significative « Rualunco )>, que porte un manus-
crit (3), ont conduit Loyauté (4) à proposer l'archidiacre
RivalJon, (jue Marbode loue dans une épître d'avoir aban-
donné les camps pour l'Église (5), et qui composa des
épigrammes sacrées. Je sais bien que le Père Sirmond met
sur le compte d'un Rivallon archidiacre de /îennôs l'épitaphe
(W Marbode (6), mais le scribe qui donne ce renseignement
M pu être induit en erreur par le nom de l'évèché du prélat
défunt. En tout cas, l'existence de Rivallon archidiacre de
Rennes n'est prouvée par aucun document diplomatique,
tandis que celle de l'archidiacre de Nantes est attestée par
les chartes (7). Sans doute, c'est lui qui fut poète, et c'est à
lui que fut adressée notre lettre, avant son entrée dans les
ordres. Quant à la mention k Roberto », elle s'explique
ainsi : Tinitiale seule aura été copiée par le premier scribe,
( l) Douui, Hruxelles : Archîdiaœno Nannetetisi. — E/2, F, et Grenoble,
Troyes : H. archid. Nannetensi. — A, D, B/4 : Roberto archid. Nann.
ri) « In urinis aiidio te Cscsarem, in carminé Virgilium obstupesco. »
(3) Home, 171 : Riialunco archid. Nannetensi.
ii) Notas ad epistolaSj M igné, col. 325. — Voyez aussi Ernault,
Mavbodej p. 43.
(5) Hildeb. op., p. iô65.
(0) Note à la lettre de Geoffroy de Vendôme III, ii.
(7) Uist. lut., t. X, j). :iî>2 et Levot, Bioyvaphie bretonne.
15!
Cl les autres auront coinplélé l'adresse h leur idée, Robert
étaut le plus commun des noms qui commençaient par
un R(l).
Lettre 14. — Pour le titulaire de la lettre H, les initiales
mêmes sont contradictoires (2) ; c'était vraisemblablement
un prêtre du diocèse administré par Hildebert. Il avait mis
à la question un malheureux qu'il soupçonnait de lui avoir
dérobé quelque argent : Hildebert lui reproclie sa cruauté,
qui est d'ailleurs, dit-il, un manquement formel aux prescrip-
tions canoniques.
Lettres 15 et 16. — Nous quittons la Province de. Tours.
Prxaentittm latores, adressée ii tous les évéques et arche-
vêques de France ou même de l'étranger, est écrite en faveur
des nommés Cyprien et Pierre (3), soit qu'il s'agisse des deux
disciples qui avaient annoncé au Mans la venue de l'héré-
siarque, et qui se seraient convertis, suit que ces noms
désignent deux autres clercs quelque temps égarés, puis
rentrés dans le droit chemin ; le mot d'Hildebert doit leur
servir de lottie d'introduction et d'absolution partout oii ils
se présenteront.
Féliciter suitl migeri est aussi adressée à tout le clergé de
France (4). C'est un appel h la protestation, rédigé par
Hildebert dans sa prison de Nogent-le-Rotrou, où il était
retenu captif par le comte de Morlagne ou par son ministre
(I) HentLoniiouB. pour mémoire, lu tlièse de ilom Ilivet, qui suppose
cette lettre adressée à Etienne, Lomte de UJois. Cela ne repose sur
uucun rondement ; on ne sait même pas si Etienne fut poêle.
(3} A, D, BU, Ë/3, Arsenal : G. pretbylero. — Id., Derlin cl Londres
(Cotton. et Harl.l — Londres (Roy. A): ti.taeerdoli. — Berne, 58Û:
B. tacerdolî.
■ (3) Pra P. et C. Les nonis de Pierre et do Cyprien sont dans le corps
de la lettre. — On lit eu suscriplion, ù l'ennre noire : • (Uiinibui arclii-
• i^pUeapu et epiaeopit Hildebertus,huiitilisi:enomanitaruni ntuvriioi...»
(i) Suscrjption t'uisaiil corps avet: la lellrc.
— 160 —
Hubert Ghevreul ; il en a été question aux Sources de
V histoire (1).
Lktteœ 17. — La lettre 17 a été mentionnée dans le même
chapitre (2). Hildebert explique aux cardinaux-légats Jean
et Benoist (3), qui l'avaient convoqué au concile de Poitiers
(1 100), pourquoi il ne peut s'y rendre.
Lettres 18 et 19. — Dans la lettre 18 (4), il écrit en
faveur de Guillaume de Lonlay (5), qui, au concile d'Angou-
léme (1118), avait encouru la disgrâce de Girard, évéque de
cette ville et légat du Pape, pour avoir enfreint une excom-
munication prononcée par lui. Girard a pardonné, mais
Guillaume aimerait mieux deux sûretés qu'une, et il a
prié l'évêque du Mans de faire une demande en grâce bien
formelle (Potestati cedit).
Môme, il paraît que cela ne suffit pas au prudent Guillaume,
Dans la crainte que le ressentiment de Girard ne nuisit à sa
fortune, malgré la rentrée en grâce que lui avait ménagée
Hildebert, il a préféré se faire nommer archidiacre dans
une église lointaine, à Glermont-Ferrand ; ici encore l'évê-
que du Mans, qui l'avait promu au sous-diaconat, devait
intervenir et, par une lettre dimissoire, le libérer de son
(1) Voy. V* partie, chap. I, p. 23i) et chap. III, p. 182.
(2) Voy. chap. I, p. 239 et note 2, p. 223.
O) A, D, B/i, E/2, Arsenal : Johanni. Benedicto. (D'autres documents
et une lettre d'Yves de Chartres nous font restituer : Johanni et Bene-
dicto») — Douai : Ad cardinales curiœ Romanœ.
(4) A, D, etc. : Girardo episcopo. — Arsenal : G. Engolismensi epis'
copo R. legato. — Cette abréviation de jR., pour Romano, copiée sur
lin ms. plus ancien, expliquerait la faute de Bruxelles^ 19020, XV* siècle:
[/?), Andegavensi episcopo. — Une abréviation analogue, P. pour
pontificali, rendrait-elle raison de B/4 : Episcopo Pictavensi (à Tévêque
(le Poitiers)?
(5) De Longiledo vel Lonleyo. II y a deux Lonlay dans l'ancien
diocèse du Mans, tous deux dans le département de TOrne et l'arron-
dissement de Domfront.
— 161 -
obédience : tel est Tobjet de Melius me cucurristis (1). Le
choix que vous avez fait est bon, dit Hildebert à Aimery,
et il serait superflu de vous recommander celui que vous
avez désigné vous-même ; mais, ajoute-t-il presque aussitôt
(car il est piqué de ce que Tévêque de Clermont, en enlevant
ce bon serviteur, a Tair de lui donner une leçon) ; mais,
ajoute-t-il, une fois n'est pas coutume, et l'on dit qu'assez
fréquemment dans votre église les dignités se transmettent
par héritage ; c'est un scandale que vous aurez à cœur de
faire cesser.
La suscription, qui porte « évêque du Mans », nous empê-
che de placer Melius me au-delà de 1126, bien qu'Aimery
soit mort plus tard ; la promotion de Guillaume a d'ailleurs
pour préface la lettre Potestati, qui est voisine de 1118.
Lettre 2Q. — Sicut parvitatem meam est adressée
comme la précédente à Aimery, mais par l'archevêque de
Tours (1). L'évêque de Clermont s'était servi comme messa-
ger d'un prêtre coupable d'avoir tué, en cas de légitime
défense, un voleur qui l'assaillait ; il demandait à Hildebert
quelle punition devait être infligée au meurtrier, porteur
de la présente et chargé de transmettre la réponse. Hilde-
bert n'admet pas que, sous un prétexte quelconque, un
ecclésiastique verse le sang, et répond à Aimery qu'il faut
dégrader le coupable.
Cette décision rigoureuse, mais conforme à l'esprit de
l'Évangile, a valu à notre Hildebert l'insigne honneur d'être
cité par Pascal pour l'intégrité de sa doctrine, à côté de
(1) A. episcopo Claromontensis ecclesiœ (adresse à l'encre de couleur
dans A^ D, B/4, E/2). Mais on lit en plus une suscription à Tencre noire
dans tous les manuscrits qui donnent la lettre, en France et à l'étranger.
— Beaugendre cite une lettre d'Hincmar à Enée, évêque de Paris, dont
Tobjet est analogue {epistoia dimissoria).
{2) (i HildebertuSj humilis Turonorum episcopus, A. venerabili Dei
» gralia Claromontensis ecclesiae episœpo, sho charisshno arnica^ salu-
» tem. »
11
- 1G2 -
saint Basile et de saint Grégoire de Nyssc. On lit en effet
dans la XI V^ Provinciale :
Pour détourner encore davantage les chrétiens des homicides volon-
taires, elle [TÉglise] a puni très sévèrement ceux mêmes qui étaient
arrivés par imprudence, comme on peut voir dans saint Basile, dans
saint Grégoire de Nysse, dans les décrets du pape Zacharîe et
d'Alexandre II. Les canons rapportés par Isaac, évoque de Langres,
ordonnent sept ans de pénitence pour avoir tué en se défendant. Et
on voit que saint Hildebert, évêque du Mans, répondit à Yves de
Cliartres (1) qu'il a eu raisoTi d'interdire un prêtre pour toute sa vie,
qui, pour se défendre, avait tue un voleur d'un coup de pierre (2).
Lettre 21. — Audivimus et valde lœtati sumits ramène
nos regards de Clermont vers le nord. Hildebert félicite
Serlon, évêque de Séez, d'avoir combattu pour le droit
d'asile et protesté contre Tenlèvement même d'un réfugié
qui s'était sauvé dans l'église, après avoir violé sa promesse
de ne pas chercher à fuir de prison.
Cette lettre est la seule où Hildebert vouvoie Tévêque de
Séez ; or, le fait qu'il a employé cette façon de parler, de
préférence à l'autre, avec les hauts personnages, le Pape,
les légats, l'archevêque de Tours, ce fait prouve que, si le
tutoiement des anciens Latins restait la foi*me du langage
courant, du moins le <l Vous » était, dès lors comme aujour-
d'hui , l'indice d'un ton plus cérémonieux. Ainsi , nous
sommes portes à croire que cette lettre à Serlon a précédé
les autres, où, en témoignage d'une connaissance devenue
plus intime, Hildebert abandonnait le Vous pour le Tu. Ce
(1) La lettre est adressée à Yves de Chartres dans la Bihliotheca
Patrum.
(2) Pascal. Provinciales, lettre XIV. — M A. Molinier, dans son édition
(II, 337), fait la remarque suivante : « Si le prêtre est suspendu de
)» ses fonctions, ce n'est pas seulement pour s'être rendu coupable en
» commettant un meurtre; c'est aussi pour être devenu impur en
» répandant le sang. Il y a là une impureté mystique provenant de
» l'ancienne loi juive et passée dans la loi chrétienne ; c'est pour lu
» même raison que les églises sont dites polluées per effusionetn
» sanguinia et ont besoin , en pareil cas , d'être réconciliées par
» révêque. »
- IfW -
B^'
n'est qu'une conjecture, mais se>s relations avec Henri l**, i
l'adresse de qui la seule lettre employant ie « Vous « est la
plus ancienne, Benedictus Dominus, avec GeolTroy évèque de
Chartres, avec saint Anselme, comme on le verra plus loin,
donnent autant d'exemples qui confirmeraient l'hypothèap.
Lettres 22 et 23. — Credimtis ignorare te, h Serlon (1),
le complément de l'appel géiitVal au clergé, Féliciter
i. Tandis qu'Yves de Chartres, dans le diocèse de
qui Hildebert avait été fait prisonnier, à Nogenl-le-RoLrou,
s'empressait d'excommunier son persécuteur, au contraire
révoque de Séez, dans l'obédience de qui était Mortagne, la
capitale du comté, ne fit pas la moindre démarche en faveur
(le notre prélat. Envoyant qu'Hildetiert lui écrivit pour solli-
citer son intervention, lîry, dans sou Histoire du Perche (2),
et aussi le moine Hommey, ont cru que l'évéque du Mans
avait été transféré dans lu prison de Mortagne, mais cette
supposition, que rien ne confirme, n'est pas nécessaire ; les
termes de la lettre disent seulement que Serlon habitait non
loin de la prison, dans la même contrée (3), et j'ajouterai sur
!s terres du même seigneur, le comte Rotrou. C'est donc à
m droit qu'Uildebert lui reproche son indifTércnce k mots
(1) A, B/i, K, Ara., BruxeUe» : Sagieim ep". — Oxford : Serlmi, Dei
gi* Sagienti ep' (en noir. Tait partie de la lettre). — C/i. E/2 : Sergio
Sagieiui ep°. — D : id., en noir, dans le corps de ta lettre. — t Sergio •
est probablement une erreur de copiste, ei il n'y a pas d'évâque de
Rèet qui se eoil appelé Serge. A la vérité, la Callia, après lu charte
de Henri I"' pour Saiiit-l'ierre-sur'DiveB en 1107, ne mentionne plus
aucun document attestant l'existence de Serlon ; mais Orderic Vital,
qui passa toute sa vie dans le diocèse, dit formellement que Serlon eut
Jean pour successeur (en 1123), et les listes èpîscopates mentionnées
par M. L. Delisle (Hist. titt., t. \XIX) ne sonmeni mot d'un ërèque
nommé Serge. Le ms. de l'Arsenal 1133, en présentant ta Torme
Sergioti (en noir) nous donne la clef de cette altération du nom de
Serlon en celui de Serge, prélat imagijiaire. A plus Torte raison
taut-il elTacer de l'bistoire Rabotius, évéque de Séez inventé p»r
(2) Gilles Dry. Histoire des paye et comte du Peixhe et duché d'Alen-
— 1G4 -
couverts, en feignant de croire qu'il est dans l'ignorance
do ce qui se passe.
L'évêché de Séez, situé sur les confins montagneux du
Maine et de la Normandie , était fort troublé ; outre le
comte de Mortagne, figurait parmi ses ouailles le tur-
bulent Robert de Belléme : Tévêque, qui l'excommunia à
cause de ses prétentions sur la ville épiscopale, était sans
doute moins pressé d'user ses foudres pour délivrer un
confrère î
Nous voulons croire qu'il lui fit l'aumône de ses prières,
llildebert les lui demandait dans l'hiver de 1122-112^3,
quand il lui annonça qu'il se proposait de partir pour le
concile de Latran ; car un pareil voyage, au XII*' siècle,
n'exposait pas à moins de dangers que la colère d'un comte.
Nous avons dit que l'évéque du Mans faillit tomber aux
mains des pirates à son retour de Rome en 1101 ; Geoffroy
de Vendôme, qui fit douze fois la route, fut pris trois fois
par ses ennemis (i), et l'on voit par sa lettre à Rainaud (2),
•
qui se rapporte au concile de Latran annoncé pour le prin-
temps de 1123, combien il appréhendait de renouveler
l'expérience. Dans la lettre Scimus quidam (3) de notre
série , on trouve l'expression des mômes craintes. Il
s'agissait de franchir les Alpes en plein hiver, ou pis encore,
à la fonte des neiges ; l'empereur était, disait-on, mal dis-
posé pour ceux qui répondraient h la convocation de
Calixte II et les an*èterait peut-être au passage pour les
jeter en prison ; la populace de Rome, encore toute fré-
missante des troubles causés par l'interrègne pontifical,
s'agitait ; enfin, fléau pire que tous les autres, la curie
romaine aux abois chercherait, même à l'insu du Pape, à
([)Gallia,i. VIII, p. 13G9.
(2) rw/Jri(fi ep. m, 4;^.
(3) A, I) : Safjiensi ep'\ Rouen ; S. Sagiensi ep*.
— 165 -
spéculer sur ses visiteurs (1). Tout cela était de mauvais
augure, et Hildebert avait raison d*hésiter : nous ne savons
s'il se rendit à Tappel du souverain Pontife.
Lettres 2i et 25. — Ces deux lettres paraissent liées par
le sujet ; Tune est adressée à Tévèque, Tautre à Tarchidiacre
de Séez (2).
Une femme peut-elle épouser son beau-frère après la
mort de son mari ? flildebert soutient que non à deux
reprises. Si fides auctoritati non subtrahitur est adressée à
Tarchidiacre (3) et doit se placer la première ; Iterare cla-
morem est plus pressante et a Tair d*appuyer sur Tautre ,
elle fait appel à Tévéque (4).
G., archidiacre de Séez, serait Gautier de Mortagne, qui
précisément écrivit un traité De Conjugio, (manuscrit de
Saint-Martin de Séez). Gautier devint évêque de Laon en
1155 ; comme il est pou probable qu'il ait été archidiacre de
Séez 60 ans avant de devenir évéque, il y a lieu de supposer
que cette lettre ne se rapporte pas aux tout premiers temps
de l'épiscopat d'Hildeberl, et Ton est confirmé dans cette
opinion en voyant le ton trautorité qu'il y prenait.
D'autre part, il n'était pas encore à Tours, car, si l'évêque
du Mans, qui était voisin de Séez, intervenait comme ayant
un de ses paroissiens engagé dans l'afTaire (5), on n'en
(1) ft Maxime autem lioc tcmpore oratioiiibus egennis luis, Romam
1» fatigandi, quo papa Cullixtiis, citramontanis episcopis et abbatibus
» convocalis, générale eonciliiiin in Urbe est celebraturus. Nobis illuc
» profecturis, teinpus hieme suspoctum, nivibus Alpes, incrementis
p aqua3) vinculis imperator, seditionibus civitas, exactione palatium.
» Sane omnia hicc orationibus evacuari posse credimus, solam vero
•ù exactioneni nec orationo ncc jejunio temperari. »
(2) Elle ne sont pas voisines dans les manuscrits.
i3) A, D, B/i, K/H : G. archid. — Id., Troyes, etc. — Douai : Ad
Willelmum archid.
(*) A, D, R/i, et Oxford, etc. : S. Satjiensi ep'\ — E/2 : J?p» Sagiensi.
— ]d., Bruxelles, etc. — Rouen: Selroni Sagiensi ep».
<ô) Le père des jeunes gens était Gautier de Clinchamps (sans doute
le hameau de ce nbm (lui se trouve dans le département de l'Orne).
- 166 -
pourrait dire autant de Tarchevêque , et de plus nous
savons que Tévêque S. (Serlon), désigné dans les manus-
crits , mourut dès 1122'. Les deux lettres se placeraient
donc vers 1120 ; elles sont reproduites par Ressin aux
Conciles de la Province de Rouen.
Lettre 26. — - Un mariage était projeté entre le comte de
Mortain (1) et la fille de Gautier de Mayenne (2), comme
gage de réconciliation entre ces deux seigneurs ennemis ;
mais les jeunes gens étaient parents à un degré prohibé :
Hildebert écrit à G., archevêque de Rouen, qu'il doit s'oppo-
ser à cette union, car, si désirable que soit la paix, il ne
faut jamais, suivant la parole de l'Apôtre, « faire le mal pour
qu'il en résulte du bien ».
Le comté de Mortain faisait partie de la Province de
Rouen ; mais Mayenne était au diocèse du Mans, ce qui
explique l'intervention d'Hildebert. On se rappellera de plus
que l'archevêque Geoffroy, si c'est de lui qu'il s'agit, était
l'ancien doyen, compétiteur de notre évêque. Quant à la
date, Reaugendre opine pour celle de 1103, sans donner de
raison ; il a d'ailleurs lu dans les divers manuscrits les
initiales A. ou S., qui ne conviennent ni à Guillaume, ni à
Geoffroy, ni h Hugues, qui furent successivement arche-
vêques de Rouen au temps d'Hildebert. C'est donc G. qu'il
faut lire (3), et probablement Geoffroy ; le manuscrit F, du
Xin° siècle, qui donne seul une initiale différente et ne
pouvant convenir à Guillaume (/., Joffridum), nous confirme
dans cette opinion. Or, comme Geoffroy fut élu en 1111 et
(1) Mortain : Morilonium. — Mortagne : Mauretania.
(2) L'Histoire littéraire, par un singulier lapsus, l'appelle Waultier
de Mayence.
(3) Nous ne lisons nulle part A ou S, mais dans B/4, Ârs., Grenoble,
Troyes, Berlin, Berne, Londres /'Cotton. et Harl.) et Venise : Archep^
Rotomagenêi ; -— A, et Londres (Roy. A) : G. archiep^ Rotoniagensi ; —
V : Ad 1. archiep^ Roto7n(ige}i8em.
— 167 —
que Gautier fut comte de Mayenne de 1109 à 1124, les
dates extrêmes de la lettre sont 1111 et 1124.
Lettre 27. — Ceci est une lettre de recommandation en
faveur d*un nommé Guillaume. Le destinataire est-il Tévôque
d*Angoulême, Girard, légat du Saint-Siège, comme le veut
Beaugendre? « G. episcopo » (1), disent les manuscrits,
sauf un toutefois, celui de Londres, Royal 7 A IV, qui
porte : « episcopo Carnotensi ». Nous n'avons plus dès lors
de raison valable pour ne pas supposer la lettre adressée à
Geoffroy, évoque de Chartres de 1116 à 1148. Désignant
un protégé de notre Hildebert, la leçon Pro Willelmo nostro
me paraît préférable à Pro Willelmo tuo (2).
Lettre 28. — Nous destinons aussi à Geoffroy, évêque
de Chartres, la lettre Sanctœ conversationis vestrse^ sur la
foi des seuls manuscrits du British Muséum, les autres ne
fournissant aucune indication (3). A supposer qu'il en soit
ainsi, nous nous reportons à Tépoque où, Yves de Chartres
venant de mourir, son successeur avait les plus grandes
peines à se faire reconnaître. Hildebert lui donne Tappui
de sa parole ; il approuve le genre de vie qu'il a adopté ;
il lui conseille de se défier du luxe et des grandes dé-
penses où on voudrait Tentraîner , au risque de pressu-
rer les fidèles et de leur vendre les bienfaits de la
religion. Qu'il persévère dans sa ligne de conduite , et
(1) A, D, B/4, V : G. episcopo. — Jd , Troyes, Berlin, Venise, Londres
(Harl.) — Londres (Roy. A) : Ep° Camotensi.
Cl) Les manuscrits donnent l'un et l'autre.
(3) Londres (Roy. A) : G. Carnotensi ep«. — Londres (Harl.): Gaufrido
Carnotensi ep«. — D'après ces deux lettres, il est probable qu'on doit
lire le nom de Geoffroy en tête du petit morceau d'éloge « G. episcopo »,
dédié par Hildebert à un prélat éminent (Beaugendre, Hildeberti opéra,
p. 1332). M. B. Hauréau, ignorant le destinataire de nos lettres
27 et 28, a nommé Galon, évéque de Paris. •
— 168 —
bientôt , il faut l'espérer , il « revêtira la tunique talaire
et immolera la victime jusqu'à la queue », c'est-à-
dire, dans le langage mystique de nos prélats, qu'il parvien-
dra au comble de ses vœux pour le plus grand bien de
l'Eglise (1).
Lettres 29 et 30. — Voici enfin deux lettres où il est
question de « pueri$ nostris », « puero meo ». Ce mot puer
désigne vraisemblablement un jeune serviteur ou familier
de l'Église, un enfant consacré à Dieu, un clerc des ordres
mineurs (2).
Dans Ad votorum plenitudinem (3) , Hildebert adresse
(( puerum suum » à l'évéque de Beauvais, « eut oppressis
concurrere et cathedra facit ut velis et curia ut possis » (4).
Ces mots nous rappellent que l'évéque de Beauvais était le
seigneur de sa ville, ils sont la justification théorique du
pouvoir temporel d'un pasteur de l'Eglise : prélat, « il veut »
au nom de la religion le bien des misérables ; seigneur,
« il peut » le faire.
Pueris nostris quibus navigaturis (5) nous apprend que
les enfants en question avaient été rejelés dans le port
(lequel ?) par la tempête, et qu'un prélat les a recueillis.
Nous ne savons si c'est un évêque de la côte anglaise, ou
l'archevêque de Rouen, ou l'évéque de Bayeux, ou encore
l'évéque de Maguelonne, sur la Méditerranée ; notre seule
excuse pour placer ici cette lettre est la ressemblance du
sujet avec celui de Ad votorum pleintudinem.
(1) Sur cette formule, voy. une lettre de Geoffroy abbé de Sainte-
Barbe, dans dom Martène (Thcs. anecd.^ t. L, col. 543).
(2) Sens donné par Du Gange.
(3) A, D. B/4. : Belvacensi cp». — Id., Poitiers, Bruxelles, Oxford, etc.
(4) Beaugendre, on ne sait pourquoi, a supprimé le membre de
phrase qui suit : « Tui siquideni juris est quicquid in civitate Belvaco
vel sacerdotiurn spectat vel regnum. *>
(5) Les manuscrits qui renferment cette lettre ne portent pas d'a-
dresse.
Tels furent, d'après sa correspondance, les rapports
d'Hildebert avec le clergé séculier de France.
Lbttoe 31. — A Conon, cardinal évêque de Préneste en
Italie (1). Hildebert le félicite du courage et de l'inlégrilé
doDt il a fait preuve dans les affaires qui lui étaient confiées
par le Pape. Ce Conon fut le bras droit de Pascal II ; de
1114 à 1120, il prit position en France, d'ob il fulmina à
plusieurs reprises l'excommunication contre l'empereur
Henri V (2).
Lettres 32 et 33. — Parmi les prélats J'Augleterre,
vient d'abord saint Anselme, archevêque de Cjmtorliéry
(mort en IKH)). Hildebert lui adresse quatre lettres.
Familiare est sapienli tolenire Ci) est la plus certaine.
Les copistes de A* el A^ qui sont d'ailleurs seuls de leur
avis, désignent comme destinataire « A. archidiacre » ; mais
il s'agit de saint Anselme. Celui-ci avait, au concile de Bari,
soutenu, en face des Grecs, le dogme latin de la Procession
du Saint Esprit ; Hildebert lui demande d'en faire un petit
traité pour le plaisir de ceux qui n'ont pu applaudir à son
triomphe. Les Actes du concile de Bari n'existent plus;
uiais le familier de saint Anselme, Edmer (Eadmerus), qui
a écrit sa vie (4), Orderic Vital et GuiUaume de Matmesbury,
sont d'accord pour lui attribuer ce rùle glorieux, eU'inlerpo-
lateur de Guillaume de Jumièges dit qu'Anselme composa
le Traclatu» de Procesiione Saticlt Spiritus à la prière
(1) Are. ; Prmneaiino pontifiti. — Bruxelles, etc. : PrxneiUno «p°. —
A, B/i ; C. Pr«ni'ï(ino ep». — Préneste oii Palealrinn. I.e ràlaoleur ite
l'Biil. lut. écrit, t>ar dlslmctioii : éeèque de Palestine.
(â) Liicbaire. Louit VI le Groê, Inlrod. el Actes.
(3i D/l, E^, Ars. rt Grenoble: .1. ari'liiep'. — A/I. fl; Anselmo
Cantuarlenti arcliiep". — .\/i, A/3 : .1. ori7iid.
(1) Migne, Palrot. ht., t. C I.VIII.
— 170 —
d'Hildebert (1). Cet ouvrage n'est pas daté ; mais repor-
tons-nous au concile de Bari. Le père Labbe le place en
1097 et M. de Mas-Latrie au l^*" octobre 1098; de plus,
la lettre Familiare fut envoyée en Angleterre (2), où nous
savons que saint Anselme rentra dans le cours de Tannée
1100.
Hildebert, ayant reçu le traité, en remercia l'auteur (Et
(lies lœtus) (3). Il est remarquable que, dans cette lettre,
il abandonnait le Vous pour le Tu.
Lettres 34 et 35. — Flahellum tihi misi (4) porte dans
les manuscrits l'adresse de « A. archiepiscopo », c'est-à-
dire de saint Anselme. Hildebert lui envoie comme présent
un éventail, destiné à éloigner les mouches des Saintes
Espèces pendant la messe, et lui explique le sens mystique
de cet objet en liturgie (5).
Etsi quanta» dehemus annonce qu'Hildebert a reçu d'un
ami, comme cadeau, une paire de sandales (6) ; elle ne
se trouve que dans B* et n'a pas d'adresse ; mais le com-
(1) « Histoire des ducs de Normandie » par Guillaume de Jumièges,
trad. Guizot, 1. vi, ch. ix.
(2) a In Ângiia salutandum », dit le texte.
(3) Mêmes mss. : Ad eumdem.
(4) A, D, B/4: A . archiep^ — Oxford : Anselmo archiep^. — La réponse
de saint Anselme à Flabellum est dans Beaugendre, II, 11. Voy. aussi
les lettres de saint Anselme dans Migne, Patrol. lat., t. CLXIX.
(5) Chez les Romains, l'éventail servait à activer le feu du sacrifice et,
dans les funérailles, à chasser les mouches du corps exposé; en Orient,
il était rinsigne extérieur de la souveraineté. Sous cette double in-
tluence, l'éventail fut introduit de bonne heure dans la liturgie ciiré-
tieime, tant pour chasser les mouches de l'autel ou assainir les mains
et le visage de l'officiant, que pour relever l'éclat des cérémonies et la
majesté des représentants de la religion. Aujourd'hui encore, deux
grands éventails en plumes de paon sont agités devant le Pape les
jours de fête. 11 s'agit, bien entendu, de l'éventail rigide comme un
écran ; quand à l'éventail qui se replie, il nous est venu de l'Extrême-
Orient. (Martigny, Dictionnaire des antiijuités chrétiennes.)
(0) On trouve au trésor de Chàlons-sur-Marne des sandales d'évèque
qui datent du XI« siècle.
— 172 -
A l'un, Ralph Flambard, évêqiie de Durham, il écrivit une
lettre de recommandation en faveur d*un nommé Robert (1).
Comme Ralph devint évêque de Durham en 1099, et qu'aus-
sitôt après la mort du roi son protecteur il fut jeté en
prison, d'où il gagna la France (2), cette lettre est par suite
datée à un an près. Sans doute, Ralph conserva son titre
jusqu'à sa mort, mais la recommandation dont nous parlons
ne saurait s'adresser à un prélat dépossédé, ni les phrases
comme celle-ci : « Credidi me peccaturum in plures^ si quos
dehes pluribus oculos prolixiore pagina detinerem... »
De même que Guillaume le Roux eut pour successeur
Henri P»*, de même le violent Ralph, surnommé Flambard,
fut remplacé par le prudent Roger. Entre les deux ministres,
le contraste était le même qu'entre les souverains ; Roger
n'était pas moms dominateur ni moins avide que son devan-
cier, et il tira beaucoup pour son maître des biens d'église,
mais sans pousser le clergé à bout et en se faisant estimer,
malgré son avarice, pour le bon ordre et la régularité de son
administration.
La lettre Virtuti gratulor (3) lui fut écrite par Hildebert
pour le féliciter de sa promotion à Tépiscopat, en 1103. Gela
n'était peut-être pas très digne, car les contemporains
racontent (4) que Roger était illettré, et qu'il dut son
succès auprès de la cour à la rapidité avec laquelle il savait
célébrer la messe ! Du moins, Hildebert accompagne ses
coups d'encensoir de quelques avertissements : « Souviens-
toi, lui dit-il, que la mort visite les palais aussi souvent que
les chaumières (5). » Et, en effet, ce Roger devait périr un
(1) « RanulphOy Dei gratia Dunelmensi episcopo, I. (Hdebertus),
» humilis Cenomannonim sarerdos... » (Ms. f. 1. 2945).
(2) Lingard. « Histoire d'Angleterre >;, trad. de Wailly, 1. 1, p. 359.
(3) Douai, Grenoble, Rriixelles : Ep* Salesbcriœ, Salesberiensi, Salis-
beriensi. — E/2: R. e/jo Seresberisc. — A, I), B/4 : Rofjero eji'* Salebiria^j
Saîesberiœ. — F, et Troyes : H. régi Angloruin,
(4) Texte cité par llommey, Max. Bib. Pat,, Supplementum.
(5) « Vale, mortemque non pluribiis stadiis ab aula quam a tugurio
distare memineris. »
— 173 —
jour de mort violente, sous le roi Etienne (1). Mais il était
alors en pleine faveur ; Tévêque du Mans lui recommande
un de ses clients, Guy ou Guiumar, ce Breton ne en
Angleterre qui, jadis élève de saint Anselme au monastère
du Bec, va devenir écolûtre de Salisbury et, par la suite,
successeur d'Hildebert au Mans.
Lettre 39. — Plerumque fit ut ex prœteritis (2) est
adressée par les manuscrits de la Bibliothèque nationale
« episcopo Memoriensi ». Ce nom, qui ne désigne aucune
ville, est certainement défiguré. Beaugendre propose de lire
Mumontensi et croit qu'il s'agit de la « Mumonie », partie
méridionale de l'Irlande, où se trouve Limerik, mais Mumo-
nia n'était le nom d'aucun évêché. Le Père Sirmond ,
dans le manuscrit du collège de Clermont (3) , a écrit
de sa main: « Messanensi episcopo ^ — à l'évoque de
Messine ». Nous sommes heureux d'avoir trouvé, lors de la
soutenance de cette thèse, la véritable interprétation, que
nous a confirmée depuis la connaissance de divers manu-
scrits et notamment de ceux conservés en Angleterre. Nous
proposions de lire : « Meneviensi episcopo^ — à Tévéque
de Saint-David » au pays de Galles, ville célèbre par son
pèlerinage, et nous pensions, d'après l'initiale B du nis.
B*, qu'il s'agissait de Bernard, évêque de Saint-David de
1115 à 1147. Cette attribution est maintenant certaine.
Bernard avait demandé à Hildebert de prier pour la reine
Mathilde, récemment décédée (1118). Notre évoque lui
répond que son dévouement à la reine l'avait engagé h le
faire avant môme qu'on le sollicitât, et que le nom de la
(1) Lingard. « Histoire d'Angleterre », trad. de Wailly, t. I, pp. 405-
400.
(2) B/4 : B. episcopo. — A, D: Ep'* Memoriensi. — Ars., Berlin,
Londres (Uoy. C), Oxford : Ji. Menevensi ep^. — Londres (Roy. A) .
B. Mevenensi cp». — Londres (Harl.) : B. AnrJegavensi ep^.
(3) AcluoUement Herlin, 18i.
— 174 -
morte figure à la place d'honneur dans Fobituaire de Téglise
du Mans ; il promet en outre à son correspondant de lui
envoyer sous peu les Exceptiones Decretorum, C'était sans
doute un ouvrage analogue à celui d'Yves de Chartres
qu'Hildebert avait entrepris : « Exceptioiies Decretorum quas
in unum voltimen ordinare disposuimvts.... » (1)
Lettre 40. — A Guillaume, évêque de Winchester (1100-
1129) (2). Hildebert se félicite qu'il ait exprimé le désir de
posséder quelques-uns de ses opuscules et promet de les
lui envoyer.
Lettre 41. — - A Glarembaud, chanoine de l'église
d'Exham (3). Ce Clarembaud avait adressé à Hildebert un
ouvrage de sa composition sur les miracles de l'église
d'Exham, en le priant d'y mettre ses annotations ; le prélat
s'excuse de ne pas le lui avoir retourné plus tôt. C'est donc
par erreur que Fabricius a écrit : « Desideratur adhuc
Hildeberti historia miraculorum Exoniensis ecclesix^ cujus
ipse meminit in epistola ad Claremhaldum » (4). L'ouvrage
était de Clarembaud, et Hildebert en a fait la critique.
(1) Beaugendre veut qu'Hildebert ait eu part à l'œuvre d'Yves de
Chartres. En tout cas, celui-là n'aurait pas commencé le travail
que celui-ci aurait achevé, puisque, en 1118, Yves était disparu depuis
trois ans. — D'autres ont fait honneur à Hildebert seul du «t Décret »,
en rapprochant les expressions par lesquelles il s'ouvrait des termes de
la lettre Plerximque. — Enfin, Baluze croit qu'Hildebert avait composé
un de ces recueils analogues à celui d'Yves de Chartres, comme nous
en possédons plusieurs. M. Paul Fournier, un bon juge, est de cet avis,
et on peut voir, dans les livraisons de la Bibliothèque de V École des
chartes qui se publient en ce moment, l'exposé de ses raisons.
(2) a WiUelmo^.., Wincesireyxsi episcopo^ HildehertuSy Cenomannorum
» sacerdos... »
(3) «.... Venerando Exoniensis ecclesiœ canonico Clarembaldo, Hilde-
» bertus, humilis Cenomannorum sacerdos. • Exoniensis : d'Exham
(évêché joint à celui de Durham) plutôt que d'Exeter, qui se dit généra-
lement Excestriensis.
(4) Fabricius. Bibliotheca lalina médise et infimes UxtinHatis^ art.
Hildebertusy p. 240.
— 175 —
Restent deux lettres que nous croyons avoir été envoyées
en Angleterre, mais dont les destinataires ne sont pas
certains.
Lettre 42. — De la rubrique « de lande cujusdam Symo-
nis », portée par quelques manuscrits, Beaugendre a tiré la
conclusion que Successisse con^te6or était une lettre de recom-
mandation en faveur d'un nommé Simon. On lit, au contraire,
que notre évêque a reçu Simon sur la recommandation de
son père, à qui il fait Téloge du jeune homme et exprime
le vœu que celui-ci soit envoyé à Rome, dans l'intérêt de sa
fortune à venir.
Mais quel était le destinataire de la lettre (1)? Les ma-
nuscrits de la Bibliothèque nationale n'en donnent aucun ;
ceux des départements ou de l'étranger en désignent deux,
l'évoque de Lincoln et l'abbé Suger. entre lesquels il faut
choisir. Le fils en question sera, si l'on veut, d'après une
interprétation qu'autorise le langage épistolaire, un fils
spirituel, un protégé de petite naissance, comme semble
l'indiquer le passage (2) où il est dit que son mérite sup-
pléera à sa condition ; ou encore, ce sera un fils naturel, si
l'on admet qu'Hildebert a voulu dire que sa condition irré-
gulière ne l'empêcherait pas de parvenir.
Entre l'abbé Suger et l'évêque de Lincoln, je préfère le
second. Suger est indiqué par deux manuscrits, l'évêque ne
Test formellement que par un seul ; mais la rubrique
« R. Nicholaensi ep^ » du manuscrit de Londres, qui ne
répondrait à aucune ville, semble bien une déformation de
Lincolniensi. Il s'agirait de Robert Bloët, évoque de 1093 à
1123. L'abbé Suger n'avait pas besoin d'Hildebert pour faire
(1) Grenoble : Lincolniensi ep^ — Londres (Roy. A) : R. Nicholaensi
epo. — Londres (HarL) : S. o66' de Sc« Dionisio. — Berne, 633 : Sugyerio
abb'* Se» Dionisîi.
(2) «i MuUis cain (Ecclesiam Romanam) fréquentasse profuil, qui
promotionem^ quœ pro conditimie subtrahilur, pro vita consequuntur.»
— 176 —
la fortune des siens; au contraire, il était naturel que
révoque de Lincoln envoyât son protégé au prélat de
France le plus éminent qui fût en rapports suivis avec
répiscopal d'Angleterre.
Lettre 43 (1). — A un ami d'Outre - Manche, comme
l'atteste ce passage : « Rogo ut ad me vestra transfretet
salutis pagina. » Hildebert lui envoie ses compliments. « Je
me félicite, ajoute -t- il, de compter votre promotion au
nombre de mes succès. » La promotion de qui? Non, sans
doute, celle de Roger de Salisbury, qui savait fort bien se
faire valoir lui-mônie, mais probablement celle de Guiumar,
qu'Hildebert fit choisir comme écolûtre par Roger.
DEUXIÈME SÉRIE
lettres co7icernant les rapports (THildebert avec le Cdergé régulier (2).
Abbaves, personnages, moines anglais. — Adressées à :
44 Guillaume II, abbé de S*-Yiiicent. Usti pariler etnecesaitate.
45 Girard, p"" l'abbaye d'Évron. Est apud nos abbatia.
46 Guillaume ni, abbé de S*-Vincent. Pim et sanclfe devotionis.
47 Pascal II, p^ S*-Martin de Tours. Non paucis decîaratur.
4ft L'abbé de Ronneviil, p"" Marm«^ Inter Carnotensem ept*»i.
49 Les moines de Vendôme. Apostolicis erudimur.
50 Le prieur de S*-Père de Ciiartres. ^'on potuit ad nos.
51 llonorius H / pour i Etrclationej)lurimovum.
52 Foulques le Jeune ( Fonlevrault. 1 Quantum HbevaUtati,
53 Hugues, abbé de Cluny. Maicimum duco.
54 Maître Uoscelin, cbanoine. Sententiam quam.
55 Guillaume de Cliampeaux, prieur. Conversione.
56 S* Bernard, abbé de Clairvaux. Balsamum ex odore suo.
57 S* Bernard, abbé de Clairvaux ? Totum te mihi.
58 Les moines do iJurham.
59 Rainoud, moine anglais.
Exquo vestram promerui.
Malchwn tuum.
1106.
PP.
r.
22.
1106-1123.
PP.
n,
25.
1129.
»
m.
21.
1099-1118.
PP.
II,
32.
1123-1130.
d'A.
H F.
]
1
?
PP.
I,
11.
itoo-iim.
PP.
n,
10.
1125-1130.
PP.
n,
42.
1120.
d'À.
Murât.
m,
20.
1101. .
?r.
Il F.
m,
7.
1096-1110.
»
n.
37.
1108-1112.
PP.
I,
1.
Vers 1130.
PP.
Mabil.
ni,
18.
tll30.
)>
m,
25.
1109-1125.
PP.
1,
20.
1100-1125.
MabiUon.
ni,
15.
{[) Il n'y a aucun nom de destinataire dans les manuscrits.
(2) Pour les abréviations, voyez la note au tableau de la première série.
40NVMKS iCT DIVEIIBBS. -
Un abbé lié missionnaire.
Un abbé: inlercession.
Item. (GeotTroy de Weniiôtue'!)
•Va abbé: consulUtion.
I L'hérésiarque Henii t
' Le moine-prieiir -Mathieu '.'
F. <écolâtre de S'-Marlin ?)
i Un ami.
Un auii.
Sicut l'ejiriiiiCTitfjE.
Patclia Dinninieiil.
Confriilar et (iline vatar.
Si ee'V'iuiUquK.
In regno ijuùtem niillu»,
Promîisatn Bealitadini.
Prœ
r offici
^■i bniuilibiail.
Ens i/ui i)hiei}uior\ti'i.
Plfruii\ijue liuiaania,
SI El; SES. — Aiiressàes à
<I'A. Murât. lit, :«.
. Anonyme.
, Anonyme.
iBitheb dk OiREcnON a des HEi.ii
I / Egredimtli libi de medio. 1132-1125. PP. Alfoni. I,
[Adèle, comlessede Blois, retirée^ Qiiotiesqii» ciccale. M. ri'. ■ 1,
■e de Marcigiiy. I Con/idimm in Domitto. Id. PP. i 1. 1
' QuodleDominamappetlo. Iil. PP. n i,
Gaudîuin niihi exuberat. V PP. r I, 1
Coniiilerantimiliiwtuin. ? PI". " I, 3
Célèbre lolatiumetl. IIS). d'A. • I, 1
; Une religieuse.
i-Une religieuse .
' Une religieuse.
HildcberL a eu de nombreux rapports avec les abbayes ou
les collégiales de France et d'Angleterre; nous commentons
par celles du diocèse du Mans et de la Province.
Lettres 44 à 46, — Au-t portes du Mans, l'abbaye de
Saiijt- Vincent ijtait la plu.'^ importante, et son chef, Guil-
laume II, un nipmbre distingué du clergé régulier à celte
époque. Quand il fut élu abbé, il se plaignit à notre livêque
que ses nouvelles fonctions l'empêchassent de se livrer aux
méditations qui lui étaient chères : Hildebert le rassure et,
dans un ingénieux parallèle de la vie contemplative et de la
vie active, lui démontre qu'il est à même, dans sa position,
de cumuler les bienfaits de l'une et de l'autre (Usu pariter
et neceseitate didicimvn) (l). Guillaume II devint abbé de
(l|B/4: AJ abliate<n Willehi
A. D : Ad n^Èalcrii IViil. Suiuli
— t' : Ail abbalem ISiiiUermum.
178
Saint-Vincent en 1 lOG. A la vérité, son successeur, qui le
remplaça à une date pour nous incertaine, s'appelait aussi
Guillaume ; mais c'est le premier qui paraît avoir été lié
avec Hildebert, qui l'accompagna dans ses tournées et signa
avec lui plusieurs chartes (1).
L'abbaye d'Évron (2) n'eut pas la chance de posséder à sa
tète un chef aussi habile ; elle tombait, faute de direction,
dans un état de relâchement qui attira l'attention de l'évêque.
11 y envoya Guillaume pour faire une enquête et écrivit au
légat Girard, évêque d'Angoulême, la lettre Eut apud nos
abbatia (3), afin de lui demander des instructions précises,
dont il pût charger l'abbé de Saint-Vincent. 11 semble qu'on
déposséda le chef indigne, auquel Hildebert ne craint pas
d'appliquer l'appellation de bestiam^ et qu'on fit venir pour
le remplacer un moine de Marraoutier (4), Daniel le Chauve,
qui signe en 1123, comme abbé d'Évron, un diplôme de
l'évêque Hainaud (5). La lettre à Girard se place donc après
1106, date de l'élection de Guillaume à Saint-Vincent, et
avant 1123.
Piœ et sanctœ devotioniê (6) ne se rencontre dans aucun
manuscrit ; elle est tirée des archives de Saint-Vincent (7).
(1) Voy. les n«»* 20 et 21 de notre Tableau des actes,
(2) Evron {Ebronium^ anciennement Aurionum)^ ch.-l. de canton de
Tarrond» de Laval.
(3) « Dei gratia Engolistnensi episcopo sanctssque Ecclesiœ Romanœ
» legato G., J. htimllis Cenomannorum minisler. »
(4) Ce monastère, remarquable entre tous par son organisation, était
comme une pépinière d'administrateurs. L'abbé qui avait passé par
cette école se faisait gloire d'ajouter à son titre : « moine de Marmou-
tier. » (Guillaume abbé de S^- Vincent, dans le Cartulaire édité, W* 248.)
— Pour contraindre Tabbaye de Saint-Georges-du-Bois à se réformer,
Hildebert menaça les moines de les mettre sous la dépendance de
Marmoutier. (M igné, n<» VII et Cartulaire blésois de Marmoutier par
Tabbé Métais, n» 119, avec note.)
(5) Gallia, t. XIV, p. 445.
(6) « Turoîwrum humilis archiepiscopus Guillelmo abbati Sancli Vin-
» centii Cenotnannensis o.
(7) Pour la question d'authenticité, voy. le chapitre précédent, p. 138.
— 179 —
Quatre ans après sa translation à Tours, en 1129, Tannée
qu'il vint au Mans pour le mariage de Geoffroy le Bel,
Hildebert avait été appelé à porter témoignage dans un
procès entre les moines de Jumièges et Saint- Vincent, pour
la possession de deux églises rurales, Saosnes et Courgains ;
Jumièges fit défaut, et Hildebert dut envoyer de Tours sa
déposition par écrit. Cette lettre a été mentionnée aux
Sources de V histoire (1).
Lettres 47 et 48. — Voici deux lettres qui furent écrites
par Hildebert, Tune en faveur de Saint-Martin de Tours,
Tautre pour Marmoutier, car ces puissants religieux ne
dédaignaient pas de requérir Tappui d'un évéque, quitte à
l'accabler ensuite de leurs privilèges.
Saint- Martin, n'ayant à sa tête d'autre abbé que le roi de
France, gouverné par son doyen et donnant à ses membres
le titre de chanoines, est généralement compris dans le
clergé séculier, avec les églises collégiales. Néanmoins,
nous avons placé ici la lettre qui concerne cette abbaye,
parce qu'Hildebert y joue, comme à propos de Marmoutier,
le rôle d'intercesseur pour une partie du clergé étrangère à
la hiérarchie diocésaine. On a vu (2) que le nom du pape
auquel il s'adressait n'est pas certain, mais que ce fut pro-
bablement Pascal IL
Intei' Camotensem episcopum et abbatem^ concernant
Marmoutier, a été insérée dans le Spicilegium (3) et au
recueil des Historiens de France (4) ; mais Beaugendre l'a
omise, sans raison aucune. Aussi, les auteurs des catalogues
de plusieurs bibliothèques, celles de Grenoble et de Berlin
(1) Voy. notre 1" partie, chap. !•'.
(2) Au chapitre précédent, p. 142.
(3) Spicilegium, t. III, p. 456.
(4) Historiens de France, t. XV, p. 324.
— 180 -
notamment, trouvant dans leurs manuscrits cette lettre qu'ils
croyaient inédite, l'ont publiée in extenso. La voici donc :
Pro negolio Majoris monaslerii [en rouge].
Inter Carnotensem episcopum et abbatcm Majoris monasterii nego-
tium emersit, concordia non judicio decidcndum. De quo cum idem
episcopuset Teobaldus(l) cornes postularent ut abbas de domo (2) coii-
cordiaî in eorum se mitteret consiiio, assensum eis et monachi dede-
runt. Fertur autcm episcopum et comitem in tuo intuitu et dispositione
suum posituros consilium. Sicut itaque decet religiosum et sapicntem
virum, ita circunispecte studeas agere ne Majus monasterium vel
in praisenti damnum sustincat, vel in futuro dedecus cum damne
pntiatur. Quod ego submissus exoro, licet vel ipsum sine precibus te
acturum credam. Iterum vale.
Ainsi, une contestation s'était élevée entre l'abbaye de
Marmoutier et Tévêque de Chartres, et, de leur commun
accord avec le comte Thibaut de Blois, un arbitre avait été
choisi. Ce fut, s'il faut en croire une note de d'Achery (3),
l'abbé de Bonneval, au diocèse de Chartres, et l'objet du
litige était l'église de Saint-Martin-du-Val, qui finit par être
restituée à Marmoutier par décret du pape Honorius II et
diplôme du comte Thibaut. La lettre d'Hildebert écrivant à
Tabbé de Bonneval, au cours du procès, pour lui recom-
mander les intérêts de Marmoutier, ne peut donc avoir été
de beaucoup antérieure à l'avènement d'Honorius (1124) ni
postérieure à sa mort (1130).
Letthe 49. — Nous en avons fini avec la Province de Tours
et nous passons aux diocèses voisins. Des moines qui avaient
(1) B, C, D, et Grenoble, etc. : Teobaldus. — A et Troyes :
Arcbaldus.
(2) Grenoble, Troyes 1<>26, etc. : domo. — A : dono. — Troyes, 513 :
bnno.
(3) Note aux « Œuvres de Guibert de Nogent », p. 590. Citée par
Urial aux Historiens de France.
181 -
refusé il l'évèque de Chartres l'hospiUilité, sonirc'primandés
aévèvemetit dans Apostoliciieriidimxire.vemplis{i). s Lameii-
» lion (lesgrandesrichessos flel'abbiiye et surtout du voîsitiiige
■ du château qui, à Vendôme, touchait presque au monastère,
« donne à penser que la congrégation blAmée par Hildebcrt
» était celle de la Trinité (2) n, aux confins des deux diocèses
de Chartres et du Mans ; les religieux dirigés par l'intraitable
Geoffroy étuient fort capables de cet acte de brutale indé-
pendance, et, puisque l'fibiîé n'est pas mis en cause, sans
doute était-il absent.
Lettiie 50. — Hildeliert félicite un prieur conventuel ('3)
d'avoir réformé sa communauté et l'exhorte h persévérer dans
cette voie. D'après les manuscrits de la Bibliothèque natio-
nale, il s'agirait d'un prieur de Chartres, a priori Camotenni »,
tandis que les mss. de Londres et de Berlin donnent : • firio-
ri Cart'ofenai », au pripur de Charroux, dans le diocèse de
Poitiers (4). A la pi-emière solulicin on peut objecter que le
titre de prieur d'une abbaye chartraine aurait été vraisem-
blablement accompagné du nom de ce monastère, joint à
l'indication de lu ville; en revanche, alors que l'histoire
de Charroux nous est peu connue , celle de Saint-Père
de Chartres présente une circonstance qui s'accorderait
assez avec les paroles d'Hildebert. C'est en llOi ; l'abbé
Eustache, étant tombé malade, s'était remi.s du gouver-
nement des niiiines sur ^on prieur et successeur désigné,
(1| A, D : ifonachis i/ni.... — liuuai, Poitiera ; AU quo*dam monachot.
1,2) L. Compuin. Geoffroy de Vendôme, uhap. Wlll, p. 17!l.
&) 11 T avait deux sortes de prieurs : les prieur* provinciatu; qui
cirlgîeaEeat les prieurés dêtacliës de la muison uiére, et le prieur
Uonuenfuel, qui était le second après l'abbè.
(*) Afl (XU' siècle), A/a, A/3, 0, E/2 : /Viori Camolemi. — tendres
|1r« 4 mss. dont nu du Xll° siècle), Berlin ISS : Pi-iori Carroferui, fiar-
rofeati, Carofenti, — [ttnixelles (XV* si^lei : Priori Bofeml (de
ttocliesitr? Uu plulôl luiuie li'uuiiui'e de L'arrofemii).
— 182 -
Guillaume, qui en profita pour faire refleurir la règle et
réformer le couvent.
Lettres 51 et 52. — Et relatione plurimorum^ amsi que
Quantum liheralitati vestrœ^ concernent la fameuse abbaye
de Fontevrault, dans le diocèse de Poitiers, mais sur les
limites de celui de Tours et au comté d'Anjou.
Dans Tune de ces lettres, Hildebert, « archevêque de
Tours », écrivait au pape Honorius II (1124-1130) (1) pour
obtenir confirmation d'une « aumône » de Henri P"" au
monastère, c'est-à-dire d'une rente assignée à Fontevrault
sur un domaine d'Angleterre.
Dans l'autre, le comte d'Anjou, sur le point départir pour
la Terre-Sainte, était prié de ne pas oublier, dans les libéra-
lités qu'il ferait au moment de se mettre en route, un
illustre couvent de femmes sit«é dans ses États, c'est-à-
dire, selon toute apparence, le monastère de Fontevrault.
Beaugendre croyait cette lettre adressée à Henri l^' (2) et
supposait, pour expliquer le « est ohedientia quœdam in
terra vestra », que l'Ordre de Fontevrault avait une maison
en Angleterre. Beaugendre a été trompé par la phrase
<!c denique transfretaturum vos audivimuSy enfin nous avons
» appris que vous passeriez la mer. » Mais, si le roi
d'Angleterre passait la mer, ce serait pour se rapprocher,
ou du moins, à supposer qu'il retournât de Normandie outre
Manche, ce ne serait pas pour s'en aller au bout du monde :
m et a nohis longe recessurum, » Hildebert ne dirait pas à
Henri qu'il est dans le cas de ne plus le revoir : « fortoBsis
faciem vestram ulterius visuri non sumus. » Il s'agit donc
du comte d'Anjou, qui fit deux fois le voyage de Jérusalem,
en 1120 et 1129 ; mais, si nous assignons de préférence à
(1) « Honorio ... HildebertuSy humilis Ttironorum minister ...» Cette
lettre est dans Muratori, Anecdota^ t. III, p. 213.
(2) Pas d'adresse dans les manuscrits. — Suscriptiun en noir : c Suo
» henefaclori ac domino. >•
■ -I y. y- ^%. -^
;^^m^
18a -
, Quantum liberalitali la date do 1120, c'est que nous rencon-
I Irons dans lu coUectiun dom Houssenu une charte de cette
année-là (1), par laquelle Foulques le Jeune, se disposant à
partir pour la Terre-Sainte, faisait une donation â Fon-
tevrault{2).
L'abbaye de Fonlevrault fut fondée au commencement du
XII" siècle par Robert d'Afbrissel (3). Nous avons deux
I lettres adressées k ce curieux personnage, l'une de Geoffroy
i tic Vendôme, Quolies de tua, qui a été attribuée quelquefois
I ft Hildebert et le plus souvent h Marbode, parmi les œuvres
I de qui elle se trouve dans la Patrologic (4).
Il n'y a qu'un manuscrit des letlres d'Hildebert où nous
I l'ayons rencontrée : celui de Douai, où elle vient l'avant-
f dernière ; et cette constatation, toute importante qu'elle soit,
I est contredite pur le témoignage du manuscrit de Bruxelles
I 1081, qui renferme Quolies de lua avec une suscnplion de
[même encre et de même écriture que le texte, portant le
|;nom de Marbode. Si maintenant nous examinons le texte
Mui-môme, il nous semble que M. Ernault (5) a donné des
Iraisons excellentt-s en faveur de l'attribution à cet écrivain.
EOn reconnaît sa phrase pleine de logique, moins souple et
■•iDoins délicate que celle d'Hildebert; on retrouve l'en-lête,
T miscription favorite de l'évoque de Rennes : t minimus
repiscoj)orum », et la finale qui était également dans ses habi-
(i) Collectioa dom Hovêseau, t. IV, n" 139rt.
12) It nous semble que, si Hildebert parlait en 1139, il ne pourrait
■ jNAsersoiis silence cette première libéralité; or il tie hiit allusion
FqU'''U)C bienfaits qu'il a rei;us lui-mémo. Observerons-nous enllii que
P^uteur écrit fortauii, » nous ne vous revcrrooa peut-être pas •,
â une personne qui partirait pour im long et dangereux
rojaBSi mBîaavecl'inteution de revenir, et non aine dubio «nous ne
(tous reverrons niits doute pas • comme il eût été plus naturel de dire
u comte qui allait occuper un Irûne'.'
(3) Arbrissel (l'^u de naissance de Itobert) est un village du déporte-
Klftent de l'IUe-et-Vilainc, arrondissement de Vitré.
(4) liarbodi Bfi. 6. Qtuitiei de luu fralernitate aadio.
(5) Ernault. Marbode, pp. 159 el suivantes.
— 184 —
tudes de style : « Orantem pro nohis SanctitcUent Tuam,
» Christus cutstodiaty dilectûsime f rater ». Disons enfin que,
sur les six ou sept lettres que nous possédons de Marbode,
trois sont écrites à des compagnons de Robert d'Arbrissel,
et que les rapports intimes de Tévêque avec les fondateurs
de rOrdre naissant en ressortent avec évidence.
Pourquoi donc Beaugendre, qui n'était point partisan de
Tattribution à Hildebert, voulait-il rejeter également la
paternité de Marbode, reconnue par l'éditeur de 4524 (4) ?
C'est qu'il n'avait pas en mains les mêmes preuves que son
prédécesseur. On sait que l'abbesse de Fontevrault, Jeanne
de Bourbon, avait entrepris la canonisation de Robert
d'Arbrissel ; apprenant l'existence, dans le manuscrit de
Vendôme, de la lettre de Geoffroy, qu'elle trouvait scabreuse
pour la mémoire du Bienheureux, elle la fit arracher
subrepticement , vers 1650 (2) ; donc il est probable que
Quoties de tua^ écrite dans le même esprit et jugée non
moins fâcheuse, disparut par le même subterfuge du
manuscrit de Marbode à Saint-Aubin d'Angers. L'au-
teur d'une histoire de cette abbaye l'a dit en propres
termes, d'après VHistoire litté^^aire (3), et son témoignage
était d'accord avec un ancien catalogue. Voilà pourquoi
Beaugendre n'a pas rencontré la lettre dans le manuscrit
de Marbode (4), qu'il vint consulter à Saint-Aubin. D'ailleurs
il estimait, avec les admirateurs enthousiastes du fondateur
de Fontevrault, que prêter Quoties de tua à un prélat respec-
table, eût été lui faire injure ainsi qu'à Robert d'Arbrissel.
Mais réduisons à ses véritables proportions la portée
(1) Incunable. Bibliothèque nationale, in-4<> acquis de la Mazarine.
C2) Voy. J. de Péquigny, dans la Bibliothèque de VÉcole des chartes,
1854.
(3) Histoire littéraire, t. X, p. 361 .
(4) Dans le manuscrit ancien ; car Beaugendre aurait pu voir le ms.
actuel d'Angers 318^ qui est tout entier consacré à Marbode et renferme
la lettre en question ; mais il est du XVli« siècle et fut peut-être consti-
tué après 1650, potir suppléer au manuscrit mutilé.
ifô
morale de ce document. Beaugendre soutien! que jamais
Murbode n'a pu adresser de si graves reproches au pieux
ermite, et que l'auteur de pareilles accusations est un
homme de mauvaise foi ou un niais. Eh bien non, il n'a pas
pesé les termes de ce langage ; car c'est celui de l'expérience
et de l'autorité, de l'autorité bienveillante, indulgente
même. On ne doute pas que Hobert n'ait les meilleures
intentions du monde, qu'il ne soit un chrétien très con-
vaincu, très zélé, en môme temps qu'un prédicateur plein
d'éloquence et un novateur ingénieux; mais on l'avertit
qu'il prenne garde, en s'efforçant de maintenir sous le même
toit, dans la communauté d'une même règle, des frères et
des sœurs ; il a la noble vaillance du prosélytisme, mais
possède-t-il tout le discernement désirable chez celui qui
prend à sa charge tant de consciences ? Dans l'intempérance
de son ai-deur, il froit trop volontiers ses disciples, hommes
ou femmes, gardés à jamais du démon pour une seule
épreuve qu'ils auront subie avec succès, et court à d'autres
conversions sans avoir suffisamment affermi les premières.
Ainsi parle l'évoque Marbode, admirateur de Robert d'Ar-
brissel, mais un peu inquiet de ses singularités, et ce
langage est d'accord avec celui de Geotïroy de Vendôme (1).
Quant h Hildebert, Beaugendre lui atlribue ce qu'il appelle
< l'épitaphe s de Robert d'Arbrissel, et qui n'est autre
chose qu'une strophe anonyme, d'ailleurs détestable, de son
rouleau funéraire (2). II soutient encore qu'Hildebert fut le
protecteur tout particulier de Fontevrault, l'avocat choisi
dans ses procès par l'abbesse Pélronille, mais celte conjec-
ture n'est pas suffisamment appuyée sur les documents (3) :
tout ce qu'on voit avec certitude, c'est qu'il Fut l'inlermi'-
(I) Golfridi ep. IV. il.
(3| D. Haureati. Mélanget poétiques d'HUd^iert de Lavardin. p. 15.
(Uf llildcburl. dit Ucauifeiiilre ifuiirùs Maaii, Tut choisi comiiit: uvocui
pur l'ùtronillu dans un démêlé qu'elle eut. h propos des dîmes de
Condat, avec l'évâque de Poitiers, Pierre. Or celui-ci ne inontu sur If
i
— 186 —
diaire des largesses de Henri !«»• et du comte d'Anjou au
monastère.
Les lettres qui suivent n'ont pas trait à l'administration
ou aux intérêts des abbayes ; ce sont des lettres amicales
adressées à plusieurs personnages célèbres du clergé régu-
lier, à commencer par Hugues, abbé de Gluny.
Lettre 53. — Hildebert le remercie (1) de ce que, par la
vertu de ses prières, il a échappé, en revenant de Rome,
aux plus graves périls ; en effet, il venait à peine de quitter
l'île de Saint-Honorat, quand des pirates ont pris et saccagé
le monastère (2). Il n'est fait mention nulle part ailleurs de
cette invasion, et Beaugendre s'en étonne. Mais pareilles
attaques devaient être fréquentes ; la communauté subsis-
tait quand même : elle avait, pour passer les moments
difficiles, un vaste donjon avec cloître, celliers, bibliothèque,
et dont les gros murs, tels qu'ils se dressent encore aujour-
d'hui, remontent à l'époque d'Hildebert.
Il est à présumer que celui-ci avait passé, en allant, par
Gluny, où l'abbé Hugues lui fit promettre de lui donner des
nouvelles de son voyage. Hugues administra de 4040 à
ilOO, et Baronius (3), qui a relaté la prise de Lérins
d'après Hildebert, la fixe à Tannée 4107 ; mais nous
savons que l'évêque du Mans fit son voyage à Rome dans
riiiver de 1100-1101 (4).
siège épiscopal qu'après la mort (rHildet)ert et de Pétronille. On voit
seulement, dans un accord entre son successeur Guillaume (1124-1136)
et Tabbesse de Fontevrault, que l'èvéque du Mans flgura comme
témoin ou peut-être comme arbitre {Galita) ; mais révoque du Mans,
en M28, ce n'était plus Hildebert.
(1) Bruxelles : Abbati CluniacensL— A/2, A/3, B/4, D, E/2, et Cambrai,
Rouen : H. dbb. Cluniacensi. — A/1 : /1. abbati Cluniacensi, — B/1 : Ad
eumdem^ à la suite de Bernardo abbati (voy. lettre Confrater).
(2) Le plus vieux monastère de Gaule, celui de Lérins, fondé en 410
par saint Honorât.
(3) Annales ecclesiaaticiy a. 1107.
(4) Voy. 1'« partie, note additionnelle 2.
■ t87 -
Lettres 54 et 55. — Nous parlerons tout ù l'heure de
I saint Bernard, abbé de Clairvaux; il convient de le faire
I précéder par ceux qui, avant lui, ont tenu la plus grande
I place dans l'histoire des Idées et de l'enseignement au
I moyen ûge ; je veux parler de Roscelin ei de Guillaume de
I Cbampeaux, l'un qui fut le champion le plus brillant et le
Lplus hardi du 7iominalisme. l'autre qui illustra la doctrine
I opposée, celle du réalUme philosophique.
Nous n'avons que des traces hypothétiques de la présence
I de Roscelin dans la con-espondance d'Hildebert; et ce n'est
I pas sans réser\'e que nous proposons de le reconnaître
f dans ce < mallre R. », à qui i'évéque adressait, sur sa
f demande, un petit commentaire de cette parole de l'Écriture :
Il Omni» qui occiderit Gain sepluplum jmniettir (Gen., IV,
I 16). •
Roscelin était né ft Compiègne; pourvu d'un caiionicat ii
I Besançon oii il professait, il se laissa entraîner pur les
I conséquences de son système à certaines opinions sur la
[ Trinité, qui le firent condamner comme hérétique par le
L concile de Soissons en 1092. 11 passa en Angleten-e, puis
I peu après rentra en France (1). Vers 1096, il habitait la
I Touraine et enseignait dans la collégiale de Sainte-Marie do
I Loches, où il eut Abélard pour disciple ; admis à Saint-
I Martin, il écrivit contre Abélard qui avait séparé sa cause
I d'avec la sienne, et on le voit signer avec les chanoines une
I charte d'Hélie, comte du Maine, en 1110. Dans cette longue
I période de quinze ans, il ne serait pas étonnant qu'Hildebert
I eût correspondu avec le philosophe et adressé A Roscelin la
I lettre Sentenliam quam rogaslis, avec ce titre de ( maitre >
Iqu'il donnait également à son sun^esseur et adversaire,
■ Guillaume de Champeaux.
Celui-ci appartenait au clergé régulier quand Hildehert
(t) Sur l'histoire (le Roscelin, voy. fi. Huui^uu, Singularité! histori-
fae* et littéraire, pp. 31H et suivantes, et Gallia, t. XIV, p. 175.
- 188 —
lui écrivit la lettre Conversions (1) ; mais il avait commencé
par être archidiacre, et 6coIâtre,comme Hildebert, et il devait
monter, comme lui aussi, sur un trône épiscopal.
Né à Ghampeaux, qui est un village de la Brie près Melun,
Guillaume enseigna publiquement à l'école de Paris pendant
plusieurs années avec un grand succès. Puis, tout à coup,
soit par dégoût du monde, soit par dépit d'avoir eu le
dessous dans une controverse avec le jeune Abélard, il
quitta Notre-Dame Tan 1108, pour se retirer sur la montagne
Sainte-Geneviève, où, prenant l'habit de chanoine régulier
et le titre de prieur (2), il fonda l'abbaye de Saint-Victor,
destinée à devenir un centre d'édification et de propagande
réformatrice : elle fut reconnue Tan 4113 par lettres patentes
de Louis VI et confirmée Tannée suivante par le pape
Pascal II. L'austère prieur s'était d'abord condamné à une
réclusion absolue ; Hildebert lui écrit, probablement à la
sollicitation de quelques amis, pour qu'il se décide à
entrouvrir la porte du monastère aux étudiants. Nous savons
en effet que, dès 1112, il recommença à donner quelques
leçons dans sa retraite ; la lettre Conversione se place donc
entre 1108 et 1112, et nous ne voyons pas pourquoi Beau-
gendre la rejette à Tannée 1100.
Lettres 56 et 57. — Abélard, qui par sa dialectique
avait fait reculer l'orthodoxie réahste de Guillaume de
Ghampeaux, et qui tirait du nominalisme rajeuni de Roscelin
une nouvelle doctrine, le conceptualisme, Abélard devait
trouver un adversaire implacable en la personne de saint
Bernard. Nous possédons une lettre d'Hildebert à cet illustre
personnage : Balaamuyn ex adore suo (3), écrite à une
(l)A, D, B/4, E/2, F, etc.: Magistro Willelmo de CampeUis. -^
Bruxelles : Manegaldo. (Manegoid fut un maître <Jes écoles de Paris à
la même époque.)
Ci) Son successeur fut ie premier abbé de Saint- Victor.
Ci) B/l : Ad saticlum Beimardtim. — A, D, et Cambrai, Rouen : B,
abbati Ciarevalletisi . — Douai : Ad Bernardum abbcUem Clareval-
— 18H —
époque où avail commencé de se répandre la renoniiriée au
l'abbé de Clairvaux. Hildeberl prie celui-ci (Ip l'admettre au
nombre de ses amis et lui recommande Gibouin (I),
archidiacre de Troyes ; on lui répondit par une lettre
non moins gracieuse (2). 11 est possible encore que Totiim
le mihi aît/nificaali (3), lettre d'Hildebei't à un correspondant
qui avait demandé ce que Jésus écrivit sur le sable au
moment do rendre son arrtH dans la cause de la Femme
adultère, soit adressée â saint Bci'niird (4).
Lettre 58. — £*■ quo veatram promerni noULiam, aux.
frères de Sajnt-Cutbbert de Durham (archevêché d'York) et
il leur prieur Algar (il0&-113«) (5). L'évèque se félicite d'avoir
fait leur connaissance à son dernier voyage Bn Angleterre,
et, faute de pouvoir renouveler sa visite à cause de la
dislance qui le sépare d'eux, leur envoie ce mot d'amitié.
Lettre 59. — Rainoud, moine de l'Ordre de Sainl-
Augustiu, en Angleterre, avait écrit une u Vie de Malcluis >
et l'avait envoyée à Hildebert, qui le remercie et lui adresse
ses félicitations (6).
Il ne s'agit point de Malclius, évéque de Lisinore (Irlande),
qui occupa ce sièjîe h partir de 1134 seulement, mais plutôt
leruem. — Mabillon. dans son édition de saint BemanI (MignP.
t. CLXXXII, ep. 133) rapporte cette lettre aux environs de 11W.
(1) C'était un sermonnaire de mérite ; Jeao de Salisburf (ep, 7I>) el
Pierre le Vénérable |ep. II. 31 et 35} ont taii son éloge.
(3) Higne, Patmi. lai. {Parmi les lettres d'Htldebert, ep. 111, l'J.)
(3) Alias : Nutam.,.. Cf. Texpr. quam totum te exliibeas (Boitamuin) ,
(1) SDf le témoignage du lus. de Douai.
<5) ■ Hildeberlui, Cettomannorum humitii miniiler, Algaro priori
t toliqve conventui fratrum innnoïleHJ Sancti Cuthberli. ■ l.es UaleB
du prieur AJgar se trouvent dans r^nrffia «acra de Wliarlon, I. 786.
(Catalogue des prieurs de Durham. pour faire suite aux Hittoritc
Duneitnenais Kripiaret).
(6) • Hvrii'tHi Ceitotnannortitn aaeerdos ilildebertVK, ïiegiiuildn Bi'oti
t Augustin I moHBclio. ■. Celle lulIrL- esl iluTis Mabillon, ditoftr/a, t. I,
p. 203,
— 490 -
d'un moine et confesseur maronite de la fin du IV® siècle, et
l'ouvrage était sans doute analogue à la « Vie de sainte
Marie TÉgyptienne » par Hildebert (1).
Lettres 60 à 63. — Nous entrons dans la série des cor-
respondants dont ridentité n'a pu être établie ; ce sont
d'abord quatre abbés.
L'un, fatigué de l'indiscipline du plus grand nombre des
moines de son abbaye, s'était démis de ses fonctions au
détriment des bons sujets et leur avait imposé, sans les
consulter, un chef indigne. Hildebert lui reproche cette
conduite, assez durement, comme à un religieux qu'il avait
le droit de réprimander, un abbé de son obédience (2).
Un autre avait eu à se plaindre également de ses moines : il
l'exhorte à leur pardonner à l'occasion de la fête de Pâques.
« Pâque, lui dit-il en substance, veut dire passage ; c'est,
» pour les Hébreux, le passage de TÉgyple en Terre-Promise,
» et, pour les élus, celui de la mort à la vie éternelle ;
» puisse la Pâque marquer pour vous le passage de la
» colère à la pitié I » Le début de cette lettre conviendrait
aussi bien à un sermon, mais cette interprétation, qu'on
trouve dans quelques manuscrits, où elle s'autorise du
voisinage de deux sermons véritables, est démentie par les
lignes suivantes ; il ne s'agissait pas davantage pour Hilde-
bert de pardonner à ses propres chanoines, comme le
veulent d'autres scribes, mais l'évêque donne des conseils
de charité à autrui, et les coupables étaient des moines
(1) Dans rÉcriture, Malchus est le serviteur du grand-prêtre Caïphe,
qui portait la main sur Jésus lorsque saint Pierre lui coupa ToreiUe.
(2) Sans adresse, sauf Londres (Roy. A) : G. priori regularium cano-
nicorum. Il ne peut s'agir de Guillaume de Champeaux, prieur de
Saint-Victor au diocèse de Paris, à qui ne conviendrait pas entre
autres une plirase impérative comme celle-ci : « Si vero lotus grex,
yt quod absit ! vias incedit tortuosas^ nec in sermone tuo requiescit
» inquietus eorum spiritus, prius tamen in auribus nostris eorum
» ponenda causa quam deponenda custodia. »
- nii .
repeDtants : « monasticum suspiTant convenium n (A).
Moine fugitif et repentant <^tait aussi celui que désigne
Con/rater et filiu» veater, lettre adressée à un abbé dont les
initiales varient d'iin manuscrit h l'autre, le B et le G étant
toutefois les plus répétés (2). Peut-être avons-nous affaire îi
GeolTroy de Vendôme, connu par ses rigueurs, auxquelles il
arriva h plusieurs moines de se dérober par la fuite. Mais
rien ne porte à croire que le fugitif, appelé également (J,
soit le moine Jean le Maçon qui, prèle à Hildeberl par
Geoffroy, avait préféré rester au Mans, plutôt que de renlrer
îi laTrinilé. C'est en vain que Ilomniey, faisant violence au
au texte, veut lire C pour G et suppose que cela veut dire :
Cxmeiitarius (le Maçon), comme si CBemeutarius était un
qualificatif dont on interpréterait l'initiale 1 Le contexte ne
fait non plus aucune allusion fi la profession et aux circon-
stances particulières de la fuite de Jean le Maçon ; le moine
incriminé était plus vraisemblablement Guiltnume de
Blazon (3).
Enfin, Si vcra svnt est une consultation ,'i un abbé sur le
cas d'un fif^re qui était lounneiilé pai' les désirs de la
chair {i).
Lettres (î4 et fîû, — Voici deux lettres pour lesquelles,
après avoir fait toutes sortes de suppositions, nous sommes
encore réduit aux conjectures.
La premiëi'e, In regno guident nullus^ contient une réfu-
tation en trois points de cette hérésie, procédant de
(i) A, n, etHome17l : M66o(i. — Londres (Roy. A): D. rûrbati. —
Rouen, Lonilres (Karl.) et [ferlin 182: Sertiio de Paacha Domini. —
Berlin, 184: Ad canonieos ma» prapîer qiiosdani ijtii erant extra
erclesiam.
(2j E/S: Abbati. — A, et Cambrai, Londres (Roy AetCotton.): C.
(i6J>a(i. — [i/4 : ÎK. ahhaXi. — Bji : Bemarda abbati. — Roubo, Berlin et
Londres (llurl.) : H. abbati. — llerne : H. abbati.
(3) l. Ck)nipain. Geoffroij de Vendôme, cliup. V, p. 40.
(4) Sans adresse.
— 192 —
Nestorius, qui niait refficacité des prières aux Saints.
Hildebert argumente au nom de la coutume (consuetudo),
de la dialectique appuyée sur la raison ou sur l'autorité des
docteurs {ratio) et de la vérité évangélique (veritas). Voici
le raisonnement de Vérité, c'est-à-dire les raisons du cœur.
Si les Saints, montés au ciel, ne s'occupaient plus de nous,
c'est que Dieu les condamnerait h cesser d'être charitables.
Or la charité est la loi de l'autre monde comme de celui-ci.
Si vous ne voulez pas invoquer les Saints ni prier par leur
intercession pour les ûmes du purgatoire, vous violez le
principe évangélique par excellence, la charité, en rejetant
les morts de votre communion, et vous ébranlez la solida-
rité universelle des trois Églises, militante, souffrante,
triomphante, puisque vous empêchez les Saints de nous
faire du bien, à nous et aux nôtres. Du même coup, vous
portez atteinte à l'organisation de la cour céleste, dont la
hiérarchie d'ici-bas est l'image. Telle est cette argumenta-
tion ingénieuse, qui commence par faire appel au cœur,
mais où l'on développe des raisons que la Raison seule est
plutôt apte à connaître, et grâce auxquelles le prélat main-
tenait unis le sens de l'autorité avec l'attachement à la loi
d'amour, tandis que l'esprit radical de son contradicteur,
devançant le protestantisme, visait à l'indépendance, au
risque de détruire, avec l'unité de communion de toutes les
âmes passées, présentes et à venir, le principe surnaturel
de la charité évangélique.
Et maintenant, quel était ce personnage, qui se mettait
dans un cas aussi grave, sans que cette opposition aux
doctrines établies ait eu quelque retentissement (1) ? Car la
majorité des manuscrits l'appellent le « moine M. », et do
ce moine M. on ne trouve pas trace dans VHistoire littéraire,
(1) A/1, D : Ad monachum... — A/2, A/J, B/4, et Cambrai, Rome 169:
Ad monachum M. — Londres (Roy. A): M. priori. — Londres (Harl.):
F. Monacho. — Grenoble : Magisiro Roscelino.
— 11)3 —
Le scribe du manuscrit de Londres, s*étonnant à bon droit
qu'un simple religieux eût osé élever la voix avec cette
hardiesse, lui donne à tout le moins la qualité de prieur :
« ^f. priori. » Mais si on veut un champ libre pour les
hypothèses, il y a une explication qui se présente de cette
adresse incompréhensible : a Ad monachum M, » Le plus
souvent, dans les manuscrits, la nasale de la désinence est
abrégée, de telle sorte que monachum s'écrit monac/m ; or
il est possible que le copiste, placé en face de la rédaction
primitive, ait pris pour l'initiale d'un nom propre m. ce qui
n'était sous la plume du premier scribe que la finale du mot
écrit en entier: «ad monaclium, à un moine», adresse
vague et sans portée, équivalant à un aveu d'ignorance, et
qu'on retrouve dans A.*, D.
Le personnage nommé M. étant écarté, reste la rubrique
proposée par le manuscrit de Grenoble, manuscrit du XIl»
siècle : « Magistro Boscelino. » Ainsi, c'est Roscelin qui, du
haut de la chaire de Sainte-Marie de Loches où il enseignait,
aurait émis certaines propositions téméraires sur le culte
des Saints, pour lesquelles il avait eu l'idée de s'autoriser
du nom d'Hildcbert, et cette circonstance ne serait pas sans
rapport avec ce que raconte Baudry de Bourgueil dans sa
« Vie de Robert d'Arbrissel », à savoir que Roscelin avait trou-
vé des partisans de ses doctrines dans le Maine et l'Anjou (1).
Là s'arrête la probabilité, et elle est faible, d'autant plus
que Roscelin était un de ces noms mal famés auxquels un
scribe du XIP siècle était porté à attiibuer toutes les
hérésies, à rapporter tous les scandales.
Voilà pourquoi une autre hypothèse, indiquée par Jacques
Hommey et reprise par Beaugendre, ne cesse pas de s'im-
poser à l'attention. Il propose l'hérésiarque Henri, le seul,
dit-il, qui ait eu avec notre évêque des démêlés sur la
doctrine. A. la vérité, Henri ne semble pas avoir été moine,
(l) BoUand., février. Note.
13
— 194 ~
et, quand Hildebert, dans les Gesta, Iji demande ses titres
et qualités, il répond simplement : « Diaconus siim, je suis
diacre » (1). Mais l'opinion populaire confondait volontiers
avec les moines tous ceux qui portaient le bourdon, et, du
temps de saint Bernard (2), personne ne doutait plus que
rhérésiarque Henri ne fût un moine renégat. Hildebert
reproche à son contradicteur d'avoir osé soutenir que lui,
évêque, partageait sa défiance pour le culte des Saints ; rien
ne saurait mieux convenir à Henri, qui, nous le savons,
profita do l'absence du prélat pour se prétendre autorisé
par lui. L'hypothèse est donc plausible, à la condition qu'on
suppose cette lettre écrite par Hildebert quand il n'était
pas encore pleinement édifié sur les faits et gestes du faux
prédicateur ; sans cela, il ne l'aurait pas pris sur ce ton de
quasi-égalité : «. In regno quidem nullus, in errore autem
» omnis liomo sibi consortem quxrii, — Dans le commande-
» ment personne ne s'avise de chercher un co-partageant,
» dans l'erreur c'est autre chose, etc.. »
Ce qui complique étrangement la question, c'est que nous
possédons une autre lettre adressée au dit moine M.,
pour laquelle l'attribution à Roscelin ou à l'hérésiarque
Henri est impossible ; dans Promi$$am Beatitudini iuœ
paginam (3), le destinataire ne peut être qu'un chef de
communauté
De quoi s'agissait-il encore? D'une coutume liturgique
ré])réhensible, celle de donner à la communion le pain
trempé dans le vin : « Eucharistiam nulli nisi iniinclam
dari. » Seul des apôtres. Judas communia de la sorte, quand
il reçut la bouchée des mains du Seigneur, et cette forme
(lu sacrement, adoptée par l'Église grecque, est condamnée
par Rome, qui veut qu'on administre séparément chaque
(i) Gesla, 97, C.
{'1) S. Bernardi ep. 241.
Ç\) A, H/'* '■ ^/. monacho. — id.y Cambrai, itouen et Lomlres (Hoy. A
et Cotton.). — Sur le sens de pagina, cf. lettres Sivera et Credidi.
— 195 —
Espèce. Là-dessus Hommey et Beaugendre, toujours fertiles
en inventions, proposent, pour rompre l'anonyme décon-
certant du moine M., un autre nom, celui de l'abbé Ponce
de Cluny, parce que le rite en question fut pratiqué dans ce
monastère (1). Ils croient qu'Hildebert promettait à Ponce
de lui envoyer sa Vie de l'abbé Hugues : « Promissam
Beatitudini lux paginam satis et super exspectasti.,. et quo
scripto possum improhare quem approhastis errorem, »
Mais il ressort du texte que cette « page », cet « écrit »
dont parle Hildebert, c'est simplement la présente lettre.
Hildebert prend des précautions oratoires pour amener la
répriitaande : « Periculose delicalus est quisquisy nisi euin
» venustas verhorum demulceat , doctrinœ prœjudicat
» salutari, — Dangereuse est la mollesse de celui qui, faute
» d'être charmé par les caresses du langage, opine contraire-
» ment à la saine doctrine. y>
Au reste, que nous ne soyons pas en face de la Vie de
saint Hugues, il n'importe à l'nypothèse de Beaugendre, et ce
serait bien volontiers que nous supposerions Promissam
écrite à l'abbé Ponce, ce religieux peu austère, ce lettré déli-
cat ; mais où trouver le moindre indice paléographique qui
appuie nos raisons? Eh bien, retenons ce fait que la coutume
du pain trempé dans le vin était pratiquée à Cluny ; quand
mourut l'abbé Ponce, Pierre le Vénérable, son successeur, fit
venir de Saint-Martin-des-Ghamps le prieur Mathieu, reli-
gieux connu pour son austérité, et le chargea de réformer les
abus qifi s'étaient introduits dans le monastère (2) ; Mathieu
ne devint pas prieur de Cluny, mais il fut chargé d'une
mission temporaire à la suite de laquelle il retourna à Saint-
Martin - des - Champs. Je suppose qu'Hildebert, apprenant
qu'il laissait subsister la pratique blâmable dont nous avons
parlé, écrivit à ce sujet au moine Mathieu : « Af. monacho ».
(1) S. Udalricus. Antiquiores consuetudines Cluniacensis monctëterii :
dans d'Achery, 1. 1, p. 678 b (éd. de 4664, t. IV).
(2) Gallia, t. VII, p. 520 et Pignot, Hist. de VOrdre de Cluny.
— lî)6 —
Les précaulions oratoires dont il s'entoure sont assez de
circonstance pour excuser sa liberté de parole, et l'ex-
pression approhastia^ qui paraît s'accorder mal avec la forme
Tu de BealiUidini Tiix, s'expliquerait par le fait que, dans
remploi du pluriel, Hildebert associe à la décision de Mathieu
la personne de son abbé : « lui et toi, vous avez approuvé ».
Voilà tout ce que, au sujet de ces deux lettres, nous
avions à proposer aux réflexions du lecteur. Pour finir, si
l'on répugne à expliquer par des hypothèses différentes
deux rubriques aussi semblables que « ad mo7iachum M. »
et ce M, monacho », on est libre d'admettre que l'adresse
était faite pour Protnissam Beatitudini seulement, et
(ju'elie se sera égarée par une erreur de copie du premier
scribe sur la lettre In regno^ restée dépourvue de la mention
de son destinataire, l'hérésiarque Henri.
Lettre 6G. — Prxter offîcium est est adressée « F.
decano » (1). Hildebert y raconte à son correspondant qu'il
a été visiter pour lui un ami dans sa prison, ce qui ne nous
donne aucun renseignement sur la personnalité du doyen.
Doyen de cathédrale, doyen de chrétienté (2), doyen de
monastère, doyen-écolâtre, qu'était-ce que ce doyen F.? Les
indications combinées de deux manuscrits nous porteraient
à croire qu'il était doyen-écolâtre ou scolastique de Saint-
Martin de Tours, abbaye qui possédait des écoles célèbres.
Lettres 67 et 68. — Ce sont de simples billefe. Dans
Commeantiimi raritas, Hildebert reproche au destinataire
la rareté de ses lettres et lui demande que, s'il n'écrit pas
souvent, il écrive du moins longuement. Le manuscrit B* et
ceux de Rouen et d'Oxford portent : « Marhodo » ; mais
(il A, I), E/2 : F. decano. — Id.^ Berlin, etc. — Londres (Roy.) : F.
decano S. Mai^tini. — Berne : Scolaslico. — B/4 : P, decano,
(2) C'est-à-dire curé doyen ; le mot curaluSf curé, n'existait pas
encore au XII« siècle.
it.-J
— 197 -
notre éditeur, estimant que les communications ne devaient
pas être difficiles entre le Mans et Rennes, rejette cette
solution, qui n'est pourtant pas invraisemblable, car il a pu
arriver que, pour une raison ou pour une autre, les mes-
sagers fussent plus rares que de coutume entre les deux
villes. La même objection se présente naturellement pour
l'adresse qu'on lit dans E* : «au prieur de Chartres».
Enfin, F et les mss. de Troyes et de Bruxelles donnent :
« M, reginœ », mais le ton est trop intime pour qu'on sup-
pose le billet adressé à la reine d'Angleterre. Beaugendre
propose donc saint Anselme, sur l'autorité du manuscrit
d'Évreux, aujourd'hui disparu ; mais j'hésite à le suivre. Il
me semble qu'Hildebert eût employé de préférence l'expres-
sion transfretanthim raritas pour désigner un voyage
maritime, et de plus a-t-il jamais pu se défendre en pareil
cas de jouer sur les mots, de dire que toutes les ondes
réunies de la mer n'éteindront pas le feu de sa charité, ou
quelque chose d'approchant? Bref, l'attribution à Marbode
serait celle que nous adopterions, si nous ne préférions
encore nous en tenir à l'anonyme des mss. A, D : « Amico ».
Quant à Si bene tihi est, toute rubrique fait défaut;
Hildebert y raconte à son ami que, depuis la Saint-Laurent,
il a été affligé de fièvres quartes, et l'assure de son dévoue-
ment.
Lettres 69 et 70. — Enfin, avant d'aborder une autre
partie de cette correspondance, nous mentionnerons deux
lettres qui, sous une forme épistolaire, ne sont pour nous,
faute de renseignements, que des réflexions morales ano-
nymes : Eos qui obsequioirum sunt immemores (1), où
(1) A : Salutare est canitiem et œtalctn sensu pariler et cofisilio
superare. — D, C, D : Salutein, et œtatem sensu pariter et consilio
super are. Eos qui.,..
— 198 —
ringratitude est flétrie, et Plerumque humanis ohrepit tneii-
tibus, sur le devoir que nous avons de pardonner aux morts
et de guérir par l'esprit de charité les blessures de notre
amour-propre.
Lettres de DmECTiON 71 à 77. — La transition, entre
les lettres concernant les membres du clergé et celles
où Hildebert parle de choses temporelles aux rois et aux
reines, s'établira par un certain nombre d'épîtres qu'on
peut appeler lettres de direction , puisqu'elles furent
écrites pour des dames qui entraient en religion. Ce
sont dans Beaugendre, au livre le"", les n®» 4, 5, 6, 10,
13 et 21.
Les scribes du moyen âge se préoccupent peu de savoir
à qui ces lettres furent adressées. « Congratulatio mulieri
» religionem ingressœ », a Cuidam feminœ quœ^ cum esset
» uxor militis^ fieri maluit sponsa Dei », « Exhortatio ad
y> religiosam », « A. reclusœ >, telles sont les indications foit
vagues qu'on lit dans la plupart des manuscrits. Ces moines,
nos copistes, étaient en somme assez égalitaires ; princesse
ou non, la femme qui entrait en religion était pour eux une
ûme quittant le siècle' pour se vouer à Dieu ; il y avait com-
munauté de vœu dans le renoncement, toutes étaient pareil-
lement humiliées devant l'autel ou également anoblies par
leur mariage avec le Christ ; les personnes disparaissaient,
il restait des cas d'édification : autant de « beaux cas »,
disent nos chirurgiens de leurs patients, grands ou petits...
Beaugendre devait entendre les choses tout autrement. Dans
son zèle de panégyriste à l'endroit d'Hildebert, il ne peut
admetti'e que l'évéque ait écrit des lettres édiflantes à
d'autres dames qu'à des reines et à des comtesses, et, sous
ces rubriques quasi anonymes, il a découvert trois prin-
cesses : Agnès et Adèle, veuves des comtes du Mans et de
Blois, et Mathilde, belle-fille du roi d'Angleterre. Mais
— 190 -
reprenons les lettres une h une, par l'examen du texte et
des suscriptions.
Egredienti tibi et Quod te Dominant ont une suscription
à peu près identique.* « Hildehertus Cenomannorum episco-
» J9MS, A. ancillœ et filiœ Christi, suœ quondam dilectœ,
» nunc autem dilectissimœ , honnm exiluni de hono promereri
» principio », dit la première (1), et la seconde : « Ilumilis
» Cenomannorum episcopus //., A. suse dominœ atque
» dilectXy honos eventus ex bono promereri principio (2). »
11 semble donc qu'on doive, à moins de preuve du contraire,
reconnaître dans la personne nommée A. par ces deux
adresses la même correspondante.
Beaugendre tient pour Agnès, fille de Guy Geoffroy
comte de Poitiers, veuve en premières noces d'Hildefonse
roi de Castille et en secondes noces d'Hélie comte du Maine,
à qui elle fut mariée un an ; il dit qu'elle se retira alors
dans un monastère, mais sans indiquer lequel, et sans nous
apprendre d'où il a tiré ce renseignement, dont je ne trouve
nulle part confirmation. Il donne encore comme argument
cette expression de l'auteur, « snse dominx, sa souveraine »,
c'est-à-dire la femme de son seigneur Ilélie, mais celte
interprétation littérale d'un terme honorifique n'est pas
justifiée.
Je préfère Adèle ou Alice (3), comtesse de Blois, avec qui
Hildebert correspondit en vers (4) et en prose (5), pendant
qu'elle gouvernait au nom de son fils, et qui se retira au
(1) En plus de cette suscription, A : Congratulatio mulieri. — Rome :
Cuidam dominœ. — Rouen et Londres (Cotton. et Roy.): A. œmitissœ.
(2) A, D : Cuidam feminœ quœ, ctim esset luror fnilitis, etc. - Rome,
171 : Cuidam dominœ. — R/i : A. œmitissœ. — Arsenal: A. rcginœ
Anglorum.
(3) Adela^ Adclais, Aalis, Alix.
(4) B. Ilauréau. Mélanges poétiques d*Hildehcrty pp. 130 et 204.
(5) Voy. le paragraphe suivant (3" série des lettres).
— 200 -
couvent de Marcigny près Cluny , en 1122. Je serais
disposé à lui rapporter également deux lettres d'une
attribution douteuse, Quoties qux (1) et Confidimus (2),
dont la première s'adresse à une comtesse (le texte
Taffirme ) (3) , et l'autre à une personne de haut li-
gnage (4) qui ne peut être Agnès , puisque celle dont
il s'agit eut des enfants , et qu'Agnès n'a eu d'enfeints
ni de son premier mari, ni du second. Bref, Tordre
des lettres à Adèle semble devoir être établi de la
façon suivante :
1® Egredienti tihi de medio iiationis est contemporaine
du moment où elle vient de prononcer ses vœux. Elle a
hésité, pour savoir si elle irait en Terre-Sainte comme feu
son mari Etienne de Blois, ou si elle entrerait au monas-
tère. C'est ce dernier parti qu'elle a suivi, et Hildebert l'en
félicite.
2® Quoties qux circa te aguntur audio, L'évêque a appris
avec allégresse qu'elle s'engageait dans la voie des morti-
fications et des luttes contre soi-même ; il lui fait le tableau
des vertus chrétiennes d'après saint Augustin, il lui trace
un idéal de conduite.
3<» Confidimus in Domino. Plus sûr de l'attention de sa
pénitente, il reprend la leçon et la développe ; il insiste sur
les dangers de l'orgueil, le plus rebelle des péchés.
(1) A, D, B/4, et Londres (Cotton. et Roy.): A. sanctimoniali, —
Londres (HarL) : Congratulât io de conversione cujxisdam comitissœ.
(2) K/2, Ars. : Ad vidiiam. — A, D, et Rouen, Rome : Ad A. viduam.
— Londres (IlarL), Oxford : A. comitisfœ. — Londres (Roy.) : Adenordi
(pour Adelaidi, Alice?).
(3) « De splendidissima et constipata cuneis obsequentium comitissa
humilem monacham... »
{\) « Kœquentatas a cunis delicias, obscquiorum diligentiam
Ccoteraiiue oninia, (iiue tibi... liccntia potestatis aut fastu generis vel
cognationis acces.serunt. »
- 201 -
4" Quod te Dominam appello (1). Adèle a fait de grands
ftprogrès dans la voie de l'humilité, elle s'est initiée ii
fesprit monacal. Ausai le langago du directeur est plus
mystique. Il ne lui parle plus de son titre de comtesse,
mais lui dit qu'elle a été la femme d'un chevalier, d'un
Wldat : militis, qu'il oppose à son nouvel époux, le Roi du
tiel (2). a Si je vous appelle Madame, lui explique-t-il
» encore, sactiei! que cela est -.m elTet de votre mérite (3)...
B> L'épouse de mon Seigneur (le Christ) est ma Dame i...
■Plus loin, il ne craint pas de la mettre en parallèle avec les
[randes pécheresses, et, comme elle avait été jusqu'à se
K^emander si elle était digne de servir Dieu, il la rassure et
i console.
A cette catégorie appartient une autre lettre de môme
Voature, Caudium mihi exuberat, qui est parfaitement
ft-lnonyme (4), Beaugendre déduit des paroles de la fin,
Kt filiae et aoroyes litas ex nostra parle aaluta g, que
^la correspondante est ici une abbesse. Cela est vraî-
Bserablable, et même que l'initiale de son nom soit une
I,, comme on le voit dans un manuscrit de Londres et
somme Beaugendre a pu le lire dans un des siens, mais
lous ne conclurons pas qu'il s'agisse de Matliilde, petite-
nie d'Hélie et veuve de Guillaume Adeling ; car celle prin-
isse ne devint abbesse de Fontevrault qu'en 1150.
[.(1) Appellan
BC. tV, Vi
ir Téreiice (Heeijra,
.. Hune eiden- smpe optabamu» die\
le appeltaret palrein.
i vceux le jour oi
n petit
: ... Combien iiotis avons appelé de n
e viendrHit (e numiner son père 1 *
, (S) • Ad Hejjis umplexus de cubiculo militis troducla es... ■
I ÇS) Au sens ItjL'iilogique ; na que Tait la créature d'ello-iuéine pour
T au-devunt do lu grâce divine.
\ <4) A, : Ejihortaluiadreliguaam. — Home, 17i . Caidam abbatiua.:
•- Londi'eH(iloy.>: il. abbaliasiK.
— 202 —
Tout ce qu'on peut dire de Consideranti mihi votxim
tuum (1), c'est qu'elle s'adresse à une vierge.
Enfin, citons la lettre Célèbre solatium (2), qui nulle part
ailleurs ne trouverait sa place. Hildebert y console une
religieuse, victime de la calomnie, et lui promet d'exposer sa
cause au pape Innocent, à son passage dans les Gaules. Or,
il le vit à Fleury, Orléans, Chartres, Étampes, en janvier
1131 ; cette lettre est donc d'environ décembre 1130.
TROISIÈME SÉRIE
Lettres concernant les rapports d' Hildebert avec les maisons de BloiSy
d^A)%jou et d'Angleterre (3).
78
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91
)
Elles sont adressées à :
Adèle, comtesse de Blois.
Guillaume le Roux.
Mathilde,
reine d*Angleterre,
femme d'Henri l*^.
Henri I*s d'Angleterre.
Adélaïde,
2« femme d'Henri !•'.
Mathilde, fille d'Henri I".
Henri I*% d'Angleterre.
Geoffroy le Bel. c»« d'Anjou.
Absentia mariti.
Absentia manti.
AttritsR frontis.
Cum viderit lilteras.
Audita per prœsentium.
Locorum vel tetnporis.
Gratulor Honori Txio.
Difficile est discrète,
Cum bene multis imperes.
I Cum sitscepetHs hanc.
( Transfretare tibi.
Nota loquor.
Exspectans exspectavi.
Ad memoriam BeatiJacobi.
1101.
1103-4104.
1100.
1100.
1100-1118.
Id.
Id.
Id.
déc. 1120.
1123-1127.
1125-1127.
1129.
Fin 1131.
1131-1133.
PP. HF.
PP. »
PP. »
Engl. histor
PP. »
PP. »
PP. >
PP. n
PP. »
PP. »
PP. Alford.
PP. »
d'A. HF.
PP. D. HF.
1,3.
m, a
m, 2.
. Review
III, 11.
m, 12.
I, 7.
I, 9.
I, 12.
I, 14.
I, 18.
ni, 14.
II, 46.
I, 15.
(1) Grenoble : Cuidam inclusœ. — A, D, B/4, F, et Ars., etc. : A.
reclusm. — F. l. 2915 : Athalisœ reclusœ, — Bruxelles : Abbatissœ
reclusie.
(2) A/2: Moniali confortatio. — Douai : Ad quamdam cibbatissam. —
Home, 169 : A. abbatissse.
(3) Pour les abréviations, voyez la note au tableau de la première
série.
- 203 —
Les lettres de la troisième série représentent l'apport de
noire Hildebert à l'histoire des cttmtes de Blois et d'Anjou
et à celle des rois d'Angleterre, alors mêlées l'une à l'autre.
Lettres 78 et 79. — Nous retrouvons la comtesse Adèle,
dans la période de sa vie qui précéda la retraite dont il vient
d'être question.
C'était la lîlle de Guillaume le Conquérant. Son mari
Etienne, comte de Blois, était parti à la croisade avec
Kobert de Nomiandie ; il assistait en 1097 au siège de
Nicée où il se distingua, puis il manqua de constance
il Anlioche et quitta l'armée honteusement. A son retour,
sa femme n'eut point de cesse de lui reprocher sa lûcheté,
qu'il ne reprit la mer ; il repartit (llOi) et mourut en
Terre-Sainte l'année suivante. Adèle, régente du comté
de Blois, continua à gouverner au nom de son flls cadet,
ayant déshérité t'alné, qui fonda une autre maison, celle de
Sully-Champagne ; elle finit par se retirer dans un mona-
stère (1132). Dans sa lettre à la comtesse prenant le voile (1),
Hildebert insistîiit sur les dangers du péché d'orgueil ; on
voit que ces exhortations n'étaient pas superflues, a'adres-
sant à une femme qui avait si prestement renvoyé son mari
pour continuer de commander à sa place, et déshérité son
Ois aîné comme trop pou maniable.
Les lettres h Adèle (2) dont nous devons nous occuper
ici, commencent toutes deux par la même phrase : « Abeentia
mariti taboriùsior tibi cura consulaius incuhuit. > A en
juger par ce préambule, elles auraient été écrites du vivant
et en l'absence d'Etienne, c'est-à-dire en 1096 ou 1097, IIM
ou 1102 ; c'est ce qui se ti'ouve confirmé, pour la première,
, par l'examen du texte. Hildebert y félicite la comtesse du
I talent qu'elle déploie dans ie gouvernement de ses Ëtats, et
(1) Confidunu» in Dominn (»' TJ|.
(3) Douai: Ad •luamdam Boinitiaiam. — A, U, B/4. E/2, et .\rs..
' I. — Htuxelles: iieyiriie Aiujlonitii.
— 204 —
la loue aussi des qualités toutes féminines par lesquelles
elle est sûre de plaire toujours à son mari.
Dans la seconde lettre il lui demande une escorte,
conductum^ pour se rendre au concile, s'autorisant dans sa
requête de ce qu'elle avait accordé pareille faveur à Yves
de Chartres. De quel concile voulait-il parler? Celui de Poitiers
en 1100, suppose dom Piolin(l), et cet auteur explique
que c'était la pénurie extrême de l'église du Mans, consé-
quence de l'invasion normande, qui avait déterminé l'évêque
à cette démarche. Beaugendre avait songé plus naturelle-
ment au concile de Troyes, en 1104 , car les domaines
d'Etienne s'étendaient de Chartres jusqu'en Champagne,
dont le comte régnant était son frère ; mais comment
justifier l'expression : « en l'absence de votre mari » ?
Au moment du concile de Poitiers, Etienne résidait dans
ses États, et, lors du concile de Troyes, il avait cessé de
vivre.
La question est résolue par les textes. En effet, nous
possédons la lettre où Yves de Chartres (2) sollicitait la
faveur d'une escorte, par l'entremise du cardinal - légat
Richard, évêque d'Albano. Cela se passait au printemps
de 1104 ; un concile était convoqué à Troyes pour donner
l'absolution à Philippe I®»", qu'on croyait disposé à rompre
ses relations criminelles avec Bertrade (3), et Yves cherchait
les moyens de gagner la Champagne sans s'exposer à la
colère du roi, qui aurait pu se venger de son humiliation en
mettant la main sur le prélat. Il est naturel qu'Hildeberl
ait voulu profiter des mêmes sûretés.
Quant à l'expression ahsentia maritiy nous croyons qu'elle
(1) D. Piolin. Hist, de Véglise du Mans, t. III, p. 451.
(2) Yvonisep.UX, à la fin.
(3) Brial, dans la préface au tome XVI des Historiens de France :
Docunnents relatifs à l'excommunication de Philippe I", p. xcii. Les
projets de réconciliation n'aboutirent pas; on ne sait au reste si
Hildebert se rendit à ce concile,, dont les chartes ne le désignent pas
personnellement
- 205 -
Cril le tait d'un rfiinamement de la lettre, qui s'étend jusqu'à
Ejiiseopo Camotensi. On remarquera en effet que le sens
est parfaitement comi.ilet, à partir de ce point. Le préambule,
imite de l'autre lettre Abnenlia mariU (1), fui ajouté posté-
rieurement, soit par Hildebert quand il collectionna ses
œuvres, soit pai- un scribe habile h contrefaire son style (2),
rili, Inboriosioi- tibi cura cotisulatiie inculiuît. Ea eniro
non mogis animo quam corpore ad divei-sn te demigrare coinpellil.
Incertiia îgitur ubi locorum invenirem te, certusautem quod hunestntis
olisËfiuia iibique invenirem apud te, domi residena ad daminatii litteras
dedi, quaruni sumitia hœc est :
Episcopo CarnotenEi conductum, sicut Fertur, provîdislï ad [:onciIitim
protecluro. Qiiod si ita est, pnefatae gratis beiielicium niihi cammu-
nices exoro. Sjrmmachus dicil : <i Ex usu venit, ut opem desiderantea
ml suffragia probala confugiant. * Eaprcipler ad tuum patrociaium
transvolavi, quie Iota super reminain, et exemplum virtutis es et
instrumentum. Vlvunt in te Imiiœ aœdull reliquite, per quam et sexus
reapiratad gloriam, et geniis etabentem retlncL dignitateui. Arguerer
mcndacii, nisi cujiisque optimi mecum in hoc judicium conveniret.
Lettre 80. — Quant à la date proposée par dom Piolin,
elle est applicable à la lettre jlltrilœ/^ronljs (S), oti Hildebert,
arguant de sa détresse, demandait instamment à la comtesse
de Blois qu'elle lui fit cadeau d'une chasuble. Planeta, dit
le texte ; car ces vêtements affectèrent à l'origine la forme
ronde d'une planète, avec une ouverture au milieu pour
passer la tète, et on commençait seulement depuis le
H) Voy. partie de cette lettre au chapitre suivant.
(S) J'avais songe â tourner l'expression, en la traduisant de tacon
TnoÏDS llltérale : i en ral)3ence d'un mari, ù déraul de mari, les graves
soucia du gouvernement retomtwnt sur vous. * Mais l'hypotlièee
qu'Kildet>ert aurait employé deux [ois la même expression dans un
sens ditTérent k la même place, n'est guère sa lisfai santé. — On peut
encore se demander s'il connaissait à la lin de M(Q l'ûvènanient sur-
venu vers le 1" juin de l'année précédente ; mais la bataille de Ramla,
qui coûta la vie à Etienne, avait été assex désastreuse, pour que le
bruit s'en répandit aussitôt en occident.
(:i) A. D, B/t. E,'2: A. comilissœ. — M., .\rs., Iloiieu. el Oxford,
■tome. — Douai : Ad reginaiii Atvjlorutn.
— 206 -
XP siècle à préférer les chasubles ovales, comme plus
faciles à porter (1).
Lettre 81. — Nous passons à la famille royale d'Angle-
terre, et le moment est venu de placer la lettre à
Guillaume le Roux, demeurée inédite jusqu'au i^^ avril
dernier, époque où elle fut publiée dans VEnglish historical
RevieWy avec une notice de Thonorable M. Gilson.
Le savant bibliothécaire du British Muséum dit que c'est un
document intéressant pour l'histoire des démêlés du roi d'An-
gleterre avec le clergé du continent, et en particulier avec
l'église du Mans, mais il ne conclut pas formellement que
l'évêque ait réussi à éluder jusqu'à la fin les ordres de Guil-
laume, touchant la démolition des tours de la cathédrale.
Pour nous, qui avons longuement pesé les termes du récit
des Gesta^ il ne saurait plus y avoir de doute ; la lettre est
de 1100, et voilà bien le détail des négociations reconstitué,
voilà bien les temporisations dont parle le chroniqueur, en
disant qu'Hildebert sut les prolonger jusqu'à ce que le ciel
intervînt en faisant périr le tyran (2). Notre prélat eut le der-
nier mot : gloire à sa diplomatie ! On regrettera quand même
qu'il ait rejeté misérablement sur l'assemblée de son clergé la
responsabilité de la résistance, au lieu de l'assumer haute-
ment. Postumius, général romain, après avoir souscrit sous
les Fourches-Caudines aux conditions de l'ennemi, lui opposa
ensuite, sous le prétexte des refus du Sénat, une fin de non
recevoir, et s'offrit en holocauste pour la violation du traité :
telle fut la tactique d'Hildebert, avec moins de dissimulation
peut-être, mais aussi, hélas ! sans la fierté romaine.
Voici la lettre en question :
W. (Willelmo) D. g. regi Anglorum suoque domino charissimo, I.
(Udebertus) Cenomannorum cpiscopus, salutcm et regnare cum
Christo in sempiterniim.
(1) Voy. Viollet le Duc, Dictionnaire du costume, au mol chasuble.
(2) Voy. notre 1" partie, chapitre II.
Cum ïiJeril lilleros meos dominus meus, attendol in litleris el
lacrymas meas et siispiria mea dominus et consolalor meus ; nec
exerceal in servo euo vim quam me meniisBe conliteor, sed ex clemen-
lin mitigetur, qua nihil in principe gloriosius cet. Ouorsum aiiteni
tendant bsac in promplu est. Uum îii nostrasynodo sîcut eoiisuetu-
dinis est residerem, mulLsque attollerem pr^econiis illud precioaum
vas, quod pro liuuiilianda turre mntrîs eccleBiii: ad reeondendum
IleatiBsimJ Juliani corpus regia vestra UberaJilas promisit, magno
afTectu eacerdolibua indioens ut unuaquisque in sua hoc perrochia
pra^dicaret, plebesque suas docerent ijuam utiliter, domine mi rex,
ecclesix vesiric provideritis, quantumque dninDiim et ecclesiœ et
nnliis et vobia en prtedicta turre succreverit, tanla in noe orta est dis-
seiiBJo, tantuni scandalum, ut fera plus quam quinge-iti sacerdoles
synodum exirent, alleslantessenullam nobis ot>edientiam impenauros,
nnltaiD eccleaiee reverentiam, ai ego, cujus est domum Domini tueri,
eom ipae desiruerem, et exemplum deatruendi alias eccleaîas pne-
berem. In eo etenim auctoritatsm amittebant et ipsi resislendi viola-
toribus eccleaiarum Dei et bis qui, uulla coerciti diaciplina, nullo
timoré commoti, passira et fréquenter in nostra diocesi ecclesias
invBdunt, frangunt, ince[n]dunt, si ego hoc facere prsBumerem, quod
ne lieret sub excommun icatione probibebam. Multi etiam eorumdem
saccrdotum elemoayuas reportaverunl, quas contratrea et beneractores
ipsi miserant ecctesice. Vïderunt hoc Hdeles viri, viderunt inquam et
audierunt, quibus et quantis persuasionibua luciatus sum (1) lenire
reclunianles, clumorem reprimere, nihiique perfecerini. Supplex igitur
extendo manus tneas ad genua domini mei, rogalurus ut pro solo
amore Dei et honore dignitatisregiiBBuam mulet sententiam.Provideat
milii et ecclesieo Dei procuret ne vel ego auctoritatem perdam re^ia-
tendi violutoribuB ecclesiarum Dei, vel ipsœ ecclesiœ tam Eublimem
regem auœ principium senliunt destructionis.
l'rietereo attendat dominus uullam ulinnde vim, nullam justiliam
qiia reprimantur maleFuctores ecclesiarum Christi , niai ecclesiam
vestram inatrem nostram, habere (2) , quic tiliabus suis quibus
prodesae débet auxilio nocebit exemplo, si vobia in vestro placel
proposito demorari. Ego quoque, solo nomlne Culurus epiacopus,
nec in jaîoos nec in sacerdotes ecclesiasticam tueri potero censuram,
cnm utrique nos non tantum viderînt non tutorem illius sed etiam,
quod ad ordinis noairi ruînam pertingit, destructorem. Nulla itaque
voluntate resistendi domino meo commotus, nulla suorum beneFac-
lorum oblivione delentus, sed sola neceasitale et angustiia, qufe mihi
multo majores quam dici posait eminent, coactus, iterum atque iteruni
rogo ut audire me iligiietur, lacrymas meas aspiciat, velit servum suuro
et tidelem suum non amittere auctoritateni ordinis sui, quem multis
Jte
- 208 —
cognovi indiciis et laetari et velle me bene agere et per omnia sacri
ordinis instituta conservare. Proinde quid me vel facere vel pati
voluerit dominus meus eligat, mandet, pro certo habens, et tanquam
si sub oculis suis sub sacrosancta ir.ysteria jurarem ratum eredens,
quia, quicquid vel facturus sit iu me vel jussunis de me vel missurus
me, nunquam fidelitati illius renuntiabo, nunquam de damno laetabor,
nunquam quaeram, ratus fore mihi potius ut alicubi, tam procul ab
hostibus suis et familiaritate et loco quam a regno suo, Deo serviam,
animae me^ prosim, exspectem tam misericordiam Régis Angelonim
quam clementiam Régis Anglorum. Regnet dominus meus in aeternuni.
Lettres 82 à 85. — Les rapports d'Hildebert avec le
successeur de Guillaume le Roux et sa famille furent moins
troublés. Henri l^^ ayant épousé, au mois de novembre de
l'année 1100, Mathilde, fille de Malcolm roi d'Ecosse, il
adresse à cette reine les quatre lettres qui suivent.
Audita per prœsentium latorem (1), dans les manuscrits
B/2 et B/5, au lieu de se terminer comme dans Beaugendre,
continue ainsi :
De cetero, priesentium latorem, fratrem et filium nostrum Robertum,
Tuœ Majestati commendo. Cujus si tibi placuerit obsequium, bene de
te, nisi fallor, sedulilas merebitur obsequentis. Magna quidem postule,
sed regina M. majora meritis impendere non desistit. Vale.
Inter opes et delicias populique favores.
Hoc animus recolat. hoc tua lingua sonet :
Mors dominum servo, mors sceptra ligonibus sequat,
Dissimiles simili conditione trahens.
Ces vers sont dans Migne, mais parmi les « poésies
mêlées » (2), sous ce titre : De Morte. On voit que l'auteur
les avait composés pour la reine d'Angleterre, à la fin de la
lettre Audita per prœsentium latorem (3).
(1) « Humilis Cenomannorum minister Hildebei*tus, Mathildi venera-
» bili Anglorum regina3. »
(2) Carmina miscellanea. Beaug., p. 1364. Baluze, ms. 120, f. 298.
(3) Et non Ad ilUiut stare dexteram, suivant le titre de Migne,
car cette formule fait partie de la suscription. La citation complète
serait : « Adstitit a dextris tuis regina in vestitu deaurato circumdata
varielate (PsaL XLiv, 9). »
— 201) —
Locoi^m vel temporis incommoda (1) est un simple billet
dans lequel il se félicite, pour lui-même et pour l'Église, de
savoir la reine en bonne santé, et l'jissure que, en dépit de
l'océan qui les sépare, il lui conservera le même dévoue-
ment. Grattilor Hoiiori Tuo (2) est plus développée qu'un
simple billet, mais ne dit rien de plus précis. Enfin, Difficile
est discrète (3) nous apprend que la reine avait fait présent
à l'église du Mans de deux candélabres d'or : l'évêque la
remercie de sa générosité et lui explique, avec son talent
ordinaire, le sens mystique attaché, selon lui, à ces objets
sacrés (4). Mathilde, reine d'Angleterre, mourut en il 18.
Lettre 86. — A la fin de novembre 1120 se place le
fameux naufrage de la Blanche - Nef. Le fils d'Henri I^"^,
Guillaume Adeling, sa belle-fille Mathilde (5), plusieurs autres
membres de la famille royale, avec une suite de trois cents
personnes, précédaient le roi, pour aller de Normandie en
Angleterre. Cette jeunesse, au lieu de se garder, s'amusa
étourdiment, et le navire sombra par une mer calme sur un
récif. Hildebert adresse à Henri 1°^ une lettre de consola-
tion (Cum, hene multis imper es) (6).
Certains manuscrits (7) y joignent le développement qui
commence par : Consideranti diligentiua ; d'autres en font
deux lettres séparées (8). Il est certain que les considéra-
(1) Bruxelles : Reginœ Anglise. — Rouen, Rome : M. reginœ. — A, D,
B/4, E/2, : M. reginœ Anglorum, — Douai, Oxford : Mathildi reginœ
Angliœ.
(2) Mêmes adresses que la précédente.
(B) (L Humilis Cenomannorwn sacerdos IlildebertuSy M. venerabili
» Anglorum reginœ. »
(4) La reine Mathilde fit également don à Cluny d'un candélabre tout
revêtu d'or (Vacandard, Saint Bernard , p. 117) ; elle donna des cloches
à Yves de Chartres (Foucault, Yves de Chartres^ p. 7i).
(N) Henri I«r eut dans ses proches trois femmes du nom de Mathilde,
Mahaut ou Maude : sa femme, sa fllle^ sa helie-fille.
(6) Régi Anglonim.
(7) B/1, BA B/4, B/6, D, E/1, E/2.
<8) A/1, A/2, AA B/2, B/5, C, I.
14
— 210 -
lions de la première partie sont déjà suffisamment longues,
et qu'il n*est guère de circonstance, pour un homme
accablé de douleur, d'aller lui expliquer doctement la
dilîérence qui réside entre l'homme et l'animal ; néanmoins,
cela fait une suite à l'exposé des conséquences du péché
originel, et, si la dissertation se traîne, le début de la lettre
n'est pas moins froid et déplacé. Disons à la décharge
de notre raisonneur, qu'il s'acquittait d'une besogne officielle
et ne croyait pas beaucoup aux démonstrations hypocrites
du roi.
Lettres 87 et 88. — C'était l'orgueil blessé qui saignait
le plus chez ce prince. Ardent protecteur des biens de
l'Église et jusque-là béni du clergé, il voyait avec dépit le
peuple et les clercs murmurer tout bas que Dieu avait cessé
de le favoriser, et que sans doute la feue reine, malheureuse
par sa faute, avait jeté un sort sur son fils et sur lui. La mort
de ce jeune homme et unique héritier du trône, en pleine
mer, loin de toute sépulture chrétienne, n'était-elle pas un
cliAtiment céleste ? Henri se remaria, pour avoir un autre
héritier, en 1121, avec Adélaïde (i), fille de Geoffroy comte
de Louvain.
Cette princesse, ne lui ayant pas donné d'enfants,
souffrit beaucoup, semble-t-il, de la part d'un homme aigri
et qui ne l'avait épousée que dans ce but. Elle s'était plainte
à révéque du Mans et lui avait demandé que son église,
l'adoptant pour fille, lui fît une part dans ses prières.
Déférant à ce vœu, il lui répondit par ce qu'on appelle
une lettre d'affiliation, et lui remontra tout l'avantage
qu'il y aurait pour elle, devant le tribunal de Dieu, à reporter
sur les pauvres d'Angleterre ses affections maternelles (2).
(1) Adelais. L'usage a conservé ici la forme savante Adélaïde au lieu
de Alice, Adèle.
(2) Home 169 et Londres (Roy.) : M. matronac nobilissimae. — A, D :
Cuidam matronœ. — Douai» Poitiers : Ad quamdam matronam nobilis-
Cum sutceperis se place entre 112.1 et H25, plus ou moins
tfll selon que la reine se désespéra plus ou moins vite.
Hildebert lui écrivit une seconde lettre de consolation, où il
se qualifiait archevêque de Tours (entre 1125 et 1127 (1),
Ti'ansfrelare).
Lettre 89. — En 1127, Henri 1"'' trouva un biais ; il fit
reconnaître pour son iiériLiêro sa fille Mathilde , dite
^ I l'Emperesse > parce qu'elle était veuve de l'empereur
L d'Allemagne Henri V, et donna sa main à Geoffroy le Bel,
r comte d'Anjou. Cette union fut d'abord assez orageuse ; dès
Via première année de son mariage, la comtesse se sépara
ï d'avec son mari. Voilà pourquoi Hildebert, dans Nota
Isloquor (2), demande à Malhilde, probablement réfugiée en
iNormandie, de l'instruire de ce que l'on pense d'elle en
I Angleterre et de la façon dont le roi supporte l'injure laite ii
» fille (3).
Lettre 90. — A l'assemblée de Northampton (8 ^'<-- 1131),
comte d'Anjou obtint d'Henri I"' qu'il lui rendit sa
femme, abandonnée par lui en 1129. Cette réconciliation
it célébrée dans notre lettre Exipectam exspectavi (4), et
r«tmam. — &.fi (en plua) : A comitiatimas <sic). — Beatigendre cite un
ïiniuiuscrit de Saint-Victor qui désigne comme destinataire la reine
[d'Angleterre, et le contenu île la lettre juslille assez celte attribution,
Pnais pour Adélaïde, non pour Mattiilde.
[i) HUdebertti* humilit Turonorum archiepiacoput. A.... Attgtorttm
^ ret^twe... •
(3) A, D ; FiliK H. régis Anglorum — Rouen : M. plue H. régi».
■ QuLcquid a vobis accipiam de vobis, cerlius milii Tulurum est
ï quant si ad aures roeas idipsum vulgi rumor prolulerit. Ex quo igilur
uperï ventOB in vestruni ottsequcum aspirare, etatim litteraa ad
g dedi, ratus advectum de Angiia , qui volunlatem re^is vobit
I aperiret, quive declarararet quem alTectuin de conlumelia Rliee patrie
• peclus Induerit. v Deaugendre a écrit nobie. qui n'a pas de sens.
|4| t Dei gratta excellentiaitno régi Anglorum. ,, HildebefUta, Ivumilia
» Taronorum archicpiaeopus... ■
— 212 —
bientôt naissait un héritier de la couronne d'Angleterre,
comme du duché de Normandie et des comtés du Maine ot
de l'Anjou (1) ; c'est le futur Henri II Plantagenét, le père
de Richard Cœur de Lion. Henri l^^ était arrivé à ses fins :
il devait avoir de glorieux descendants.
Lettre 91. — Geoffroy le Bel, soit que le caractère
impérieux de « FEmperesse » lui rendît de nouveau sa pré-
sence pénible, soit qu'il voulût expier les infidélités qu'il
avait faites à sa temme et qu'il fût séduit par les grands
exemples de pénitence dont le siècle abondait, songeait vers
1132 à partir en pèlerinage pour Saint-Jacques-de-Compos-
telle. Dans Ad memoriam Beati Jacofci(2), on le détourne de
ce projet et on l'invite à fiùre plutôt le bonheur du comté
d'Anjou par un gouvernement ferme et sage.
Beaugendre place cette lettre en 1123 et la dit adressée à
Foulques le Réchin, hypothèse déraisonnable à prendre sous
cette forme, puisque Foulques le Réchin mourut en 1110. Le
destinataire, c'est Geofi'roy le Bel Plantagenét. ïn effet, nous
lisons : « Per munitiones ducis Aquitanoimm transitur^is
es, eu jus tibi invidiam suscitasti, factus in expugnatione
Toarci superior (3). » Or sans doute. Foulques le Réchin
assiégea Thouars en 1104; mais de même, une ligue s'étant
formée entre les vassaux du comte de Poitiers, savoir les
vicomtes de Thouars, de Parthenay et de Mirebeau, pour
profiter de la jeunesse de Geoffroy d'Anjou, en 1130, lors du
départ de son père pour la croisade, Geoffroy s'empara des
(1) Voyez le Tableau généalogique^ à la fui de la l""* partie.
(2) A, D, et Douai, Poitiers, Fiome IG9 : ComiU Andegavenai. —
Arsenal : F. Andegavensi comiti. — Rouen : Ad Fulconem Andegav.
comilem. — Ces deux derniers se sont trompés ; notre hypothèse,
appuyée sur l'Art de vérifier les dates, est d'accord avec l'opinion de
Brial {Historiens de France, t. XV).
(3) a U vous faudra franchii les forteresses du duc d'Aquitaine (^comte
de Poitiers), dont vous vous êtes attiré la liaine en le battant au siège
de Thouars. »
— 213 -
trois places, et notamment de Thouars. Cherchons d'autres
indices.
€ Nescis si renata sit in filio paternœ nota perfidiœ (1). »
Il s'agit, croyons-nous, d'une perfidie de Guillaume VII,
comte de Poitiers et père de celui qui régnait en 4130.
Foulques V le jeune, élevé à la cour de France, avait été
confié à Guillaume VII par le roi Philippe P% à Tûge de
16 ans (1108), pour être remis à son père Foulques le
Réchin, le grand-père de Geoffi'oy ; au lieu de reconduire
le jeune homme à Angers, le comte de Poitiers l'emprisonna
et ne le rendit à sa famille qu'en échange de plusieurs
châteaux qu'il convoitait. Hildebert rapporte ces circonstan-
ces pour engager le comte Geoffroy à se méfier des procédés
de la dynastie poitevine, dont il devait traverser les États
pour aller à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Dernière observation : il lui fait remarquer que ce voyage
déplaira au « vénérable roi d'Angleterre ». Or, ni Foulques
le Réchin, ni Foulques le Jeune, ne devaient pareille défé-
rence à ce monarque ; il en était autrement du gendre de
Henri I^"*. De plus, on voit que Geoffroy était alors disposé
à tenir compte de l'opinion de son beau-père, et par consé-
quent qu'ils n'étaient plus en guerre ouverte (2) ; la lettre
se place donc entre 1131 et 1133. C'est une des dernières
que nous possédions* de notre Hildebert (3).
(1) c Êtes- vous bien sûr que la perfidie du père n'ait pas revécu chez
le fils ?x
(2) Outre le beau-pére de GeofTroy, il est aussi question d'un oncle ;
serait-ce / maury de Montfort, le frère de Bertrade sa grand'mère ?
(3) Il ne faut pas confondre (îeofTroy d'Anjou avec GeofTroy Grise-
gonelle, comte de Vendôme, qui alla aussi à Saint-.Iacques-de-C()mpos-
telle, s'il faut en croire le Cartulairc de la Trinité. (Édition de M. l'abbé
Métais, no 447.)
— 214 —
QUATRIEME SÉRIE
Lettres concernant Vhistoire du Saint-Empire et les rapports (THildebert
avec la Papauté^ la France, la Bretagne (1).
I. — Le Saint-Empire ; prise de Rome par Henri V. — Adressées à :
92;
i Un évêque italien.
^ In lacrymis effluant.
^ Nunquam felicius.
1111. d'A. » U, 21.
1111. d'A. Mansi. II, Si
II. — Querelle avec la cour de France. — Adressées à :
^ Etienne de Garlande. Doleo frater mi. 1125-1127. PP. » 1,16.
95 Encyc. (se plaint du roi), /n adversis. Comm. 1126. PP. HF. II, 391
96 Jean de Crème , légat. Ad vestrum in Franciam. Comm. 1126. d'A. HF. II, Zk
97 ï „ . „ i Quantistribulationum, 1127. PP. HF. II, 38L
^ 5 Le pape Honorius II. î ,. , ., ...^ ... ., ,,_ „ --
98 j *^ *^ ( Littet^as ad nos. Comm. 1129. d'A. Mur. HF. II, 4a
III. — Affaire Nicolas-Raoul ; rôle de la Papauté. — Adressées à :
99 Etienne de Montsoreau. Et vultum et diein.
100)
101)
102 j
1031
104]
105
Le pape Uonorius II.
Un prélat romain.
Le pape Honorius II.
Non dubitamus,
Factum est.
Usii pariter et necessitate.
Noverit DUectio Vestra.
Philosophus ait.
Sicut de charissimo
1125-1130. PP. •
01,10.
1127. d'A. HF. II, as.
1127-1129. PP. HF. Il, ad.
Id. \ Muratori U, 391
Id. j (Anecd.)(2) m,38.
Id. PP. Boch. (3) II, 4i
Vers 1130. d'A.Mur.HF. U, 47.
IV. — Affaires de Bretagne. — Adressées à
.«- ! Le pape Honorius II.
1071
Beatitudini Vestrœ.
Justum est eos.
u,'da
Fin 1127. PP.Concil.(4)S"'*"
imm. W^. H*Aoh ?n,3B
Conmi. 1130. d'Acli.
(1) Pour les abréviations, voyez la note au tableau de la première série.
(2) Muratori. Anecdota, III, 213.
(3) Boche 1. Décréta EcclesiiE Gallicana?, p. VIII, t. 25.
(i) l^bbe et Mansi.
(5) F)om Morice. Histoire de Bretagne, Preuves.
■iir.
Lettre 92. — Deux lettres se rapportent, dans les rna-
nusirits B* et D, àta prise de Rome par Henri V (1111), sui-
vie de la capitulation ilu pape Pascal II, qui consentît i"! cou-
ronner son vainqueur et ft lui abandonner tous ses droits
dans la querelle des Investitures, pour reprendre ensuite
sa parole et lancer l'excommunication contre l'empereur.
De ces deux lettres, la seconde parait compléter la pre-
mière, et, si elles sont toutes deux d'Hildebcrt, elles doivent
avoir été écrites au même personnage, non point toutefois
it Marbode, commr l'ont cru lieaugendre et M, Emau]t(l)
en l'absence de toute rubrique. L'auteur félicite son corres-
pondant de ses vers, il l'appelle un « Orphée » el un « David »,
mais cette louange tjanalc^ a pu s'adresser h n'importe quel
rimeur. Or Hildeberl dirait-il à Marbode en parlant de l'em-
perour, roi des Komains: c donimum tuum »? En quoi
Henri V était-il le maître de ri5vèque de Rennes ? Cette ex ■
pres.'tion ne peut concerner qu'un membre du clergé d'Alle-
magne ou d'Italie, d'Italie plutôt, si l'on songe aux cruelles
pai'oles par lesquelles est fustigé ici le peuple germanique (2).
Mais, cela posé, la suite des idées n'est pas facile il
reconstituer. Il faudra admettre que le clerc ou prélat, quel
qu'il fût, avait fait l'éloge d'Henri V avant que survinssent
les derniers événements. En effet la première lettre présu-
mée d'Hildebert, In lacrymis, renferme ceci: € ....Ad
t tiidos (;t) iteram tu volueram ej:ltortitTÎ, sud commuiiis
t omnium litclus 'jaudium impedil siitgulare.... Ecce enim
> iiuem heri laudum prœconiis extotlebas.... duahus alii-
B gatur /lo^ttiis, qualia net; i'k getilibua sunt audila. Quia
> enim poleat prueter euin inveniri, qui paires suas, apiri-
» tualem pariter et camalem, siibdota ceperit fuctione'l »
Ce prince avait détrôné son père, et c'était à Tinsligation
(l)Erriaull. Moi-boii', (i. ».
(S) Civitas Romanorum.... crueiilis f^axoriuni iJireptionlliaB
protanatiir.... (ierinaiiorun) cruda tMtrbnrîes.,.. « (In tacryurit.)
13) D : ludas, — B/i et Beaug. : laudes.
If
— 216 -
du Pape, qui expiait maintenant sa mauvaise îiction.
Si l'Italien avait composé Téioge d'Henri V, c'est qu'appa-
remment il avait adopte son parti, le jugeant supérieur à
son père Henri IV, et avait cru devoir expliquer la conduite
de ce fils ingrat. Depuis, notre rimeur a changé de mode ;
il a traîné aux gémonies sou héros, il a exalté le Pape dont
Henri V est devenu l'ennemi ; et c'est Hildebert, tout à
l'heure si zélé pour flétrir l'empereur, qui se dérobe cette
fois et répond avec quelques ambages : voilà du moins ce
qui résulte de la seconde lettre.
Nunquaiii felicius ad desiderium meum sortis adversae respondit
asperilus, quain cum milii de Papa, de rege et Romanis iamentatiun-
culani (1) conscripsisti. Adeo namque me, chare meus, pagina tua
nodis cujusdam necessitatis astrinxerat, ut si ad ejus priraum
vellcm iin|:>etum respondere, aut tecum, quod non véllem, regem Saxo,
nem acctisarem, aut contra te, quod non deberem, illam domi forisque
notissimam gratiam laederem charitatis ; inter bas ergo jactatus an-
gustias,.... cum nec contra dominum tuum ducerem assentari [tibi],
neo propter amicum honestuin (2) refellere quod dicebas, longius
mecum quid agerem pertractavi
Ainsi, il répugne à entrer dans les nouvelles raisons
de son correspondant , pour ne pas accabler Henri V ,
qu'il a si peu ménagé dans sa précédente lettre, et que, on
ne sait trop pourquoi, il hésite à accuser dans celle-ci
Cette explication est obscure. Tout s'éclaircit au contraire,
si on admet, avec M. Sackur (3), que la première n'a pas
été écrite par Hildebert, mais à lui adressée. Rien de plus
commun dans les manuscrits que l'introduction, parmi les
lettres d'un écrivain, de celles de son correspondant. Qu'on
veuille bien reprendre maintenant le début de In lacry-
mis. L'expression « ad ludos te volueram exhoHari »
(1) D : lamenlaliunculam. — B/4 et Beaug. • lamenta quœdam,
(2) I) : honestum. — B/4 : honestatum. — Beaugendre a beaucoup
altéré tout le début de cette lettre.
(3) Voy. nos Addenda.
~ 217 —
désigne les occupations littéraires, passe-temps habituel
de révoque, et qui doivent céder le pas à des préoccupa-
tions plus sérieuses dans l'heure présente. Il faut admettre
qu'Hildebert avait été favorable à Henri V,. qu'il avait fait
son éloge soit dans une lettre, soit dans une poésie: « quem
heri laudum praeconiis extollebas » ; cela explique que,
recevant la lettre Jn lacrymis, cette condamnation passionnée
de l'empereur , cette lamentatiuncula où il reconnaissait
malgré lui beaucoup de vérité, il ne se décide à écrire sa
réponse, Nunquam felicius , qu'après que l'événement a
tout à fait condamné son ancienne opinion et celle des amis
du pouvoir impérial: « Nunquam pertractavi. Sed
ecce^ cum veriias aperitur^ et erumpit in lucem cano-
num rigoTy disciplina justitix, schola virtutum^ et iniquita-
lis est si non respondeo^ et livoris si non coUaudo i^
Ainsi, les exclamations, les anathèmes de In lacrymis ne
sont pas de lui ; en revanche, il est de lui, le langage lin et
nuancé de l'autre lettre, où il plaide à charge et à décharge
la cause du pape Pascal II. Il aurait voulu le voir plus cou-
rageux, plus fier; il ne trouve pas que le beau rôle soit tout
à fait de son côté ; mais enfin, l'issue du duel a prouvé
l'excellence de la tactique et des intentions de Pascal II. Le
Pape a offert de se retirer si l'Église trouvait à reprendre
dans sa conduite, la chrétienté l'a absous dans un concile
solennel, et Hildebert entonne un chant de triomphe en
l'honneur de son chef (1112).
Lettres 93 à 106 (1). — Nous sommes arrivés au terme de
notre revue. Il a été suffis? mment parlé des lettres 93-97
concernant la querelle de l'église de Tours avec la cour de
France, et 98-104 qui traitent de l'affaire Nicolas-Raoul,
conséquence de ces difficultés. Nous avons seulement à
expliquer la présence, parmi les premières, de Doleo fraler^
et de Et vultum et diem parmi les secondes.
(1; Sur ce numérotage, voy. Addenda.
- 218 -
Beaugcndro avait publié la lettre Doleo frater{\)ix côté de
Qiianto desiderio, en soutenant qu'elle était, comme Taulre,
adressée à Etienne de Garlande. Les auteurs de V Histoire
liltéraire Vivent ol»server qu'un galant homme ne pouvait
avoir poursuivi de pareilles invectives, dans la prospérité,
celui qu'il devait plus tard consoler amicalement dans son
malheur : mais dès lors que Quanto desideriOy nous l'avons
vu, n'est pas l'œuvre d'Hildebert, rien n'empêche de supposer
que Doleo frater ait été destinée au ministre dilapidateur des
biens et dignités de l'Église ; car celui qui est incriminé parait,
d'après les termes de la lettre, avoir été un puissant per-
sonnage (2). Ce serait Etienne de Garlande, dont le prélat
n'eut guère à se louer, et qui fut pendant huit ans une sorte
de vice-roi en France.
Quant à Et vultum, cette lettre est intimement liée au
procès du doyen Raoul et aux rapports d'Hildebert avec la
Papauté, puisqu'elle est adressée à Etienne (3), celui-là
même qui devait accompagner l'accusé pour le défendre au
tribunal de Rome, s'il n'avait été frappé par la mort, comme
le témoignent Noverit Dilectio et Justum est eos, qui est de
1130. Etienne de Montsoreau, qui avait probablement une
charge dans l'église de Tours, paraît avoir été Thomme de
confiance d'Hildebert et son négociateur préféré près la
cour pontificale ; la lettre que l'archevêque lui adressait en
apprenant qu'il était revenu sain et sauf d'Italie, quelque
temps avant c;tte année 1130, témoigne d'une ardente
sollicitude et d'une sincère amitié.
(1^ A, I): Cuidam ut a flagUns désistât. — Hruxelles : Cuidam
magnati. — Londres (Flarl.) : Ad eumdem (Henri I»»", roi d'Angleterre!).
(2) '< i)e familiaritate priiicîpum glorianti... palatina3 licentia clien-
toiiii.... In diibium venit magisne populus in te Thrasonis gloriam
fastidial, an crudelitatem Dionysii detestetur, etc.... »
(.{) Ad S. lioma reversnm. — Arsenal : Ad Stephanum Roma reversum.
.1
— 219 —
CHAPITRE III
LES LETTRES AU POINT DE VUE DE LA
GRAMMAIRE ET DE LA LANGUE
§1.
On a pu se rendre compte, par les citations que nous
avons faites, qu'Hildebert ne parlait pas le pur latin de
Gicéron ni même de Sénèque. Le quod remplaçant la
proposition infmitive ( quand ce n*est pas quia , quo^
niam) , le verbe fado construit avec Tinfinitif , la sup-
pression du subjonctif dans quantité de propositions com-
plétives où il trouvait place, à la belle époque, le plus
légitimement du monde, le si conditionnel se confondant
avec le si interrogatif ou dubitatif, omnw pour totusy
prœjudicare au sens de « préjudicier » etc., sont autant
de péchés mignons que les latinistes qualifient de solé-
cismes ou d'impropriétés.
Voici un début de lettre qui n*en est pas dépourvu :
TimeO) charissime f rater, timeo quod negligentise arguas me,
qui, toties rogatus ut miracula quae in Exoniensi ecciesia Dominus
operari dignatus est juxta fldem destinati mihi exemplaris adno-
tare non tsederet , satisfacere tibi diutius distuli. Unde et opus
flagitatum non gratis exarasse me accusabis , quod et diuturna
exspectatione et innumeris precibus comparasti. Quippe, juxta philo-
sophum, non tulit gratis qui, cum rogaret, accepit. Et quidem scio
quia nullum vendit amicus obsequium ; libenter et cito subveivit.
Nescit preces exspectare, sed, velut egentis vaticinetur voluntatem,
praBvenit rogaturum...
Ge style a de la fermeté. Assurément timeo quody scio
— 220 —
qiiiay sont plus français de tournure que cicéroniens ; mais
quand La Fontaine, par exemple, écrivait :
Vous m'êtes, en dormant, un peu triste apparu (1),
ne se mettait-il pas en opposition avec les règles strictes de
notre grammaire? De même, plusieurs des beautés de
Corneille sont des latinismes. A l'inverse de nos classiques
qui, en écrivant le français, n'oubliaient pas leur latin, ne
sera-t-il pas permis à un prélat du XII® siècle de laisser
pressentir dans sa prose latine les constructions de
phrase de l'avenir ? Certes, nous ne donnons pas Hildebert
pour l'égal de nos grands écrivains ; nous demandons
seulement qu'on ne soit pas trop sévère pour un langage
de transition.
Au surplus, pour en revenir à la lettre que nous venons
de voir, Hildebert a écrit non pas distuli^ mais distulerimy
qui vaut mieux. Les manuscrits et l'éditeur de la Maxima
Bihlioiheca Patrum fournissent la bonne leçon, et c'est
Beaugendrequi prête à notre auteur cette incorrection. Cepen-
dant, le texte de 1708, hâtons-nous de le dire, est bien meil-
leur pour les lettres que pour les poésies (2). Prenons donc
pour base cette édition, reproduite par Migne (3), et, la
confrontant avec les manuscrits, signalons, outre les fautes
à effacer, de petites rectifications de détail qui achèveront
de donner au style tout son lustre et en compléteront le
charme.
i, i. Conversione. — En tête de: « Conversione et conver-
(1) Les deux Amis. VIII, il.
(2) Fautes relevées par M. B. Hauréau dans son livre sur : Les
Mélanges poétiques d' Hildebert de Lavardin.
(3) Palrol. lat.y t. CLXXI. — Il faut tenir compte aussi de quelques
erreurs commises, lors de la transcription dans la collection Migne, par
le chanoine Bourassé.
— 221 -
satione tua laetatur et exsultat anima mea », Beaugendre
ajoute, de sa propre autorité, la préposition De, A quoi bon ?
Est-ce que la construction donnée par les manuscrits (1),
pour rester éloignée du français, n'est pas aussi latine ? Le
De ne serait pas une faute, mais il est au moins inutile.
Quarante lignes plus loin (2), < citra profectum proficit,
— il progresse à rebours » serait une expression paradoxale,
fabriquée en vue d'une grossière consonnance, mais les
manuscrits (3) donnent : « citra perfectum proficit, — il
progresse, sans aller jusqu'à la perfection. »
/, 4. Quoties. — Il s'agit de l'Esprit malin. Au lieu de
€ Gloriam vero, quam ex Gratia habuit et quant omnibus
» invidet, aniisit superbia (4) », je lis : « Gloriam vero quam
» ex Gratia habuit, amisit superbia : quam omnibus invidet. »
11 y a à cette correction un double profit. D'abord, la conjonc-
tion et, employée devant le relatif, ne serait pas de la meil-
leure latinité ; quam se dit beaucoup mieux pour et eam.
Ensuite, la leçon des manuscrits respecte l'ordre des idées :
Satan perdit la Gloire par son orgueil avant de l'envier aux
élus.
/, 5. Egredienti. — « Laudans Deum et glorificans quod,
» Agyptiacam adversans servitutem, ad terram promissionis
» iter assumpsisii (5). » Le participe présent du verbe
déponent serait avec avantage remplacé par le participe
passé adversata (il s'agit d'une femme), et l'indicatif assump-
(1) Sauf par B/3.
(2) Col. 142-3. Le premier chiffre indique le numéro de la colonne
dans Migne, et le second dans l'édition de 1708. (Notre 55.)
(3) Sauf C. -- F : citra profectum per fiait.
(4) Col. 147-9. (Notre 72.)
(5) Col. 148. - « Louant Dieu et le glorifiant de ce que, après avoir
fait face à la servitude en Egypte, vous avez entrepris le voyage de
la Terre-Promise. » (Notre 71.)
— 222 —
sùtiy dépendant de quod, constitue une grave faute contre
la syntaxe. Mais ne nous hâtons pas de condamner Hildebert ;
les manuscrits donnent, en effet : adversata ; de plus, ils
intercalent, entre Deum glorificans et la conjonction, ce
membre de phrase: [cujué miserationis est] quod etc....
« Dieu, dont la miséricorde a voulu que... » Ainsi, la pro-
position complétive ne dépend pas aussi étroitement du
participe, il y a un repos dans l'enchaînement des idées et
rindicatif peut se maintenir.
Je ne sais, au reste, mais il me semble voir dans cette
addition une finesse de pensée qui a échappé à Beaugendre.
On ne remercie pas Dieu de ce qu'il a fait telle ou telle
chose ; on ne le paye pas de ses dons par la prière, comme
par un salaire : on le glorifie simplement, et il se trouve
que ce même Dieu, que Ton glorifie, est celui dont la miséri-
corde a voulu que etc.,. Il semble que la relation soit moins
étroite ainsi de la demande au bienfait et du bienfait à
l'obligation ; on laisse intervenir, entre la dette à recon-
naître et le remerciement, un mot qui exprime que l'acte
divin est gratuit, de pure miséricorde. Hildebert avait déjà
dit (1), avec le subjonctif: < Ulum prosequens actione
» gratiarum, cujus muneris est quod nunc tandem philo-
» sophari decreveris », et saint Bernard écrira, non sans
quelque mièvrerie : « Oportet autem beneficium, ut vere
» sit, esse gratuitum, Danti itaque rependi quidquam
» gratius ab accipiente non potest, quam si gratum habuerit
» quod gratis accepit (2). — Il faut que le bienfait, pour être
» véritable, soit gratuit. Tout ce que l'obligé peut donner
» en retour de plus gracieux à celui qui l'oblige, c'est de
» rendre grâces pour ce qu'il a reçu gratis (3). »
(1) Conversione. 1, 1. (Noire 55.)
(2) S. Bemardiep. 181.
(3) Effacer aussi, dans I, b, le eo credidi. — Ego credidi, donné
par les manuscrits et par Tédition de 1708, est la vraie leçon.
— 223 —
i, 6, Quod te, -— Plusieurs petites rectifications s'impo-
sent (1). Dans la citation dlsaïe (2), « a timoré tuo defecimitë
» et doluimus et peperimus, spiritum salvationis fecimus
]b super terram (3) v, on substituera à de fecimus : conce-
pimus ; de sorte que la phrase, au lieu de dire « nous avons
renoncé à te craindre et nous avons enfanté )>, signifie au
contraire : « parce que nous craignions le Seigneur, nous
avons enfanté. »
Au lieu de « operarios qui circa undecimam horam
» vénérant pares illis in praemio legisti qui portaverant
» pondus diei et œstus (4), — les ouvriers qui étaient arrivés
» à la onzième heure furent, vous l'avez lu, récompensés
» pareillement à ceux qui avaient porté le poids du jour et
» de la chaleur », nous lirions volontiers avec A^ (5) : porta-
vimus. Cette expression a quelque chose de plus délicat ; la
citation est par là mieux fondue dans la couleur générale
du style de la lettre, qui est fort gracieux. On interprète
alors : Ceux qui ont porté le poids de la chaleur de midi,
c'est nous, les vieux serviteurs, les ministres classés et
attitrés de Dieu, et nous ne ferons pas entendre un murmure
si la justice divine fait passer avec ou avant nous une
pécheresse repentie de la dernière heure.
Enûn, « in bonum proficiet quidquid bona terra cordis tui
conceperit a timoré Domini Dei tui cultoris ejus (6) » est
plus grammatical que concepit ; les deux futurs s'appellent
l'un l'autre, en grammaire comme dans les manuscrits.
(i) D'après les mss. et l'édition des PP {Maxima Bibliotheca Patrum).
(2) Isai. XXVI, 18. — La citation d'Hildebert n'est pas littérale.
(3) Col. 151-13. (Notre 74.)
(4) Col. 152-14. (Notre 74.)
(5) Les autres manuscrits donnent : portauerant mais l'autorité de
Â/1 est considérable, bien qu'il faille tenir compte de l'adage : « testis
unus, testis nuUus. a
(6) Col. 152-15. — B/3, B/4, B/6, D, E : concepit. — A, B/l, B/2, B/5 :
conceperit.
- ^224 -
/, 8. Sancix. — Au texte imprimé « equus, cum bene
» ciirsat, plurimum tamen clamoribus exhortatoriis adjii-
» vîitur (1) », je substitue : « cum bene curral^ — le cheval,
» même quand il court bien, est beaucoup aidé par les cris
» d'encouragement. » Cum, au sens de « quand même »,
gouverne plutôt le subjonctif, et il est inutile de soustraire
Hildebert à un usage qu*il n'avait pas cherché à enfreindre.
« Voluntate potius quam [ex] necessitate sustinetur (2), —
» c'est la volonté qui la supporte (cette servitude), plutôt
x> qu'on ne la supporte par nécessité. » La préposition ex
rend sensible, aux yeux et à l'oreille, cette opposition de la
force interne agissante qui est Nous à la contrainte subie du
dehors.
Voici encore deux solécismes de moins à la charge
d'Hildebert : « Cupiditas... hominem abducit, oblitum quam
cum Deo et ex Deo haheat (non habet) dignitatem (3) »,
et plus loin : « Dici non potest quantas animas hoc frigus
» astrinxerit, quorum prope consummatum ahruperit (non
» ahimpit) cursum. »
Nous ne garderons pas « in eis ministerium iniquitatis
» operantem (4) », mais nous lirons : « in eis mysterium
» iniquitatis operantem. » On peut opérer un mystère, quand
on est inspiré de Dieu, mais on n'opérera jamais un minis-
tère, parce que la langue s'y oppose ; on se sert seulement
du ministère de quelqu'un pour opérer quelque chose. La
Concordance de la Bible confirme en ses extraits notre
correction.
/, iO, Confidimus. — A erectué (5), je préfère : evectus,
(i) Col. 150-49. ~ Dans tous les manuscrits : currat. (Notre 28.)
(2) Cependant, cette addition de ex n'est justifiée que par les ma-
nuscrits de la famille A.
(3) Col. 157-19. (Notre 28.)
(4) Col. 159-22. (Notre 28.(
(5) Col. 1G3-27. — Seul, D/l donne : erectua. (Notre 73.)
— 225 —
qui est plus précis, plus imagé, puisque le prophète Élie
fut enlevé au ciel sur un char.
« Vel honum facit esse vel miserum (1) » est à convertir
en : « vel beatum facit.... » Bon appelle méchant; mais
malheureux répond à heureux.
/, i4. Cum susceperis. — A la place de « Beatus Gregorius
» apparuisse refertur (2) », on préférera : « Beatus Gregorius
» [eosdem martyres] apparuisse refert. » Saint Grégoire le
Grand, pape de 599 à 604, ne figure pas ici comme un Saint,
qui apparaîtrait à des fidèles ; il est Thistorien moraliste qui,
dans une homélie, raconte un miracle d'un âge antérieur,
pour l'édification de son auditoire.
/, i5. Ad memoriam. — « Nescis si (non) renata sit in
» filio patemae nota perfidies (3), — vous ne savez si la
» perfidie paternelle n'a pas revécu chez le fils. » Il n'y a
pas de non dans les manuscrits ; il faut introduire ne pas
dans la traduction, notre langue le veut, mais, dans le texte,
à quoi le non sert-il? Le latin s'en passe en pareil cas.
Ainsi, la tournure de Beaugendre est plus française ; mais
celle du manuscrit parait plus latine, et, pour cette raison,
quand il s'agit de parler latin, nous croyons devoir la
préférer (4).
« Tuis itaque timorem relinques. si te juveni et ofienso
committis (5)» est assurément plus latin et plus dégagé
que « timorem relinqueresy si te... committis. »
(1) Col. 176-43. — L'infinitif esse avec facit est incorrect. A la fin de
la lettre, l'expression se représente, sous sa forme latine : « illa enim
beatum te faciunt, hsec miserum. »
(2) Col. 180-47. — La faute est ici à Bourassé. L'édition de 1708 et
celles des PP. sont correctes. (Notre 87.)
(3) CoL 18249. (Notre 01.)
(4) Nescis an, qui est la vraie expression latine, se traduit bien aussi
par : peut-être. « Nescis an renata sit... — Peut-être la perfidie pater-
nelle a-t-elle revécu... »
(5) Les mss. donnent : relinques. — Bg : relinqueres. — I.,es PP. :
15
— 226 —
/, iO. Doleo. — La lettre I, 16 nous donne occasion de
relever quelques lapsus, innita7nur et mereamur (1) pour :
innitantur^ mereatur ; de supprimer un néologisme inutile,
cumulatoria (2) pour : ciimulata (3) (nihil ei cumulata pro-
fiierunt obsequia), et enfin d'effacer un solécisme, « donec
» ipse talem polliceris peccatorem », qui devient (4) : « donec
» ipse talem polliceaHs peccatorem, — jusqu'à ce que vous
» promettiez de devenir un pécheur de cette sorte » ; c'est-à-
dire, si j'entends bien les membres de phrase qui précèdent,
un pécheur à demi converti et non pas tout à fait incor-
rigible.
/, 19. Célèbre. — « Exspectamus autem Innocentium
9 papam, in cujus audientia nos, et innocentiam tuam et
» querimoniam nostram digesturi, de utraque finem'amicum
» justitiae exspectemus (5). » Cet exspectemus ne peut se
construire ; il faut lire : expetemits^ un futur avec deux
accusatifs, formant jeu de mots, hélas ! avec exspectamus du
début.
i, 20. Ex quo. — Dominum Deum est un expression bien
ordinaire, derrière laquelle on ne soupçonnerait guère
d'autre leçon. Pourtant, les manuscrits sont unanimes pour
donner ici : Deum deorum, le Dieu des dieux (6).
Beaugendre craignait-il que cette expression n'eût un
petit parium de polythéisme ? C'est ainsi que, dans la lettre
relinquis. — « Vous laisserez les vôtres dans la crainte, si vous vous
confiez à un jeune homme, et à un jeune homme offensé. »
(i) Col. 184-51. (Notre 94.)
(2) Col. 185-52. (Notre 94. (
(3) B/4, C/t, D/1 : cumulatoria. — B/1, B/2, BA B/5, B/6, E/2 :
cumulatiora. — E/1, E/3 : cumulatura. — A/i, A/2, A/3 : cumulata.
(4) Sauf dans B/3. — Ce sont les derniers mots de la lettre.
(5) Col. 195^60. — B/1, B/2, C/1, D/i : exspectemus. — A, B/3 : eocpeU-
mus. — « Nous attendons le pape Innocent, dans l'audience de qui,
allant exposer votre innocence avec nos plaintes, nous réclamerons
de cet ami de la justice une double solution. » (Notre 77.)
(6) Mss. : Deum deorum, — Éditions des PP. : Dominum sanctorum.
Notre 58.)
— 227 —
1,12(1), il substitua divinitus Moyses^ Moïse au nom de
Dieu, à : divinus Moyses, le divin Moïse.
/, 21. Consideranti. — « Magni quippe boni ruina
» quaeritur, unde vitae nostrae chaims (et non rarus^ qui
» n'a pas de sens) quoque successor invideat (2). — Nous
» détruisons de gaîté de cœur un grand bien (la virginité)
» pour nous donner, en la personne d'un fils chéri, un
» héritier qui portera envie à notre existence. »
/, 22. Usu, — On dit en latin : sitiehant, ils avaient soif,
mais : satiabantur^ ils se rassasiaient, et non satiehantur,
comme nous lisons à la colonne 197 (3).
Au lieu de « nec Martha es quod simulas (4) », qui est
fort peu grammatical, on substitue volontiers : « nec Martha
> es quant simulas, — vous faites semblant d'être comme
» Marthe, et vous ne Têtes point. »
//, 8. Sicut frequens. — « Magnum novae tribulationis
1 arbitrati remedium, si Romanus pontifex nobis et consilio
» subvenerit (non subvenit) et auxilio (5). — Pensant
» trouver un grand remède à ces tribulations extraordi-
» naires, si le souverain Pontife nous aide par ses conseils
» et nous prête secours. »
//, iO. Non poiuit. — « /n pugna tirones animare (6) »
est moins correct que : « in pugnam tirones animare, —
exciter les recrues au combat. »
\i) Cum bene. I, 12. — Col. 176-42. — Tous lesmss. portent: divinus.
(2) Col. 194-62. (Notre 76.)
(3) Col. 197-66. (Notre 44.)
(4) Col. 200-69. (Notre 44.)
(5) Col. 216-88. (Notre 17.)
(6) Col. 218-91. (Notre 50.)
— 228 —
//, iS, Et dies Uetus. — Au lieu de « velut ex ahditis,
divina prodeunt oracula (1) », Texpression antique, donnée
par les manuscrits, est : « velut ex adytis, — les oracles de
» la parole divine sont proférés comme du fond des anciens
» sanctuaires (par leur interprète, saint Anselme). »
//, i8, Credimus. — Bourassé est ici seul en cause, mais
la mauvaiise leçon qui lui a échappé peut paraître plausible,
et c'est pourquoi nous la signalons. € Multiplici custodia
» circumspecium (2) », pour dire : « surveillé tout alentour
» par des geôliers », est latin, mais assez illogique, si on y
réfléchit. En effet, je tourne la phrase par Tactif : c custodes
» circumspiciunt eum, — les geôliers le surveillent, en
» regardant à Tentour (circum). » Mais, c'est le prisonnier
qui regarde autour de lui, tandis que les geôliers, au
contraire, font converger leurs regards. C'est pourquoi,
l'auteur a écrit : « multiplici custodia circumseptum (3), —
entouré comme d'une barrière par une garde nombreuse. »
//, 20. Semper. — « Gitra profectum prsesul de sua
» erubescet offensa, nisi ad offensam erubescat alienam (4).
» — Le prélat rougira sans profit de l'offense qu'il fait à
» Dieu, s'il ne rougit également du péché des autres. » Oh !
voilà qui est beaucoup exiger de la charité des évoques !
Mais les manuscrits, comme le faisait prévoir la leçon
analogue de la lettre Conversions^ donnent : « citra perfectum
» praesul, — le prélat qui ne rougit pas du péché des autres,
» se repent imparfaitement auprès de Dieu. » Il reste en
deçà de la perfection. — Soit, mais il s'améliore pourtant
et profite dans une certaine mesure.
(1) B/l, B/2, B/5, B/6 : abditis. -- B/4, Ç/1, E/3 : addUis. — A, B/3,
D/1, E/1, EA G, K : aditis. (Notre 33.)
(2) Col. 227-102. — Éd»»» de 1708 : circumseptum. (Notre 22.)
(3) Dans une église, le transept, c'est primitivement ce qui est
au-delà de la barrière ou clôture du sanctuaire : Irana septum,
(4) Ck)l. 230-106. (Notre 10.)
//, 29. Nunquam. ~ Au lieu de « his qu» rogabantur
asseruit (1) a, Iiseïz: assensit. s II consentit à ce qu'on lui
9 ilemandail.
/i, ?3. /n regno. — « Et expertum me iiavitatis hujus
ostendere (2) s serait à la l'ois, un non-sens au repard du
raisonnement général de la lettre et un grossier solécisme.
It faut lire : « et experlem me..,, — et me montrer exempt
de cette hérésie. »
//, 25. Est apttd. — Les t se confondent aisément dans
les manuscrits avec les c. Ou ne sera donc pas étonné si, h.
la leçon suivante, n est eis publica et inexpugnabilis cum
s raulieribus familiaritas, quibus iltie dies iniqultatis
> et noctes infamiEe vindicare comprobantur (3) », nous
substituons: aveiiditare comprobantur. » Nous le regret-
tons; car la morale serait un peu moins outragée si les
moines en question (4) avaient dû se faire prier par ces
femmes de mauvaise vie (quibus illa; vindicare... , elles leur
réclament....); mais le verbe vindicare ne s'est jamais
construit de la sorte (5), et d'ailleurs la logique, l'examen
du texte sont d'accord avec la grammaire pour nous faire
écrire: « quibus illae venditare,..., — elles leur vendent..-. »
//, 88. Potealati. — « Quod eum constabit adeptum, ai
provectui ejus persona quam ofTendit non ohstnt (G) » est
(1) Col. 2(5-111. - Cr. I)/4 et D. (Notre U3.)
(3} Col, 338-115, a. msB. (Notre 61.)
Ci) Col. 243-120, B/I, B/2, D/1, E/2 : vmdieai-e. — A/1, A/S, Bfô. C/1,
E/1, ES: vendUare.
(4)C'eBt ta lettre sur l'abbaye d'Évron, qui était tombée ilans un
état de relAchemenl complet. (Noire 45,)
(5) Aticui aliquid vindicare n'est pas lalirt.
(6) Col. 248-lïG. - B/2, E/3 : obêlal. — E/J ; obnttU. — B/l, B/3, B/*,
By5, B/6, C/l, D/l : obititil. — ft, E/l : obtIileHI. (Notre 18.)
- 230 —
moins grammatical que: « si... non obstiterit{\). » M. Charles
de Rémusat, dans son Saint Anselme (2), raconte que
Lanfranc, un jour qu'il lisait au réfectoire, fit volontairement
une faute de grammaire pour ne pas chagriner son abhé,
qui s'était cru dans le vrai en le reprenant : à notre tour, si
le manuscrit contredisait la grammaire, nous aurions des
scrupules à lui faire violence, par un sentiment de piété
à regard du vieux texte, mais puisque tous deux sont
d'accord, pourquoi hésiter à faire la correction ?
//, 20. Meliiis. — (( Ortus nec lege reparabilis (3) », écrit
Beaugendre, et il interprète : « sa naissance n'a pas besoin
d'être corrigée par une dispense », c'est-à-dire, il est fils
légitime. Cette leçon est autorisée par quelques manuscrits,
mais le plus grand nombre donnent : reprobahiliSy « sa
naissance ne saurait être réprouvée par la Loi. » C'est le
même sens, plus directement exprimé.
« Quia consuetudinem ratio et veritas semper excluait (4) »
n'est pas raisonnable. La raison et la vérité (c'est-à-dire
l'enseignement évangélique) priment la coutume, mais ne
l'excluent pas nécessairement. Aussi préférons - nous la
leçon : prxcedit^ ce qui est confimé par le membre de
phrase « consuetudo... veritati omnino est postponenda. »
//, S7. Factum. — « Dubium est an magis attriverint
famam suam malefactis an maledictis alienam (5) », qu'on
(1) « Il sera certain d'avoir recouvré vos bonnes grâces, si la per-
sonne qu'il a offensée ne met pas d'obstacle à son avancement. »
(2) Charles de Rémusat. Saint Ansebne, p. 32.
(3) Col. 2i9-127, — B/4, B/0, 1 : reparabilis. — A, B/i, R/2, B/3, B/5,
C, 0, E : reprobabilis. (Notre 49.)
(4) Col. 251-130. — A, B/l : prœcedU. — Autres mss. : excedtt (même
sens).
(5) Col. 260-141. — Cs. mss. -— « On se demande s'ils ont fait plus de
tort à leur réputation par leurs méfaits, ou à celle d'autrui par leurs
médisances. » (Notre 101.)
— 231 —
lit dans Beaugendre, n'est pas conforme aux habitudes
d'Hildebert ou de ses copistes, qui écrivent généralement
plus mal < dubiiim est si (i).... » Que pensera-t-on lorsque,
au vu du manuscrit, on s'apercevra que, cette fois du
moins, le Kcribe du XIII' siècle a laissé la vraie expression
latine, encore plus pure que chez Beaugendre: « dubium
«est magisne attriverint famam suam malefactis an
» maledictis alienani? »
Au lieu de « qui, cum apud eum dilalionis materiam non
» inveniunt, ipsi fingunt », lisez: « qui dum apud eum
> delationis materiam non inveniunt..., — ceux-ci, ne trou-
• vont pas chez lui matière h délation, inventent des griefs. n
C'est à un autre moment du procès qu'il est question de
manœuvres dilatoires.
II, 50. Confratef. — ( Nescire mweferi » n'est certes
pas élégant ; mais c nescire mheri », pour miéerum, consti-
tuerait un solécisme. Bounissé (2) a écourté l'expression,
qui veut dire : « ignorer la pitié, n
m, 4. Scimus, — <( Dubitatur enim an sit benellcium,
> eujus dilatio crucial exspectantem » est préférable à
t cum dilatio s (3). La tournure est plus latine, parce que
la phrase est ainsi plus solidement nouée, par un pronom
conjonctif. Je traduis en français : « On hésite à appeler
> bienfait une bonne action qui se fait attendre au point de
» nous tourmenter. «
///, 7. Maximttm. — Au lieu de « a fundamento mooas-
terio penitus everso (4) », qui est désagréable et peu
(1) a. : neicio si {lellre Ad menwria,,,. 1, 15).
(S) L'édition de 1708 porte : mUereri, comme les mss. (Notre m.)
(3) U/i, B/G, D, E/1 : nim. - A, B/1, 11/2, ii/3. BA C/1 : mjui.
(Notre 23.)
(*)Col. ÎH8-I7i. (Noire 53.)
— 232 ~
logique, on lira, d'après les manuscrits : ad fundamentum ,
« le monastère étant rasé jusqu'aux fondements (et non
j> depuis les fondements). »
///, 8. Ahsentia. — « [Non] magis animo quam corpore >,
traduit littéralement, donnerait « pas plus d'esprit que de
corps » ; mais cette locution, qui revient à dire en français
« ni d'esprit ni de corps », n'est pas l'équivalent du latin,
qui signifie : « par l'esprit autant que par le corps ».
Ainsi traduite, la phrase est parfaitement justifiée par le
contexte (1), et l'éditeur a eu tort de supprimer le non,
Illy 13. Benedictus. — « Vestrae Majestaii interest (2) »
est contraire à toutets les habitudes, reconnues par la gram-
maire, des verbes refert, interest ; mais Hildebert avait
sans doute écrit : « Vestrae Majestatis interest (3). »
///, i4. Nota, — c( Sic uberius meum implet (et non
» implent) desiderium, quae circa vos aguntur agnoscere
» pagina vestra quam relatione aliéna. — Mon désir est
» ainsi plus pleinement satisfait, d'apprendre ce qui vous
» concerne de votre main que par le récit des autres. »
///, 28. Pueris. — « Nihil in eo fuit quod beneficii
minuerit majestatem » est moins latin que : minuerei (4).
111, 30. In me. — A la place de « dummodo tnorigeror
amico (5), — pourvu que je sois au goût de mon ami *,
j'écris : morigerer, d'après les manuscrits. En efiet, dum-
modo, pourvu que, gouverne le subjonctif.
(1) Cité dans le chapitre précédent. (Notre 79.)
(2)Col. 29l-17i). (Notre6.)
(3) B/2, B/3, B/5, C/1, E[l, E/3 : Majeslati. — A, B/1, B/4, D, E/2 :
Majestatis.
(4) B/2, n/5 : minuerit. — B/I, B/3, B/6, C/1, D : minueret. (Notre 30.)
C)) Col. 301-192. (Notre 40.)
i t.
— 233 —
§11.
Laissons les lois de la grammaire, les rapports des modes
et des temps, des prépositions et des désinences, et voyons
de quels éléments se composait cette langue, écrite par un
auteur ecclésiastique au moyen âge.
Le latin, sous Tinfluence de la philosophie chrétienne,
devient plus abstrait. Suhstantia, Verhum (le Verbe), Esse
(l'Être) ; Simpliciter^ Raiionahiliter ; Evacuare (rendre vain,
anéantir, en quelque sorte : vider de sa substance) ; Pro-
prietaSy Forma, tels sont les vocables dont l'emploi fréquent
accuse les progrès de ce grand mouvement scolastique et
théologique qui doit, à partir du milieu du XII® siècle,
primer les belles-lettres.
Vers IdOO, la science formelle n'a pas encore tout des-
séché ; les vertus morales, dégagées du masque païen et
non encore réduites à l'état d'entités logiques, sont traitées
par l'écrivain comme des personnes et donnent de la vie à
son style. Dans cette expression : « Virtus qux cum Delicto
ad Judicem venit (1) », le Péché et la Vertu sont considé-
rés comme deux témoins à charge et à décharge qui com-
paraissent devant le Tout Puissant. La Raison, la Cruauté et
la Clémence ont comme des sympathies et des haines, dans
les phrases suivantes (2) : « Atqui Rationi nullum est penitus
» cum Grudelitate consortium.... cujus Lares tam supeme
» despicit.... Aliud habet illa contubernium atque aliis
]» cohabitatoribus constipatur, inter quos Glementia non
» ultimum possidet locum... Ea quasi pedisequa matrem
» familias comitetur oportet. »
(0 Lettre Gratulm^ Honori Tuo. Bourassé imprime à iori dilecto.
(I, 7 - col. 155-18.) Les mss., la Bibliotheca Patruni et l'édition de 1708
portent : delicto, (Notre R4.)
(2) Abseniia mariti. « La raison n'est pas du tout camarade de la
» cruauté. Elle fait ménage avec d'autres, parmi lesquels la clémence..
* Celle-ci doit l'accompagner, comme la servante suit la mère de
» famiUe. » (I, 3 - col. 144-5.) (Notre 78.)
— 234 —
Pedisequa^ Lares : on croirait qu'Hildebert a copié le
langage d'une comédie de Plante ou de Térence, quand il
nous parle des « Lares de la Cruauté », car le démon familier
du paganisme ne lui fait pas peur, et les habitants du ciel
eux-mêmes, anges et archanges, héritent de Tappellation qui
désignait les dieux de TOlympe par opposition aux divinités
infernales : Superi (1). Signalerons-nous, en revanche, la
présence dans le langage théologique d'un mot qui regarde
l'avenir, puisque la Science moderne doit le reprendre à son
compte? Protoplastus^ protoplasma (du grec tt^toç, premier;
nl(x(T(T<ûy former). Il désignait alors le premier homme et
rappelait le grand acte de la création ; la science naturelle,
qui prétend remonter à la formation de la cellule primitive,
lui applique ce terme; le protoplasma, c'est la parcelle
embryonnaire de matière vivante qui est à la base de toute
vie humaine ou animale et que la chimie s'essaye, sans
succès jusqu'à présent, à reconstituer par la synthèse.
Ainsi, les mots passent à travers le réseau, sans cesse
dénoué et renoué, des idées; l'originalité de la pensée
humaine, en un certain moment, réside dans l'usage parti-
culier auquel elle plie ces vocables empruntés aux époques
antérieures ou destinés à d'autres fins dans les âges
suivants.
C'est donc par les alliances de mots qui représentent des
associations d'idées nouvelles et par le cachet nouveau
imprimé à des mots anciens, qu'il faut étudier un auteur
écrivant le latin au XIP siècle.
Alliances de mots. — Je passe en revue quelques
alhances de mots familières à Hildebert.
Par exemple, Eocarare sera fréquemment rapproché par
lui de son demi-frère : Exorare, Le premier, originaire-
(1) Cf. « Descenderunt in lacum mortis i», pour désigner Fenfer.
[Prœsentium. Il, 24.) (Notre 15.)
ment une expression de labour, a fini par désigner toute
espèce de travail, et même celui du style, de la composi-
tion ; l'autre signifie : prier. Travailler et Prier, travailler
pour produire une œuvre et prier pour demander à Dieu
que l'cpuvre porte fruit, les deux actions ne vont pas l'une
sans l'autre: t Ûum vobis hiec exaravimus, e:coravimtts
scrutantem renés et corda (1). »
C'est une pointe, nous n'y contredisons pas, mais les
pointes, maniées avec modération, ne déparent pas le style
épistolaîre, où il est important de frapper l'esprit par une
expression concise et pittoresque. Ainsi ne l'entendait pas
l'orateur Cicéron, qui transportait dans ses lettres l'ampleur
et l'abondance du style de la tribune, mais aussi, par contre,
les épithëthes redondantes et les périodes toutes taites.
Sénèque et après lui Hildebert, ont évité ce Charybde pour
tomber dans le Scylla des constructions disloquées, des
antithèses (2) et des alitérations répétées à satiété. Intellige
qua dico, Scietiti loquor, sont des coupes de phrase fré-
quentes chez notre auteur comme dans les lettres à
Lucilius. Œ Bene pergis, ai quo pergia pertingia (3) > est tout
à (ait dans le goût de Sénèque.
Je préfère à ce jeu de mots les recherches d'expressions
qui répondent â des oppositions profondes dans les idées.
Ainsi, la vie active s'opposant à la vie contemplative met en
regard ProfuH, il a servi (son prochain) ei Profecit, il a
profité (pour lui-même). « Citra perfecturg proficit quisquis
(t) 1 Sane dum vobiB hase exaravimu; ei
) et uorda ne paterelur hoc defectu vestrum pulsari spiritum. quo
> praesumeretia ea poilus arroganti» quam chariuti Jeputare. ■
(SanctK.) ~ Cr. < Quaedum «Mrautmiu,.... acoraviinui ne pateretur
■ vos in eam decUnare opinionem, ut aacriberetis Jactanliœ (]uch1
> impensunieslcljaritati.i>(FormuleB de la Gii. — Sfetius tue.) I Nos 28
et 19.»
(2) < Son style est sobre d'épitbëtes, mais Don pas d'antithèses, d
Tout noire chapitre n'est que le développement de celte parole de
M. Hauréau {Histoire iiltéraiee du Maine).
(3> Cunt nieceperia (I, 11 ■ col. 17941)}. iNolre 87.)
- 236 —
alteri, cum potest, non prodest (i). » Il y a ici, pour finir,
une autre recherche de consonnances, et vraiment c'en est
trop, mais la phrase veut dire : « La perfection n'est pas de
» profiter pour soi, mais de faire profiter autrui quand on
» peut. »
« Non est consecrare sed exsecrare (2) » met tous les bons
ensemble (cum) et les maudits dehors (ex), « dans les
ténèbres extérieures. »
« Amplexus Christi ex quo parity non périt virginitas (3) »
oppose les enfantements précaires de ce monde à ren&nte-
ment de l'esprit dans la Grâce.
Ce sont là plus que des « jeux » de mots ; ce sont des
« alliances » de mots, qui expriment par leur physionomie
deux faces de l'idée morale. Hildebert abusa du procédé,
comme Sénèque, comme saint Augustin (4).
Acceptions nouvelles des termes anciens. — Ce qui
n'est pas moins intéressant, c'est l'emploi des mots jadis es-
sentiels à la vie latine, devenus partie intégrante du langage
chrétien avec un sens tout différent. La Loi (Lcx), La Cité
(1) Conversione (1, 1-col. 142-3). (Notre 55.)
(2) « Exsecrationem potius quam conaecrationem, » (Lettre de Geoffroy
de Vendôme sur la consécration de Rainaud.)
(S) Consideranti mihi (I, 21 - col. 196^). (Notre 76.)
(4) « Defensionis manum, quoties opportere attendiSy extendis. » Le
!•' verbe exprime la réflexion qui précède l'acte ; le 2« verbe désigne
Facte qui s'ensuit, l'effort réalisé (III, 9). — « Quod non accipit impro-
mdu8, sed importunus extorquet » est une opposition acceptable (III,
3). a Statim statut » (même lettre) est franchement mauvais. —
Audita et sainte qua incolumis es et salutatione qua me dignata es »
est une formule saillante qui convient assez au style épistolaire
(III, 11). c Quoties meas aures aura afflaverit » (même lettre) est un
calembour détestable. — Ailleurs (I, 15), Beaugendre a remplacé
la consonnance de deux adverbes par un pléonasme. Au lieu de
« quidquid impie volunt, inique agunt », il faut lire : «i quidquid impie
» volunt, impunc agunt, — tout ce qu'ils veulent dans leur impiété, ils
y» le font » non pas a iniquement », ce qui va de soi, mais « impuné-
» ment » (col. 183-50). (Nos n»» 29, 41, 82, 65.)
— -237 -
(Civitas), U\ Liberté (Ubertas), Le Salut de t'Ëtat (S'ntiij).
désignent h présent : la Loi sacrée, la Cité de Dieu, Le Librc-
arbilre, le Salut de notre dme.
L;i Réptiblique est taiilùt l'ensemble de la chrétienté
{respuUica christiana) (1), tantôt l'homme intérieur (respu-
bliea interioris hujus hominis noslri) (2), oii les vertus et les
vices se disputent le champ comme des partis en fureur.
A l'Exil on doit préférer comme autrefois la Patrie,
(exsilio patriam prœtulisti) (3), mais l'exil, c'est !e monde,
et la patrie se confond avec le Paradis. — Qui pouvait
chasser le Romain de son foyer par la proscription?
L'Ennemi politique, Inimicus. Et qui peut nous retrancher
du nombre des Élus ? Toujours l'Ennemi, le Diable, Inimicua.
— Pour forcer les suffrages du peuple, il fallait h Rome
bien mériter de la patrie (bene inereri de pal}-ia); pour
fléchir Dieu, il faut mériter de nous-méme, par nos actes, ce
que Dieu nous a réservé. Or, ce qu'on fait de soi-même
pour aller au-devant de la Grâce s'appelle : Meritum (4). —
Mais, si la Gloire {Gloria) s'acquérait jadis par lu faveur
populaire (Gratin popuH), maintenant elle nous est conférée
par la Grâce divine.
L'abbé qui réforme son monastère est le « censeur de
l'ordre violé s (violati cenaor ordinU) (5). Tite Live retrou-
verait ici les traités et les- pactes d'alliance dont il nous
entretient, pactes conclus par des moines avec le déshon-
(1) « Iiiter lot Bacrœ professionis injurias, etiam hoc praejiidjcio rei-
pvblica preniitur. > C'eBl-à-dire : Ils ne Tunt pas Beuleniont lort A
leur ordre, mais à la cbrètienté entière, par leur conduite (en «tonnant
auic laïques le mépris des moines) (II, 35). (Notre 19.)
(S) Cuni bene tnuUU (I. 13 -col. 176-13}, — a. ■ In menlevttut
■ foremes fumuttua ienliunl, — ils ressentent dans leur esprit des
. tumultes pareils à eeux du forum. • (l, 22-coI. i99-(i9.) (Nos n" SU
et 44.)
(3) Confldimui in Domina (I, 10-col, 163-27). — Cf. (mêmelettre)
■ De etciilio reverteris in jmlriam (1D(>-31I). * (Noire 73.)
(4) Exemple i « Quod te Dominam appeUo, nuveris esse merili lui. *
(5) EU apud no» [11, 25). (Notre 40.)
— 238 —
neur, et les béliers qui battent les murs d'une citadelle où
se défend la raison, avec la pitié et la foi (1).
On sait quelle place ont tenue, dans l'histoire romaine,
les luttes soulevées par ce qu'on appelait le Jus Latinum,
Jus Italicum^ ensemble des droits politiques ou sociaux
reconnus au Latin, à l'Italien. Je lis dans Hildebert une
expression curieuse, calquée sur celles-là: Cœlicum Jus,
droit d'admission au Ciel. Le droit de vote est remplacé par
le droit d'élection, c'est-à-dire le droit de figurer parmi les
Élus.
Ailleurs, il y a comme un doublet ; le mot païen subsiste
et voit surgir en face de lui un terme chrétien. A côté de
Sacrificium se pose Holocausium et à Divinatio ou Divinator
répondent Prophetia^ Propheta (2). Le mot courant est
d'ailleurs, là socrt/ictMm, l'ancien mot, et ici propheta^ le
nouveau ; mais, quand l'auteur précise son idée, il se plaît
à opposer les devins mercenaires aux prophètes, et le
sacrifice feint ou incomplet à l'entier renoncement. De
même, Exspectare s'emploie plutôt au sens ordinaire de
attendre, et Prxstolari au sens spirituel: prxstolantur
mercedem (aetemam) (3).
En résumé (4), le style d'Hildebert n'est le plus souvent
incorrect que par la faute des copistes ; lors même qu'il
(1) « Virtutum muros arietes hujusmodi concutiunt, arcem dejiciunt
rationis. p (I, 10 - col. 162-26.) (Notre 73.)
(2) « Contriti cordis... holocatuttum, sacrificium lacrymarum, — les
larmes en sacrifice, mais le cœur en holocauste » (I, 22 - col. 199-69).
— Cf. Conversione (I, 1), dont nous donnons le texte au chapitre
suivant. — Pour propheta et divinator, voyez Sanctœ conversationis
(I, 8-col. 157-21)). (Nos n»» 55 et 28.)
(3) Prœsentium kUores (11, 23 -col. 241-118). (Notre 64.) — Est-ce la
peine de faire observer qu'Hildebert n'emploie jamais attendere au
sens d'attendre, mais dans son acception latine de : faire attention à,
songera?
(4) Hildebert ne paraît pas avoir observé systématiquement les règles
du curBus. Nous avons relevé les finales de ses lettres, et nous avons
— 239 —
échappe aux lois de la latinité, il est intéressant d'y saisir
la trace des constructions de ce qui sera plus tard le français.
Quant à la langue, elle présente des rencontres de vocabu-
laire originales, souvent affectées, mais curieuses ; ajoutons
que ces ornements d'un goût incertain sont toujours des
formes d'arguments, que derrière le cliquetis des mots il
y a des idées qui s'opposent; aussi, en dépit de cette
préciosité, les beaux passages sont nombreux ; l'art ne fait
pas défaut, il est au contraire trop recherché, et toujours la
pensée est forte ou gracieuse. C'est ce dont le lecteur se
convaincra, nous l'espérons, en lisant notre quatrième et
dernier chapitre.
trouvé que la moitié seulement (56 sur 107) était rédigée selon les
principes reçus à la chancellerie pontificale depuis la réforme de Jean
Gaetani.
— 240 —
CHAPITRE IV
PORTRAIT D'HILDEBERT D'APRÈS SES LETTRES
Nous avons examiné les lettres d'Hildebert à un point de
vue historique et chronologique, en tâchant d'établir l'iden-
tité des correspondants à qui elles furent adressées ; nous
les avons revues ensuite pour la pureté de leur texte, leur
plus ou moins de conformité à la syntaxe latine et leur
vocabulaire ; il reste à dégager quelques-unes des idées
principales qu'elles renferment, à montrer comment ces
idées procédaient les unes des autres et se présentaient à
l'esprit de l'auteur dans le travail de la composition : ainsi,
nous compléterons les notions acquises sur le caractère de
notre évêque, le milieu où il vivait et pensait. Pour esquisser
ce portrait, nous demanderons chemin faisant quelques
renseignements à ses autres écrits ; cependant, ni les
poésies licencieuses que l'élégant rimeur composa au temps
de sa jeunesse (1), ni la cr Vie de saint Hugues (2) », œuvre
distinguée mais de conception étroite et de ton morose,
qu'il faut rapporter à la vieillesse d'Hildebert, ne le présen-
tent sous un jour aussi vrai que sa correspondance. C'est
ici qu'il faut le voir, causant et enseignant, tantôt luttant
pour sa cause, tantôt jugeant la conduite des autres, et
toujours mêlant l'expérience de sa vie à celle de ses lectures.
C'était un esprit bien ordonné ; en le prenant lui-m^e à
témoin de sa propre pensée, nous aurons un guide fidèle, un
compagnon aimable et grave à la fois, car dit M. Hauréau,
ce il n^y a rien de commun^ rien de trivial^ rien d^aban-
(1) Voy. B. Hauréau, Mélangea poétiques dHildebert,
(2) Voy. 1" partie, ch. !•', § II.
- 241 —
D donné dans son discours ; il pesé chaque mot, il nHnsiste
i> jamais sur un détail indifférent ; il écrit une lettre, une
» légende, un sermon avec la même méthode ; sans ^prétendre
» jamais au sublime, il est toujours élevé (1). 3>
§1.
Prenons d'abord la lettre à Guillaume de Champeaux (2),
par laquelle s'ouvre cette correspondance dans la grande
majorité des manuscrits et dans l'édition même de Beau-
gendre. C'est une des plus étudiées ; nous pourrons y saisir
sur le vif les procédés de composition de l'écrivain. En
même temps, comme il converse avec un maître de la
jeunesse, avec celui qui reste pour nous l'un des prin-
cipaux représentants du mouvement philosophique au XII<^
siècle, nous aurons dans cet entretien un point de départ
logique pour nous renseigner sur l'état d'esprit d'Hildebert,
professeur lui-même avant d'être évoque, sur sa conception
de la vie intellectuelle et chrétienne.
Irrité de l'admiration trop profane des uns comme de la
sourde animosité des autres, parmi lesquels était le jeune
Abélard, effrayé du bruit des applaudissements et non moins
froissé par l'audace de cette poignée de disciples qui ne
craignaient pas de le prendre à parti, Guillaume de Cham-
peaux (3) venait de quitter subitement sa chaire de Notre-
Dame, pour fonder l'abbaye de Saint-Victor, où il voulut en-
trer comme simple moine. Certes, le dépit était pour beau-
coup dans sa décision. Je crois, cependant, que nous aurions
tort de faire un choix rigoureux entre les bonnes et les
(1) B. Hauréau. HUt. litt. du Maine, art. Hildebert.
(2) Conversioiie et conversatione ttia. Migne 1, 1. Notre 55.
(3) Sur Guillaume de Champeaux, voy. Hiat. litt., t. X et l'ouvrage
de E. Michaud, 1867.
16
— 242 —
mauvaises pensées dans les mobiles qui le déterminèrent,
Hjais que ces deux sentiments s'unirent, je veux dire
l'orgueil blessé avec la nostalgie de la perfection religieuse,
pour lui donner le dégoût du monde. De bonne foi, il se
crut prêt à renoncer à tout. Mais, quand il se sentit de
nouveau parmi les siens, il se réconcilia avec la vie, et on
ne désespéra plus de le voir reprendre, à Tombre du cloître,
le cours de ses leçons. C'est pour appuyer les sollicitations
d'un petit nombre de fidèles qui regrettaient son enseigne-
ment, que lui écrit Hildebert.
Il commence par entrer dans les raisons qui ont éloigné
le professeur de sa chaire.
Conversione et conversatioiie tua (1) lietatur et exsultat anima luea,
illiim prosequens actione gratiarum, cujus muneris est quod nunc
tandem philosophari decreveris. Nondum quippe redolebas philoso-
phum, cum ex acquisita philosophorum scientia niorum tibi minime
depromeres venustatem ; nunc autex, sicut e favo mellis dulcedinem,
sic ex ea bene agendi formulam expressisti. Hinc estquod^ ecclesias-
ticis digiiitatibus omissis , elegisti a abjectu» esse in domo Dei tui^
magis qnam habitare in tabemaculis peccatorum (2). » Hinc est quod
ambitiosam supellectilem inexorabili odio persequeris, quod instito-
riam abdicas lectionem, quod a magnum quœslum judicas pietateni
cum sufficientia (3). » Hinc denique est quod intra fines virtutis totum
te colligis, quod de vita tua cum natura délibéras, minus attendons
quid caro possit quam quid spiritus velit (4).
Ici les éditeurs des Pères et dom Beaugendrc ajoutent, à
(1) B/5 : Conversatione et conversione tua. — B/3 : De conversione
et conversatione tua.
(2)P«o/. LXXXUI,!!.
(3) J« Tim. VI, 6
(4) « Votre conversion et votre nouvelle manière d'être réjouissén
» mon àme et la font tressaillir; j'en rends grâce à Dieu, car c'est do
» sa bonté que vous est venue cette résolution d'être enfin philosophe.
» Non, vous n'embaumiez pas encore la philosophie, lorsque, de toute
» la science philosophique que vous aviez acquise, vous ne dégagiez
» pas, pour les appliquer, les principes des belles mœurs ; maintenant
B au contraire, comme le miel de son rayon, vous en avez tiré la plus
- 243 —
côté du mot natura^ un non qui n'existe dans aucun
manuscrit, comme ils l'avouent eux-mêmes, mais qu'ils ont
jugé nécessaire de suppléer, disent-ils, pour l'intelligence
du texte. Étrange procédé ! On prête à notre auteur l'inten-
tion d'opposer la voix de la nature aux conseils de la médi-
tation et de l'esprit, quand, à l'inverse, il fait rentrer la
vertu dans le domaine de la nature, à la façon des stoïciens,
et estime que, la volonté de bien faire ne faisant pas moins
que les impulsions mauvaises partie de la conscience
humaine, et de la nature par conséquent, tout le rôle de
Vesprit consiste à dégager de la nature étudiée par la
conscience le véritable sens de la vie, et à mettre en relief
par cette recherche ce qui est le propre de l'homme, la
vertu, Beaugendre aurait pu le constater par d'autres lettres ;
Hildebert n'accuse pas volontiers la nature, un tel réquisitoi-
re ne fait pas partie de sa rhétorique, et il ne se serait jamais
écrié comme Joseph de Maistre : « La Nature, qu'est-ce
que cette femme*? » « Naturœ vivit, non gulœ », est-il dit du
chrétien qu'Hildebert propose comme modèle aux mauvais
moines (1), et, dans l'éloge de Bérenger (2), ce personnage
très saint et très sage est loué de son application à suivre
la nature :
Cujus cura sequi naturam....
» suave des règles pour bien faire. C'est ainsi que, renonçant aux
» dignités ecclésiastiques, vous avez mieux aimé être humble dans
» la maison de votre Dieu qu'habiter les pavillons des pédieurs.
» C'est ainsi que. ce luxe ambitieux, vous le poursuivez d'une haine
» implacable, et vous renoncez à tenir boutique de science, estimant
» comme une grande richesse la piété^ jointe à ce qui suffit. Enfin,
» c'est ainsi que vous vous recueillez tout entier dans les limites de la
1 vertu, et vous délibérez avec la nature sur la direction de votre vie,
» en faisant moins attention à ce que peut la chair qu'à ce que veut
» l'esprit. »
(1) Apostolicis erudimur exemplis, Migne I, H. Notre 49.
(2) Migne, Palrol. lat., col. 1396-1324. — B. Hauréau, Mélanges,
p. 28.
- 244 -
D'ailleurs, le passage de notre lettre ne fût-il pas stricte-
ment conforme à Tesprit chrétien, qu'importe puisque cette
argumentation est, sinon contredite, du moins complétée
ou tournée comme on verra , par la conclusion du
discours?
Donc, c'est en écoutant les conseils d'une certaine philoso-
phie, que Guillaume de Ghampeaux a renoncé à l'enseigne-
ment public : toute cette partie de la lettre est proprement
philosophique et stoïcienne ; le nom de la grâce n'y est pas
prononcé, ni môme sous-entendu. Découvrir la vertu dans
la nature même et la pratiquer telle qu'elle s'y offre à nous
par la méditation,
Hoc vere philosophart est ; sic vivere, magnum jam cum superis est
inire consortium : nulla hinc ad cœlos (1) via compendiosior. Eo facile
pervenies, si tamen exoneratus incesseris. l'orro animus ipse sibi (2)
sarcina est, donec et sperare desinat et timerc ; nondum enim béate
vivit, quem vel voti torquet diiatio, vel a veto decidendi metus
excruciat (3).
Ge paradis qu'on nous propose est le paradis d'un phi-
losophe. Hildebert, remarquons-le, ne recommande pas à
Guillaume de Ghampeaux d'adopter dans sa retraite les
mortifications ascétiques, telles que pénitences rigoureuses,
cilice et flagellations ; il le félicite simplement d'avoir fui les
succès mondains, de se recueillir et d'écouter la voix intime
de sa conscience. Ainsi faisait Diogène, ajoutc-t-il, qui fut
riche dans son tonneau, parce qu'il était détaché de tout : un
(1) A/1 : ad cœlum. — B/*3 : ad superos.
(2) fV2, B/3 : (sibi).
(3) « C'est là la vraie philosophie ; vivre ainsi, c'est entrer par avance
» en communion avec les habitants du ciel, c*est prendre le chemin
» qui y mène le plus vite. Vous y parviendrez facilement, si toutefois
» aucune charge ne ralentit votre marche. Or l'àme est à soi-même
» son propre fardeau , tant qu'elle n'a pas cessé d'espérer et de
» craindre ; et il ne connaît point la vie bienheureuse, celui que tour-
» mente l'ajournement d'un vœu, l'angoisse d'une déception. »
— 245 —
chrétien ne voudrait pas se montrer moins capable de
renoncement que Diogène.
Diogenes, quia nuUius speravit favorem, nullius formidavit poten-
tiam ; ille in dolio suo, tam spc vacuus quam timoris expcrs, locuplctem
transegit paupertatem. Porro qu» sic infidelis Cynicus abhorrait,
tanto amplius necesse est ut christianus doctor abhorreas, quanto
fructuosior est professio, quse per fidem operatur. Moruin haec ofTendi-
cula sunt, et ad virtutem gradientes remorantur. Eruditus scrmo et
cultus abjectior et severius retractata verœ religionis instituta^ religio-
sum non exhibent christianum (1).
Beaugendre, qui plus haut a introduit une négation où
elle n'était pas, ici supprime celle qu'on lit et, cette fois
même, ne se donne pas la peine d'indiquer cette altération
par une note ; on ne sera donc point étonné que l'auteur
ait voulu dire tout le contraire de la pensée qae lui prêle
son éditeur. Le raisonnement est celui-ci : Des connais-
sances transcendantes, l'habit du moine et l'observance
d'une règle ne font pas le vrai chrétien ; tout cela est encore,
si j'ose dire, trop extérieur à l'âme ; il faut que le chrétien
ait ceci de commun avec le philosophe, de ne rien espérer
et de ne rien craindre.
Nunc autem exhibebis (christianum), et perfeclum exprimes philoso-
phum, si nec speres aliquid, nec extimescas (2); hoc et verum animi
robur et integrum mundi contemptum denuntiat.
(1) « Pourquoi Diogène n'a-l-il redouté la puissance de personne ?
B Parce qu'il n'a espéré les faveurs de personne. Cet homme, dans son
» tonneau, aussi libre d'espoir qu'affranchi de la crainte, fut riche
B dans sa pauvreté. Et les choses que ce païen, ce cynique eut en
» horreur, combien plus il est nécessaire que vous les méprisiez, vous,
» un docteur chrétien, dont la vocation, enracinée dans la foi, fructifie
» davantage ! Car ce sont là des pièges pour les mœurs, des retards
> pour la vertu. Une parole savante, un extérieur humble et la médita-
1 tion sévère d'une règle religieuse ne font pas le vrai chrétien. Mais
» vous vous montrerez tel, et en même temps vous serez le modèle du
» parfait philosophe, si vous cessez d'espérer et dtî craindre ; cVst à
«quoi on reconnaît la véritable force dame et le complet mépris du
» monde. »
(2) A/1, B/3: cxpertiméscas.
— 246 —
Le philosophe et le chrétien posséderont tous deux Je
renoncement intime, le seul vrai, mais vont-ils le comprendre
et le pratiquer de même manière? Ici entrent en ligne,
dans la seconde partie de la lettre et comme correctif à la
philosophie naturelle, les conseils de l'Évangile, avec cita-
tions de la parole du Christ et de ses docteurs ; ici apparaît
la distinction entre le sacrifice et Vholocaustey distinction
que nous avons déjà eu occasion de signaler à propos des
subtilités de langue d'Hildebert (1). L'holocauste, c'est le
sacrifice chrétien, le sacrifice effectif, moins complet quel-
quefois en apparence, absolu en réalité. Or, Guillaume a
promis à Dieu un abandon entier de soi-même ; ce serait de
sa part frustrer le Seigneur en la personne du prochain, que
de garder pour soi les richesses de son savoir. Renoncer
aux succès d'une chaire publique, c'est déjà un sacrifice ;
enseigner par devoir dans la retraite en s'interdisant de
recueillir les murmures flatteurs du monde, cela serait la
consommation de l'holocauste.
Fert autem fama id a quibusdam tibi persuasum, ut ab omni iectione
penitus abstineas. Super hoc attende quid sentiam. Citra perfectum (2)
proficit quisquis alteri, cum potest, non prodesl; virlus est, etiam
mule usuro, virtutis ministrare maleriam. Prseterea sub evangelico te
coliibuisti consilto, quo juvenis a Christo audivit: « Vade, vende omnia
quœ habeSy et da pauperibusy et veniy sequere me (3). » Holocaustum
igitur habes ofTerre, non sacrificium. De eorum quippe differentia
apud Gregorium super Ezechielem (4) sic legisti : « In sacrifido guident
pars pecudiSj in holocauslo autein totmn pecus offerri consuevit, »
Et post pauca : « Cum guis aliquid suum vovet et aliquid non vovet (5),
tfocrificium est ; cum vero ornnc quod habety omne quod vivit, omne
quod sapit omnipolenti Deo voverit^ holocaustum est. » OfTer ergo te
totum Domino Deo, quoniam Domino Deo totum te devovisti ; alioquin
eum promisso defraudas holocausto. Denique < sapientia abscondita
et thésaurus absconditus, quœ utilitas in utrisque (6) f » Aurum melius
(1) 1I« partie, ch. III, p. 238.
(2) Deang. : profectum. Voy. p. 221.
(;i) Marc, X, 21.
(i) ,S. Gregorii in Ezechielem lib. II, hom. 9.
(5) ri/3 : (et aliquid non vovet).
(6) Eccli, XX, 32.
mtilat dispersiira quam signatutn; nihil a viUbus tophis gemm»
dilTenint, nisi in médium ^educAnlur. Scientia rjuoque dietribiita
stiscipit incremeiilutn, et, uvarum dedlgnatii ptMsessorem, riisî ptibli-
cetur, clabitur (1). Noli ergo clauilere rivos doclrinie tuie, sed, juxla
Salomonem, ■ derivenlur [onies tui foras, et aijua» tmi in platei»
divide ' (3).
En d'aulres termes, la vertu chrétienne par excellence,
c'est la charité, et celui-là seul peut se vanter de s'être
converti, qui est sur la voie de ia charité. Or, priver son
n (Ktasessiu est scicntiit, qum
irum dedignntH possessurem,
(1) Cf. (lettre Familiai-e) : • Notiilis
distributa suscipit i
nisi publicetur elabitiir.
(2) Prou. V, Kl.
< Mais poursuivons. La renominrà m'apprend qui?, sur le conaeil
t de quelques personnes, voue l'enotjcericx ii tout enseigiieueni i
• à ce propos, voici won opinion. On ne prolite pas parfuiiement,
• si, quand on le peut, on ne Tait pas proll 1er autrui ; car c'e«l vertu que
I de rournir la matière de In vertu, m^ine A qui doit en user mal. Au
» surplus, ne vous étea-vous pas engagé à ol)BerPer te wiiiBeil évaiiyé-
• lique qu'un jeune liomme reçut du Christ lui-ra^me? Va, vgtuli
• tout ce 'lue la podiaèrfe», donne-le o'tr pauvres et vient à ma suite.
• Vous ave* donc un iiolocansle à offrir, non un sacrifice. Entre les
> deux, lifiex dans saint Urègoire, au chapitre sur Exéchîel, ladilTé-
B Teiic«: Dam le sacrifice, une partie des bietu leulenient; inaU dana
■ l'holocauste, tenu lei hieiu eoititituent l'offrande. Et un peu plus loin :
) Si quelqu'un dévoue une partie de son bien et garde le rette, il fait
■ un saeri/ire ; main quand il a voué à Dieu tout son bien, toute sa vie,
t tout son savoir, c'est l'holoeausle. Offrex-vous donc tout entier au
I Seigneur Dieu, puisque vous avex tout promis par votre vœu ; aulre-
X ment, vous manqueriez â votre parole. Enlln, une lageiie cachée,
K un trésor enfoui, dâ guette uti(il^«Dn(-if«f dit l'I^cclésiitEtique. L'or
■ brille mieux en paillettes que fige en monnaie (' ) ; les pierres prO-
• cieuses ne dîlTëi'ent en rien d'un mauvais tuf, si ou ne les tire pus
« de leur gangue. De même, la science qu'on répand s'aceroit et, au
• contraire, dédaignant le maître avare qui refuse de la miinifeater,
■ elle se réduit à néant. Ne fermex donc pas les ruisseaux de vutiv
> science, mais, suivant la parole de Salomon, que uos totircat s'éehayt-
t pent au dehors et que le» place» publiques soient arrosées de vos
% fontaine», n
de Jeun Zimlecès. uunparïe t Ik nwnntjc il
- Î248 —
prochain des lumières de son enseignement, ce serait
manquer à la charité.
Ainsi, par un habile détour, Hildebert, après avoir paru
entrer dans les raison qui déterminèrent le professeur à la
retraite, finit par lui commander de remonter en chaire. —
Vous avez cru faire mieux, mais le mieux est souvent une
illusion, qui nous cache le véritable bien, a II meglio è il
nemico del bene » (1), dit le proverbe italien. Les résolutions
extrêmes ont toujours été relativement faciles, le philosophe
cynique les pratiquait ; mais l'abdication est indigne du
chrétien, qui a dans toutes les circonstances de la vie une
loi pour se guider, TÉvangile. — On s'attendait peu, en
vérité, à ce que le fameux « vade et omnia quas habes
vende » fût le principe d'une résolution moyenne, d'un
compromis entre l'appétit exagéré de perfection et les
devoirs de charité : ce n'est pas une des moindres origina-
lités d'Hildebert, de plier ainsi les préceptes de l'Écriture à
l'esprit de la religion, telle qu'il la comprend et la recom-
mande.
Guillaume de Ghampeaux suivit le conseil ; il recommença
à donner des leçons dans le monastère où il s'était
retiré. Mais ses fidèles, comme ses détracteurs, l'y pour-
suivirent ; il eut de nouveau des démêlés avec Abélard,
qui opposait à son réalisme philosophique la thèse con-
ceptualiste, et il finit par renoncer à l'enseignement, pour
accepter un siège épiscopal qu'il avait longtemps refusé.
Il devint évêque de Ghâlons-sur-Marne en 1113; en 1119,
il assistait au concile de Reims, oji Hildebert put le ren-
contrer ; il mourut en 1121, après avoir donné la bénédic-
tion épiscopale à celui qui devait le venger du triomphe
momentané de son rival , à l'abbé de Clairvaux , saint
Bernard.
Ni absorbé par les succès mondains, ni follement ascète,
( l) " Le mieux est l'ennemi du bien. >»
— 249 -
il sut, après un premier moment d*impatience, contenir la
fougue de son tempérament et suivit, en somme, les voies
moyennes que lui traçait notre Hildebert, qui fut comme lui
professeur, puis évéque, et toujours philosophe ou écri-
vain (1), sur les frontières de la vie extérieure et de la
méditation.
§ II.
Le parallèle entre ces deux genres d'existence, active et
contemplative^ se lit dans la lettre à Guillaume, abbé de
Saint-Vincent, qui avait été élu contre son gré (2).
Homme de pensée et d'étude, il s'était plaint qu'on lui en-
levât les loisirs qu'il consacrait si volontiers à la méditation,
et qu'on lui imposât à la place les misérables soucis de la
direction et de l'administration du couvent. Il tant dire que
le prédécesseur de Guillaume, Ramnulfe, avait eu les dents
longues et que, pour accroître le domaine de la communauté,
il avait soutenu quantité de procès, dont la liquidation s'im-
posait au nouvel abbé. Ainsi prospéraient les maisons
religieuses : à un chef ami des procès succédait un saint
homme, dont l'administration moins agressive, sinon moins
ferme, légitimait les conquêtes entreprises, et, de la sorte,
se combinaient pour les moines les fruits de la vie active et
de la prière.
Guillaume a-t-il le droit de se dérober à la tâche que lui
imposent les circonstances? Hildebert ne le pense pas. Au
reste, ces dessous que nous venons de signaler sont laissés
dans Tombre: il n'en est pas plus question qu'il n'est fait
(1) Le philosophe était plutôt Guillaume, et Técrivaiii Hildebert. Ce
n'est pas à dire que celui-ci n'eût l'esprit philosophique, mais on a eu
tort de lui attrihuor un rûle dans la querelle des Universaux ; en oiïot,
le Tractât U8 théologiens, édité par Keaugendre, n'est pas de notre
évoque. — Voy. pour référence 1" partie, chap. I, p. 3().
(2) U$u paritcr et iiecessitate. Migne I, 22. Notre 44.
— 250 -
allusion, dans la lettre à Guillaume de Champeaux, au petit
mouvement de dépit qu'il avait pu ressentir. Ici, les intérêts
de TAme du nouveau dignitaire sont seuls en cause.
Le lettre que lui écrit Hildebert n'a pas la sobriété clas-
sique, la concision élégante de Tépître à Guillaume de
Champeaux ; les companiisons empruntées à l'Écriture sont
trop nombreuses et se heurtent un peu confusément ;
toutefois, les jolis traits abondent. L'ensemble de l'argu-
mentation repose sur l'interprétation de deux légendes pré-
sentées parallèlement et empruntées, l'une à l'Ancien, l'autre
au Nouveau Testament. Passons rapidement sur la première.
Si Rachel représente dans la pensée des canonistes la femme
aimable, digne d'être souhaitée en rêve pour son charme et sa
beauté, et Lia la femme laide et vulgaire, bonne ménagère et
mère de famille féconde, mais difficile à vivre, nous savons
à quels récits, de couleur patriarcale sans doute, mais plutôt
grossiers à notre sens, ce mythe correspond dans la Bible.
Dans l'Évangile, c'est Marthe et Marie de Béthanie, les
sœurs de Lazare, qui incarnent, l'une la vie active, l'autre
la vie contemplative. Un soir, Jésus était descendu chez
elles, Marthe préparait le repas, et Marie, la laissant vaquer
.seule à cette occupation, buvait les paroles du Sauveur.
Marthe se plaignit qu'on la laissât tout faire, et Jésus dit
alors : « Marthe, Marthe, une seule chose est nécessaire ;
Marie a choisi la meilleure part, et elle ne lui sera pas
enlevée. »
Les paraboles ont besoin d'être interprétées, selon le
caractère de celui qui y cherche un enseignement. La
majorité des hommes n'a que trop de tendance à s'absor-
ber dans les besognes journalières et à oublier la culture
de son âme ; la vie contemplative est donc remise en
honneur par Jésus. Mais il ne faut pas oublier non plus que
Marthe fut canonisée, et Hildebert nous montre tout ce
qu'un hoinuie supérieur, trop porté au mépris des occupar
tions communes de l'existence, peut tirer de la parabole
- 251 —
pour son enseignement. Nous l'avons déjà remarqué :
Hildebert, en savant homme, dédaigne l'application immé-
diate du texte et lui fait rendre, sous ses doigts de di-
lettante, les sons les plus imprévus. Il rappelle, à titre
de comparaison , que Moïse se retirait parfois sur la
montagne en face du Seigneur, mais le plus souvent vivait
parmi le peuple ; que Jésus, de môme, fut généralement
avec ses disciples et monta une fois seulement sur le mont
de la Transfiguration ; que Pierre et }*aul remplirent une
mission de combat et cependant eurent leurs visions à
d'autres moments.. Ce qui nous empêche de converser avec
Dieu, c'est le tumulte des passions, mais ce ne sont pas les
occupations extérieures...
La vie contemplative qui ne se nourrit de rien, est
stérile ; l'homme , au contraire , qui a une occupation
suivie , en tire , aux heures de relâche , des motifs de
réfléchir, de méditer sur ce qu'il a fait et pourra faire
encore. Au ciel seulement, la contemplation de Dieu suffira
à noumr notre pensée ; mais, sur la terre, si vous savez
mener de front l'activité et la méditation, quoi de plus
accompli? S'abstraire de la vie pratique, sous prétexte de
perfection, c'est s'interdire la moitié de l'existence, non
point la plus belle sans doute, mais la plus méritante et
aussi la seule capable de donner à l'autre tout son prix.
Telle est la loi du travail , il faut semer pour récolter.
Gardez vos ouailles avec zèle, et l'étoile brillera pour vous,
comme elle apparut aux bergers dans la nuit de Bethléem :
a ... inter pastoralis exctibias solliciiudinis , super nœ iibi
claritas arrideat visionU. »
§111.
Si, pour goûter les joies de la philosophie et de la
religion et pour faire son salut, il n'est pas nécessaire de
- 252 -
s'imposer des retraites sévères ni de répudier les œuvres
de l'activité humaine, seront-ils plus profitables, ces longs
pèlerinages pour lesquels l'enthousiasme entraînait alors
tant de chrétiens ardents, tant d'hommes d'aventure, à
parcourir les terres et les mers ?
Quand le comte d'Anjou voulut aller à Saint-Jacques-de-
Compostelle, en Espagne, Hildebert entreprit de l'en dis-
suader (1). — Vous avez reçu de Dieu sur cette terre, lui
dit-il, un poste à occuper, vous devez le conserver. Partir
pour Saint-Jacques, ce serait abandonner ce poste conflé à
votre garde ; ce serait trahir les petits, .qui ont mis leur
espoir dans les bienfaits de votre règne : un prince se doit à
ses sujets. — Cette idée n'était pas personnelle à l'archevêque
de Tours ; Suger dira la même chose à Louis VII, plus d'un
prélat tiendra ce langage à saint Louis. L'humble, le pauvre
pèlerin peut s'en aller par les chemins, le bourdon à la
main, mais, pour le comte d'Anjou, sa grandeur l'attache au
rivage.
« Quisquis administrationem suscepit^ alligatur ohedie^i-
» tise, qtiam^ nisi ad majora vocetur et utiliora, si relinquit^
» delinquit. Unde, fili charissime, te culpa inexcusahilis
» spectat^ qui necessariis non necessavia, dispensationi otium,
» dehitis indehita pneponis... Tu quidem te alligâsti votOy sed
» Deus officio ; tu vise , sed Deus ohedientise : viae , qua
» Sanctorum memorias videres ; ohedientise^ qua Sanctorum
» memoriis (2) provideres. — Vous vous êtes lié par votre
T> serment, mais Dieu vous lie à votre devoir ; vous voulez
» prendre votre course, mais Dieu réclame l'obéissance ; vo-
» tre voyage vous ferait voir les tombeaux des Saints, mais
3> il faut pourvoir à la sécurité et à la gloire de leurs sanc-
» tuaires dans vos États. »
On sait, en ofTot, que telle était la principale fonction des
(1) Ad memoriam Beali Jacobi. Migne 1, 15. Notre 01.
(2) 1V2, B/5 : meritis.
— aai -
princes de la terre aux yeux du clergé : veiller à la grandeur
des églises et des monastères. Robert de Normandie (1) a et**
ù la croisade ; personne ne lui en sut jamais aucun grê. Ou
ne se rappela qu'uni' chos(>, c'est qu'il avait ^lé impuissant
à maintenir l'ordre dans ses États, et que son règne avait été
celui du pillage et de l'anarchie. Hildeberl, en sa qualité de
prélat attaché à l'Église romaine, a je goût d'une administra-
tion sage, éclain''p. Vn gouvernement pondéré et juste est
selon lui une plus belle œuvre, pour un comte, que le dépôt
d'une couronne sur le tombeau du Christ. .
Mais voici qui est jilus grave. Dans l'ordre contemplatif
môme, dans le domaine de la prière, et considéré unique-
ment comme acte de dévotion, le pèlerinage aus Lieux-Saints
n'est pas le genre de pratique religieuse le plus agréable h
Dieu, s'il faut en croire Hildebert « Inler talmtta qitre servi»
» suis paleffiimUias dUlnUitit , circuire vagum orbem
a terramm nuttua doctor, nutla omnino scriptura comme-
9 moral (2). Hieronijmi teilimonio Beatua Hilarion, cum
B esset proximta dvilali Jérusalem, snmel eam vîdil, ne loca
v Sanctorum contempsisae videretur (.3). — Entre les talents
B (les trésors) que te père de famille distribue à ses servi-
j> leurs, ie don de circuler dans le monde n'est mentionné
■ ni par l'Écriture, ni par les docteurs. Au témoignage de
» de saint Jérôme, saint Hilaire, passant près de Jérusalem,
» la visita une fois pour ne pas avoir l'air de mépriser les
> Lieux-Saints. >
Ces paroles sont tirées de la lettre au comte d'Anjou ;
mais le genre de considérations dont nous parlons, se
trouve développé dans la lettre (4) fi une veuve qui va se
(1) [tobert Coiirl«1iHLiBe, lils île Guiltaume le Coriiiuéi-ant. — Voy.
1" partie, cb. II, pp. 6ô et B(î.
(S)B/3. E/i: connumeral.
(3) Remarquez cetlQ cliute de phrase cicéroiiienne; Ilililebert n'en
i^lait pas cuiilumiec,
(*) Kgredienli tihi ilu mailio. Mi^ni? I. ô. Notre 71 .
— t>5i —
retirer dans un monastère et qui, de toute façon, même si
elle ne prend pas la route de Terre-Sainte, est perdue pour
le monde. Les expressions d'Hildebert, quand il la félicite
d'avoir préféré le couvent au pèlerinage, sont curieuses :
« Chriatum sepultum quam Christi sepulcrum sequi mal-
» uisti.... Vous avez mieux aimé obéir à la voix du Christ
» enseveli dans votre cœur, que chercher la sépulture du
» Christ. Ut enim efficiamur discipuli Cliristi , hajulare
» monemur ipsius crucem, non quœrere sepulturam (1) Les
» vrais disciples du Christ portent sa croix, ils ne se mettent
» pas en quête de son tombeau. » Entreprendre de tels
voyages, c'est satisfaire un certain esprit de curiosité ; c'est
chercher à se signaler par une dévotion retentissante, enfin
ce n'est point la marque du véritable renoncement.
Et renoncer...... en apparence aux distractions, c'est
encore, quand on est capable de l'apprécier et de la goûter,
se réserver la meilleure part. Les esprits vulgaires n'y
comprennent rien ; ils se ruent aux expéditions lointaines ;
ils se jettent à corps perdu dans les aventures, quitte h
polluer, par le brutal déploiement de leurs instincts, les
choses saintes qu'ils s'imaginent vénérer.
Mais la dévotion a des jouissances plus intimes ; l'Écriture
ne livre ses secrets que dans un commerce incessant, par
le travail du cabinet, et le commentaire de la parole divine
se trouve dans tout ce qui nous entoure, sans qu'il soit
nécessaire de passer la mer. Sans doute, il faut aller à Rome
palper les débris de la vieille civilisation, du vieil empire
disparus, car on ne saurait les voir que là ; il faut aller à
Rome saluer le chef visible de l'Église et prendre son mot
d'ordre : devoir de poète et devoir de prélat. Mais aller à
(1) Geoffroy de Vendôme emploie la même expression dans un sens
tout à fait prosaïque (Migue CLVII, lettre I, 13, au Pape), t Nunc utique
M venissera, sed societatem invenire non potui securam, et mortiferos
» Italie calores timebam. Bajulare quidem crucem Chrîstus jubet,
» non quœrere sepulturam. >;
'255 -
' Jérusalem, ce serait du Icmps perdu, pour l'administrateur
comme pour le croyant, et on !i mieux îi faire que de
s'asservir uveuglément h une mode tombée dans le dorniiine
public. Jésus est partout dans une rue où il y a des pauvres ;
lu Nature, où qu'on soit, dît la grandeur de Dieu. L'accom-
plissement raisonné de nos devoirs, la méditation des
cérémonies du culte et l'observation éclaii-ée des choses
joumaliÈres, sonl le meilleur stimulant pour l'amélioration
de noire ;\me et le dévoloppemenl de notre espril.
g IV.
Pour Hddebert, le saint sacrifice de la Messe élait comme
une fête de la science, qui se renouvelait chaque jour ; pas
le plus petit détail qui ne rappeliU à l'officiant les passages
des Écritures, qui n'incitât son intelligence à faire des
comparaisons, expliquer des ligures, opposer des anti-
thèses (1). Voyez, par exemple, la lettre où est si joliment
expliqué le rôle de l'éventail ou flabel (2),
Flabellum libi misi.. (!oiigruiirii sclUcei pmpulsundis muscis instm-
nientum. Est etiam quod in muniiijciilo noslru mlerprelari le oporteal.
Attende ergo quibiis muacis immolantes [loniino sacerdoIesgravliiBîn-
festenlur,qiiibua fréquenter impeilïantursalnlariaaItaHs o(1)cia(3).MUle
suni occursantium ptiantasmata cogitation uni, mille diatioli suggestia-
nes, mille mortaliamtentalionesanimoruin; qiuedumsesacrillcantium
mentibus inopino ingeruni illapsu, dum eas ad alla atque aliéna cogi-
taiida attHtrahunt , dum hiereticam mciliuntur inducere pravitateiu,
(1) Cf., d'HUdebert, Veriut de Myilerio mûaat. M igné, col. il77-ll3fi -
et suiv. — Par exemple, les propliétes ont soupiré après le Christ,
l'ont exalté et invoqué : ces trois états d'àme ojit leur expression dans
I noe prière distincte an conimencement de la messe; — l'orOciant
' monte A l'anlet le CAlice dans la laaia droite, parce que Notre
, Seigneur fut Trappe de la lanue au côté droit ; etc..
(8) FUibelluin libi miii. Migne l, 2. Notre 'Si. — Voir la note, chap. II
de celte ^ partie, p. 170, sur les éventails liturgiques.
(3) Ce membre de phrase a été omis par Beaugeiidre.
— 256 —
qaid aliud faciunt quam, velut qusedam muscae, sacrificantes altaris
minislros infestant et impediunt? Talium portentamuscarum patriarcha
noster Abraham propulsanda prsesignavit^ cum a sacrificiis aves
abegerit incursantes. Scriptum est enim : a Descenderunt volucres
super cadaveraj et abujebat eas Abraham (1). » Dum igitur destinato
tibl flabello descendentes super sacriflcia muscas abegeris, a sacrifi-
cantis mente supervenientium incursus tentationum catholicse fidei
ventilabro exturbari oportebit. Ita liet ut, quod susceptum est ad
usum, tibi mysticum prsebëat intellectum. Et quontam praîfata^
volucres super sacriflcia tantum descendisse leguntur, non etiam (2)
cœptum interrupisse officiura, sacerdotes Christi tentationes, quas
perferunt, ita docentur abigere , ut a sacramentis altaris talis eos
lapsus non cogat abslinere. Hic enim defeclus inArmitas est quœ
virtutem perfîciat, non quœ virtutis opéra in irritum deducat (3).
L'atmosphère des cathédrales, où se pressait tant de
monde de toutes les classes, était souvent méphitique, et
{\)Gen. XV, 11.
(2) B/5 : tamen.
(3) « Je vous ai envoyé un flabel , instrument propre , comme
» chacun sait , à chasser les mouches. Mais notre petit présent
» réclame de vous une autre interprétation. Remarquez queUes
» sont les mouches qui tourmentent le plus gravement les prêtres
» pendant la messe, au point d'empêcher fréquemment tout le bon
» effet des offices ; ce sont les mille fantômes des pensées qui se prc-
» sentent, les mille suggestions du diable, les mille tentations qui
» obsèdent les mortels : autant d'objets extérieurs et contraires qui
» envahissent l'esprit des officiants par une intrusion inopinée, les
» entraînent et les mettent en danger d'hérésie. Ne dirait-on pas des
» mouches qui tourmentent et arrêtent les ministres de l'autel ? Voilà
» bien les bêtes dont notre patriarche Abraham a signifié qu'il fallait se
» garder, en repoussant des sacrifices les oiseaux qui y faisaient
» irruption. Il est écrit en effet : Les oiseaux descendirent sur les
» cadavres des victiwesy et Abraham les cfiassait. En même temps
» donc que ce flabel qui vous est destiné éloignera les mouches des-
» cendant sur l'hostie, il faudra que les tentations promptes à survenir
» soient repoussées de l'esprit de l'officiant par le van de la foi catho-
»> lique. Ce que vous aurez reçu pour votre usage, vous offrira un
» sens mystique ; et, comme les susdits oiseaux sont descendus seule-
j> ment, d'après l'Écriture, sur les sacrifices, mais n'ont pas interrompu
» l'office commencé, de même les prêtres du Christ sont instruits à
» chasser les tentations qu'ils subissent, sans aller jusqu'à la chute
» qui les éloignerait des sacrements de l'autel. Car ce besoin de secours
« est une faiblesse grâce à laquelle la vertu est plus complète, non
» une faute qui réduise à rien les œuvres de la vertu. »
— !2f>7 —
un délicat avait besoin de quelques raffinements pour y
conserver la lucidité de sa méditation. Aussi, n'en doutez
pas, le grand seigneur qu'était d'instinct Hildebert trouvait
son compte à l'office du flabel, qui chassait, avec les odeurs,
les pensées légères ou mauvaises de l'offîciant et faisait de
lui un autre homme, le transfigurait. Il jouissait alors
pleinement de Timportance de ses fonctions et entrait dans
son rôle avec megesté. L'éventail chasse les mouches,
comme taisait Abraham autour de l'holocauste, et notre
évoque se sent l'héritier d'Abraham ; il officia, après lui,
dans les conditions nouvelles où Dieu a voulu être servi.
Le peuple a une conscience vague de la beauté de ce rôle et
de ce ministère, mais il ne la saisit pas pleinement. En
pensant cela, l'évêque laisse tomber les yeux sur ses
sandales, autre présent d'un évêque, son collègue (1), et il
se dit que ces sandales à demi ouvertes sont un symbole
encore, le signe que le peuple restera toujours à moitié
chemin de la vérité, et qu'il suffit de lui faire part d'une
demi-science, pour qu'il reçoive toute la nourriture dont il
a besoin, mais que le ministre de Dieu, seul, pressent le
dernier mot de la science divine. Elle brille, cette science,
comme les deux candélabres d'or , don de la reine
Mathilde (2), qui illuminent l'autel ; et Hildebert jouit,
tout en continuant à se laisser éventer, de la communion
avec les Écritures, avec Dieu, les docteurs et les esprits de
tous les temps....
C'était une jouissance intellectuelle; ce n'était pas un
acte de mysticisme, qui eût consisté à se croire en commu-
nication avec Dieu, mais par la voie de l'amour, de l'adora-
tion et de la prostration. Alors, la créature s'absorbe dans
le créateur ; elle s'extasie d'être, tour à tour ou ensemble,
écrasée et reçue par le Très-Haut ; elle s'abandonne au
(1) Etsi quantas debemus. Migne III, 31. Notre 35.
(2) Difficile est discrète. Migne I, 9. Notre 85.
17
.*j
— 258 -
vertige du sentiment. Tel n'était point Tétat d'esprit de
notre évêque, mais avant tout une vue logique de la création
sous forme de figures, une manière d'envisager le monde
par l'allégorie. Il ne croit pas que Dieu le visite d'une façon
particulière , comme sainte Thérèse et saint François
d'Assise, mais tout parle à son intelligence, parce qu'il
possède dans les Livres Saints la clef qui ouvre tout. Il ne
pratique pas le mysticisme, mais il se fait des choses une
conception qu'on peut qualifier de 7nysticisme systématique.
Car la Révélation est un moyen que Dieu a donné aux
hommes d'interpréter ses actes, de déchiffrer ses intentions
dans les événements les plus ordinaires et dans les êtres ou
les objets qui nous entourent, en se référant aux images
dont l'Écriture est pleine : la nature n'en donne que le reflet.
« Omnia fera mysticos affermit intellecluSy et facile est ex
» qualihet ve morum figurare venustatem. Nihil ita creatufïi
» est pro se, nihil ita simplex, oui non sit aliquid unde
» doceamur, vel cavei^e noxia , vel salutaria provider e.
» — Toutes choses, ou à peu près, sont susceptibles d'une
» interprétation mystique (1), et il est facile par ces indices
» de dégager de belles règles de conduite. Rien n'a été créé
-» pour soi-même, rien n'est tellement simple, qu'on n'y
» puisse trouver un de ces enseignements, à l'aide desquels
D on se garde des choses nuisibles et on pourvoit à son
9 salut. ]»
Par exemple, Hildebert était contemporain de ces recueils
appelés bestiaires, où les phénomènes de la vie animale,
plus ou moins fidèlement observés, représentaient pour le
chrétien autant d'avertissements d'ordre moral; où l'on voyait
que le pélican, déchirant ses entrailles pour nourrir ses
petits, était l'image du Sauveur mourant pour nous rendre à
la vie éternelle ; que Dieu avait voulu que les lionceaux ou-
vrissent les yeux deux jours seulement après leur naissance,
(1) C*est-à-ilire figurée. — Môme lettre.
pour noua rappeler le passage du Christ dans le lom-
beau ; que, si l'aigle, pour éprouver ses aiglons, Icsmel face
au soleil, précipiUintdu haut dea airs ceux qui n'en peuvent
supporter l'éclat, nous avons à subir une épreuve semblable
Quand la grâce nous est oflerte, soit que nous nous y prê-
tions vaillamnient, soit que nous la repoussions pour notre
malheur, Ht autres phénomènes semblablement interprétés.
Les fleuves tombent h la mer, sans jamais l'emplir, et renais-
sent sans trêve à leur source sous forme d'une onde pure;
c'est ainsi, dit notre théologien poète, que les corps humains
vont 'à la terre, ce qui ne les empêchera pas de ressusciter
dans tout leur éclat (1) ; que dirai- je encore? La vue d'un
pécheur à la ligne rappelait cette parole du livre de Job (2) :
i pourrais-tu pêcher Leviathan? s, qui était t'annonce du
mystère de l'Eucharistie. Et on découvrait dans le désir
ardent du pécheur attentif h sa proie, dans l'engin do-
cile, dans l'appftt ingénieusement présenté, le symbole,
bien inattendu, de la Divinité attirant à soi les fidèles qui,
en recevant le Christ sous forme de chair, y découvrent
l'instrument de leur élévation vers le ciel (3).
Comme nous le voyons dans le Carmen de Operibua s&i-
dierum (4), Dieu ne s'est complu à façonner le monde
végétal et animal que comme l'indice d'un monde supérieur,
dont l'aurore luit dans notre conscience ; l'Éternel songeait,
en dessinant ces arbres, ces mers, ces continents, à l'homme
qu'il avait l'intention d'y placer. Ainsi, dans sa Création,
il présentait simultanément aux yeux, en les séparant, le
ciel et la terre, la lumière et les ténèbres, deux ohjels natu-
rels créés symboliquement par une opposition conMante et
annonçant deux catégories d'hommes, l'un les bons, l'autre
les mauvais ; entre les deux, est établi le firmament qui
(1) Uigne, Pairol. laî.. col. 1273-1312.
(2) Job XL. 20.
Ci) Migne, PalroL lot., col. 1270-1W0 et iaT7-12-ai.
(1) Migne, col. 1213-111X1. — Voy. B. Hauréau. Mélanges, p. IGl.
- 260 —
représente rÉcriturc, faisant la séparation, par laquelle on
passe de l'ignorance ou de l'inertie à la science active.
Elle ne consistait pas, comme aujourd'hui, à étudier pour
lui-même le détail des choses de la nature et de la vie ; mais
on cherchait des renseignements, et on croyait les trouver,
sur le sens général de l'univers. En tout cas, cette connais-
sance de l'au-delà qui nous embrasse, nous limite et nous
définit, cette explication étayée par les textes, par les
témoignages transmis à titre de documents, c'était, au point
de vue de l'homme qui nous occupe, c'était la science. Vraie
ou fausse, contradictoire ou non avec la nôtre, que nous
importe ici, dès qu'elle impliquait chez Hildebert quelques-
uns des plus curieux éléments de l'état d'esprit d'un savant?
Et de fait, dans la lettre Totum te mihi (1), un petit modèle
de critique, l'auteur, placé entre plusieurs autorités dont
pas une n'est prépondérante, a, pour un fait particulier
laissé dans le vague par les Évangiles, usé du procédé
moderne qui est l'art de tenir l'esprit en suspens par le
doute motivé.
§V.
La science d'Hildebert avait un effet pratique. L'observa-
tion raisonnée (ratio), qui interprète les signes de la volonté
divine, en se combinant avec les usages traditionnels (consue-
tudo, coutume) et avec les enseignements des docteurs
(auctoritas) et surtout de l'Évangile (veritas), avait fini par
constituer un code capable de guider les chrétiens dans
toutes les circonstances délicates de leur vie. Hildebert eut
plusieurs fois des sentences à rendre comme interprète de
ce droit qu'on appelle le droit canon,
A quatre reprises, il se prononce sur des questions de
maiiage. Dans la lettre Sicut Sanctitatis (2), il s'oppose à
(1) Totum te mihi signifieasti. Migne III, 25. Notre 57.
(2) Sicut Sanctitatis Veatrœ. Migne 11,14. Notre 26. — C'était le comte
de Mortaiii qui épousait la fille de Gautier de Mayenne.
- 261 -
un mariage que le comte de Mortain et Gautier de Mayenne
avaient résolu afin de cimenter leur réconciliation po-
litique ; la raison de son opposition fut que les fiancés
étaient parents à un degré prohibé par TÉglise (1). i es
canonistes de l'époque étaient excessivement sévères sur
ce point. Outre le désir de laisser au clergé la haute main
sur toute alliance dans les familles (2), c'était aussi certaine-
ment dans le but de favoriser la diffusion de l'esprit de
charité et de combattre l'exclusivisme féodal, qu'ils prohi-
baient avec cette rigueur les unions entre parents.
Nam descendentes ab eadem stirpe ligantur
Proximitate sua, charique sibi generantur.
Nil araplexus eis ad honestum praestat amorem,
Nam satis hune fratrem, satis est banc esse sororem ;
Inter eos ideo connubia nuUa jugantur ,
Quos ^eneris pietas et gratia praecomitanlur.
Vult Deus ut liant, qui non nascuntur, amicl ;
Vult homines aliud quam cognatos sibi dici ;
nias uxores, istos vult esse maritos,
Ex alienigenis illas istosque petitos ;
Conjugiale bonum, quos stirps sua séparât, unit : *
Fœderat hoc populos, ligat urbes, inœnia munit (3)....
La question se présentait sous une autre face que précé-
demment dans les deux lettres Si fides et Iterare (4). Une
jeune épousée avait perdu son mari, mais le mariage
n'avait pas été consommé, et on se demandait si cette
circonstance ne donnait pas au beau-père le droit de
faire épouser à sa bru son autre fils. Hildebert se pro-
nonça pour la négative. — Cependant, disait-on, il faut
mettre la jeune veuve à la question ; si elle soutient dans
(1) La prohibition s'étendit un moment, par une singulière exagéra-
tion, jusqu au septième degré canonique. (Sur la manière de compter
les degrés, voyez 1»^« partie, chap. IV, p. 97.)
(2) Voy. l""* partie, chap. III, p. 85. — / noter encore le désir qu'on
avait de réagir contre l'ancienne Loi, et enfin l'argument physiologique.
(3) Poésie d'IIiidebert De Fine data ritibus Judaicia : Migne, col.
1425-1350 ; B. Haurcau, p. 9i. La rime est jointe à la quantité.
(4) Si fides et Iterare clamorem. Migne II, 1 et 2. Nos n®' 25 et 24.
— 262 —
les tourments que son mariage n'a pas été consommé ,
elle redeviendra libre. — Hildebert s*y refusait avec énergie ;
cela ne sert de rien, répliquait-il, de mettre la veuve à
la question, puisque, consommé ou non, le mariage n'en
existe pas moins : a Conjugium fit consensu voluntatiSy non
commercio permixtionis (Saint Ambroise). » Ainsi, elle a
donné une première fois son consentement, elle a eu un
mari, le frère de celui-ci est devenu son frère, le mariage
est impossible entre eux. En un mot, notre prélat refuse
d'entrer dans les détails répugnants où se complairont les
casuistes du XVP siècle, par exemple le jésuite Sanchez (1),
dont les théories étranges compromettront singulièrement
la thèse des spiritualistes ;. Hildebert et Yves de Chartres se
placent à un point de vue exclusivement moral, ils réprou-
vent* toute enquête physiologique (2).
Pas plus que la consommation du mariage, le caractère
légal de l'institution ne les préoccupait fort. Le consente-
ment est-il réel de part et d'autre? Voilà toute la question,
elle se pose dans les consciences. On se rappelle le sujet de •
la lettre De muliere (3). Une femme a déterminé son mari
gravement malade à prendre l'habit de moine pour obtenir
sa guérison, et, la santé lui étant revenue, elle ne veut plus
le laisser entrer dans un monastère. Elle invoque, pour sa
défense, que son mari lui a engagé sa foi devant un prêtre,
et que les ministres de Dieu n'ont pas été présents à son
second vœu. Cette argumentation aurait aujourd'hui pleine
(1) De Malrimonio.
(2) Yv. ep. 148. — Voyez aussi les lettres d'Yves de Chartres à Hilde-
bert 167 et 2.S0, sur des questions de divorce. Nous n'avons pas celles
de notre évêque qui durent y correspondre. Les Instincts de leur
nature élevée et les nécessités de la pratique les ont amenés à conclure
que la preuve de la fornication, péché pour lequel le Sauveur aurait
admis le divorce selon saint MaUiieu, n'était pas à invoquer. En
revanche, ils admettent le divorce pour les cas d'inceste même
inconscient (union entre conjoints qui ne se savaient pas parents).
(3) De muliere quœ decumbenti viro. Migne III, 36. Notre 5.
'i(i:î -
valeur ; mais, au temps d'Hildebert , la légalité n'avait
pas encore lue une conception plus large, plus déli-
cate, de la liberté et de la dignité humaines. Selon lui,
la présence du prêtre donne aux actes importants de la
vie plus de solennité, elle les complète, les sanctifie,
mais ne les constitue pas; un vueu prononcé en toute
liberté, par une personne que l'expérience a mûrie, peut
annuler môme l'engagement pris devant les autels, bien
que, si le pi-èlre fût intervenu de nouveau, cela serait plus
régulier, « licet, »i per eos fieret, ordinatiut factum dice-
retur. a
Voyez maintenant la lettre JVe vel deetse (1), qui est la
contrepartie de la précédente, puisque cette fois c'est le
couvent qui est sacrifié aux vœux conjugaux ; mais, si la
sentence diffère, l'esprit qui l'a dictée est le môme. Une
jeune fille s'est sauvée du couvent avec Lisiard, et il s'agit
de savoir si leur mariage est légitime ou si l'on est en pré-
sence d'un cas d'enlèvement. Hikiebert se demande où fut
le consentement. Existait-il quand la jeune fltle entra tout
enfant dans cette communauté, sans même prononcer des
vœux qu'on remit k plus lard en raison de son âge'.'
N'est-il pas plutôt véritable dans son prétendu enlèvement,
puisqu'elle affirme, par serment, avoir agi dans la plénitude
de sa liberté ? Et puisque Lisiard et elle se sont donné leur
parole, non seulement ils ont le droit de convoler en justes
noces, mais ils sont d'ores et déjà mariés. En elîet, dans la
thèse du XII» siècle, même sans la présence du prêtre, si
aucun obstacle canonique d'Ordre ou de parenté ne s'y
oppose , la parole donnée suffit pour nouer le lien
conjugal (2). Qu'on ne s'étonne pas de ce fait. L'Ëglise,
beaucoup plus puissante qu'aujourd'hui et assurée de la
(t) Ne vel deeae JustilÎK. Migni: II, 36. Notre 8.
(3) C'est ce que proclament, entre antres, Nicoins I" et plus laM
saint Tliomas d'Aquiii (l>. Viollel, Hiit. du droit ciuil. p. 04). Elise
passant rlu prêtre, un tait un péché, mois on est marié quand même.
- 2(54 ->
domination morale sur les âmes, ne tenait pas avec la même
rigueur aux formalités légales. C'est le protestantisme qui,
en sapant les bases de l'autorité ecclésiastique, la força de
se replier sur elle-même et d'exiger Li preuve matérielle
d'une participation dont elle ne se sentait plus aussi certaine.
Alors seulement, après le concile de Trente, fut organisé le
mariage religieux, tel que nous le connaissons (1).
Hildebert et ses contemporains vivent dans un âge à demi
patriarcal, alors que la société n'est pas encore chargée
d'institutions, ni la morale abîmée dans les détours de la
casuistique. Leur décision large et nette élude les surprises
de la procédure et ne se prête en rien aux capitulations
de conscience; ils s'en rapportent à Tesprit et méprisent
la lettre : ce sont de vrais chrétiens.
Le christianisme luttait à la même époque contre certaines
institutions rétrogrades qui devaient, en s'imposant à la loi
civile, dominer longtemps encore la société. Je veux parler
de la Question et des épreuves de l'eau bouillante, du fer
rouge et autres de même sorte. Hildebert les réprouvait, non
pour raison de sentiment, mais par doctrine, au nom d'une
intelligence supérieure (2). Ce qui le frappe dans la Question,
ce n'est point qu'elle soit cruelle , mais plutôt combien elle
est inutile, déraisonnable et impie. Les prélats distingués de
son temps pensaient comme lui. L'établissement de la
torture légale en matière religieuse fut le fait de l'Inquisition ;
or celle-ci ne fut établie qu'au XIII® siècle, quand l'Église
commença h rencontrer des difficultés sérieuses, et dans le
(1) Ce concile exigea la présence du prôtre et de deux témoins ; mais,
à certaines époques de troubles, comme la Fronde, on vit le prêtre
forcé manu militari à assister à rechange des paroles de mariage, qui
se trouvaient de la sorte validées par sa présence, même involontaire
(mariages à la Gaumine). En Ecosse, les fiançailles sont encore consi-
dérées comme ayant devant la loi religieuse, et même civile, la valeur
du mariage.
C2) Lettre Si fides déjà citée. — Beos tor mentis afficere. Migne II, 52.
Notre 14.
— 2(>5 -
raidi seulement ; la procédure de ces tribunaux fut toujours
regardée comme extraordinaire par les législateurs du droit
canon.
Quant à Yves, il appelle ces épreuves une invention
de la plèbe et des ignorants : « Viilgarem denique legem ac
» nulla canonica sanctione fultam, ferventi$ scilicet sive
]> frigidœ aquœ ignitique ferri contactum^ aut cujus libet
» popularis inventionis,.,, » Ces paroles, attribuées au pape
AJexandre II, sont tirées de la lettre où Tévêque de Chartres
répond à Hildebert, qui lui avait demandé s'il devait consentir
à répreuve du fer rouge pour se laver de Taccusation
de trahison, comme le voulait le roi d'Angleterre (1),
« Spontanea confessione vel testium approhatione puhli-
» ca delictay hahito prœ oculis Dei timoré, cominùsa su7it
» regimini judicare ; occulta vero et incognita illius sunt
» judicio relinquenda , qui solus novit corda filiorum
» hominum. »
Telle est la consultation d*Yves de Chartres : la con-
fession volontaire et le serment des témoins (2) sont les
seuls moyens dont dispose la justice humaine , sans
empiéter sur le domaine de Dieu. Plus tard, avec les
progrès de la législation, cette extrême indulgence de la
juridiction canonique constituera un moyen abusif de se
dérober pour les criminels, trop heureux d*être ainsi, pour
leur punition, mis en présence de leur seule conscience ;
mais au XII® siècle, le droit canon maintenait, en présence
des procédés barbares de la féodalité, une tradition saine,
juste et humaine.
Remarquons, toutefois, qu*Hildebert n'a pas formellement
condamné la Question. Non, mais par deux fois il en
réprouve l'application dans des cas particuliers, et il ne la
(1) Voy. notre 1" partie, cli. Il, p. 56. — La lettre d'Yves porte dans
M igné le n" 74 ; nous n'avons plus la lettre «rilildebert.
(2) Voy. l'alTaire du doyen Uaoul et du chanoine Nicolas. Migne II,
36 à 39. Nos n'*» HX) à 103.
- 266 —
réclame nulle part. C'^ait peut-être plus que de condamner
la Question en principe, chez un homme qui fut mis à même
par sa situation de manier les choses et les hommes : les
déclamations sentimentales sont si aisées à celui qui
n'endosse aucune responsabilité !
§ VI.
Mais Hildebert avait le sens de Vaction, Placé à la tête
d'un diocèse troublé, entre deux dominations rivales, il fit
preuve d'une réelle habileté politique. En diplomate avisé,
il n'aimait pas les caractères tout d'une pièce. Ainsi, il est
curieux de comparer la lettre qu'il écrit à Raoul, lors de
l'élection de Rainaud (1), avec celles de Geoffroy de
Vendôme (2). Celui-ci, esprit étroit, n'ayant d'autre hori-
zon que le cloître de son monastère, ni d'autre règle
que les petits intérêts de sa maison, se montre intraitable
et voue l'archevêque, avec le nouvel élu, aux gémonies.
Hildebert est plus humain dans son attitude, plus nuancé
dans son langage ; il évite de traiter de misérables des
hommes avec lesquels il sent bien qu'il sera obligé de vivre,
et il leur ménage, si j'ose dire, une porte de derrière, c On
vous a forcé la main, n'est-il pas vrai ? Vous avez cédé à
l'entraînement ; vous pliez, mais pour un temps ; différez,
réfléchissez, etc.... » 11 en fut de même à propos du Pape,
dont Geoffroy condamnait sans réserve la faiblesse à l'égard
de l'empereur (3), et pour lequel Hildebert avait réclamé le
bénéfice d'une de ses maximes favorites : « Attendons la
fin (4). » Pourtant, hâtons-nous de le rappeler, dans les deux
cas la conclusion est ferme ; mais l'attitude générale est d'un
(1) Petitio vestra qua vocatnur. Migne II, 4. Notre 1.
l2) Goff.ep. HI, 11, 13 cl 14.
(3) Golf. ep. I, 7.
(4) Ntinquam felicius. Migne II, 2^2. Notre 1)3.
- 267 -
homme de goilt et ne rend pas impossible, pour l'avenir, dfis
rapports de bonne compagnie avec ceux qu'on désapprouve
présenlement,
Hildeberl gagna à cet esprit politique de pouvoir jouer un
rôle d'administrateur et de pasteur dans la société de son
temps. A l'inverse des lettri^s de Geoffroy de Vendôme, les
siennes renferment tout autre chose que de misérables
réclamations de clocher ou un colportage de médisances
insipides; on sent l'homme qui, faisant partie de l'Église,
était sans cesse en rapport avec le siècle et maniait des
questions complexes.
Il avait toute une clientèle, et la recommandation, fort en
usage dans re monde comme aujourd'hui, tient une certaine
place dans sa correspondance. Son crédit auprès d'Henri !•'
est attesté pur la lettre Benedictun (i), en faveur du frfre de
l'évêque d'Angers :
...Porrocandidiorisfortuiiieaortitiisest Brutiam, quisqiiis apiid liunc
(regeiii) alicai subveiiire posse preadiculur ; quotl si ooti polcal, magna
tamcii gloriiB matcria est, t\i»a lioc euin posse populus artûtratiir.
Nequeeiiitn culliiKtconcessuin est rtnia iltius exlorquere favoreni,
qui diem maJe penlitum judicat, in quo pro perditis moribus ugere
lion contitigit. Mugni unimi est et de virtiiie glorianlis, ail votum suuin
severue iiicljnare poleaUitee ; hoc autem posse me pliiriml somniaiil.
hanc iii acuXiis vestria gratiam cniiseculuin fabulanlur.,..
On trouve encore des paroles flatteuses à l'adresse de
Henri et de son ministre Roger dans la lettre Virtuti (2),
paroles destinées h amener la recommandation que voici, eu
faveur de Guiunjar :
.... Talem te pro iioslro GuiJone roture dec rêve ram, sed vorilus
sutii ne, ituoi) per te tucturus es, precibus extorluin putaretur ; gruliom
BUDt benellcia, qua; non alieno interventu eM afTectu spontaneo pro-
(1) Benediclus Dominitt. Mignf [II, 13. Noire <;,
(2) Virtiiti g,-atiilor. M igné II, 12. Nulro;», — Cri-r/idi mepcccaliirufii,
à i'tVL'que de Dtirliam, minisire de Gtiitluiime le Iloux, sernît une
lettn! de recommandation Tort jolie, si les op|>ositions de pronoms n'y
étaient un peu alTectèes. [Migne III, t. Notre 37.)
— 268 —
veniunt. Praefaium tamen fratrem filiumque nostrum eo non debui
defraudare testimonio , quod non minus vita quam liiteratura (1)
promeruit. Unus ex nostra Ecclesia excerptus est, cui et ad fructum
scientia et ad exemplum mores exubérant; unus ille tibi pro multis
erit, quoniam in illo uno multos magistros invenies. Porro diutumior
ejus apud te conversatio pauca me super eo scripsisse conclamabit
On le voit, il est question des qualités du protégé et
nullement de la vanité du prolecteur; il n*en était pas
toujours de même chez Gicéron. Celui-ci terminait ses
lettres de recommandation par ce trait : « surtout faites
en sorte qu*il sache bien que c'est à Moi qu'il doit vos
bonnes grâces. » Hildebert finit sur une pensée telle que :
«J'ai peut-être tort d'intervenir; j'aurais mieux fait de
laisser Dieu vous dicter votre conduite ; en résumé, inspirez-
vous de sa grâce et, en ayant recours à lui, n'oubliez pas
de le prier pour moi, pauvre mortel. » Humilité de conven-
tion, car les formules varient, et le cœur humain ne change
guère. Mais, tandis que, chez les anciens, le personnage se
découvrait sans vergogne dans son orgueil naïf, l'amour-
propre de l'évêque se voile d'une formule modeste, et sur
ce point l'épistolier du XIP siècle est le précurseur de la
civilité moderne.
§ VII.
A Adèle, comtesse de Blois, Hildebert se recommandait
lui-même pour une chasuble (2). Les temps étaient durs,
l'église du Mans avait été dépouillée de toutes ses richesses,
et pourtant qui oserait dire qu'il vivait dans un siècle de fer,
l'homme qui adressait à la princesse ce galant et spirituel
billet à la façon de Voltaire ?
(1) Litteratura signifie, chez Hildebert, la connaissance des lettres et
particulièrement des Écritures. <i Lilteraturam simulanti », est-il dit
de riiérésiarque Henri {Vfmsentinm lalores),
(2) Attritœ frontis. Migne III, 2. Notre 80.
— 269 —
AUrilae frontis est egestas ; nihil pudet« diimmodo juvet. Egestas
et ad crimen urget et intercedit ad veniam; ignosces igitur si quid, ea
urgente, supra raeritum postulabo. Doces me sperare majora meritis,
quae rnerilis majora largiri non desistis. Si qua^ris quid aut qua fiducia
postulem, planeta indigeo. Eam mihi promisisti. Sicut arbitror, non
deseres promissum, quae etiam non promissa festinas erogare.
Vale (i).
On ne saurait déposer sa requête aux pieds d'une
comtesse avec plus de dégagement et de bonne grâce.
Telle est la courtoisie d'Hildebert à Tégard des femmes.
Yves ne leur parle pas avec cette délicatesse ; Geoffroy de
Vendôme est brutal pour le sexe (2) ; tout le moyen âge
s'en méfie. Marbode a vanté la Femme forte dont parle
l'Écriture (3), mais sa plume n*a pas la souplesse de celle
de notre Hildebert. Et pourtant, à Rennes, dans cette
Bretagne qui semblait le pays le plus barbare du monde à
un homme fraîchement sorti des brillantes écoles d'Angers,
la présence de la comtesse Hermengarde, la femme lettrée
d'Alain Fergent, fut la principale consolation de l'évêque (4).
C'est qu'il n'était pas rare de rencontrer, dans la noblesse
féodale, des dames supérieures à leur mari ou à leur père
par l'instruction. Pendant que les seigneurs guerroyaient
les uns contre les autres, les châtelaines employaient leurs
loisirs h cultiver les bonnes lettres. Mathiide, la fille du roi
d'Ecosse, la femme d'Henri l*-»*, était fort lettrée, et il
(1) « La pauvreté relève un front impudent ; rien ne la fait rougir, de
» ce qui peut lui venir en aide. C'est la pauvreté qui me pousse à cette
D démarche indiscrète, et c'est elle aussi qui fait mon excuse ; vous
). me pardonnerez donc si, pressé par elle, je sollicite quelque chose
» au-dessus de mon mérite. Vous nous enseignez à espérer davantage,
» vous dont les largesses sont toujours plus grandes que nos services.
» Vous cherchez ce que je demande avec tant d'assurance : j'ai besoin
» d'une chasuble. Vous me l'avez promise. Vous ne manquerez pas, je
» pense, à votre promesse, puisque, même sans avoir promis, vous
» êtes si prompte à accorder. Adieu. »
(2) Lettres sur la comtesse de Vendôme (Go/f. ep. 1, 3 ; III, 15, etc.)
(3) Marbode. Liber decem capUulorum, IV, de Matrona.
(4) Ernault. Marbode^ pp. 5 et 148.
— 270 —
se glisse dans la correspondance d'Hildebert une pièce de
vers qui lui est adressée (4). Le rude Conquérant avait fait
donner une instruction étendue à sa fille Adèle, qui s'était
prise de passion pour la littérature, et c'était plaisir, dit
Baudry de Bourgueil (2), de dédier des vers à cette prin-
cesse ; Hildebert ne s'en fit pas faute (3).
Voici, d'autre part, en quels termes il la louait de tenir di-
gnement, à la tête du comté de Blois, la place de son mari:
Absentia mariii laboriosior tibi cura consulatus incubuit. Eam
tamen et femina sic administras et una. ut nec viro nec pre-
cariis consiiiis necesse sit adjuvari. Âpud te est quidquid ad regni
giibernacula postulatur ; sane tantus bonorum concentus (4) in femina
gratiaî est, non naturas. Gratia Dei praedicandos tibi titulos cumulavit,
quibus et sexui esses ad gloriam et potestatem temperares. Defers
enim feminse, dum colis in pulchritudine castitatem ; comitissam
reprimis, dum servas in potestate clementiam. lUa tibi virum conciliât,
haec populum (5)....
Plus tard, Adèle de Blois entra au monastère de Marcigny,
et il s'agit de diriger dans la voie du salut cette âme
féminine ; Hildebert y dépensa tous les trésors de son ima-
gination et de son cœur. Quand il accompagne la mondaine
repentante au giron de l'Église, alors il est vraiment grand
seigneur et poète ; faisant table rase de toutes les dignités
nobiliaires de ce monde, c'est comme une charte d'anoblis-
sement spirituel qu'il remet ù cette femme, la main dans la
main, en lui donnant pour marraines toutes les grandes
(1) Voyez lettre Audita per prœsentium. Autres vers adressés par Hil-
debert à Matliilde : Anglia terra (Migne, col. 14i3-i366 ; B. Hauréau.
p. 133;; Auguslis patribus (Mignej col. 1408-1334; B. Hauréau, p. 59).
(2) Poème de Baudry à .\dèle, dans les Mémoires des antiquaires de
Normandie, 3« série, t. XXVIII (par M. L. Delisle).
(3) Desipit et pcccat (B. Hauréau, p. 204) et Augu$ti soboles, ad A.
comitissam (Migne, col. 1442-1365 ; B. Hauiéau, p. 130). — A citer enfin,
parmi les vers adressés à des dames par Hildebert, le charmant mor-
ceau Tempora prisca, ad virginem quamdam versu peritissimam.
(Migne, 1445-1368 ; B. Hauréau, p. 135.)
(4) Correction de Beaugendre pour : conventus.
(5) Absentia mariti, Migne, I, 3. Notre 78.
- 271 —
pécheresse réconciliées ; ce sont ses noces qu'il célèbre en
un épilhalaine : ce Virgines nascunter omneSy eut sorti
debetur in cœlesti tlialamo prhicipatus. Femina feminam
generans^ ante Dei socnis est quam liominis. Festivum,
tam festivum cotijugium ! . . . . (i) » Dans la lettre à une
recluse (2), la suite des paragraphes commençant par
Virginitas a un beau mouvement. Sans doute, certaines
comparaisons sont trop poussées et deviennent précieuses ;
il y a excès de citations, cela tourne au mauvais goût ; mais
on sent dans toute cette lettre une émotion communicative.
Hildebert n'avait peut-être pas la puissance de prosélytisme
de ce prédicateur, Foulques de Neuilly, je crois, qui conver-
tit "en une fois par un sermon je ne sais combien de vierges
folles ; il préfère les pénitentes de haut lignage, qui l'en
blâmerait? Il sait si bien parler aux grandes de la terre, les
féliciter, les raffermir ! t Nolo expavescas^ nolo desperes. »
On a dit (3) que, s'il était galant avec les femmes dans les
relations personnelles, il ne les épargnait guère à titre
général dans ses déclamations (4). Pourtant, il nous semble
qu'il a fait volontairement à la femmcî une belle part dans le
Liber de Querimonia, ou dialogue du corps et de l'âme. Le
corps, c'est lui-même, il se met en scène ; l'âme, c'est une
muse, uniea mea, une femme qui lui adresse des reproches
passionnés ou qui lui murmure en vers des plaintes harmo-
nieuses. A la fin de l'ouvrage apparaissent d'autres expres-
sions : earo, la chair corruptrice ; spiritus, l'esprit qu'EUe a
tenté. Ce changement de front permet à Tauteiir de se
rapprocher des expressions mômes de l'Écriture, mais la
partie vraiment gracieuse et originale du morceau est
terminée, la fin se traîne dans une dialectique subtile,
(1) Quod te Dominam appello. M igné I, 6. Notre 7i.
(2) Connideranti mild votxim tuum. Migtie I, 21. Notre 70.
(3) M. n. llauréau {Mélanges poétiques (VHUdebcrt, p. 1()5) donne, en
exceUents ternies, la mesure de l'opinion qu'il faut avoir à ce sujet.
(4) Conquerar an sileani (\i. llauréau, p. IHI) ; IHurima cum soleant
(Migiie, col. 1428-1353 ; B. Hauréau, p. iifJ)j etc.
- 272 -
ennuyeuse ; l'inlérêl du poëme est épuisé, dès Tinstant que
l'ame a cessé d'être une muse et une femme.
§ VIII.
Nous avons étudié dans Hildebert le savant, le docteur,
rhomme du monde; nous n'avons pas jusqu'à présent
rencontré Vami. Certes, le départ est difficile à faire entre
les expressions de convention du langage ecclésiastique, ou
môme le parler mondain, et les mots qui viennent du cœur.
La lettre à Etienne, retour de Rome (1), semble bien dictée
par une affection sincère, elle est écrite dans le style pas-
sionné de saint Bernard, et cependant pourquoi faut-il que
des expressions non moins amicales marquent la correspon-
dance avec Rainaud, l'ambitieux adversaire de l'évêque du
Mans, l'ingrat élève de Marbode (2) ? Sans doute, la cour-
toisie du prélat envers un égal bien né lui dictait ce langage,
dont la cordialité dut être absente. Y en aura-t-il davantage
dans ce billet à Marbode (ou à saint Anselme), où Hildebert,
parlant des lettres qu'on échange entre amis, s'exprime
avec un si agréable enjouement (3)?
Commeantium raritas facit ut rariores inter nos epistolae discurrant;
illa nobis et obsequium salutationis invidet , et arnica colloquia.
Caeteruni epistolarum raritatem pagina potest supplere prolixior.
Memineris igitur in\ngilare aliquid, quod et solatium tuse sit absentiac,
et oculos nieos diutius remoretur : odi verba quae, cura delectare
incipiunt, desinunt (4). Tuam vero prolixitatem sic amplector, ut
opistolas longiores et occupatus suscipiann et invitus deponam; illœ
quidem me ad legendum otiosum non inveniunt, sed faciunt. Vale,
(1) Et vultum et diem. Migne III, 10. Notre 99.
(2) Ad nos risque decurrit. Migne III, 5. Notre 7.
(3) Commeantium raHtas. Migne III, 6. Notre 67.
(4) Ce membre de phrase est dans B/2, mais non dans la plupart
des manuscrits.
— 273 —
atque id potius âge, ut aiiquando (1) obliviscaris me, quam ut
aliquando cogites de me (2).
Cela est bien tourné, trop bien tourné et trop subtil pour
un document irréfutable d*amitié vraie. Je la reconnaîtrai
plutôt dans une lettre où elle ne se révèle pas clairement au
premier abord : Andegavensem pro te convenimus (3). Cette
lettre s'adresse à Marbode. Remarquez d'abord qu'Hildebert
a fait pour lui une démarche auprès d'un personnage qu'il
n'aimait pas, et est allé au-devant d'un refus humiliant. Il dit
à son ami en manière de conclusion : « Soyez souple, flattez
les puissants pour en obtenir quelque chose » ; bref, il lui
parle à cœur ouvert et décharge sa mauvaise humeur, sans
craindre que ses paroles soient prises pour des maximes. Il
nous semble que l'homme du monde ne laisserait pas percer
aussi manifestement son mécompte et que le docteur mesu-
rerait mieux son langage : or que voyons-nous ? Un homme
touché au cœur, qui connaît la méchanceté de ses semblables
et les déboires de la vie, mais qui, le jour où ces misères
font tort à une personne chère, ne peut s'empêcher de sortir
de sa philosophie et de s'irriter pour son ami de ce qui lui
arrive, en le malmenant un peu par excès de zèle
(1) Beaugendre, à tort : [non].
(2) « Les messagers sont rares, et les lettres ne s'échangent pas
* assez souvent entre nous : nous y perdons Tavantage de nous saluer
» et de nous entretenir amicalement. Mais à la rareté des lettres
» on peut suppléer par Fabondance du message. Souvenez-vous donc
» de me préparer quelque chose qui soit une consolation de votre
» absence et qui retienne plus longuement mes yeux. J'ai horreur des
» paroles qui dès Tinstant où elles commencent à nous charmer, s'ar-
» rétcnt tout d'un coup. Votre conversation me touche tellement qu'au
* reçu de vos lettres, si longues soient-elles, je les lis toute aflaire
» cessante et ne les quitte qu'à regret : je n'avais pas de loisir, et il se
* trouve que je m'en suis créé. Adieu, et, au lieu de penser quelquefois
» à moi, oubliez-moi seulement de temps à autre. »
(3) Andegavensem pro te convenimus. Migne II, 3. Notre 4.
18
— 262 —
les tourments que son mariage n'a pas été consommé ,
elle redeviendra libre. — Hildebert s'y refusait avec énergie ;
cela ne sert de rien, répliquait-il, de mettre la veuve à
la question, puisque, consommé ou non, le mariage n'en
existe pas moins : a Conjugium fit consensu voluntatiSj non
commercio permixtionis (Saint Ambroise). » Ainsi, elle a
donné une première fois son consentement, elle a eu un
mari, le frère de celui-ci est devenu son frère, le mariage
est impossible entre eux. En un mot, notre prélat refuse
d'entrer dans les détails répugnants où se complairont les
casuistes du XVP siècle, par exemple le jésuite Sanchez (1),
dont les théories étranges compromettront singulièrement
la thèse des spiritualistes ;. Hildebert et Yves de Chartres se
placent à un point de vue exclusivement moral, ils réprou-
vent* toute enquête physiologique (2).
Pas plus que la consommation du mariage, le caractère
légal de l'institution ne les préoccupait fort. Le consente-
ment est-il réel de part et d'autre? Voilà toute la question,
elle se pose dans les consciences. On se rappelle le sujet de
la lettre De muliere (3). Une femme a déterminé son mari
gravement malade à prendre l'habit de moine pour obtenir
sa guérison, et, la santé lui étant revenue, elle ne veut plus
le laisser entrer dans un monastère. Elle invoque, pour sa
défense, que son mari lui a engagé sa foi devant un prêtre,
et que les ministres de Dieu n'ont pas été présents à son
second vœu. Cette argumentation aurait aujourd'hui pleine
(1) De Matrimonio.
(2) Yv. ep. 148. — Voyez aussi les lettres d'Yves de Chartres à Hilde-
bert 167 et 230, sur des questions de divorce. Nous n'avons pas celles
de notre évêque qui durent y correspondre. Les instincts de leur
nature élevée et les nécessités de la pratique les ont amenés à conclure
que la preuve de la fornication, péché pour lequel le Sauveur aurait
admis le divorce selon saint Mathieu, n'était pas à invoquer. En
revanche, ils admettent le divorce pour les cas d'inceste même
inconscient (union entre conjoints qui ne se savaient pas parents).
(3) De muliere quœ decumbenti vivo, Migne III, 96. Notre 5.
— 263 —
valeur ; mais, au temps d'Hildebert , la légalité n'avait
pas encore tué une conception plus large, plus déli-
cate, de la liberté et de la dignité humaines. Selon lui,
la présence du prêtre donne aux actes importants de la
vie plus de solennité, elle les complète, les sanctifie,
mais ne les constitue pas ; un voeu prononcé en toute
liberté, par une personne que l'expérience a mûrie, peut
annuler même l'engagement pris devant les autels, bien
que, si le prêtre fût intervenu de nouveau, cela serait plus
régulier, « licety si per eos fieret, ordinatius factum dice-
retur, »
Voyez maintenant la lettre Ne vel déesse (1), qui est la
contrepartie de la précédente, puisque cette fois c'est le
couvent qui est sacrifié aux vœux conjugaux ; mais, si la
sentence diffère, Tesprit qui Ta dictée est le même. Une
jeune fille s'est sauvée du couvent avec Lisiard, et il s'agit
de savoir si leur mariage est légitime ou si l'on est en pré-
sence d'un cas d'enlèvement. Hildebert se demande où fut
le consentement. Existait-il quand la jeune fille entra tout
enfant dans cette communauté, sans même prononcer des
vœux qu'on remit à plus tard en raison de son âge?
N'est-il pas plutôt véritable dans son prétendu enlèvement,
puisqu'elle affirme, par serment, avoir agi dans la plénitude
de sa liberté ? Et puisque Lisiard et elle se sont donné leur
parole, non seulement ils ont le droit de convoler en justes
noces, mais ils sont d'ores et déjà mariés. En effet, dans la
thèse du XIP siècle, même sans la présence du prêtre, si
aucun obstacle canonique d'Ordre ou de parenté ne s'y
oppose , la parole donnée suffit pour nouer le lien
conjugal (2). Qu'on ne s'étonne pas de ce fait. L'Église,
beaucoup plus puissante qu'aujourd'hui et assurée de la
(1) Ne vel déesse justitise. Migne II, 26. Notre 8.
(2) C'est ce que proclament, entre autres, Nicolas I«^ et plus tard
saint Thomas d'Aquin (P. Viollet, Hist. du droit civil, p. 424). En se
passant du prêtre, on fait un péché, mais on est marié quand même.
— 276 —
les nations. Or ce sont, n'esl-il pas vrai ? Ce sont les boutons
obtenus par sélection qui se greffent sur les tiges vivaces,
et l'image de suint Paul est à l'inverse des eoodilions
normales. Cependant, pour l'application qu'en fait Hildeberl,
qu'on mette d'un côté les caractères patiemment fouillés et
reconstitués, selon les lois naturellt^s sans doute, mais h
force d'Iiabileté et d'esprit de suite, par le génie ; qu'on les
suppose entés sur le tronc vivace des légendes populaires,
qui, elles, ne veulent pas ôlre serrées de trop près par la
culture, et on aura une allégorie accomplie. Boileau l'eût
désavouée, parce qu'il se serait fait scrupule d'aller chercher
ses exemples dans les Livres Saints, et parce qu'il considérait
le merveilleux comme plante de serre chaude ; mais la
comparaison en est-elle moins curieuse ?
Dans les lettres d'Hildebert, les figures poétiques sont
empruntées les unes à l'Ancien ou au Nouveau Testament,
les autres à l'antiquité. Celte richesse d'inspiration est
louable, mais la Fusion entre les deux poésies, païenne et
toujours, dans l'imagination de
I règles du bon goût. Voyez la lettre
[1 dit à son correspondant : < Vous
Bdu Lévite pour monter à l'autel
, au but de vos désirs. ■
Ifz ainsi au ternie de volro
B prix de la course comme
iiQUt i bout, se nuisent :
Lnbant jusqu'aux talons
^exercices athlétiques J
Clique, le charmaut
Lpar Abraham (i), et
a est qiiii- ducît ad
(1) Sancla aonvei'gationii veitrte. Mil
l3) ApostoUài eitulimur excmpU»,
— 2(55 -
midi seulement ; la procédure de ces tribunaux fut toujours
regardée comme extraordinaire par les législateurs du droit
canon.
Quant à Yves, il appelle ces épreuves une invention
de la plèbe et des ignorants : « Vulgarem denique legem ac
> nulla canonica sanctione fultam, ferventis scilicet sive
» frigidx aqiiœ igniiique ferri contactum^ aut cujus lihet
» popularis inventionis,.,. )> Ces paroles, attribuées au pape
AJexandre II, sont tirées de la lettre où l'évêque de Chartres
répond à Hildebert, qui lui avait demandé s'il devait consentir
à répreuve du fer rouge pour se laver de Taccusation
de trahison, comme le voulait le roi d'Angleterre (1).
« Spontanea confessions vel testium approbations puhli-
» ca delictaj hahito prœ oculis Dei timoré, commi^sa sunt
» regimini judicare ; occulta vero et incognita illius sunt
» judicio relinquenda , qui solus novit corda filiorum
» tiominum. »
Telle est la consultation d'Yves de Chartres : la con-
fession volontaire et le serment des témoins (2) sont les
seuls moyens dont dispose la justice humaine, sans
empiéter sur le domaine de Dieu. Plus tard, avec les
progrès de la législation, cette extrême indulgence de la
juridiction canonique constituera un moyen abusif de se
dérober pour les criminels, trop heureux d'être ainsi, pour
leur punition, mis en présence de leur seule conscience ;
mais au XII® siècle, le droit canon maintenait, en présence
des procédés barbares de la féodalité, une tradition saine,
juste et humaine.
Remarquons, toutefois, qu'Hildebert n'a pas formellement
condamné la Question. Non, mais par deux fois il en
réprouve l'application dans des cas particuliers, et il ne la
(i) Voy. notre l" partie, i;li. II, p. 56. — I^i lettre d'Yves porte dans
M igné le n" 74 ; nous n'avons plus la It'ttnî d'Iïildebert.
(2) Voy. rafîaire du doyen Haoul et du chanoine Nicolas. Mignc II,
36 à aO. Nos n"« KK) à 103.
— 278 -
qui figurent les quatre vertus fondamentales d*après saint
Augustin, ou des sept fils de Job qui représentent les sept
dons du Saint Esprit, exposés à être anéantis sous l'édifice
par la fureur du vent des passions (1). Le tyran s'appelle
Néron, Tarquin, Polymnestor ou Denys (2), à moins qu'il
ne se nomme Hérode ; l'astucieux Ulysse (3), Démocrite et
Heraclite (4), philosophes de la joie et de la tristesse, sont
nommés pour leur sagesse conjointement avec les prophètes,
et le poète par excellence, c'est Orphée s'accompagnant de
la lyre de David (5).
§X
Parmi les poètes anciens^ Virgile n'était pas le plus
familier à Hildebert, qui subissait sans le bien comprendre
le prestige de sa belle simplicité, et qui, le regardant avec
respect, l'appelait doctissimus poetarum (6).
Les expressions mélancoliques, les tours négatife qui
plaisent aux âmes tendres, sont fréquents chez Virgile (7) ;
or ce sont les mêmes qui s'approprient le mieux à la descrip-
tion des êtres immatériels et des joies célestes, exprimables
(1) Confidimus in Domino. M igné 1, 10. Notre 73.
(2) Doleo frater. Migne I, 16. Notre 94. Cf. {Sanctœ) : « Siculoruni
immanitus tyrannorum. » (Cette tyrannie est comparée à celle de
l'avarice.)
(8) Andegavensem pro te. Migne II, 3. Notre 4. « Ulyssis argutiam
experti. »
(4) Cum hene muUis. Migne I, 12. Notre 80. « Apud hujusmodi
(homines) Democritus materiam risus invenit, Demosthenes (c'est-à-
dire Heraclitus) lacrymarum. »
(5) In laci^ymis effluant. Migne II, 21. Notre 92. « Nostrorum Orpheiis
seculorum.... posce secretum, coge Piérides... Tu esto David et me de
numéro facito succentorum. ii»
(0) Cum hene. Cf. (Justum est ut) : « In armis te Csesarem, in carminé
Virgiiiuiri obstupesco. »
(7) Chateaubriand a fait cette remarque dans son Génie du christia-
ni87ne.
— 267 —
homme de goût et ne rend pas impossible, pour Tavenir, des
rapports de bonne compagnie avec ceux qu'on désapprouve
présentement.
Hildebert gagna à cet esprit politique de pouvoir jouer un
rôle d'administrateur et de pasteur dans la société de son
temps. A rinverse des lettres de Geoffroy de Vendôme, les
siennes renferment tout autre chose que de misérables
réclamations de clocher ou un colportage de médisances
insipides ; on sent l'homme qui, faisant partie de l'Église,
était sans cesse en rapport avec le siècle et maniait des
questions complexes.
Il avait toute une clientèle, et la recommandation, fort en
usage dans ce monde comme aujourd'hui, tient une certaine
place dans sa correspondance. Son crédit auprès d'Henri P'
est attesté par la lettre Benedictus (1), en faveur du frère de
l'évoque d'Angers :
...Porro candidiorisfortunse sortitus est gratiam, quisquis apud hune
(regeni) alicui subvenire posse praedicatur ; quod si non potest, magna
taraen gloriœ materia est, quia hoc eum posse populus arbitratur.
Neque enim cuihbet concessum est régis illius extorquere favorem,
qui diem maie perditum judicat, in quo pro perditis moribus agere
non contingit. Magni animi est et de virtute gloriantis^ ad votum suum
severas inclinare potestates ; hoc autem posse me plurimi somniant,
hanc in oculis vestris gratiam consecutum fabulantur....
On trouve encore des paroles flatteuses à l'adresse de
Henri et de son ministre Roger dans la lettre Virtuti (2),
paroles destinées à amener la recommandation que voici, en
faveur de Guiumar :
.... Talem te pro nostro Guidone rogare decreveram, sed veritus
suni ne, quod per te facturus es, precibus extortum putaretur ; gratiora
sunt bénéficia, quie non aliène interventu sed affectu spontanée pro-
(1) Betiediclus Dominiis. Migne III, 13. Notre 6.
(2) Virtuti gratiilor. Migne II, 12. Notre 38. — Credidi mepcccaturnm,
à l'évèque de Durham, ministre de Guillaume le Roux, serait une
lettre de recommandation fort jolie, si les oppositions de pronoms n'y
étaient un peu alTectées. (Migne III, 1. Notre 37.)
— 280 —
» des corps terrestres qu'elle anime et des membres mor-
» tels. De là les passions, la crainte, les désirs, la douleur
» et la joie, parce que les âmes, enfermées dans les ténèbres
» et dans l'obscure prison des corps, ne voient pas la pure
» lumière. »
En ce passage tout spiritualiste du sixième livre de
l'Enéide, la doctrine des stoïciens était presque chrétienne,
ïlildebert, qui le cita dans Cum bene multùy n'avait pas,
beaucoup à faire pour présenter cette agitation intérieure
de l'âme comme la conséquence du péché originel et la
préface d'une destinée immortelle (4).
Nous passons à Ovide, qui fut pour Hildebert le principal
modèle; inspirateur des poésies légères, il plaisait aux
littérateurs du XIP siècle par son tour fin et ingénieux, par
son affectation et par son élégance. Gomme il avait chanté
sa disgrâce et son dévouen^ent immuable à César son per-
sécuteur, tel Hildebert a fait une pièce dans le même
rythme sur sa ruine, son exil et son attachement invincible
à Dieu (2).
Illa^ inilii quondam risu blandita sereno^
Mutavit vultus^ 7iubila facta, suos.
On sent, dans ces deux vers sur la fortune, l'influence du
fameux distique :
Donec eris felix^ multos numerabis amiços ;
Tempora si fuerint nubila, salua cris,
distique qui est encore rappelé et paraphrasé dans une
(i) Autre citation de Virgile, d'un caractère moins transcendant :
« Metuunt Danaos, et dona fererites {Andcgavenfiem), » (Cf. Aen. l. II,
V. 41>.)
(2) De Exsilio suo liber. M igné, col. 1418-i3i4. B. Hauréau, p. 80.
- ^281 -
lettre (1), avec Taddition du mot chrétien proximum, le
prochain : « Porro amicum me, dnm serenvs esset aer^
9 elegisii ; dum nubilus erit, iïivenies. Infamis quœstus est
» proximum colère dum succedii, dum maie est ignorare.
» — Vous m'avez choisi pour ami alors que votre ciel était
» serein ; serez-vous battu de Torage, vous me trouverez.
» C'est un honteux calcul de courtiser le prochain tant qu'il
» est heureux, pour l'ignorer dans le malheur. » On le voit,
l'image poétique d'une douloureuse vérité est ici accom-
pagnée du jugement moral et du précepte, comme il
convient chez un ministre de l'Évangile. Ailleurs (2), c'est
un passage du <( Remède contre l'amour » qui est cité, à
titre d'observation humoristique précédant et préparant la
réprimande :
Principio clivi vester anhelut equus (3).
« Dès le bas de la pente, votre cheval est cssouflé » ; c'est-
à-dire • Vous êtes à bout de forces sur le chemin du salut ;
ou, suivant la citation bibli(jue : Vous mettez la main à la
charrue et vous regardez derrière vous ! (4).
Les poètes moralistes ne pouvaient être passés sous
silence. Horace est cité une fois (5) ; llildeberl, ayant à se
justifier auprès du Pape d'une liberté qu'il a prise un peu
hardiment , fait présenter ses excuses par l'auteur de
l'épître aux Pisons. « Nous avons écrit ces choses à Votre
(1) Jusfum est ut adversa. Migne III, 22. Notre 13. — Cf. également
{De Nummo. Migne, col. 1402-1320) : « Ciim fueris felix, multo stiparis
amico ; Prospéra muteiitur, respice, solus eris. »
(2) Apogtolicin erudimur, Migne I, il, Notre 49.
(3) Ovide, Rem. am.j v. 3î)4.
(4) Lucain n'est pas cité dans les lettres. C'était pourtant un des
poètes favoris d'IIildebcrl, à ce point qu'on a pu se demander si
répisodc, d'Orphée, inséré dans le De Nummo do notre évécpio, n'était
jKis le poème, aujourd'hui perdu, de l'autour latin (U. Hauréau, p. 42).
(5) Sanctte cofuersatioiiis. Migne I, H. Notre 28.
- 282 -
Sainteté, comme un malade qui donnerait un antidote à de
bien portants, mais le poète a dit :
.... Fungar vice cotis, acutum
Reddere quœ ferrum valet, exsors ipsa secandi (1).
« Je ferai Toffice de la pierre, qui peut aiguiser le fer,
incapable elle-même de couper. »
Mais c'est surtout Térence qui a les faveurs d'Hildebert.
Pour le spirituel prélat, le poète comique jouait le rôle
dévolu chez nous au fabuliste ; ses personnages, Ménédème
(le père de famille trop indulgent), Thrason (le soldat fanfa-
ron), adoucissaient par la gaieté de leur profil Tadmonestation
sévère, la Philippique : « Invectionem fortassis eocspectas et
» Pkilippicam pallidus auapicaris... Talis 7iimirum ingre-
y> dior ad te qualis medicus ad segnim, qualis Menedemus ad
» filUim scortatorem », est-il dit dans Doleo (2), et plus loin :
« In dubium venit ynagisne populus in te Thrasonis gloriam
» fastidiai an crudelitatam Dyonisii detestetur (3). »
Le grand philosophe de l'antiquité, pour Hildebert et les
hommes du moyen âge, c'était Sénèque ; il loue son talent
de vulgarisateur (4), et le cite jusqu'à trois fois pour donner
des conseils sur le gouvernement à la comtesse Adèle (5).
(4) Horace/ildPw., 304.
(2) Doleo f rater mi. Migne I, 1(5. Notre 94.
(3) Autres citations de Térence :
a Dans Ad nos usque. n Plenus sum rimarum (Ennuch,^ À. I, s. 11,
V. 25), — je suis plein de fentes (c'est-à-dire, je suis Tindiscrétion en
personne), m Hildebert ajoute une nuance affectueuse : « Je suis plein
d'indiscrétion pour mes amis. »
h Dans Fcliâtei'. Voy. notre 1" partie, chap. III, p. 73.
c Dans Sempev fuit. « Scio..., juxta comicum, lonitatem meam maie
muita te docuisse {Adelp., A. 111, s. IV, v. 2C). »
(4) V Ideo hrevitatem dilexit non obscuram, ut magnis occupâtes
légère non tiederet. » (Hommey propose une correction inacceptable.)
(5) Absentia mariti. Migne I, 3. Notre 78.
- 283 —
Même, dans la lettre à Thurstin, archevêque d'York (1), il
entre en matière sur une maxime de ce moraliste : « Et
omni et nulli credere vitium est (2). » Il aime de Sénèquela
phrase courte, un peu saccadée, le goût des pointes et
surtout réloge constant de la Raison. « Philosophus ait »,
c'est la Raison qui parle, cette raison qui, aux yeux de
notre évêque, était le plus ferme appui de la foi, et qui
avait aussi à côté de la religion ses vertus propres. C'était
elle, par exemple, qui dictait aux princes la clémence, vertu
des grands et toute païenne, puisqu'elle ne se confond ni
avec la charité recommandée par l'Évangile aux moindres
des créatures, ni avec la miséricorde qui est le propre du
Roi des rois. Et de qui s'inspirer pour conseiller aux
prmces la clémence, sinon de l'illustre auteur du traité De
Clementia'> (3).
Celle de ses lettres où Hildebert s'est le plus pénétré de
la philosophie antique, est, avec Abaentia mainh', la consola-
tion au roi d'Angleterre sur la mort des siens dans le
naufrage de la Blanche-Nef (4). Sénèque, Boèce avaient
rédigé des « Consolations ». Notre Hildebert loue Henri I®»"
d'avoir réalisé dans son malheur l'idéal du philosophe ; il
s'adresse à son amour-propre, et, en feignant de croire
qu'il a triomphé de la douleur en stoïcien, espère obtenir
qu'il la surmonte effectivement et n'en fasse pas payer cher
les conséquences à son entourage : « Cum bene mullis
» imper es, nulli melius imper as quam iibi. — Vous avez
» beau commander à beaucoup de monde, vous ne com-
» mandez à personne mieux qu'à vous-même, etc.. »
(1) Sicut Seneca testatur. Migne III, 35. Notre 36.
(2) « Neutrum faciendum est : utrumque enim vitium est, et omnibus
credere, et nulli ; sed alterum honestius dixerim vitium, alterum
tiitius [Ep. III, De elifjendis amiàs). »
(3) Outre Sénèque, Hildel)ert a cité Épictète (Cum bene) et Symmaque
{ Absent ia).
(4) Cwn bene mullis imperes. Migne I, 12. Notre 86.
— 284 —
Puis, à cette louange le théologien apporte une restriction.
— Sans doute, dit-il, Thomme était destiné à être sage, et la
Nature devrait toujours retrouver son équilibre malgré les
ébranlements de la Fortune, mais cette sagesse, même chez
les plus forts, n'est pas solide, parce que le péché originel
est survenu, et que la Nature en a été infirmée. « Sapientis
» enim est, nec in prosperin efflluere^ nec in adversis
» mœrore sepeliri. Statum quemdam homini naturaparavity
» quo semper eumdem ad utimmque se prœstaret eventum ;
» illum deponere et pro hahitu variari fortunarum, non
» naUira aed naturœ defectus est. » La théologie se met
donc à la traverse de la glorification du nouveau Sage, et ce
qui était présenté comme le portrait même du roi costumé
en philosophe, devient un idéal conditionnel, imparfaitement
réalisable. Cette réserve une fois posée suffit, et plus loin
une citation de Virgile ramène, avec Téloge de la Raison,
celui de Thomme qui puise en soi-même toute sa force de
résistance.
Sapiens enim adversus eam quam dicitis fortunam nunquam impa-
ratus, nunquam inermis invenitur... Extra se nuUum pugnsd quaerit
apparatum ; in omni casu seipso tutus est. Pectus ejus pharetra fertilis
et armamentarium copiosum ; semper sagittis exuberat , semper
abundat munimentis. Hauriri non potest, cum tela promere non
désistât. Quibus ille munitus, universa fortunée missilia contemnit,
obsequente pariter et persequente superior. Dum ea blanditur, ingratus
est ; dum intonat, aspernatur ; nullis rerum movetur eventibus, in-
sultans universis. Quippe nihil est unde non triumphet animi trium-
phator.
Hildebert parle presque en mêmes termes du Saint ou du
philosophe ; mais il s'incline devant le premier comme
devant l'ouvrage présent de Dieu, et se plaît à esquisser le
second comme un entant de son imagination et de ses
lectures (1).
(1) Les Bollaiidistes soutiennent qu'Hikiebert a dû avoir une plus
grande connaissance de la langue grecque qu'on ne l'avait générale-
ment au XII» siècle. Ils conjecturent qu'il a consulté, pour son poème
- 285 —
Ainsi, grâce à sa largeur d'esprit, cet homme d'action
d'un caractère doux et généralement ferme, ce galant homme
qui donna par sa présence un lustre de bon ton et d'urbanité
à la société féodale de son temps, ce savant docteur, poète à
ses heures, allie à une foi hors de tout soupçon un goût très
prononcé de la raison ; pétri des enseignements de saint
Augustin, il conserve une main dans la main des auteurs
anciens, qu'il connaissait et jugeait si précieux pour leur
esprit pratique, pour leurs réflexions morales et leurs conso-
lations.
Le XIII® siècle sera moins favorable que le XII® aux
moralistes et aux poètes de l'antiquité ; la science se fera
plus scolastique et exclusive. Ce revirement va être surtout
l'œuvre d'un très grand personnage, de saint Bernard, âme
riche d'amour s'il en fut, mais qui autour de lui , chez
ceux dont le fonds n'était pas assez riche pour supporter
sans dommage une aussi violente concentration de sen-
timent, a failli n'engendrer que la sécheresse. Saint
Bernard s'était nourri des enseignements de l'antiquité,
et il lui arrivait aux heures les plus graves d'imiter
Ovide ; mais il se refusait à avouer de telles réminiscences,
ou était arrivé si bien à se les assimiler en les déna-
turant, qu'il ne les distinguait plus de ses propres pen-
sées. Il ne voulait pour les jeunes gens d'autre maître que
rÉvangile ; c'était leur ofl'rir, par son exemple, le prestige
de l'instruction la plus soUde jointe à une force de volonté
de la « Vie de sainte Marie l'Égyptienne », le texte original. Sinon, il
se serait servi d'une traduction latine plus fidèle que celle de Paul
Diacre, et on n'en connaît pas. N'a-t-il point, par exemple, assigné à la
mort de la Sainte la date du !•' avril comme Tauteur grec, et non celle
du 9 à l'imitation de Paul Diacre ? — Mais ce dernier argument n'est
pas concluant, car Hildebert a pu connaître la vraie date par des mar-
tyrologes que nous ne possédons plus. En tout cas, on ne trouve dans
la correspondance aucun indice d'une connaissance particulière de la
langue et de la littérature grecques.
— 286 -
incomparable, sans leur donner, par une éducation suffi-
samment large, les moyens d*y parvenir.
Il n'avait qu'une idée : ramener le monde à la simplicité
primitive, en forçant les cœurs pour les tourner à l'amour
exclusif de Dieu (1). L'Évangile, il le croyait du moins,
suffisait à nourrir son immense tendresse, et, dans son
mépris de la vie et des conditions normales de l'activité
humaine, il fit la guerre à ceux qui, comme Pierre le
Vénérable, cultivaient les lettres, la poésie antique, afin
d'enrichir la finesse de leurs observations et de se ménager
des consolations ou des encouragements dans les tracas de
l'existence. Saint Bernard, abstraction faite des écarts d'unè^
d'une polémique passionnée, vivait et voulait qu'on vécût
toujours sur les sommets ; il croyait, à la lettre, que la fin du
monde approchait, et agissait en conséquence ; beaucoup le
suivirent sur cette pente, sans posséder son originalité de
parole et sa puissance d'amour. Puis, comme la fin du
monde n'arrivait pas, l'homme recommença à s'intéresser
aux souvenirs de sa race, à étendre sa curiosité, et la
réaction poétique et littéraire éclata, d'autant plus violente,
au grand péril de la foi, qu'elle avait été plus contenue. Les
gens de la Renaissance s'imaginèrent alors qu'ils devaient
tout à eux mêmes, et notre Hildebert fut parfaitement oublié
d'eux.
Pourtant, en face de ce glorieux saint Bernard, leur
ennemi, de cet homme de génie qui exagéra une tendance,
précipita un mouvement, entraîna son époque dans une
direction exclusive, où il était nécessaire sans doute que le
(1) Voyez la lettre à Hugues, comte de Champagne, qui partait pour
la Terre-Sainte afin de se faire templier {Bern. ep. 31). Une seule idée
est exprimée : « Si c'est par amour de Dieu que vous avez agi, vous avez
bien fait; mais nous, qui vous aimons aussi, nous serons privés. »
Notre lettre Ad mefnoriam est bien plus fine, bien plus nuancée. En
revanche, la comparaison du chrétien malade avec l'arbre atteint par
la cognée {Bern. ep. 450) a sur les images analogues d' Hildebert {Non
potuit) la supériorité de Tcnergie.
— 287 —
siècle s'engageât pour donner toute la mesure de ses facultés
religieuses et idéalistes, en face de saint Bernard et avant
lui, avait vécu un homme dont les oeuvres firent moins
de bruit, eurent moins do retentissement et ne provoquèrent
pas de polémique. Il n'avait pas prétendu révolutionner le
monde, et il n'eut qu'une influence médiocre sur la marche
des idées au moyen âge, il ne donna pas à la religion un
essor nouveau, mais il réalisa à un certain moment, dans sa
personne et dans celle de ses amis, l'union de certaines
idées et de certains sentiments venus de différents points
de l'histoire ; avec cette science considérable de l'Écriture
et des Pères, tempérée de sympathie pour les vieux poètes
et d'un véritable esprit pratique, Hildebert revit pour nous
dans cotte époque troublée comme une harmonieuse figure,
empreinte de vérité et de poésie.
— '288 —
CONCORDANCE
Des numéros des lettres dmis Védition Migne et dans le présent ouvrage.
If 1. Conversione, 55.
II, 16. Zdum, 31.
ni, 3.
Timeo, 41.
I, 2. Flabellum, 34.
II, 17. FeliHter, Irt.
III, 4.
ScimuSy 23.
I, 3. Abaenlia, 78.
II, 18. Crcdimufi, 22.
III, 5.
Ad nos, 7.
I, 4. Quo/itfj?, 72.
II, 19, Sacej^dos, 9.
IIÏ, 6.
Commeantium, 67.
1, 5. Egredienti, 71.
II, 20. Setnper, 10.
III, 7.
Maximum, 53.
I, 0. Quod te, 74.
II, 21 . In Um^ymis, 92.
III, 8.
Absentia, 79.
I, 7. Gralulor, 84.
II, 22. Nunquam, 93.
III, 9.
Ad wtorum, 29.
1, 8. Sanclœ, 28.
11.23. In regftu), 64.
III, 10.
Et vuHum, 99.
I, 9. Difficile, 85.
II, 24. Pr£e«6nttm»i, 15.
111,11.
Audita, 82.
I, 10. Confidimus, 73.
II, 25. Est apitd, 45.
III, 12.
Locorum, 83.
I, 11. AjwittoUcis, 49.
II, 26. Ae vel, 8.
III, 13.
Benedictus, 6.
1, 12. Cum bene, 86.
II, 27. Plei^mque fit, 39.
m, 14.
Nota, 89.
1, 13. Gaudium, 75.
II, 28. Potestati, 18.
III, 15.
Malchum, 59.
1, 14. Cum suscep., 87.
II, 29. Meîius, 19.
III, 16.
Pro Willelmo. 27.
1, 15. Ad memoriam, 9t.
II, 30. Beatitndini, 106.
III, 17.
Fuere qui, 12.
1, 16. Doleo, 94.
II, 31. (du pape Honorius).
III, 18.
Balsamwn, 56.
1, 17. (de l'abbé Eudes).
II, 32. Non paticis, 47.
III, 10.
(de saint Bernard).
1, 18. TransfretarCy 88.
II, 33. In adverais^ 95.
III, 20.
Quantum, 52.
1, 19. Célèbre, Tl,
Il, 34. Ad vestrum, 96.
III, 21 .
Piœ et, 4().
I, 20. Ex quo, 58.
Il, 35. Justum est cos, 107.
lïï. 22.
Justum est vt, 13.
1, 21. Consideranti, 76.
II, 36. Non dubitamuSy 100.
IIÏ, 23.
Prseter, 66.
1,22. Usa, 44.
11,37. Factum est, 101.
ÏII, 24.
Successihse, 42.
I, 23. Si vem, iXi.
11,38. Quantis, 97.
m, 25.
Totum, 57.
I, 24. Eos qui, 09.
11,39. L«M, 102.
lïl, 26.
Si bene, 68.
II, 1. Si fides, 25.
II, 40. Littcra», 98.
III, 27.
Jucuiuiitas, 13.
II, 2. Iterare, 24.
II, 41. Philosophas, 104.
III, 28.
Pueris, 30.
11^ 3. Andegavensem, 4.
II, 42. jF/ relatione, 51.
m, 29.
Plenimquc h uni., 7
Il, 4. Petitioj 1.
II, 43. S?CM/ ;>ar^;i^, 20.
III, 30.
7w me, 40.
II, 5. Paum, 2.
II.. 4i. (de saint Bernard).
ÏII, 31.
E^j^i, 35.
II, 6. Fama, 3.
II, 45. (de saint Jérôme).
III, 32.
(de l'abbé Eudes).
II, 7. i4i«/iv/twufi, 21.
II, 46. Exspectans, 90
III, 33.
(de Tabbé Endos).
Il, 8. Sicul frcq., 17.
II, 47. Sicut de, 11X5.
III, 34.
(d'inconnu).
II, 9. Familiare, 32.
Il, 48. Fratrem, il.
IIÏ, 35.
Sicut Seneca, 36.
II, 10. iVon potuit, 50.
11,49. Pascha,()\.
m, 36.
De fnuliere, 5.
II, 11. (de suint Anselme).
II, 50. Confrater, 62.
III, 37.
Senleutiam, TA.
11,12. VirtiUi, 38.
II, 51. SïVu/ repHm., 60.
IIÏ, :i8.
Noverit, HKi.
II, 13. Et dies, 'X^.
II, 52. if(W.s, 14.
m, 39.
Eos qui, 69.
II, 14. SiciU sanct., 20.
m, 1. Credidi,?n.
II, 1."). Protnissamy 65.
III, 2. i4«n/œ, 80.
— 289 —
ADDENDA ET EMENDANDA
P. \. .... Solesines. — Enfin le cartalaire de l'abbaye (lÉvron (Mayenne)
existe en manuscrit aux archives de ce département, et Hildebert y
tient sa place.
P. 8-14. Chartes à ajouter :
2i bis. — De S. Martin de Tours. — il 10. Hildebert souscrit à un
accord intervenu entre Odon doyen et le comte Ilélie. (V. Galliay
t. XIV, p. 175.) Citée à notre page 187.
35 bis. — Du Mans. — Oct. 1124. Souscrit à la charte de donation
par laquelle Gérard de Sillé fondait l'abbaye de Beaulteu. (V. Gallia,
t. XIV, p. 512.) Citée à notre p. 138.
36. - Évron. (Ms. Cart. d'Évron, p. 41K).)
P. 18 (?t 85. La seconde partie du sermon commence, non comme dans Beau-
gendre, mais comme suit : Qnod autem Christum et Kcclesiam sport-
taneus et communis cotiscnsus astrixerit.
P. 25. Edit. L. Delisle, 1872 (au lieu de 1848).
P. 37. Au lieu de Du Chesne (n. 3), lisez : Manier.
P. 02. (3) et du transept. Cf. p. 79, note 2.
P. 112. Au lieu de : son beau-père, lisez : le beau-père ite sa fille.
P. 148, 17(). Héféreiiees aux éditions des lettres (supplément) :
2l^2, 21 i. 17. Sicut frequens Mansi.
32. Familiare esl Ba^onius.
53. Maximum duco Jkironius.
71. Enredienti tibi \ ,, . ,,, . „ ,.«,^. , ,
^, /' / Gratins (Orth.) Fasc. rer. expet. 161K)), éd.
91. Ad memonam \ ^ ,, , ..
AiML nu'i I -4. \ Browu, II, p. 1-3.
104. Phtlosophus ait J
P. 181. Nous avons eu tort peut-être de nous décider pour le prieur de
Chartres contre celui de Charroux, et nous croyons devoir exposer les
raisons très sérieuses qui militent en faveur de l'opinion contraire .
l*' La Gallia n'est pas aussi affirmative pour attribuer une réforme
au prieur Guillaume que nous l'avons cru ;
2« c Le prieur de Charroux » est une expression correcte, mais a le
prieur de Chartres» ne doit pas se dire ; il faudrait: « le prieur de
S. Pére-de-Chartres » ;
3» « Priori Carrofeiisi » a bien pu se corrompre, sous le stylet des
19
«"
— 290 —
copistes, en * priori Canwlensi », mais l'inverse est moins probal)le,
Chartres étant beaucoup plus connu que Charroux (De même en
Angleterre, c'est Carrofensi plutôt que Carnolensi qui parait avoir été
remplacé par Rofensiy et Charroux plutôt que Chartres par Rochesler) ;
4<» On pourrait dès lors rapporter au prieur de Charroux la lettre
Conimeanlium^ qui porte dans E/2 « priori Carnotenni », et on s'expli-
querait ainsi qu'llildebert ait pu dire que les messagers entre le Mans
et la demeure de son correspondant étaient rares. (Cette raison moins
sérieuse que la précédente, parce que E/2 est seul à donner pareille
adresse pour Commeajitium^ et que la rubrique de la lettre suivante,
qui est justement Non potuit^ a pu s'égarer sur celle-ci.)
P. 21i, 216, Dans le tableau, la lettre In lacrymis doit être supprimée ; les
217. n*»» 93-107 deviennent : 92-106. Enfm, pour Nunquam fdiciws (à un clerc
ou prélat italien, 1112), ajoutez parmi les auteurs qui Tout publiée :
Sackur, Mon. Genn. hisl., IJbelli de lite imp. et pont. 11, p. 668.
P. 236. Au lieu de Nos 65, lisez : Nos 91.
P. 237. Au lieu de Notre 40y lisez : Notre 45.
P. 238. Au lieu de : Piœsentium lalores, lisez : In regno quidetn.
i
INDEX ALPHABÉTIQUE
Le nombre qui, à chaque lettre d'Hildebert, est en italiques, désigne
la paj^e ou on trouvera le n<* d'ordre dans Migne et dans le présent
ouvrage. — Pour les noms de lieux, Voyez abbayes. Conciles,
Localités, etc.
A., sous-doyen du Mans. 148, 157. Anaclet, anti-pape (Pierre de Léon)-
Abbayes etcollég. 2-6, 8-14; 176- 18, 85, 106-8.
7. V. de plus quelques noms de Andegavenaem pro te, 110, 148,
monastères et ceux des abbés. 152, 273, 278, 230.
Absentia mariti (i). i\S, i^, 202- S.Anselme, ar. de Canlorb. lii,
5, 233, 270, 282-3. 149, 163, 169-71, 197, 274.
Ahsentla mariti (2). 118, 20S4y, 232. Aposloliciserudimur. 119, 157, 176
Actum fortasse. V. Confidimus. 124. 181, 2i3, 276-7, 281.
Adam. 74. Archembert, oncle d'Hild. 36.
Adélaïde, 2« femme de H. !•'. 202, Arnauld, év. du Mans, XI» s. 21,
210. 52, 57.
Adélaïde, femme de L. VI. 136-7. Arnoul, év. de Lisieux, XH» s. 115-
Adèle, c»«"* de Blois. 177, 198, 205, 17, 125.
268, 270, 282. Athalise, religieuse. 202.
Ad illixis Blare, V. AudUa, Attritas frontis, 118, ^5,2(», 268-9,
Admemoriam. 119,134, 20!?, 212, Auditaper prœsentium. 118, 209.
225, 236, 252sJ, 277, 286, 289. 208, 236, 270.
Ad nos itsque, 118, 148, 155, 272, Audivimun et valde, 119, 149, 162-
282. S. Augustin. 200, 2:16.
Ad vesttnim in Franciam. 17, 87, BaUtamum ex adore. 120, 176, 188.
î>2, 95 ; 120, 214. Baudry, ab. de Bourgueil, ar. de
Ad votorum. 110, 140, 168, 236. Dol. 18, 31, 39, 102-3 ; 270.
Agnès, 2» femme d'Hélie. 198-200. Beatitxtdini Veatrœ. 18, 96-8 ; 123,
Aimery, év. de Clermont. 149, 161. 130, 134, 214.
Albert, ab. de Marmoutier. 35. Beaulieu (abb. de). 137-8, 289.
Algar, pr'. de S. C. de Durham. Benedictus Dominua (1). 118, 148,
189. 154, 163, 232, 267.
Bencdictus Dominus { 2). V. Ex Conversione et conversalione lua-
quo, i2i. 118, 141, 170, 188, 220, 222, 236,
Benoît, card. 10^?. 15; 149, 100. 238, 241-50, 275.
Benoît, év. de Nantes. 10. Credidi me. 16 ; 123, 127, 13i, UO,
Bérenger, hérés., XI« s. 28, 37-9, 172.
46 ; 243. Credimus ignorare. 15, 72 ; 119, i49,
S. Bernanl. 18, 32, 75, 77, 107 ; 124, 163, 228.
176,188, 222,248, 272, 2&5.7. Cum bene tmdlis. 119, 12i, 202,
Bernard, év. de S. David. 149, 173. 209 ; 237, 278, 283-4.
Bible citée. 72 ; 135, 106, 208, 22:M, Cum viderit. 57 ; 129, 134, 135, 202,
242, 246-8, 250, 250, 259, 275. 206.
Byzantins (obj. d'art). 61, 81-2. Cum susceperis hanc. 119, 202,
Calixte II, p. 77-8, 84-7 ; 164-5. 210, 225, 235.
Célèbre solatium. 119, HT, 202, Cunsus. 238.
226. Cyprien, dise, de l'hérés. Henri.
Chapithe du Mans. 8, 42-3, 62-4, 159.
83. Daniel le Chauve, ab. d'Evron. 178.
Chapitre de Tours. V. Raoul, De conversione ou conversalione.
doyen. V. Conversione.
Charroux (abb. de). 181, 289-90. De Exsilio suo, poème. 18, 51, 53,
Chartes (avec le nom d'H.) 2-14, 56 ; 280.
33-6,40-1,45,67,84,88,98,109- De muliere quœ. 139, 148, 15i,
10, 113; 138, 15i, 178, 187, 289. 262-3.
Cicéron. 219, 235, 253, 268. De Operibus sex dierum , poème.
Clarembaud, chan. d'Exliam. 149, 259.
174, 274. De Querimonia, poème. 59, 67 ;
Clementiai est, V. Ahsentia. 124. 116-7, 126. 271, 279.
CommeanUum raritas. 118, 177, i)e /îoma, poème. 18, 60 ; 121.
196, 272-3, 290. Difficile est. 118, 202, 209, 257-8.
Conan 111, d. de Bretagne. 18, ÎK}- Dimissoire (lettre). 1(>0.
99. Doleo frater. 118, 142, 214, 217,
Conciles (où parait II.). 8, 10, 12, 226, 278, 282.
15, 18, 23, 27, 67, 78, 84-5, 96-8, Drogon, frère d'Ilild. 36.
102, 107, 112 ; 130, 160, 164, 204. Droit d'asile, 162; d'épave, 97.
Confidimusin Dom. 118, 124, 177, Egredienti tibi. 119, 177, m), 200,
200, 224, 237-8, 278. 221, 253-4, 277, 289.
Confraler et filius. 118, i77, IM, Kngelbaud, chan. du Mans. 11.
231. Eos qui obsequiorum. 120, 177, 197.
Conon, év. de Prèneste. 149, 169. Epictète. 283.
Consideranlimihi. 119, 177, 202, Estapudnos. 119, 170, 178, 229,
227,236,271. 237.
Consideranli dilig. V. Cum bene. Et dieslsetus.WS, i49, 170, 228,27».
- 293 -
Etienne, doy. d'Angers. 150. Galon, év. de Paris. 151, 167.
Etienne, év. de Paris. 14. Gandin, s. de Malicorne. 10, 11.
Etienne de Garlande, min. de L.Vl. Gaudium tnihi. 119, i77, 201.
136, 142, 214, 218. Gautier, archid. de Sêez. 119, 165.
Etienne de Montsoreau. 132, 214, Gautier, c. de Rouen. 53.
218, 272. Gautier, s. de Mayenne. 166, 260-1.
Et relalione. 119, i76, 182. Gautier de Clinchamps. 165, 261-2.
Etsi qitantas. 123, 134, 14i, 149, Geoffroy, ab. de Vendôme. 15-6,
170, 257. 32, 39, 61-5, 90, 112 ; 143, 151, 154,
Et vultum. 118, 2i4, 217, 272. 156, 164, 177, 181-5, 191, 254, 266-
Eudes, ab de Marmoutier. 26. 7, 269.
Eudes, ab. (Aux. ou Paris). 135-6. Geoffroy, chev«f de Pouille. 81.
Eudes de Frète val. 3. Geoffroy, c. de Vendôme. 64, 110.
Euphrosine, c'»»" de Vendôme. 16, Geoffroy, doy. du Mans, ar. de
6i-5 ; 269. Rouen. 41-2, 70, 78 ; 149, 166.
Eustache, ab. de S. P. de Ciiartres Geoffroy, ermite à Fonlaine-les-Bl.
181, 289. 108, 109.
Ex quo vestram. 118, 121, 170, Geoffroy, év. de Chartres. 13-4, 70 ;
189, 226. 149, 163, 167.
Exspectans exspectavi. 17, 105; Geoffroy, frère d'IIild. 35.
120, 202, 211. Geoffroy, s. de Mayenne. 4, 13, 50.
Factumcsl. 17, 104-5; 119, ?f4,230. Geoffroy de Loudun, év. du Mans,
Fama est. 118, i48, 151-2. XUI» s. 20-1.
Fami/iart? e«/. 118, 1 il, i4U, 169- Geoffroy de Mayenne, év. d'Angers.
70, 247, 274, 289. 10, 113; 149, 150.
Féliciter sunt. 15, 70, 72 ; 119, 148, Geoffroy Grisegon., c. de Vend.
159. 1()3, 282. 65, 110.
Flabellum tibi, 118, 144, 149, 170- Geoffroy le Rarbu, fr deF. leR.52.
1,210-7. Geoffroy le Bel, c. d'Anjou et du
Foucard, chantre de l'ég. du Mans. MAine. 81, 106 ; 202, 211-3, 252-3.
73. Geoffroy Martel, c. d'Anjou. 9, 10, fô.
Foulques, fr. du doy. Raoul. lOi. Geoffroy Martel, fils aîné de F. le
Foulques le Jfeune, c. d'Anjou. 12, R. 50, 53, 69.
23, 26, 68-70, 81, 84-7, 91, 106; Gervais, fils ounev. d'Hild. 45, 46.
176, 182. Gibouin, archid. de Troyes. 189.
Foulques le Réchin, c. d'Anjou, 50- Girard, év. d'Angoul., lég. 17, 32»
3, 68, 91, 112; 212-3. 85, 95, 98, 103, 104, 107; 149, 156,
Fratrem illum. 118, 148. 156. 160, 176, 178.
Frotger. 36. Girard, év. de Séez, XII» s. 125.
Fuere qui. 119, l'tS, 157. Gislebert. 36
G. archid. liS, 156. Gislebert, or. de Tours. 5, 33, 78^
Gaimard, s. de Lavardin. 3. 8(>, 88, 90.
- *2ÎW —
Gislebert, c. de Laigle. Xi Henri ^^ r. d'Ang. i, 13, 17, 23-4,
Gosbert, fr. d'IIélie. 110. 58-9, 06, 69-70, 73, 84-5, 95,
Gratulor HonoriA[S,W2,mi,%^. 1(^-8,112-3; 148, 154,163, 171,
S. Grégoire le Grand. 225, 246-7. 182, 202, 208-13, 218, 267, 283-4.
Guarnier. 36. Henri V, emp. d'Ail. 78, 85 ; 164,
Guégon de Blain. 14, 109. 1(59, 214-7.
Guillaume I et II, abbés de S. Vin- Henri de Lausanne, hérés. 23, 74-
cent. 11, 15, 40, 67 ; 144, 176,249- 7, 81 ; 177, 193-0, 268.
51. Herbert, chan. de Tours. 104.
Guillaume, archid. d'Angers. 139, Iléremburge, fille d'Hélie. 50, 69,
140, 148, 154. 81.
Guillaume, chan. et verrier. 62. Hersent, mère d'Hild. 36.
Guillaume, év. de Winciiester. 14t), Hervée, ab. de Hedon. 98-9.
174, 274. Hildebert, chan. d'Angers. 39.
Guillaume, pr^ de Cliartres. 181-2, Hildebert, père. 35.
197. S. Hildevert, év. de Meaux. 48.
Guillaume Adeling, fils de H. I". Hildrin. 36.
84; 209. Hoël, év. du Mans. 4, 8, 21, 29, 40-
Guillaurae Boitvin (W. qui non 2, 57, 62, 78-80, 82.
bibit aquam), chan. du Mans. 76. Honorius II, p. 17-8, 8(î, 88, 90, 96,
Guillaume Ciiton. 23, 84. 98, 105-6; 121-2, 133-4, 156, 176,
Guillaume de Blazon, moine de 180, 182, 214.
Vend. 191. Horace. 281-2.
Guillaume deChampeaux.116, 141, Hubert, év. d'Angers, XII» s. 127.
143, 176, 187, 241-50. Hubert Chevreul, min. du c. du
Guillaume de Lonlay. 160-1. Perche. 15, 71-3; KiO.
Guillaume de Montfort, év. de Pa- S. Hugues, ab. de Cluny. 10, 18,
ris. 151. 37-8, 60; 133, 176, 186.
Guillaume de Passavant, év. du Hugues, doy. du Mans. 70, 73.
Mans, XIl« s. 20-1, 81. Hugues, lils de Robert. 3.
Guillaume la Mouche, chan. du Hugues I", ar. de Tours, XI» s.
Mans. 76. 127.
Guillaume le Roux, r. d'Angl. 15, Hugues II, ar. de Tours. 5.
2:«, 40-1, 48-58, 63, 70, 95 ; 134, Hugues III, ar. de Rouen, XII» s.
171, 21)2, 206-8. 125.
Guy ou Guiumar, ecol. de Salisb., Hugues de S. Calais, év. du Mans,
év. du Mans. 2, 4, 20-1, 45, .^7, X1I« s. 20, 21,57,83; 138.
78, 81, 83, 87, 98, 106 ; 149, 173, Hugues d'Oisseau, chan. du Mans.
170, 267. 76.
Ileldebert, moine à Cluny. 38. In adversis. 17, 1»2, 94 ; 120, 157,
Hélie, c. du Maine. 23, :i5, 40-2, 48- SU.
55, 58-9, 6:5, 60, œ, 110-3 ; 143, Jn lacrymis. N'est pas d'Hild. 123,
187, 289. • 134, 215-8, 278, 290.
p. iaa, 133, MO, i7t, ae,
37*.
Innocent II, |i, ((irôgoire ile S. Aii-
ge).5, 18, Hâ, 10(i-8; U2. 226.
Inregno. U'J, i77, 191-6, Î-2B-2:».
Inter amoi-etn.N'esl pas une lettre.
Intel- Camolentem. ISO. laa, lîi,
(76. 179.
In\-estituhbs. (Hild. et L. VI), 16,
m. (I,ePapeetremp.) 314-8, 3fi6.
tterare clatiiorcnt. 118, HO, 1iS5.
261.
Jean, Ciinl. lég. IS; lit), 16U.
Jean de Ci^me. card. lé^. 17. 86,
95; W*.
Jean le Maçon, moine de Vendô-
me. 16. 6t, 7!>-81 ; 191.
S. Jérôme. U», 253.
Jwunditatinihi. 110, 149, I7(i.
S.Julien, 1"êv. du MnnB. «I, (H,
78,81.
Jiwtiim SrIl'ox. 18. IIU, liri; I'2l1,
133,156, SJ4,218,
JuitumwMK. IIK. i/i8. i:<8. 118.
281.
LËniNS(at>b. de), (il. 112: W,.
Lieiord. 13B, ÏIB.
itlfeiw arfnoa. 17, toi ; 1», SZ-î.
LoG\UTËs Di' DIOCÈSE (I.e Mans,
Touraetlea mon. noncomprisi.
8-1*. M-i, 6*4, B7, I». 76: 151.
Loearum vtl lemporia. i 19, M?,309.
Louis VI, r. de Krancc. 16, 17, 33,
31, 68, 69, 73, 8t^, 88, 90.5, 101-
6; \hl, «i,
Metchum luum. 123. 126. 13iJ, VM.
no. 189. 274-5.
Manubchits tdea lettrée). 115-36,
139.1t9,lM. 183.193, 196-7.
Marbode, liv. denennes.31.39,7»;
131, I3!l. 1H1, 148, l5iM. 18:1-:ï.
l'NÎ, 215, 26U, iTl-3.
Malliieu, pr' de S.-M.-des-Cti. (â
Clunï) 177, 195-6.
Matliitde, remme de II. I". *i; 17;i.
197, «H, aOR-9, 257, 269.70,
.Mutliilde, lllle de P. le J., leninie
de(i. Ad. 84: 198, 201,909.
Miithilde, nile de 11. 1", Temme de
G. lo 11.1116:303.211-2.
Maarimum duco, 15, 38, 00, 61, 11)1.
I13;1I8,150, i70,18e.231, 2J«.
Meliia me. 119. 149, 330, 335.
Monnaie byzantine 247.
Ne lel deeim. 119, iiS. 155,363.
Nicolas, clian. de TotirB. 17, 104 :
314, 318, 3aV
Nogent-le-Rolrou, V. Holrou.
Non diibitamuê. 17, 104 ; 120, 914.
Non paucia. 118, 142, 170, 179.
Nonpotuil. 118. «U, 18I.Ï37. 38(i,
Normand ItilKiiilc. 8.
Nota loqtwr. 1111, W9. 211, 232.
Notum te milif. V. r«(llM.
Noverit DiUctw. 130, 132, TO, SU.
318.
Nunguam felicitii. 121), 134, H4^,
3-29, aw.
Oilon, ab. de la Couture- 138,
Oduii de Sav., ab. de Foiitaine-les-
Bl. 108.
Œuvre* fiittsi\ altrili. ù H.'Ji); 124-
5, 174, 249.
Olivier, s. di; Ponichateuu. 13, <JH.
99.
Ovide. 67; 280-1.
Pascal. 161-2.
Pascal 11, p. 10. liO, 67, 77, 113;
142, 14.1. 169, 176, 179, 3ir>«, 366.
Paicha DoMini. 119, (77, Ift), 277.
Pavca bons. 118, 142, liS, 151-2.
ru)'en Audry, oban. du Mans. 76.
IMitw iicilra. 118, (•!«, 150. 366.
- 296 -
Pétronille, abbessedeFontevr.ifô. Haoul, s. de Beaumont. II, 50.
Philippe, fils de Louis VI. 17, 104. Raoul, vie. du Lude. il.
Philosophnsail.i», 105; 120,121, RaoulI«'.ar.deTours,Xl«s.91,102.
2i4, 289. Raoul II, ar. de Tours. 48, UO-U ;
Piœ et sanctm. 15, 40, 88; 13S, 144, 148, 150, 153, 156, 266.
176, 178. Reos tormentis. 118, i48, 159, 264.
Pierre le Vén., ah. de Cluny. 47; Rivallon, archid. de Nantes. 148,
195. V. Mathieu. 158.
Plerumque fit, 119, i49, 173. Robert. 172. Autre ? 208.
Plerumqiie humania. 123, 134, i77, Robert, év. de Lincoln. 149, 175-6.
198. Robert, év. de Nantes, XIl« s. 158.
Poésies dHild. 18, 43, 65-8 ; 116-7, Roger, év. de Salisb. 45 ; 149, 172,
240, 24;3, 255, 259, 261, 270-1 , 281 . 267.
V. aussi titres spéciaux. Robert, s. de Rellesme. 48-50, 54,
Ponce, ab. de Cluny. 195. 66, 73 ; 164.
Porro paucis. V. ConfidimuSj 124. Robert Couiteheuse, d. de Norm.
Potestali cedit, IP, i49, 160-1, 229. 23-4, 40, 49, 65, 66, 69 ; 253.
Prœsentinm Intores» 119, 148, 159, Robert d'Arbrissel. 183-5.
234, 268. Robert Pavon, de l'ég. du Mans. 13.
Prteter officium. 118, i77, 196. Roger I et II, c. de Sicile ; Roger
Promisnam Deatitudini. 119, i77, Bursa. 61, 111-3.
194. Rome (Rapports avec la cour de).
Pro Willelmo. 118, i49, 167. 18, 28, iœ, 105-8 ; 120-3, 132-3,
Pueris nostris. 123, 134, i49, 1()8, 214-18.
232. Home (Voyages à). 22-3, 59, 60, 74,
Quantis tribulationum. 17, 9b, 104; 76, 111-13 ; 164, 186, 254.
119, ^Î4, 265. Roscelin. 134-5, 176, 187, 192-3.
Quanto desiderio. N'est pas d'Hil- Rolrou, c. du Perche. 70-3; 159, 163.
debert. 136. Rotrou, év. de Lisieux, XIP s. 125.
Quantum liberalilatiA'20, il6, 182. Rotrou, s. de Montfort. 50.
Quod te Dominam. 119, i77, 199, .Soocrrfo» praweu/ m m. 119, i4^, 155,
201, 22<, 237, 270-1, 277, 279. S. Georges-du-Bois (abb. de). 3.
Quoties 7M«.120, i77,200,221, 277. 178.
Rainaud. ÎJ6. S. Martin (abb. de;. iK-2; 142-3,
Rainaud de Martigné, év. d'Angers, 179.
11, 16, 3:}, 78, 81, 88, 112 ; 148, S. Vincent (abb. de). V.Guill. et8-
150-5, 266-7, 272-3. 11, 110-11 ; 137-8.
Rainoud, m. anglais. 176, 189, 274. Salomon, frère d'Hild. ;I6.
Ralph Flambard, év. tie Dur- Salomon, parent de Marb. 7, 11;
ham. 149, 172, 2(i7. 153.
Raoul, doy. de l'ég. de Tours. 17, Salomon, s. de Lavardin. 35, 36-7.
18, ir)4 ; 132, 214, 218, 265. Salutare est, V. Eos qui. 197.
— 297 —
Sumson, év. de \Vorcester.l49, 171,
Sanclœ œnversationis. 110, 119.
i/êO, 167, 22i. 235, 2:i8, 276-7,281.
Savigny (al)b. de), i, 25, 86.
ScmiMS qf uidtfm. 23, 8i ; 119, 133,
i49, 15<M64, 231.
Semper fuit. 120, 14S, 228, 282.
Sénéque le philosophe. 219, 23543,
282-3.
Sententiam fjuam, 12i), 13i, i76y
187.
Serlon, êv. de Séez. 72 ; 149, 162^.
Sermons d'IHld. 18, 30, 37, 85, 86 ;
116, 119. 124-125, 2S9.
Sihenetibi. 120, i77, 197.
Sibylle, iille de F. le .1. 84.
Sicut de charisaimo. 18, 120, 2i4.
Sicut frequens. 15, 51-57, 112 ; 118,
U9, 160, 227, 289.
sicut parvUatem. 119, i49, 161.
Sicut reprUïiendœ. 116, 119, i77,
190.
Sicut Samtitatis. 119, i49,1()6, 200.
Sicut Seneca. 140, i40, 171, 283.
Sidoine Apol., év. de Clerm. V« s.
122-3.
Si fides. 1 18, i49, 165, 261, 264.
Simon. 175.
Simon Machaud, chev". 14.
Si vero 6M»iM20, i77, 191.
Succesaisse confitehor.i\% i49,175.
Snger (l'abbé). 175, SS2.
Symmaque. 283.
Térence. 201,234,282.
Thibaut, c. de Blois. 180.
ïhurstin, ar. d'York. 140, 149, 171.
Timeo charinsime. 119, 149^ 174,
2^19-20, 236, 274.
Tombeaux. 57, 64, 68.
Totum temihi. 120, 135, 176, 189,
260.
Transfretare tibi. 12:3, 134, SOj^, 211 .
Ulger, év. d'Angers. 95 ; 127, 148,
154-6.
Vniversis fidelibus. N'est pas d'IIil-
debert, 137.
Urbain II, p. 48, 92, 102 ; 138.
Urbain HI, p., XIII* s. 138.
Usti pariter (1). 119, 176, 177, 227,
237-8, 249-51.
Usu pariter (2). 120, IJfâ, 133, 2i4.
Virgile. 22, 74, 89; 158, 278-80, 284.
Virtuti r/ratulor. 45; 118, i49, 172,
207-8.
Vita B. M. jEgyptiacse, 67 ; 190,
285.
Vita S. Hwjonis. 18, 37, 3S ; 240.
Vitraux. 62, 78-80.
Vous ET Tu. 162, 170.
S. Yves, év. de Chartres. 15, 16,
31, 42-8, 56, 70, 72, 87, 93-4 ; 126,
129, 134, 140-3, 151-2, 162-3, 171,
174, 204, 202, 2(Î5, 269.
Zelum Legia. 1 19, i49, 109.
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PHOPOS.
PREMIÈRE PARTIE
VIE d'hildebert
CHAPITRE PREMIER (Introduction)
SOURCES DE l'histoire ET BIBLIOGRAPHIE
I. — Sources diplomatiques. Chartes originales, cartulaires, recueils de
copies. Tableau des actes datés où figure le nom d*Hildebert. 1
II. — Sources narratives. Œuvres d'Hildebert et de ses correspondants.
Lettres, sermons, poésies, etc 14
III. — Sources narratives. Chroniqueurs. Les Gesta, Orderic Vital,
chroniques anglaises, normandes, françaises 10
IV. — Bibliographie moderne. Baronius, Bayle, Le Corvaisier, Bon-
don net, Maan, Piolin. \j Histoire liltéraire. Hauréau, H.-Duperron,
P. de Déservillers 28
CHAPITRE II
HILDEBERT JUSQU'A LA MORT DU COMTE HÉLIE
I. — Naissance d'Hildebert. Ses maîtres. Il est écolàtre et archidiacre
au Mans (Km- 1096) 33
IL — Il est élu évêque (.\oël'l(l96) contre la volonté du comte du Maine,
de son suzerain Guillaume le Roux et d'un groupe important de cha-
noines qui essayèrent d'intéresser à leur cause Yves de Chartres.
Hildebert passe outre et se réconcilie avec le comte Hélie. . 41
III. — Hélie est fait prisonnier (10U8) ; expédition de Guillaume le
Houx dans le Maine. Le Mans occupé par les Angevins. Négociations
d'Hildebert. Hélie remis en liberté, à condition d'abandonner sa ville
— 300 —
à une garnison normande. II tente un coup de main qui échoue (101)9).
Hildebert, compronns et refusant de démolir la tour de la cathédrale
qui avait servi de bastion, est emmené par Guillaume en Angleterre.
Son retour. Mort de Guillaume (2 août 1100). Rentrée d'Hélie au
Mans 48
IV. — Voyage d'Hildehert en Italie. A son retour, il reconstruit la
maison capitulaire, fait rentrer les églises sous son autorité. Ses
démêlés avec GeofTroy de Vendôme. Bataille de Tinchebray. Ses
loisirs studieux et ses voyages 59
CHAPITRE III
FIN DE L'ÉPISCOPAT D'HILDEBERT
I. — Mort du comte Hélie ; avènement de Foulques V le Jeune, au
comté du Maine (1110). Rotrou, comte du Perche, captif de Foulques
au Mans, fait emprisonner Hildebert par son ministre Hubert (H12).
Liberation des prisonniers 68
II. — Hildebert, parti pour Rome, est rappelé pour confondre l'héré-
siarque Henri. 11 assiste â Télection de Calixte II à Reims (1119). Il
dédie la nouvelle cathédrale du Mans. Le monument, œuvre du
moine Jean. Fondation d'une foire en l'honneur de saint Julien. 73
m. — Hildebert édicté des règlements pour le trésor et pour le
Chapitre. Rupture des arrangements pris par Henri I*»" et Foulques V
pour l'avenir du Maine, et concile de Chartres, auquel assiste
Hildebert. 11 est élu archevêque Tours (1125) 82
CHAPITRE IV
HILDEBERT ARCHEVÊQUE DE TOURS
I. — Description de la Touraine. Droits du comte d'Anjou et du roi de
France 89
II. — Louis VI ayant désigné dos titulaires pour les charges de doyen
et d'archidiacre, Hildebert refuse de les recevoir (112(>-1128). H va
trouver le roi à Paris ; la régale confisquée 1>2
IH. — Concile de Nantes (oct. 1127), présidé par Hildebert ; réformes
adoptées pour la Bretagne. Hildebert à Redon ; réconciliation de
Téglise ' 96
IV. — A la mort de Baudry, archevêque de Dol (1130), Hildebert
demande au Pape qu'il refuse le pallium à son successeur. Histori-
que de la querelle entre les églises de Tours et de Dol. . . 100
V. — Hildebert se réconcilie avec la cour de France. Foulques, frère
du doyen Raoul, se saisit de la personne du chanoine Nicolas. Le
procès, intenté à Raoul, est évoqué à Rome ; assassinat de Raoul.
■ ■ ■ • t ^ ■ '■ ■ ^ .. ■ . ■ -- , --
— \m —
llildebert proteste contre Tabus des appels en cour de Rome. Ses
voyages au Mans 404
VI. — Mort d'Honorius (1130). Sur les instances de saint Bernard,
llildebert se décide en faveur d'Innocent II. Il érige Termitage de
Fontaine-les-Blanches en abbaye. Sa mort 106
SUPPLÉMENT A LA PREMIÈRE PARTIE
Note 1. Sur l'époque du sacre d'Hildebert 110
Note 2. Sur Tépoque du voyage d'Hildebert à Rome. . . . 111
Note 3. Tableau généalogique 114
DEUXIÈME PARTIE
LETTRES D'hILDB:BERT
CHAPITRE PREMIER (Introduction)
MANUSCRITS ET ÉDITIONS
I. — Énumération des manuscrits. Liste des lettres qu'on y rencontre.
Le petit morceau De Romanis est-il d'Hildebert ?. . . . 115
II. — - Chronologie des éditions. Beaugendre (1708). . . . 129
III. -— De l'authenticité des lettres : recensement définitif. Ajouter
d'après les manuscrits : Inter Carnotensemy Noverit Dileclio ; Cum
viderit. Supprimer dans Beaugendre : Qtianto desiderio, Universis.
Accepter d'après lui : Pim et sanctœy De mnlieref Sicut Serieca, 131
IV. — Classification des lettres. Ordre suivi dans les manuscrits, dans
les éditions et dans le présent travail 140
CHAPITRE II
EXAMEN HISTORIQUE DES LETTRES. LES DATES,
LES CORRESPONDANTS
I. — Première série. — Lettres concernant les rapports d'Hildebert avec
le clergé séculier (tableau). Attributions nouvelles ou peu connues,
à : Marbode, évêque de Rennes ; Ulger, évoque d'Angers ; Rivallon,
— 302 —
archidiacre de Nantes; Geoffroy, évoque de Chartres; Bernai d,
évèque de S. David ; Robert, évoque de Lincoln ; Guy, écolàtre de
SaUsbury 148
II. — Deuxième série. — Lettres concernant les rapports d'Hildebert
avec le clergé régulier (tableau). Attributions nouvelles ou peu
connues, à : Pascal II ; l'abbé de Bonneval ; Foulques le Jeune ;
Roscelin ; saint Bernard. Diverses, à : Geoffroy de Vendôme ;
l'hérésiarque Henri, le moine prieur Mathieu. Lettres de direction à
Adèle de Blois et diverses 176
III. — Troisième série. — Lettres concernant les rapports d'Hildebert
avec les maisons de Blois, d'Anjou et d'Angleterre (tableau). Attri-
butions nouvelles ou peu connues, à : Guillaume le Roux ; Geoffroy
le Bel 202
IV. — Quatrième série. — Lettres concernant l'histoire du Saint-
Empire et les rapports d'Hildebert avec la Papauté, la France, la
Bretagne (tableau). Attributions nouvelles ou peu connues, à: un
clerc ou prélat italien ; Etienne de Garlande ; Etienne de Montsoreau;
un prélat romain 214
CHAPITRE III
LES LETTRES AU POINT DE VUE DE LA GRAMMAIRE
ET DE LA LANGUE
I. — Le texte de Beaugendre. Fautes à effacer et petites rectifications
de détail d'après les manuscrits. Leçons plus conformes à la gram-
maire et à la raison 219
IL — La langue. Elle tend à devenir plus analytique et plus philoso-
phique. Alliances de mots latins qui représentent des associations
d'idées nouvelles , et caractère nouveau imprimé à des mots
anciens 233
CHAPITRE IV
PORTRAIT D'HILDEBERT D* A PRÈS SES LETTRES
I. — La lettre à Guillaume de Champeaux, point de départ pour expli-
quer les idées d'Hildebert. Après avoir félicité ce maître de ce qu'il
avait renoncé à l'enseignement par humilité, il lui conseille au nom
d'une charité supérieure de remonter en chaire. . . . , 241
IL — S'abstraire de la vie extérieure par un souci exagéré de la perfec-
tion est une faute. Lettre à l'abbé de S. Vincent, qui se plaignait de
la peine que lui donnait son administration. Il faut mener de front la
vie contemplative et la vie active. . 249
— 303 —
III. — Éviter, ainsi que les retraites et mortifications inutiles, les actes
d*une dévotion retentissante. Le pèlerinage n'est pas toujours de
circonstance; un comte d'Anjou a d'autres devoirs, et, pour qui
veut se consacrer à Dieu, sa piété s'exercera mieux à la méditation
des Livres Saints 251
IV. — Chrétien raisonnable et peu porté au sentiment mystique,
llildebert tire pourtant de l'Écriture une conception mystique du
monde. Il jouit, à la façon d'un grand seigneur dilettante, de la
supériorité que lui donnent sur le vulgaire ses hautes fonctions et Sa
position de savant 255
V. — Effets pratiques de cette science. Le Droit Canon. Opinions d'Hil-
debert sur le mariage, sur la Question. 260
VI. — - Hildebert homme d'action. Esprit avisé du politique. Sa clientèle;
les lettres de recommandation 266
VII. — Il se recommande lui-même à Adèle de Blois pour une chasuble.
Sa courtoisie à l'égard des femmes. La femme dans le De Qiieri"
monia 268
VIII. — L'ami. Lettres à Rainaud et Commeantium^ à récuser comme
témoignages d'amitié vraie. Lettres à Etienne et à Marbode. 272
IX. — Après les amis, les confrères en littérature. Congratulations réci-
proques. Critique littéraire d'après saint Paul. Figures poétiques
empruntées à la Bible et à l'antiquités 274
X. — Hildebert et les poètes anciens. Le philosophe Sénèque. Adapta-
tion au De Clementia. Consolation à Henri l^** d'après Sénèque. 278
Conclusion. — Hildebert opposé à l'exclusivisme de saint Ber-
nard 285
Concordance des numéros des lettres 28R
Addenda et emendaada. 289
Index alphabétique. 291
Extrait de la Revue historique et archéologique du Maine
Maïiicrs. — Typ. G. Flcury et A. Dangiii. -- 1898.
nLlbroJrii' A , l*lfiAUf>KT PII,S, rai-if,«S, nii; Bonaparte,
I
L* G*cta«ii:e |P.)| ttiiuioii rlvvu do I'ËcdI* dm Uinrle*. F.^m tiiatorii}!» sur l'IiMvI-
t»«a <tu Cunlauow. lluli'ltai giSfiAial «t Iw AugiHtliics titwplUlibrw, dupul» roi-ltjlan
lUHiu'i II l)i'*«luli>in, HVcc c-arl>ilHliv gi'nfiral. I" imrtiw : l'IiMet-Dini, ttfKl'ITaA.
IKKi. I ■•ol, Et. in-f, liitic).* 7 rr ai
Hanuel de paléographie latin* et trnavalaa du V • bu XTIU' «lèele
ïuivi il'im (ti.'lioiinaiiRdL-aalirûviationJi. p^r Mïurirt Pntu, UiLlialhccairc ^ U Bîlilii»
lli^itua NatÙMink, duor fJl fac-tJ'Kjfri mi pho(u'y('i«. Parit. ISIS, S* éJilioo, 1 irut.
In-B .arr*. hr.. i(l.iuch«. ..._.. . . . , 14 fc
Hoavean Bsenall de tacaUnllte d'Aoritarsa do XII' aa ZVU* alAda
iH»iiMci-il& bUof Ht ihinçuis) nccampagrii^s Ui; iroii««ri|ilii)n* par Umirio» fnm,
l>lt>tlotliA<-Jilr« A \» Bil>liaUiAiiu« NuIIhimIo. farls, iHOH, SS pludlos pb4lilt;piiiii«l
« li>xli» «Il iiii c*rton m4*, . . ■
ManneUda bibliographlv bintorlque. Us Aii:tiiiesilertiiMaw«diiEl
Cli.-V. U"slfn II H. Sli'iii, 1 ïol. In-B. lyli* w Lrili-, n. i»gn*,àc xiX-IÇlOOfl
là» France et la grand schiame d'OcoIdsat, pkr Kûi't Vttol*,
S toi, mJ**, x^x-*ll7-61llp.■lBe» , .
Haniiel prBtlqoa du BU)l)otM«elre- — Bilillnllijque» (>uUlques, Dibtlâ
univanillBii-cs, BiUiolhAijoositrid'iM. MiUiH'D'un texi^iM iIm tennii* d
â* D«s t<ab. Di-nrets. cU;. cuucainant los BitjtlotliAqua«jinlv#mlait«9. da 1£
fv Albert Usité, anduii ^liivi' ile t'ËuulD deii H^utca-Ëtutlfs, auua^ibliM
Sorhonoc. I rai. ûi-B carrû, SIM p., l l'Inn, tii llg. et uimiIjrcuKlaUea
(oik, non rogné, ._,....,, ,
LaohBlre, prnfMiiuiir iVlitatoIre du mnyvn flse A la rauultil ilei teUrw ^
nktolro (lu InsliliilloiM raonaii'^Iquw du lu Fnince «ou* lus (iniuiieit Cl
(im-naO). »■ 61iU«ii revim Cl «uitmeiiWe, 'i vol. m*, Xiv-a38 ul 378 pi
- Uiiihiin! <les iHehUillun* maiHiri:hi<[iie9 de la Fniiua «uut les prmien C
liiifmdru oUuuiinieiiU). éludes Kur l«« acW» d« Louia VU. »& )' isl,
avci: plancha lie Bvnnui he-ainill^,
Ouvrugo nuquul l'Ai^siléiVklv <lâs erHeiiOcs muraIeH «1 puliliqaMad
>riliit(iir« géniale.
~ Luulx VI lu Gru«, annulM de au vin i>t d« soh r^U |ICI6I-1I,{;|, ntco t
lion hUtOf'Qtie lUvoloiilM^ii. Ptrlt, ISIXI, f vol. Ih^ (eu ul 3fô peB<s,)
Raurieii' UiftoirK liliiraire ilii Maine, iiuuvcllo éiUUan. Taris, ISW-tft
in-ia ....,..,,.
— !.#< mdUngRc (iMiiques d'Ilililebitrl de Ltvjrdiu. Parla. 1883, 1 ««L ll^S.I
— Le* nuivr«* du Iluguei du Saint- Victor, tsaù crili'riie. PnrU, IM80, 1 wl, UhBlI
TviHiBTujihie de G. Klel'iiv ol A. Dangin. — Ifll